Pollution ou contamination des sols par les métaux lourds
Depuis la révolution industrielle au XIXème siècle, les métaux occupent une place prépondérante dans l’activité économique mondiale. Les industries du fer, de l’acier, de l’aluminium et du cuivre ont majoritairement contribué à notre développement technologique, à travers la conception d’outils et de machines de plus en plus sophistiqués, eux-mêmes permettant ensuite la fabrication de produits toujours plus évolués. Les industries d’extraction et de transformation des minerais sont naturellement soumises aux impératifs économiques de productivité et de rentabilité, de même que celles qui les utilisent pour la fabrication de produits à plus haute valeur ajoutée. Mais ces activités sont également la source de pollutions importantes de l’environnement par les métaux lourds, qu’il s’agisse de l’air, de l’eau, des sols, voire directement des êtres vivants.
Définitions d’un sol pollué ou contaminé
Le sol constitue une interface entre la roche, l’atmosphère et l’hydrosphère. Il s’est formé à partir des roches et comprend des constituants secondaires minéraux ou organiques dotés de propriétés spécifiques. Les ETM présents dans les roches, se concentrent au cours de la pédogenèse dans certains horizons et constituent des stocks, appelés fonds pédogéochimiques, qui préexistent dans le profil avant toute intervention humaine. D’après Baize [23], le fond pédo-géochimique naturel local résulte de phénomènes naturels géologiques et pédologiques. Nonobstant, il est indispensable de bien différencier la part des ETM qui est naturelle (géogène), constituant le fond pédo-géochimique local, de celle qui résulte de contaminations d’origine humaine (anthropogène). Les métaux provenant d’apports anthropiques sont présents sous des formes chimiques assez réactives et entraînant de ce fait des risques très supérieurs aux métaux d’origine naturelle qui sont le plus souvent immobilisés sous des formes relativement inertes. Différentes définitions explicitant ce qu’est un sol pollué sont présentes dans la littérature. D’après Juste cité par Baize [23], le terme « contamination » doit être employée pour les sols lorsqu’il y a des apports anthropiques importants mais sans effet apparent pour l’environnement. Par contre, il préconise le terme « pollution » lorsque des apports liés à des activités humaines ont des effets négatifs visibles sur l’environnement. A la notion de contamination on peut associer deux idées : ❖ un accroissement des teneurs suite aux activités humaines, locales ou générales, ❖ et un accroissement du risque de nuire aux fonctions des sols naturels.
Pour Ramade [24], le contaminant est un polluant présent à des quantités décelables dans l’environnement. Pour Rivière [25], le polluant est défini comme un élément dangereux susceptible de présenter un risque pour les milieux et les organismes vivants. Les termes « polluant » et « contaminant » sont la plupart du temps synonymes, et dans la suite de ce mémoire, on emploiera indifféremment l’un ou l’autre. En outre, il faut apprendre à gérer ces éléments sur le moyen et long terme, dans des milieux comme l’eau qui font partie du patrimoine national. Des normes fixant les teneurs limites en métaux lourds dans les sols ont été définies dans divers pays (Italie, Allemagne, Pays Bas, Suisse, Canada, …) .
Modes de transport des polluants vers les sols
Les ETM (Eléments Traces Métalliques) sont transportés vers les sols selon deux processus [26,27]. Le premier, concerne les retombées sèches ou humides. En effet, depuis l’ère industrielle et le développement des transports, les apports atmosphériques se sont notablement amplifiés.
D’une part, le vent et l’atmosphère transportent des apports diffus aériens d’origine lointaine ou encore massifs localisés d’origine proche. Ces apports sont déposés de façon régulière et peuvent être absorbés directement par les plantes, mais la majorité pénètre dans les sols à partir de la surface. D’autre part, les eaux de pluie lessivent l’atmosphère et solubilisent les ETM avant de tomber sur les sols. Puis intervient un second processus lié au lessivage des surfaces imperméabilisées par le ruissellement des eaux pluviales. Il est communément considéré comme le plus important. Une part de la pollution accumulée sur la chaussée est mise en solution dans les eaux de ruissellement ou entraînée par arrachement.
Mécanismes de fixation et de relargage des ETM dans les sols
Cependant, les métaux se répartissent dans les sols sous des formes variées. On les trouve sous forme échangeable dans les argiles et la matière organique qui leur permet d’être absorbés par les plantes, sous forme de complexes ou associés à des molécules organiques.
Ils peuvent être inclus dans des phases cristallines ou directement adsorbés sur des particules d’oxydes ou d’hydroxydes de fer, d’aluminium et de manganèse. Enfin, ils peuvent être retenus dans les restes d’un organisme vivant qui les contenait. La forme des métaux dans les sols dépend de manière dynamique de leur composition minéralogique, des conditions de salinité, de pH, d’oxydo-réduction, de la granulométrie du sol, de sa teneur en eau, de la présence de ligands en solution et de micro-organismes. Tous ces facteurs influencent la solubilisation des métaux ou au contraire, leur précipitation ou leur adsorption [28,29]. Les interactions entre les différents compartiments du sol ont lieu par l’intermédiaire de la solution du sol qui transporte les métaux sous toutes leurs formes, solubles ou particulaires. La forme sous laquelle les éléments traces sont présents dans le sol conditionne leur mobilité et leur biodisponibilité, deux paramètres extrêmement importants pour évaluer leur impact toxicologique. En résumé, plusieurs mécanismes physico-chimiques de fixation et de relargage interviennent au cours des transferts de la phase solide vers la phase liquide et inversement : l’échange ionique (ou adsorption non spécifique), l’adsorption spécifique (complexation de surface) sur les phases minérales, la complexation avec la matière organique et la précipitation et la co-précipitation (figure I.3). La solubilité des métaux dépend de leur réactivité à l’interface solide-liquide.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LA POLLUTION DES SOLS
I.1. Le sol
I.2. Les métaux lourds
I.3. Pollution ou contamination des sols par les métaux lourds
I.3.1. Définitions d’un sol pollué ou contaminé
I.3.2. Modes de transport des polluants vers les sols
I.3.3. Mécanismes de fixation et de relargage des ETM dans les sols
I.4. Le transfert des ETM de la surface du sol vers les nappes souterraines
I.4.1. La zone non saturée
I.4.2. La zone saturée
I.5. Spécificités de la pollution par les métaux
I.6. Toxicologie des métaux lourds
CHAPITRE II : ETUDE DU CHROME ET DE SES COMPOSES
II.1. Introduction
II.2. Les composés du chrome
II.3. Propriétés physico-chimiques du chrome
II.3.1. Propriétés physiques
II.3.2. Propriétés chimiques
II.3.2.1. Chrome trivalent Cr(III)
II.3.2.2. Chrome hexavalent C(VI)
II.4. Origine et source du chrome dans l’environnrment
II.4.1. Source naturelle
II.4.1.1. Dans le sol
II.4.1.2. Dans les eaux
II.4.1.3. Dans l’atmosphère
II.4.2. Source industrielle
II.5. Applications industrielles
II.5.1. Métallurgie
II.5.1.1. Alliages ferreux
II.5.1.2. Alliages non ferreux
II.5.1.3. Industrie réfractaire
II.5.2. Industrie chimique
II.5.2.1. Le tannage
II.5.2.2. Les colorants (pigments, teintures)
II.5.2.3. Le chromage
II.6. La toxicité du chrome
II.6.1. Chez les micro-organismes
II.6.2. Chez les végétaux
II.6.3. Chez l’homme et les animaux
II.6.3.1. Effets aigus
II.6.3.2. Effets respiratoires
II.6.3.3. Effets dermatologiques et oculaires
II.6.3.4. Effets sur la reproduction
II.6.3.5. Autres effets non cancérogènes
II.6.3.6. Effets cancérogènes
CHAPITRE III : TECHNIQUE DE TRAITEMENT DU CHROME
III.1. Classement des techniques de traitement
III.1.1. Classement en fonction du lieu de traitement
III.1.2. Classement en fonction du devenir des polluants
III.1.3. Classement en fonction de la nature des procédés employés
III.2. L’atténuation naturelle du chrome hexavalent
III.2.1. La géochimie du chrome
III.2.2. L’oxydation du chrome trivalent
III.2.3. La réduction du chrome hexavalent
III.2.3.1. Réduction par le fer(II)
III.2.3.2. Réduction par la matière organique
III.2.3.3. Réduction biologique
III.3. La réduction chimique in situ (ISCR)
III.4. La réduction chimique de Cr(VI) par le nZVI
III.4.1. Synthèse de la nanoparticule nZVI
III.4.2. Structure de la nanoparticule de nZVI
III.4.3. Réaction des métaux lourds avec le nZVI
III.4.4. Réaction du chrome avec le nZVI
III.4.5. Facteurs influençant la réactivité de nZVI
CONCLUSION GENERALE