Politiques éducatives pour aujourd’hui et pour demain, au cœur du bâtiment écologique

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Absence de co-construction

Située dans une perspective sociologique, notre recherche ne s’inscrit pas dans une démarche constructiviste. La conceptualisation des usages qui découle des entretiens semi-directifs réalisés au sein des établissements ne relèvent pas d’une co-construction, mais bien d’une élaboration a posteriori. Elle est établie au vu de l’ensemble des données recueillies (comportements, usages observés ou relatés, présentation des locaux, discours sur le bâtiment, aspects visuels de l’établissement). Cette méthode de travail répond à la spécificité du bâtiment scolaire : lieu de travail pour des professions très diverses, il ne correspond pas seulement à un usage unique qui serait celui de l’enseignement. Il porte également un double enjeu de représentation dont les usagers ont parfaitement conscience. D’une part il symbolise l’École de la République. C’est un bâtiment public qui se doit d’être visible au sein du paysage urbain. Il se signale ainsi par une architecture spécifique. En décalage avec la rangée de façades des bâtiments d’habitation, il s’impose dans la rue et signale la présence de l’État au cœur du quotidien. D’autre part il représente la collectivité territoriale qui l’a financé. La hauteur imposante, son emprise massive sont autant d’éléments qui rendent compte de manière visible de l’ampleur de l’investissement réalisé.

Auteurs mobilisés

Nous conservons le cadre théorique de Marie-Claude Derouet-Besson et son approche par l’étude des réseaux. Cette approche est complétée par la théorie des logiques d’usage empruntée à la sociologie des usages. Bien que construite à partir de l’étude des TICE, cette approche théorique offre des outils transférables à l’analyse des usages du bâtiment. Ces deux approches seront complétées au cours de l’analyse par d’autres champs théoriques, de manière à approfondir ou nourrir les questions soulevées par l’étude des entretiens.

Mise en réseau (Derouet-Besson)

La place des usagers et la relation entre pédagogie et bâtiment sont étudiées par Marie-Claude Derouet-Besson dans Les Murs de l’école10.
La sociologue s’interroge tant sur le lien entre le bâtiment et les pratiques pédagogiques que sur les logiques qui président à l’élaboration des bâtiments scolaires : en un mot, sur ce qui fait l’école au sens matériel. Replaçant sa recherche dans le cadre de la décentralisation française des années 1980, elle met en évidence l’hétérogénéité des usages et la dimension éphémère des logiques pédagogiques au regard de la pérennité de la pierre. Des dimensions contradictoires que les professionnels de la conception et les politiques s’efforcent de concilier en tenant compte de leurs propres objectifs qu’ils soient artistiques, économiques, financiers … L’introduction de la notion de réseaux dans son analyse permet de modéliser les nombreux facteurs qui entrent en jeu dans la conception d’une école. L’étude d’un article de Emmanuel Lazega, Analyse de réseaux et sociologie des organisations11, a complété l’approche théorique de la notion de réseaux et des interactions qui lui sont propres. L’ouvrage de Marie-Claude Derouet-Besson traite également du rôle de l’espace dans les situations scolaires : la démarche architecturale contribue à la création d’une ressource spatiale dont l’impact sur les situations d’enseignement est plus ou moins important selon les enseignants et les disciplines. La relation entre l’architecture et les conditions de travail des enseignants impliquent qu’ils soient représentés auprès des concepteurs de bâtiments scolaires. Les porte-paroles ont d’abord été les enseignants eux-mêmes, puis les Inspecteurs d’Académie. Tant que les Inspecteurs étaient habilités à valider ou invalider les plans avant le lancement de la construction, le pouvoir décisionnaire restait du côté de la pratique professionnelle enseignante. L’expérience capitalisée des professionnels prenait une large part dans les décisions. L’étude fait le parallèle entre la délégation actuelle du pouvoir de décision aux élus territoriaux, et la perte de légitimité des enseignants à faire entendre leurs demandes quant à la construction. Aujourd’hui les usagers sont représentés par de nouveaux porte-paroles, parmi lesquels les élus locaux ou les programmistes ; c’est-à-dire que les compétences de ces représentants relèvent du politique ou du technique et non plus de la pratique enseignante. S’ils tâchent de recueillir les demandes des professionnels de l’enseignement, elles ne sont pas nécessairement prises en compte dans le dessin final des plans, et la hiérarchie entre elles relève d’un arbitraire technique, économique ou politique, assez éloigné des préoccupations pédagogiques. La description des réseaux formés par les acteurs du projet, et des relations entre eux, est essentielle pour comprendre la force de leurs positions et évaluer le poids de leurs discours sur l’élaboration du projet.
La dimension presque ethnographique de l’approche de Derouet-Besson a grandement influencé notre propre démarche de recherche. L’immersion dans le terrain fut une des premières étapes de cette recherche. Nous avons passé du temps dans le premier établissement, à observer la vie de l’établissement en accompagnant tour à tour les différents acteurs dans leurs activités, à réaliser des entretiens, ou à visiter les lieux. L’imprégnation permet une meilleure compréhension des situations et des lieux décrits lors des entretiens. Elle offre également la possibilité de questionner les acteurs sur des pratiques qu’ils ne mentionnent pas, mais qu’il nous a été donné d’observer. L’observation et l’entretien se complètent et apporte une richesse supplémentaire pour la compréhension des usages du bâtiment scolaire. Les acteurs ne mentionnent pas nécessairement ce qui leur semble évident, ce qui est incorporé en eux, ou ce qui leur paraît anodin.

Notion d’échelle et dimension anthropologique (Desjeux)

Cette dimension ethnographique, approfondie par la lecture de Dominique Desjeux, a guidé notre  travail d’enquête : le travail des techniques d’entretien, notamment au travers des outils proposés par l’analyse de l’activité, nous a permis d’approfondir notre posture d’écoute et de travailler notre attitude lors des entretiens, de manière à ouvrir au maximum l’espace de parole.
Dans son ouvrage, Le Sens de l’autre12, cet anthropologue et sociologue français présente les approches qu’il met en œuvre pour étudier la notion de culture et ses pratiques. L’approche des systèmes lui permet d’aborder les relations entre les acteurs sociaux, leurs pratiques et leurs cultures. L’analyse stratégique dessine les dynamiques de ces acteurs, mais également la rationalité des comportements humains. Enfin, l’approche des réseaux met en évidence la compréhension formelle ou informelle de toute relation sociale. Les exemples développés dans cet écrit sont principalement issus de l’agriculture. Ils soulignent le fossé entre la rationalité paysanne et la rationalité technique des ingénieurs et figurent leur difficulté à dépasser des formes de pensée différentes pour se comprendre. Aborder la rationalité paysanne nécessite une connaissance de la culture de ce milieu ainsi qu’une reconnaissance des dynamiques relationnelles et de leur logique. Chacun a son langage, ses codes, ses valeurs, ses rituels : Dominique Desjeux définit ainsi la culture comme un ensemble de représentations et d’interactions. La rencontre entre une rationalité technique et un autre type de rationalité se retrouve dans le bâtiment scolaire.
Les différentes échelles d’observations présentées par Desjeux, comprennent cinq niveaux, de l’échelle macro sociale à l’échelle neurobiologique, en passant par le méso social, le micro social, et le micro individuel. Le changement d’échelle d’observation permet de voir des aspects invisibles à une autre échelle. Cette méthodologie se veut transdisciplinaire : elle permet de croiser les techniques de recueil des données et de situer ce recueil à une échelle. Une étude de terrain se place ainsi à une échelle qu’il convient de déterminer. Dans le cadre de cette enquête, trois échelles s’interpénètrent : méso sociale, micro sociale et micro individuelle. Nous nous sommes focalisée sur l’échelle micro sociale afin de faire apparaître les pratiques et les usages des utilisateurs des bâtiments scolaires. L’identification de l’échelle supérieure et de l’échelle inférieure dégage des repères et des compléments d’information qui viennent nourrir la compréhension des interactions entre les acteurs. Le travail à l’échelle micro sociale offre une appréhension plus adéquate du contexte relationnel des usagers avec les acteurs de la conception publique.

Sociologie des usages : Logiques d’usage / usage (Perriault/de Certeau)

Les logiques d’usages permettent d’identifier les fonctionnalités d’un bâtiment et les utilisations faites par les usagers. Étudiées aujourd’hui au sein de la sociologie des usages, elles servent principalement à définir les comportements des utilisateurs du numérique. En France, la sociologie des usages se développe avec l’expansion des TIC13. Dans un article paru en 2000, Josiane Jouët retrace l’historique de la sociologie des usages et apporte un point de vue critique14. Elle met en perspective la constitution de ce nouveau champ théorique qu’est la sociologie des usages et le type de questions qu’il fait émerger. Les premières enquêtes sociologiques sur les modes d’utilisation des consommateurs, se focalisent sur les études d’impacts. Dans les années 1980, une nouvelle orientation de recherche place l’usager en tant qu’acteur.
Les recherches sur l’usage des technologies de la communication bénéficient à leurs débuts d’un contexte favorable : les premières études sont financées par la recherche publique, et permettent le développement d’une posture refusant une approche purement techniciste. Elles placent l’usager au cœur de la réflexion en mettant en avant le rôle actif de l’usager dans la définition des usages et l’innovation de ces nouvelles technologies. Les chercheurs qui s’inscrivent dans ce courant ne sont pas uniquement issus du champ de la communication, mais viennent également de la sociologie. Les premières publications sur le sujet paraissent dans les années 1980. Elles traitent de la notion d’usage portées par des pôles de recherche appliquée (département de Recherche Prospective de l’INA15) ou des organismes de recherches nationaux (CESTA16, CNET17, Ministère de la Recherche, DGT18). Dans les années 1990, se forme une communauté de chercheurs sur les questions d’usages et regroupant des sociologues, des chercheurs en communication, des membres de la DGT et du CNET. La sociologie des usages se construit donc autour de l’étude d’un objet : les TIC.
Au travers des études de la réception, ce champ met à jour la dimension complexe de l’usage en tant qu’activité. Comme l’écrit Josiane Jouët, c’est l’école culturaliste et les études de réception qui rendront compte de l’épaisseur sociale de « l’usage » car la réception devient appréhendée comme une activité complexe, mobilisant des ressources culturelles et conduisant à une construction subjective du sens19.
Cet angle de recherche qu’est la sociologie de la réception relève davantage de la sociologie des médias de masse, que de la sociologie des usages. Elle a ainsi peu influencé cette dernière pour ce qui est des recherches françaises – l’impact est plus important outre-Manche. Cependant, les études sur la réception nous apportent un éclairage complémentaire en précisant la dimension sociale de l’usage. L’interdisciplinarité qui caractérise la construction de ce champ de recherche mêle une dimension privée avec la sociologie de la famille, une dimension socio-économique avec la sociologie du travail, des organisations et de l’innovation, mais également la socio-pragmatique, la socio-linguistique, et une approche plus philosophique comprenant notamment les travaux de Michel de Certeau.
La logique d’usage ne se cantonne pas à l’étude du numérique. Dans le cadre de sa thèse sur les conditions sociales et organisationnelles du changement des pratiques de consommation d’énergie dans l’habitat collectif20, Gaëtan Brisepierre étudie les usages quotidiens de l’énergie dans les foyers. Il transfère ainsi les apports théoriques de la sociologie des usages du numérique aux pratiques au sein de bâtiments. Son approche interactionniste vise à mettre en évidence la place des habitants dans la consommation d’énergie via l’identification de leurs pratiques sociales. Il étudie ainsi l’articulation entre les systèmes sociotechniques et les modes de consommation. Son étude nous offre un exemple d’application de la logique d’usage à des objets spatiaux.
Une analyse des pratiques de l’espace qui fait date dans les études sur l’usage, est celle de Michel de Certeau, dans L’Invention du quotidien. Il est un des premiers à parler de l’usage. Selon la définition qu’il en donne, celui-ci se compose de deux éléments. En s’appuyant principalement sur les usages de la langue, l’auteur décompose ceux-ci comme l’addition d’un capital, la langue en tant que système, et des opérations, c’est-à-dire la parole comme acte. Il prend également en compte le contexte d’usage afin de « poser l’acte dans son rapport aux circonstances21 ». En ramenant cette définition à notre objet d’étude, il s’avère que l’espace est un système, et correspond à la notion du capital. L’usager réalise des opérations avec ce système : il en respecte les règles, le déconstruit, le subit ou le réinvente. En somme, il met en forme son usage de l’espace.
L’ouvrage examine le concept de « culture » et envisage d’expliciter « les modèles d’action caractéristiques des usagers22 ». L’auteur se penche sur les usages avec un regard fortement anthropologique. Il concentre son étude sur des pratiques du quotidien : lire, marcher, cuisiner. Il souligne la nécessité d’étudier la part active de l’individu dans les comportements sociaux.
Bien des travaux, souvent remarquables, s’attachent à étudier soit les représentations soit les comportements d’une société. Grâce à la connaissance de ces objets sociaux, il semble possible et nécessaire de repérer l’usage qui en est fait par des groupes ou des individus. Par exemple, l’analyse des images diffusées par la télévision (des représentations) et des temps passés en stationnement devant le poste (un comportement) doit être complétée par l’étude de ce que le consommateur culturel « fabrique » pendant ces heures et avec ses images.23
L’auteur décrit ainsi l’étude de l’usage comme un moyen d’approcher l’interaction produite par la rencontre entre l’individu et tout ce qu’il touche, reçoit, utilise. Or le problème de la conception des bâtiments réside justement dans cette difficulté d’accéder à ce que « fabrique » l’usager, à sa parole. L’enjeu est double : il s’agit d’identifier des besoins et de comprendre les modes d’usages des structures afin de les rendre plus performantes. Mais, dans une telle démarche, la possibilité de tomber dans un écueil est grand. Il ne faut pas oublier que « la présence et la circulation d’une représentation […] n’indiquent nullement ce qu’elle est pour ses utilisateurs. Il faut encore analyser ses manipulations par les pratiquants qui n’en sont pas les fabricateurs.24 » Aussi nous sommes nous inspirée de cette étude pour approcher les usagers des bâtiments scolaires. Tout en cherchant à mettre au jour les principales fonctions du bâtiment, nous avons tâché de comprendre ce qui posait problème aux usagers : était-ce la manière dont il était conçu, ce qu’il symbolisait, les aménagements, ou bien l’inadéquation avec l’activité réalisée ?
Jacques Perriault définit la logique de l’usage25 dans un ouvrage éponyme en 1989. Il pose son ancrage théorique chez Pierre Bourdieu, avec le jeu des normes sociales dans l’utilisation de l’appareil photographique26, chez Dell Hymes et l’étude des usages de l’ordinateur27 et André Leroi-Gourhan28, ethnologue et paléontologue. Ce dernier l’inspire parce qu’il met en évidence la possibilité de déduire les logiques et les stratégies d’usage par l’observation. J. Perriault définit la logique d’usage comme l’élaboration d’« un modèle de fonctionnement du sujet qui rende compte de la diversité des façons de se servir d’un appareil29 ». Elle renvoie à une dimension collective et non plus individuelle de l’usage. Il s’agit en effet d’identifier des manières d’user de l’outil étudié, qui sont communes à des groupes de personnes. Il décrit la logique d’usage comme suit, il s’agit de la construction par l’individu du choix d’un instrument et d’un type d’emploi pour accomplir un projet. Les critères des choix possibles revêtent des valeurs différentes en fonction de multiples facteurs liés à la personne et aux contextes : affectifs, psychologiques, cognitifs, culturels, sociaux. La logique de l’usage proprement dite est le schéma qui articule ces caractéristiques en vue de l’action suivante : utiliser un instrument pour un projet déterminé.30
Il met ainsi en évidence les caractéristiques principales de la logique d’usage, à savoir le choix de l’instrument, le projet d’utilisation, le contexte et l’individu/utilisateur. Nous rencontrons ici une des limites du transfert de concept d’un objet à un autre. Le bâtiment scolaire n’est pas un objet que l’on peut manier de manière individuelle, dans un but unique. De part ses dimensions, il abrite nécessairement une interaction plurielle. Le bâtiment constitue un objet d’étude complexe : il représente tout à la fois le lieu d’une activité professionnelle et étudiante, et l’objet de cette activité. Il influence la pratique professionnelle ou interagit avec celle-ci. Il peut être le lieu d’un projet commun, mais il porte l’ensemble des projets personnels de chaque acteur à son égard. Il n’en demeure pas moins que les paramètres énoncés par Jacques Perriault valent également pour le bâtiment. Les logiques d’usages de ses utilisateurs répondent à un projet d’utilisation du local, lequel a été choisi pour cela. Elles prennent place dans des contextes variés et mettent en jeu de multiples facteurs personnels. Le nombre des interactants et des possibilités d’usages complexifient cependant la lecture des logiques d’usage.
La notion de détournement abordée aussi bien par Jacques Perriaut que Michel de Certeau éclaire la compréhension de la logique d’usage. Elle marque la prise en compte d’une composante sociocognitive dans l’étude des rapports entre l’homme et l’objet. Le détournement de l’objet implique une nécessaire réflexion sur les propriétés de l’objet et ses usages possibles. L’approche interactionniste que suppose cette notion réintroduit la dimension active de l’usager. Ce dernier a la possibilité d’agir sur l’objet dont il use, dans une certaine mesure. Le détournement pose la question de l’usager comme acteur du bâtiment et ouvre de nouvelles perspectives à la logique d’usage en intégrant également la figure de l’usager innovateur.
En complément de ces fondements théoriques, nous nous appuierons au cours de l’analyse des données sur des apports théoriques complémentaires, afin d’éclairer ou d’approfondir l’étude des usages et de leurs logiques.

ARDEPA : association pour la promotion de l’architecture

Afin de compléter nos données brutes, recueillies lors des entretiens avec les usagers, nous avons choisi de rencontrer des partenaires annexes de la conception architecturale. Nous nous sommes d’abord tourné vers le CAUE – Conseil Architecture Urbanisme et Environnement – du département. Les CAUE assurent des missions de conseil et d’accompagnement auprès des particuliers et des collectivités. Ils mettent leur expertise à disposition, de manière gratuite – sauf dans le cas de partenariat étendu avec une collectivité – et interviennent sur le choix des matériaux, des volumes, sur la relation entre la construction et son environnement, etc. Ils proposent aussi leurs services aux collectivités locales en ce qui concerne « leurs choix en matière d’urbanisme, d’aménagement et de développement (projets urbains, Z.A.C, lotissements, espaces publics, zones d’activités…)36 », la faisabilité des projets ou les questions de développement durable.
Les CAUE assurent également des actions en milieu scolaire afin de sensibiliser les élèves à l’architecture. Nous les avons contactés afin d’en savoir plus sur les projets menés et connaître leur sentiment sur l’usage des bâtiments scolaires. Nous avons été redirigée vers une association liée à l’ENSAN37, et en charge de l’animation de ces ateliers : l’ARDEPA. L’Association Régionale pour la Diffusion Et la Promotion de l’Architecture met en place des visites architecturales et urbaines dans une visée de sensibilisation des jeunes citoyens à la réflexion architecturale. Il s’agit de les amener à penser l’organisation de la ville et son évolution, sur l’esthétique de certains bâtiments comme l’école d’architecture, le Palais de Justice ou le pont Éric Tabarly. Ces visites permettent d’articuler ces découvertes à une analyse sur le rôle de l’architecte et de l’urbaniste dans la ville.
En parallèle de ces parcours pédestres, l’association propose des projets plus élaborés pour réfléchir avec une ou deux classes à ces questions. Les interventions sont montées en relation avec les enseignants intéressés et prennent des formes diverses : réalisation de maquettes, visites sur site, parcours. À l’origine ceci n’était proposé qu’aux établissements nouvellement livrés comme le collège Marcelle Baron d’Héric ou le collège Auguste Mailloux du Loroux Bottereau en 2012. Depuis cette année, le projet s’est élargi à tous les établissements du département. Nous avons ainsi rencontré la personne chargée de l’animation de ces ateliers. Lors de l’entretien, nous avons pu échanger sur la pertinence de ces actions, mais également sur les constructions des collèges récemment livrés en Loire-atlantique et les perceptions des usagers qu’elle avait pu noter à ce sujet.

Conseil départemental

Depuis la décentralisation, les Conseils départementaux assurent l’accueil physique des élèves du collège. Les services du patrimoine scolaire veillent à l’entretien, à la rénovation et à la construction des établissements au sein de leur département. Une rencontre avec un des agents de ce service nous a permis de contextualiser la gestion des établissements dans un paysage législatif et administratif plus large. La complexité du service dessine correctement les choix et les orientations de l’administration. Le service est subdivisé selon les types d’intervention et l’implantation des établissements. Une équipe s’occupe des établissements neufs, une autre des petits travaux, une troisième des rénovations, mais seulement pour un secteur donné sur le département. Des équipes similaires interviennent sur les autres secteurs.
La rédaction d’un guide de construction constitue une des missions de ces services. Régulièrement réactualisé, tant sur la base des réglementations thermiques que des exigences propres à la Maîtrise d’Ouvrage – MOA. La réglementation thermique fixe les seuils de consommation maximale d’énergie des bâtiments neufs concernant le chauffage, la ventilation, la climatisation, la production d’eau chaude sanitaire et l’éclairage des locaux38. Celle actuellement en vigueur, la RT 2012, limite la consommation d’énergie des bâtiments construits à partir du 1er janvier 2013 à 50kWhep/(m2.an)39. Les exigences de la MOA, dans certains cas, peuvent aller « au-delà de la réglementation. Il faut noter, qu’en cas de contradiction entre certains textes, il sera retenu la prescription la plus contraignante40 » et ceci « afin d’obtenir le niveau de qualité attendu par le Maître d’Ouvrage, dans le respect du cadre économique et des délais41 ». Le cahier des charges pose les attendus de la collectivité : la qualité de la construction, la maîtrise des coûts et du temps. Cependant le terme de « qualité » n’est pas défini clairement : qu’est ce qui fait la qualité d’un bâtiment pour les services rédacteurs du document ? C’est ce que l’étude du référentiel nous permettra de comprendre.

Approche méthodologique

Démarche inductive

En nous appuyant sur notre expérience de l’année passée, il nous est apparu que notre démarche d’enquête se construisait à partir du contact avec le terrain. Les cadres théoriques que nous mobilisons l’ont été progressivement, tout au long de ce travail. Il s’agit ainsi de ne pas recomposer les données de terrain en fonction d’un cadre théorique préalablement choisi. Mais, bien au contraire, de confronter la réalité observée et perçue à différents courants théoriques. L’enquête de terrain apparaît comme une première étape dans la démarche inductive. Les premiers pas sur le terrain d’enquête correspondent à une plongée dans un univers encore inconnu. S’il serait malaisé de parler d’immersion – il ne s’agit pas d’une approche ethnologique avec une immersion longue sur le terrain – il n’en demeure pas moins que le regard porté sur l’objet d’étude est relativement peu armé. Il ne peut pas relier les observations ou les éléments d’entretien à un système d’analyse ni trier celles-ci dans une typologie.
Cette démarche peut apparaître comme peu rationnelle et fragile. Elle offre cependant la possibilité de lier la théorie de manière intrinsèque à la construction de l’objet de recherche. Les apports théoriques ont proposé différents éclairages au fur et à mesure des questions posées par le terrain et par les acteurs que nous avons interviewés. Nous nous sommes positionnée dans une démarche d’enquête, telle qu’elle peut être présentée par John Dewey. L’influence de la démarche pragmatique se fait sentir tant dans notre méthode de recueil de données que dans les lectures théoriques qui viennent éclairer et soutenir notre travail d’enquête. Michel Crozier ou Dominique Desjeux incarnent cette posture épistémologique qui consiste à construire du savoir à partir des expériences et des études de terrain : leurs œuvres ont ainsi nourri une partie de nos réflexions.

Recueil des données

Une recherche sur la place des usagers et des usages dans le bâtiment scolaire nécessite la prise en compte de nombreuses données afin d’avoir un point de vue global sur la situation. Il s’agit de prendre en considération le plus de paramètres possibles. Une telle démarche nous permet de reconstituer la complexité du fonctionnement des établissements en y intégrant aussi bien les contraintes (normes, législations, structure physique), que les variables (organisation de travail, temps d’activité) et les caractéristiques des individus (valeurs, invariants du sujet42). Notre méthode de recueil de données comprend aussi bien des entretiens que de l’observation de situations de travail et la visite des établissements.
Les entretiens s’organisent sur la base d’un guide d’entretien43 élaboré à partir des questions restées en suspens à l’issue de notre précédente recherche. Il reprend plusieurs thèmes dont l’impact de la dimension écologique du bâtiment sur les pratiques des usagers, la dimension participative, la relation entre l’usage et la conception, et la place des normes. La dimension semi-directive des entretiens ainsi que le cadre dans lequel ils ont été réalisés ont participé à assouplir notre posture d’enquête. L’objectif initial consistait à mener des focus group sur les sujets sus-cités de quatre à cinq participants appartenant à des groupes d’usagers différents. Il s’agissait par exemple de mettre à une même table des personnels d’entretien et des élèves, ou des personnels de direction et des enseignants, de manière à nourrir un dialogue riche tout en conservant la nécessité d’une relative a-hiérarchie.
Le premier établissement sélectionné et ayant accepté d’ouvrir ses portes à notre recherche a refusé de mettre en place ces focus group. Le principal ne souhaitait pas décharger ses personnels d’une heure de travail pour réaliser ces entretiens. L’enquête était possible, à condition que les entretiens soient réalisés sur le temps de travail des personnels et sans déranger les nécessités du service. Si les conditions ont paru, au premier abord, compromettre la poursuite de notre travail, elles se sont révélées aidantes pour la mise au jour des conceptions spatiales des usagers.

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Table des matières

Remerciements
Introduction
I.Théorie et Méthodologie
I.1 Question de recherche
I.2 Cadre théorique
I.2.1 Approche sociologique
I.2.2 Absence de co-construction
I.2.3 Auteurs mobilisés
I.3 Problématique
I.4 Terrains de recherche
I.4.1 Deux Collèges de construction récente en BBC ou HQE
I.4.2 ARDEPA : association pour la promotion de l’architecture
I.4.3 Conseil départemental
I.5 Approche méthodologique
I.5.1 Démarche inductive
I.5.2 Recueil des données
I.5.3 Contexte des entretiens
I.5.4 Posture de recherche et limites
I.6 Outils d’analyse
I.6.1 Analyse de contenu : verticale / horizontale
I.6.2 Grille de lecture : logiques d’usage
I.6.3 Mise en réseau des relations
II.Usagers et Logiques d’usage
II.1 Termes et contextualisation
II.1.1 Définitions des termes (usage, usagers, utilisateur)
II.1.2 Imbrication de trois niveaux : micro, méso et macro social
II.1.3 La conception d’un collège : le cahier des charges du Conseil départemental
II.1.4 Obtenir un droit de réaliser les travaux
II.2 Les usagers : appartenance, décisions, appropriation
II.2.1 Dimension affective
II.2.2 Rapport à l’espace des usagers
II.2.3 Pouvoir de décision
II.3 Logiques d’usage
II.3.1 Définir une logique d’usage
II.3.2 Les types de travaux et les logiques d’usages correspondantes
II.3.3 Étude des logiques d’usage par type de pièce
II.3.4 Logique architecturale versus logique d’usage
III. Institution et lieu de vie
III.1 Lieu dédié à la réussite éducative ou lieu de travail ?
III.1.1 Ordre de priorité
III.1.2 Les conditions de travail : l’exemple des espaces de pauses
III.2 Qualité de l’environnement pédagogique
III.2.1 Les aménagements à destination des élèves
III.2.2 Les espaces d’apprentissage
III.2.3 Entretien et maintenance
III.2.4 Engagement et déconvenues
III.3 Développement Durable = Qualité de vie ?
III.3.1 Le Développement Durable
III.3.2 Rencontre entre normes, circonstances et bien-être
III.3.3 Prise en compte de l’expertise des personnels
III.3.4 Quelle possibilité pour une pensée globale de la conception et des usages du bâtiment scolaire ?
IV. Politiques éducatives pour aujourd’hui et pour demain, au cœur du bâtiment écologique
IV.1.Le bâtiment scolaire aujourd’hui
IV.1.1.Sclérose des espaces
IV.1.2.L’entrée timide du numérique
IV.2.Les propositions éducatives
IV.2.1.L’écologie : une formation tout au long de la vie ?
IV.2.2.Comment traiter la question de la sécurité dans le cadre de l’éducation à la démocratie ?
IV.2.3.Éduquer à l’esthétique ou être éduqué par l’esthétique ?
IV.3.Et demain ?
IV.3.1.L’innovation pédagogique au-delà des contraintes techniques
IV.3.2.Mettre en œuvre une mémoire organisationnelle ? La question de la participation105
Conclusion
Références bibliographiques

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