La drépanocytose ou anémie falciforme est une maladie génétique touchant les globules rouges. Elle constitue un véritable fléau et reste la plus fréquente des hémoglobinopathies affectant plus de 4% de la population mondiale. Sa prévalence sur le continent Africain atteint 5% à 7% de la population et sa fréquence est maximale en Afrique sub-saharienne (41) où elle constitue un véritable problème de santé publique. Au Sénégal, Les études épidémiologiques effectuées en milieu scolaire ont retrouvé une prévalence de 10% de porteur de l’hémoglobine S (28).
La meilleure connaissance de la maladie a entraîné d’incontestables progrès depuis trente ans tant au plan fondamental que clinique. Cette pathologie est caractérisée en autre par une légère hyper-agrégation érythrocytaire et une déformabilité érythrocytaire légèrement diminuée par rapport à des sujets à hémoglobine normale (HbA) (41). Ces anomalies pourraient être partiellement liées à un stress oxydant plus important chez les porteurs du trait drépanocytaire par rapport aux sujets à hémoglobine normale (41). Plusieurs stratégies thérapeutiques à base d’antioxydants ont été développées pour la prise en charge des conséquences pathologiques de la drépanocytose. (4). A ce sujet, des études menées au sein de notre laboratoire d’accueil ont permis de mettre en évidence les propriétés anti falcémiantes des feuilles de Adansonia digitata. C’est ainsi que nous nous sommes proposé de caractériser in vitro les propriétés anti falcemiante de la poudre de fruit de Adansonia digitata chez des drépanocytaires AS et des sujets drépanocytaires SS.
Définition
La drépanocytose, ou hémoglobinose S, ou sicklémie, ou encore anémie à cellules falciformes et parfois anémie falciforme, est une affection du sang d’origine génétique. Le mot drépanocytose vient du grec drepanon, signifiant faucille. Cette pathologie se caractérise en effet par une forme anormale des globules rouges(ou hématies), évoquant une faucille. L’hémoglobine est anormale et dite HbS (S pour sickle, faucille en anglais, qui a donné le nom de la maladie dans cette langue, sickle-cell disease), l’hémoglobine A étant la forme normale.
Epidémiologie
La drépanocytose ou sickle-cell anemia (SCA) a été décrite pour la première fois en 1910 par JB Herrick à Chicago aux USA chez un étudiant noir Jamaïcain. Elle est l’hémoglobinopathie génétique la plus répandue. Selon l’OMS on estime qu’environ 100 millions d’individus portent le trait drépanocytaire et qu’il naît chaque année au moins 100.000 enfants homozygotes SS dans le monde. Les migrations néandertaliennes et bantous de l’ère chrétienne expliquent selon H. Lehmann la répartition mondiale et africaine de la tare.
Physiopathologie
Rappel sur la structure de l’hémoglobine
L’hémoglobine est une protéine (chaîne d’acides aminés) complexe pigmentée située dans les globules rouges et responsable de la couleur rouge du sang des vertébrés. Elle est constituée de deux paires de chaînes de globuline (aspect tridimensionnel de globe, les plus grosses protéines du sang par opposition à l’albumine qui évoque étymologiquement le blanc de l’oeuf : albus en latin voulant dire blanc d’où albinos…) et de 4 molécules métallo organiques (tout ce qui est à base de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et d’azote) appelées hème ayant en leur centre un ion ferreux Fe2+ à l’état normal (ou ferrique Fe 3+ donnant la méthémoglobine pathologique), responsable du transport du dioxygène O2 par les globules rouges (hématies) destiné aux tissus des organismes vivants en vue des réactions d’oxydation indispensables à la vie. On parle ainsi du pouvoir oxyphorique (transport de dioxygène) de l’hémoglobine. Ceci correspond à la quantité de dioxygène (O2) qu’elle peut fixer. Cette valeur est d’environ 1,34 ml d’O2/g d’hémoglobine. On distingue des chaînes de globuline α, β, γ, δ. L’hémoglobine normale de l’Adulte est constituée de 2 chaînes alpha et de 2 chaînes bêta. Elle est symbolisée par HbA1 qui représente 98%, les 2% restants sont constitués d’hémoglobine HbA2 constituée de 2 chaînes alpha et de 2 chaînes delta. Chez le fœtus et le nouveau-né, on a deux chaînes alpha et deux chaînes gamma de globuline, c’est l’hémoglobine fœtale HbF, qui a la propriété d’avoir une plus grande affinité pour le dioxygène.
Polymérisation de l’hémoglobine et falciformation
Par une mutation ponctuelle du codon 6 du gène de la globine bêta du chromosome 11, une valine hydrophobe s’est substituée à la glutamine hydrophile dans l’hémoglobine falciforme HbS. Les globines étant entourées par un film d’eau, la présence d’un site hydrophobe crée un point de « collage » entre deux molécules d’hémoglobines voisines. Celui-ci s’établit entre la leucine 88 et la phénylalanine 85 d’une chaîne alpha d’une molécule d’hémoglobine et la valine 6 de la chaîne b de l’hémoglobine voisine, d’où création d’une structure cristalline en fibres.
En raison des interactions hydrophobes de l’HbS dans son état désoxygéné, les molécules d’hémoglobine se polymérisent et interagissent également avec la membrane des érythrocytes, formant ainsi les hématies falciformes. Celles-ci présentent une résistance mécanique et une élasticité amoindries, et mènent à l’occlusion vasculaire et à l’hémolyse (figure 9). Le porteur hétérozygote d’HbS, quant à lui, possède suffisamment d’HbA pour contrer la polymérisation dans l’état désoxygéné (5). Depuis quelques années, on sait comment les érythrocytes, dans un processus continu d’hémolyse, interfèrent avec le métabolisme du monoxyde d’azote (NO) de l’endothélium vasculaire.
L’hémoglobine drépanocytaire HbS présente une mutation ponctuelle dans le sixième codon du gène de la globine bêta sur le chromosome 11, substituant la valine hydrophobe à la glutamine, qui est un acide aminé hydrophile. A l’état désoxygéné, les molécules d’HbS se polymérisent et mènent à la formation d’érythrocytes falciformes, dont la moindre résistance mécanique favorise la vaso-occlusion et l’hémolyse (28).
L’interaction des globules rouges SS avec l’endothélium vasculaire
L’adhésion des hématies aux cellules endothéliales déclenche des crises, souvent répétées. Le concept d’interaction entre drépanocytes et endothélium a été avancé (41), suggérant un lien entre la nature inflammatoire de la drépanocytose et l’état microvasculaire. L’hypoxie ou un état inflammatoire, augmente les interactions à caractère adhésif dans le complexe endothélium-leucocytes-érythrocytes à l’étage post-capillaire, amorçant l’occlusion.
La forme et la rigidité des érythrocytes drépanocytaires sont tenues responsables des occlusions microvasculaires sans que n’existe pour autant une corrélation entre l’expression clinique et la présence de globules falciformés (9). Le drépanocyte pourrait adhérer plus à l’endothélium que les globules normaux: sur les plaques de culture les globules normaux sont distribués au hasard, alors que les drépanocytes se groupent autour des cellules endothéliales. L’adhérence du drépanocyte augmente considérablement avec la densité cellulaire, phénomène qui s’expliquerait par l’accumulation de dommages membranaires en cours de vieillissement (19). Les drépanocytes adhèrent aux groupes de cellules endothéliales confluentes.
Dans la micro circulation, cette attraction peut prolonger le temps de passage des globules, favoriser l’hypoxie et amorcer le « sickling » (30). L’augmentation de la concentration en AMP intracellulaire accroît l’adhésion des GRs SS, sans affecter les globules normaux. Parmi la famille ICAM de protéines adhésives, ICAM-4est unique dans son expression sur les cellules rouges. ICAM-4 s’attache à un réseau d’intégrines, plusieurs αV intégrines, β2 intégrines et α4β1 intégrines, suggérant de multiples fonctions pour cette molécule d’adhésion.
Divers processus, en particulier la liaison du NO avec l’HbS et l’arginase libérées dans le plasma après l’hémolyse, peuvent entraîner une forte chute de concentration de NO dans le système vasculaire. Comme le NO synthétisé par l’endothélium agit sur la musculature vasculaire lisse comme un puissant facteur de vasodilatation physiologique et d’inhibition de l’activation des thrombocytes, les basses concentrations de NO peuvent induire une vasoconstriction d’origine biochimique et une activation thrombocytaire accélérée chez le patient atteint de SCA .
Causes et effets de l’activité biologique réduite du NO dans l’endothélium, induite par l’hémolyse
L’hémoglobine libre et l’arginase libérées par l’hémolyse se répandent dans le plasma. La liaison de l’hémoglobine libre au NO est environ 1000 fois plus forte que celle de l’hémoglobine intracellulaire. L’arginase dégrade l’arginine nécessaire à la synthèse du NO. De plus, le taux accru de xanthine-oxydase et de NADPH-oxydase (libérées par les hépatocytes nécrosés) dans le plasma y entraîne des concentrations élevées de radicaux d’oxygène, dont la réaction avec le NO produit du nitrite et du nitrate. La combinaison de ces processus provoque une forte chute de la concentration de NO. La réduction de la concentration du vasodilatateur NO dans les vaisseaux conduit à une vasoconstriction qui, au niveau clinique, peut à son tour entraîner l’infarctus cérébral, l’hypertension pulmonaire, le priapisme ou l’ulcération (20).
La crise vaso-occlusive et ces conséquences
Au cours de la drépanocytose, les globules rouges prennent une forme anormale de faucille. Cette déformation les rend rigides (alors qu’ils sont souples etdéformables normalement) : ils peuvent former des « bouchons » et obstruer les petits vaisseaux sanguins dans lesquels les globules rouges normaux circuleraient sans problème. En empêchant le sang d’irriguer correctement les organes et donc de leur apporter suffisamment de nutriments et d’oxygène, ces obstructions sont responsables de crises vaso-occlusives. Selon le lieu de l’obstruction, les organes qui ne sont plus ou mal irrigués sont différents :
– lorsqu’un os est touché : si l’obstruction est trop longue, l’os est privé d’oxygène pendant trop longtemps et des lésions irréversibles apparaissent : on parle d’infarctus osseux ou d’ostéonécrose. A terme, et si la zone touchée est proche d’une articulation, l’ostéonécrose peut entraîner une déformation de l’articulation ce qui conduit à l’arthrose.
– lorsque les vaisseaux des os des mains et des pieds sont bouchés, cela provoque le syndrome pied-main.
– Lorsqu’une ou des artères des poumons sont bouchées (thrombose artérielle pulmonaire), cela provoque le syndrome thoracique aigu. Celui-ci peut également apparaître suite à une infection (surtout chez l’enfant), ou à la combinaison d’une obstruction des artérioles et d’une infection. Ce phénomène est une complication grave de la maladie car les poumons n’exercent plus efficacement leur fonction qui est de fournir de l’oxygène à tous les organes du corps. (41)
– lorsque les vaisseaux qui amènent le sang au cerveau sont obstrués, ce dernier n’est plus assez oxygéné ce qui peut provoquer des accidents graves, appelés accidents vasculaires cérébraux (AVC) ou « attaques cérébrales ».
Ces AVC peuvent correspondre à un arrêt de la circulation dans le cerveau (ischémie). Les manifestations sont souvent transitoires lorsque le vaisseau obstrué se débouche rapidement (on parle d’accident ischémique transitoire). Mais les AVC peuvent aussi être dus à la rupture d’un vaisseau du cerveau (une hémorragie cérébrale) .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: Rappel Bibliographique
Chapitre I : Généralités sur la drépanocytose
I. Définition
II. Epidémiologie
III. Physiopathologie
III.1. Rappel sur la structure de l’hémoglobine
III.2. Polymérisation de l’hémoglobine et falciformation
III.3. Interaction des globules rouges SS avec l’endothélium
III.4. La crise vaso-occlusive et les conséquences
IV. Diagnostic
IV.1. Signes cliniques
1.1- Drépanocytose hétérozygote
1.2- Syndrome drépanocytaire
1.2.1. Drépanocytose homozygote SS
1.2.1.1 Manifestations aigues
1.2.1.2. Manifestations chroniques
1.2.2. Autres syndromes drépanocytaires majeurs
IV.2. Signes biologiques
2.1- La numération formule sanguine
2.2- Test d’Emmel
2.3- Electrophorèse de l’hémoglobine
2.4- Iso focalisation électrique
V. Cas particulier de la femme enceinte et du nouveau-né
V.1 La femme enceinte drépanocytaire
V.2. Le nouveau-né drépanocytaire
VI. Traitement
VI.1.Medecine moderne
VI.2. Stratégies thérapeutiques à base d’extraits de plantes
Chapitre II : Revue bibliographique sur Adansonia digitata
I- Systématique de Adansonia digitata
II- Origines
III- Habitat et distribution
IV- Cycle de végétation
V- Caractères botaniques
VI- Usages du Baobab
VI.1. Ecorce du tronc
VI.2. Bois
VI.3. Rameau feuillé
VI.4. Feuilles
VI.5. Racines
VI.6. Fruits
VI.7. Coque vide
VI.8. Farine de la pulpe
VI.9. Graine
VII. Chimie de Adansonia digitata
VIII. Pharmacologie de Adansonia digitata
IX. Donnés toxicologiques
DEUXIEME PARTIE: Travail experiental
Méthodologie générale
I. Cadre d’étude et objectif
I.1. Cadre d’étude
I.2. Objectif de l’étude
II- Matériel et réactifs
II.1. Matériel végétal
II.2. Matériel expérimental
II.3. Les prélèvements sanguins
II.4. Les réactifs utilisés
III. Méthodes d’études
III.1. Extraction
III.2. Mode opératoire
III.3. Etudes de l’activité anti falcemiante
Résultats
Discussions
CONCLUSION
Références bibliographiques