Politisation et orientations contradictoires de la réforme du Fokonolona de 1972 à 1975

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La réforme du Fokonolona dans la période coloniale

La connaissance des sociétés indigènes devait permettre aux colonisateurs de réaliser avec efficacité la « politique des races » selon laquelle chaque groupe ethnique doit être gouverné avec ses propres chefs et dans le cadre deses institutions.
L’étude de la société de l’Imerina a mis en évidencle rôle de l’institution sociale de base, le fokonolona. Celui-ci présentait plusieurs sujets d’intérêt aux yeux de Galliéni. Non seulement revitaliser les institutions de base communautaire pouvait contribuer à affaiblir définitivement ce qui subsistait de l’ancienne administration royale, mais aussi ces institutions étaient vue comme pouvant mobiliser directement le potentiel de main d’oeuvre local au profit des objectifs de l’administration coloniale.
Galliéni misait sur le fokonolona comme représentan d’une institution d’apparence démocratique qui devait lui permettre de recruter la population fraîchement libérée de son statut servile, les esclaves. L’autorité coloniale comptait ainsi utiliser ces populations affranchies, car elle était confrontée au problèmed’une insuffisance de main-d’oeuvre. Celle-ci était inégalement répartie et la mobilisation uned’ main d’œuvre importante restait un problème majeur pour la colonisation française comme pendant l’époque royale.
C’est dans ce contexte de crise provoquée par l’invasion française, par la volonté du pouvoir colonial de démanteler ce qui restait du pouvoir merina, et par son souci de mobiliser la force de travail, que le fokonolona fut considéré comme l’institution clé pour assurer tous ces objectifs.
Le décret du 9 mars 1902 porta sur l’organisation de l’administration indigène en Imerina, et à travers ceci, Gallieni redéfinit le fonctionnement du fokonolona.
Les populations sont rassemblées dans des unités territoriales de base, les fokontany, ces derniers étant regroupés eux-mêmes en cantonsLe. pouvoir colonial établit un rapport étroit entre fokonolona et fokontany. Le fokontany devient la base de l’organisation territoriale. Il est conçu sur une base territorial e, et il regroupe des populations qui n’ont pas forcément de lien parental commun, mais qui sont par contre liées par la responsabilité collective. Le fokonolona se confondit désormais avec le quartier, et devint la première cellule administrative. L’idée du pouvoir colonial était que l’élargissement du territoire du fokonolona, à partir de la fusion de plusieurs vill ages en un quartier pousserait la population à s’identifier non plus par rapport à son origine mai s au quartier auquel elle appartenait, et se soumettre administrativement aux colonisateurs.
Le chef de quartier, le « mpiadidy », élu par la population, détient non seulement le rôle d’agent de transmission des ordres émanant des instances supérieures mais encore de représentant des habitants, dont il est supposé pouvoir formuler les aspirations. Ainsi, le fokonolona ne se définissait plus par rapport à son clan d’origine ou dème, mais à l’ensemble de la population habitant un quartier ou fokontany, en gardant à sa tête les mpiadidyet les ray aman-dreny, les notables locaux du village.
Avec cette réforme, le pouvoir colonial français veut combiner contrôle territorial et contrôle communautaire. Le découpage territorial est donc plus affirmé qu’à l’époque royale, où le pouvoir se contentait d’affirmer ses emprises sur les fokonolona ruraux historiques.
La législation nouvelle attribuait au fokonolona dans un fokontany la notion de responsabilité collective dans la mesure où elle s’exerçait au profit du régime colonial. Le fokonolona devait s’engager à assurer la sécurité ntérieure de la collectivité, la police, la justice, ainsi que de la bonne marche des activités économiques et sociales, rôle qu’elle détenait déjà du temps du royaume Merina.
Dans le nouveau système, les obligations à l’égard de l’administration coloniale passent avant tout. Les chefs ou ray aman-dreny sont à la fois les représentants officiels du fokonolona devant l’administration coloniale, et les intermédiaires entre l’autorité coloniale et la population. Toutefois, ils ne possédaient aucun pouvoir de décision, mais exécutaient et transmettaient aux membres de la communauté les ordres provenant de l’administration coloniale.
La bonne marche des activités économiques et sociales incombe au fokonolona, à travers les différentes tâches qu’elle entraîne : construction et entretien des voies de communication, travaux relevant de l’infrastructure économique et sociale (aménagement hydrauliques, création des rizières, édification etentretien des bâtiments publics d’intérêt social et administratif).
Mais la réorganisation du fokonolona et son imposition comme unité historique de base avait avant tout un objectif de mobilisation des ressources humaines et fiscales.
De ce point de vue, les résultats furent immédiats,puisque la corvée imposée aux collectivités locales permit de développer rapidement l’infrastructure routière et ferroviaire. Les conditions de travail étaient très dures pour esl Malagasy par rapport aux travaux d’entretien et de construction des canaux et digues, auxquels ils étaient habitués depuis des siècles.
Toutes les infrastructures étaient à moderniser à c ause des obstacles souvent difficiles à surmonter faute de moyens adéquats et performants ; à savoir le relief accidenté, plaines marécageuses, climat insalubre, cyclones dévastateurs, auxquels s’ajoutent la faiblesse des ressources et la rareté de la main d’oeuvre.
Le désenclavement des régions par la construction ud réseau routier dès 1901 et du chemin de fer avait permis de faciliter le contrôle politique, mais aussi de relier les différentes zones de production situées sur les principaux axeset d’accroître les échanges, au bénéfice de l’économie coloniale mise en place.

Etat des lieux après l’indépendance (1960 à 1975)

L’indépendance politique de Madagascar ne se tradui pas automatiquement par l’indépendance économique, car l’économie fonctionnait comme celle de l’ancienne colonie et dépendait entièrement de l’extérieur : 65% des ntreprises étaient entre les mains des Français, 16% entre les mains des Indiens, les autr es étrangers intervenaient pour 5% et le capital privé ou public ne participait que pour 5%, soit 7,61 milliards de Fmg sur 146,9 milliards2.
De l’indépendance jusqu’à la chute de la Première République en 1972, Madagascar a connu un essor économique, certes modeste, mais qui l’engage dans la voie de l’industrialisation. La forte croissance industrielle a soutenu le PIB (Produit Intérieur Brut) qui a augmenté de plus de 3% par an et de 0,66 parhabitant et par an, soit 7,2% en onze ans.

Politisation et orientations contradictoires de la réforme du Fokonolona de 1972 à 1975

Après avoir connu ce que Georges Balandier appelle par « les transformations par l’intérieur des institutions traditionnelles » , le fokonolona marginalisé de 1960 à 1972, est remis à l’honneur dès 1973 et va connaître avec l’o rientation socialiste une modification fondamentale. Le programme de réforme rurale du Colonel Richard Ratsimandrava, ministre de l’Intérieur de cette période transitoire reposait sur les fokonolona en tenant compte des aspirations des paysans.
L’ordonnance du gouvernement en place à la date du 24 mars 1973 préconise que le but de la réforme des structures rurales est la maîtrise populaire du développement. Implicitement, elle exige que la population rurale contrôle dans une large mesure sa vie quotidienne et puisse prendre les décisions la concernant. Les communautés villageoises, fokonolona, constituées par la population qui vit et travaille dans le village et toute personne âgée de plus de 18 ans auront le droit de représentation. Les décisions seront prises à l’unanimité. Les membres des fokonolona sont seuls à pouvoir statuer sur l’organ isation de l’agriculture, sur le commerce et la justice civile dans leur fokontany, en dehors de tout contrôle administratif. Les fokonolona gèreront leurs budgets locaux et auront le droit d’établir leurs propres statuts légaux ou « dina »et d’assurer la sécurité à l’intérieur des villages. Pour couronner le tout, ils éliront leurs représentants aux assemblées locales, régionales, nationales. Cette réforme implique certainement la responsabilisation des populations rurales.
Dans sa tournée à Fandriana, Richard Ratsimandrava a fait un discours dont l’extrait stipule le rôle du fokonolona : « La colonisation qui a duré soixante dix ans a détruit nos eusses et coutumes. Le fokonolona en sera le remède. L’amour de la patrie sera revitaliser. Le dialogue sera le moyen de communication entre le petit peuple et les dirigeants. ».
Ratsimandrava a été le seul dirigeant à se prononce pour que les paysans puissent se prendre en mains et diriger leurs propres affaires. Les communautés serontmême libres de s’exprimer culturellement de façon autonome, de s’organiser politiquement à leur gré et de choisir les options de développement qui leurconviennent. C’était donc une réforme radicale, dumoins en théorie, mais dont l’orientation a suffi à la faire désigner comme « populiste » par de nombreux auteurs. Désigné à prendre la tête de l’Etat par le président Gabriel Ramanantsoa au début du mois de février 1975, le colonel Ratsimandrava a ét assassiné le 11 février, soit cinq jours après son arrivée au pouvoir. Au moment de son assassinat, les nouvelles structures avaient déjà été appliquées au premier niveau, celui des llagesvi. Elles devaient encore être étendues progressivement aux assemblées de canton ou « firaisam-pokonolona », à celles du district ou « fivondronam-pokonolona », de la province ou « faritany » et de la nation ou « firenena ». Chacun de ces niveaux avait la même liberté de choix et la même autonomie que le fokonolona de base par rapport au gouvernement national. Des structures comparables devaient également être introduites dans les villes.
Le programme de Ratsimandrava a fait pour la première fois, le pari que la population rurale pourrait être amenée à croire en la bonne foi du gouvernement et accepterait l’offre qui lui est faite de se transformer, de travailler et de produire, en échange de la reconnaissance d’une large autonomie. Les contacts et échanges entre Ratsimandrava et les populations, durant ses tournées officielles dans toutes les régions de Madagascar, lui ont permis de mieux connaître les besoins de la population et ses aspirations, et d’élaborer son programme en fonction de ces besoins.
Nul ne peut dire ce que cette réforme aurait pu donner si elle avait été réellement appliquée. Il est peut être injustifié de la qualifier seulement de populiste, du moins dans le discours du Colonel Ratsimandrava. Ce dernier appartenait à une génération de militaires intellectuels et progressistes qui avaient, à Madag ascar comme ailleurs, une vision assez idéaliste de la politique et pensait régénérer ce-llci grâce à l’établissement d’un pouvoir populaire. De toute manière cette tentative éphémère a été une reconnaissance explicite du rôle historique du fokonolona comme lieu de constru ction des institutions populaires du développement local.
Si la réforme avait été exécutée, il est probableu’elleq aurait donné aux « acteurs du bas » un pouvoir réel et direct sur leurs propres affaires, et en même temps elle aurait diminué le pouvoir du gouvernement central et des partis politiques. Si elle n’était pas une manoeuvre populiste, elle aurait de toute manière provoquée rapidement des contradictions et des conflits avec la forme d’Etat mise en place depuis le royaume Merina et la période coloniale. En courte période, elle a contribué à entretenir un climat d’incertitude politique.
Une grande partie du monde politique était opposéeà cette réforme qui, en théorie, remettait en cause radicalement la structure de l’Etat.
A moins de trois mois après la mort du colonel Ratsimandrava, le capitaine de frégate Didier Ratsiraka, devenu chef d’Etat a élaboré un utrea programme de réformes dans une période de désordre politique. A son arrivée au pouvoir en décembre 1975, Didier Ratsiraka a promis de réformer l’armée et de créer une armée pulaire,o de poursuivre la diplomatie « tout azimut », c’est-à-dire, suivre une politique active de non-alignement vis-à-vis de l’extérieur, de respecter les demandes de la gauche et de promulguer lui-même une réforme des structures rurales similaires à celle de Ratsim andrava, et enfin d’introduire un programme de décentralisation des institutions nationales etde l’administration.

Choix politique de Didier Ratsiraka et comparaison avec celui de Ratsimandrava

La politique de Didier Ratsiraka allait renverser les priorités, en mettant la réforme des fokonolona en second plan, alors que la décentralisation aurait dû être une conséquence implicite de la réforme des fokonolona. Selon le programme de Ratsiraka, cette dernière devait s’introduire à l’intérieur d’une réforme plus large.
La réforme des fokonolona, réforme de base pour Ratsimandrava et sur laquelle toutes les autres seraient greffées, était secondaire sousRatsiraka. Le projet de Ratsimandrava a été profondément transformé par le fait que Ratsiraka adécidé d’utiliser l’armée populaire pour faire travailler les fokonolona. Il a décidé d’unifier l’armée de terre et la gendarmerie pour atteindre cet objectif dans une seule force, sous une seule commande, celle du responsable de la défense du pays. En même temps, il proposa de tirer le service civique de l’Armée de terre, d’augmenter son effectif, de la doter d’un c orps d’officiers indépendants appelé plus tard « Armée de développement ».
La nouvelle « Armée populaire » éduquera, organiser et dirigera les paysans et sera à la base de la coordination du plan national du développement. L’armée populaire dans les communautés rurales devient en même temps agent derenseignement du régime sur l’état d’esprit des campagnes, afin de les mobiliser contre tout courant d’opposition ou les contrôler si jamais ils veuillent se soulever. Avec la redéfinition du rôle de l’armée, la différence d’orientations qui préside aux deux réformes des structures rurales, apparaît clairement. La réforme de Ratsiraka renforçait en fait le pouvoir de l’Etat central sur les collectivités paysannes et voulait mobiliser celles-ci pour servir les objectifs politiques et économiques de l’Etat. La réforme des fokonolona projetée par Ratsimandrava et la réforme des structures rurales inclues dans le programme de Ratsiraka étaient donc inspirées par des visions très différentes du monde rural et de la paysannerie, même si Ratsiraka affirmait que ses idées de réformes des structures rurales étaient proches de celles de Ratsimandrava. En réalité il n’a jamais été en accord avec ce dernier sur la réforme des fokonolona, car bien qu’il considérait la nécessité de la réforme, il doutait de la viabilité du projet du ministère de ’Intérieurl. Pour lui, Ratsimandrava confiait trop de responsabilité, trop de pouvoir au fokonolona, unité politiquement inexpérimentée et économiquement trop petite. En d’autres termes, Ratsiraka se méfiait de la confiance accordée au fokonolona.
Pour améliorer la production et le système de production, Ratsiraka croyait que la politique de production au niveau des villages devait être dirigée, alors que Ratsimandrava tenait compte de la tradition paysanne de résistance passive dans les villages en face de tout dirigisme de l’État. Ratsiraka proposait de réduire et d’apaiser leur méfiance en développant un grand programme d’éducation idéologique, seul susceptible de leur faire accepter les initiatives du gouvernement. En fait, c’est cette orientation qui marque la différence fondamentale entre la politique de Ratsiraka et celle de Ratsimandrava.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1: APPROCHE HISTORIQUE DU FOKONOLONA
Chapitre 1: Le fokonolona original et ses premières réformes
Section 1: Composition du Fokonolona à l’origine
Section 2: La réforme du Fokonolona dans la période coloniale
Section 3 : Etat des lieux après l’indépendance (1960 à 1975)
Chapitre 2: Les grandes réformes du Fokonolona
Section 1: Politisation et orientations contradictoires de la réforme du Fokonolona de 1972 à 1975
Section 2: La place du Fokonolona sous l’égide socialiste de Didier Ratsiraka
Chapitre 3: Etat actuel du Fokonolona
Section 1: L’imposition de l’ajustement structurel et son impact
Section 2: Le rôle du Fokonolona dans le régime décentralisateur de Ravalomanana
PARTIE II: APPROCHE INSTITUTIONNALISTE DU FOKONOLONA. CAS DU FOKONTANY D’AMBOHITRABIBY
Chapitre 1: Cadrage théorique de l’analyse
Section 1: Les familles institutionnalistes en économie
Section 2: Théorie sur la decentralisation
Chapitre 2: Analyse du Fokonolona dans sa globalité
Section 1: Le Fokonolona: institution ou organisation
Section 2: Analyse de la décentralisation à Madagascar
Section 3: Perspectives….
Chapitre 3: L’importance du fokonolona dans le fokontany d’Ambohitrabiby
Section 1: Présentation du fokontany
Section 2: Les actions du fokonolona
Section 3: Recommandations
CONCLUSION

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