Politiques culturelles et petites villes

Politiques culturelles et petites villes

Depuis les annรฉes 1980, un courant ร  la fois politique et scientifique souligne les bienfaits de la mobilisation de la culture dans la gestion et le dรฉveloppement des villes. Lโ€™expansion croissante de la consommation culturelle ainsi que la ยซ culturalisation ยป de lโ€™รฉconomie font de celle-ci un domaine dโ€™action clรฉ pour les milieux urbains (Lorentzen et Van Heur 2012 : 2). Plusieurs auteurs mentionnent lโ€™idรฉe dโ€™un ยซ tournant culturel ยป des sociรฉtรฉs occidentales qui pourrait avoir influencรฉ lโ€™utilisation de la culture ; plus prรฉcisรฉment : ยซ Les reprรฉsentations de la sociรฉtรฉ et lโ€™รฉnonciation de ses valeurs sโ€™organiseraient dรฉsormais en fonction de la culture, [ceci] aurait pour effet de relรฉguer au second plan ou de recomposer dโ€™autres sphรจres de valeurs. Ainsi assisterait-on au passage dโ€™une sociรฉtรฉ du travail ร  une sociรฉtรฉ dite culturelle, non sans lien avec lโ€™รฉmergence dโ€™une culture de consommation hรฉtรฉrogรจne, diversifiรฉe et fragmentรฉe. ยป (Ambrosino et Guillon 2014 : 6) .

Lโ€™ampleur quโ€™a pris la culture se rรฉpercuterait ainsi sur une multitude de domaines et serait alors : ยซ investie dโ€™un potentiel de dรฉveloppement local aux retombรฉes multiples, quโ€™elles soient sociales (intรฉgration et cohรฉsion, qualitรฉ de vie, etc.), รฉconomiques (crรฉation dโ€™emplois, stimulation du tourisme, retombรฉes fiscales, etc.) ou urbaines (valorisation du patrimoine bรขti, investissements dans des รฉquipements culturels, rรฉanimation dโ€™espaces publics, etc.). ยป (Ibid. : 1) Cette รฉvolution dans la conception de la culture a une incidence sur le dรฉveloppement des politiques culturelles, ainsi que sur la gouvernance des villes. La culture sโ€™est en effet รฉtendue et greffรฉe ร  bien dโ€™autres domaines, la rendant difficilement distinguable des autres secteurs : ยซ En rappelant que sโ€™il nโ€™a jamais รฉtรฉ nettement circonscrit, le territoire [des] politiques [culturelles] sโ€™est largement รฉtendu, cette prospective considรจre quโ€™il sera de plus en plus difficile de dรฉtacher les affaires culturelles de questions technologiques, diplomatiques, รฉducatives (entre autres) relevant dโ€™autres administrations, voire dโ€™autres entitรฉs politiques. ยป (Nรฉgrier et Teillet 2014 : 84) .

Cโ€™est durant les annรฉes 1980-1990 que les villes ont commencรฉ ร  sโ€™imposer comme des entrepreneurs culturels, bien quโ€™elles aient dรฉjร  cherchรฉ ร  promouvoir la culture et les artistes locaux dans le but dโ€™asseoir leur identitรฉ auparavant (Allemand 2000). La culture devient un atout รฉconomique ยซ dans le contexte de mondialisation et de compรฉtition internationale, mais aussi d’essor du tourisme ยป (Allemand 2000). Elle est alors ยซ mobilisรฉe[e] pour attรฉnuer les effets nรฉgatifs de la transition vers un rรฉgime รฉconomique ยซ postindustriel ยป ยป (Ambrosino et Guillon 2014 : 2). Ce mouvement sโ€™appuie principalement sur des investissements esthรฉtiques dont le but ยซ est moins de crรฉer la richesse que dโ€™en capter le plus possible ยป et de ยซ [dรฉfinir] une personnalitรฉ originale, un style, une identitรฉ simple et comprรฉhensible immรฉdiatement ยป (Ibid. : 2). On mise sur des projets de taille consรฉquente servant de vitrines aux villes. ร€ partir des annรฉes 1990, en plus des aspects de compรฉtition et dโ€™attraction, on attribue dโ€™autres atouts ร  la culture, notamment celui dโ€™รชtre un bon outil de rรฉgรฉnรฉration urbaine (Ambrosino et Guillon 2014 : 3).

On souligne alors ยซ the role that cultural activities can play in the requalification plans of cities or urban districts (Lorentzen et al., 2008), and in the outlining of actions of territorial marketing and for the attraction of tourists and new residents. ยป (Lazzeroni et al. 2012 : 453) De ces constats รฉmergent de nombreux travaux de recherche qui soulignent ces avantages ou questionnent ce dรฉveloppement de faรงon plus critique. Ceci conduit ร  la crรฉation dโ€™un discours positif ร  la fois scientifique et politique concernant lโ€™utilisation de la culture : ยซ Dans les milieux de la planification urbaine et des politiques culturelles, une mythologie sโ€™est constituรฉe autour de ยซ success stories ยป de villes postindustrielles qui ont fondรฉ leur renouveau sur la culture ; au rang desquelles Bilbao et Glasgow font figure de modรจles internationalement cรฉlรฉbrรฉs. ยป (Hรฉlie dans Ambrosino et Guillon 2014 : 3) Ainsi, la culture est perรงue comme un atout รฉconomique, ce qui permet de lรฉgitimer les dรฉpenses quโ€™elle engendre. Il faut toutefois noter que lโ€™impact de la culture sur lโ€™รฉconomie et le dรฉveloppement local est difficile ร  avรฉrer. Il est donc nรฉcessaire de le relativiser. En effet, il est souvent ardu de quantifier les profits directs et surtout indirects provenant de la culture, car diffรฉrencier ยซ les atouts spรฉcifiquement culturels des autres amรฉnitรฉs prรฉsentes sur le territoire ยป (Lefebvre et Sibertin-Blanc 2006 : 42) nโ€™est pas toujours possible. Des critรจres dโ€™รฉvaluations sont cependant mis en place pour tenter dโ€™รฉvaluer au mieux comment les projets culturels influencent lโ€™รฉconomie (Ibid. : 42). De plus, si la culture peut รชtre un moyen de dรฉvelopper une ville ou une rรฉgion, dโ€™autres modรจles sont bien entendu applicables.

Evolution depuis le dรฉbut du siรจcle

En Suisse, jusquโ€™au dรฉbut des annรฉes 1970, la culture a tendance ร  รชtre considรฉrรฉe comme appartenant au domaine privรฉ. La Confรฉdรฉration, les cantons, ainsi que les communes finanรงaient la culture mais il ne sโ€™agissait pas dโ€™un ยซ thรจme de dรฉbat dans le domaine public ยป (OFC 2012). Les lois relatives ร  la culture visaient jusquโ€™alors ร  ยซ prรฉserver les biens culturels hรฉritรฉs du passรฉ ยป (Ibid.). Durant cette pรฉriode allant de 1950 ร  1970, la tendance est ร  la dรฉmocratisation culturelle3. La conception de la culture change au dรฉbut des annรฉes 1970. Le Rapport Clottu est lโ€™un des premiers documents qui amorce une rรฉflexion sur le rรดle des pouvoirs publics dans domaine de la culture (Ibid.). Aux alentours des annรฉes 1980, on cherche plus ร  favoriser lโ€™expression et la rencontre des individus au sein dโ€™une communautรฉ, ร  รฉduquer le citoyen, qui devient alors ยซ dรฉpositaire de sa propre culture ยป (Gillabert et al. 2011 : 457). Chacun doit pouvoir exprimer son opinion et ses besoins. Au terme de dรฉmocratisation culturelle, on oppose alors celui de dรฉmocratie culturelle4 (Ibid.: 457). La visibilitรฉ de la culture sโ€™accroรฎt petit ร  petit et la perception de la culture รฉvolue peu ร  peu dans les modalitรฉs que nous connaissons dรฉsormais. Elle est perรงue comme un argument รฉconomique, permettant de justifier les investissements quโ€™on y fait (Ibid. 2011). Cette transformation dans la considรฉration de la culture ne fait pas lโ€™unanimitรฉ.

Gillabert explique quโ€™il ยซ semble actuellement que la politique culturelle dรฉpende plus de sa capacitรฉ ร  rentabiliser quโ€™ร  fournir aux citoyens des outils de comprรฉhension de leur dรฉmocratie et du monde ยป (Ibid.: 458). La culture en tant quโ€™atout รฉconomique doit รชtre prise en compte avec rรฉflexion : ยซ lโ€™รฉconomicisation de la culture devient [โ€ฆ] un objet de dรฉbat lorsquโ€™il sโ€™agit de savoir quelle part des ressources doit รชtre affectรฉe ร  soutenir la crรฉation, qui [โ€ฆ] implique la possibilitรฉ de travailler ร  perte et รฉchappe de fait ร  tout critรจre de productivitรฉ, et quelle part doit รชtre affectรฉe ร  financer la valorisation de la crรฉation dans une optique de rentabilitรฉ commerciale ยป (ProHelvetia 2005 : 63). Ainsi, la transformation de la culture en un outil รฉconomique nโ€™est pas accueillie de faรงon favorable par tous, et pas uniquement pour des raisons financiรจres, mais aussi parce dโ€™autres valeurs sont attribuรฉes ร  la culture.

Un financement inรฉgal de la culture

Le financement de la culture reprรฉsente une part importante des politiques culturelles et la Suisse a dรฉveloppรฉ un systรจme propre ร  son mode de fonctionnement. Deux รฉlรฉments principaux de ce modรจle de financement sont ร  souligner, car, sโ€™ils prรฉsentent leurs avantages, ils sont aussi ร  lโ€™origine de disparitรฉs dans le financement de la culture (Theler et Weckerle 2010 : 227). Le premier est le fรฉdรฉralisme. Il implique que ยซ les mesures dรฉcidรฉes et mises en oeuvre sโ€™appliquent au niveau local ou au niveau rรฉgional, que lโ€™on considรจre รชtre le plus ร  proximitรฉ des aspirations et des besoins des artistes ยป (Ibid. : 227). Le deuxiรจme รฉlรฉment important dans le financement de la culture est la double subsidiaritรฉ qui, quant ร  elle, ยซ signifie, dโ€™une part, que dans le cas de besoins financiers, les ressources publiques allouรฉes ร  la culture sont fournies aux villes par les cantons, et aux cantons par le gouvernement fรฉdรฉral [โ€ฆ].

Les subventions publiques ne sont attribuรฉes quโ€™ร  la condition (voire ร  lโ€™obligation) que le secteur privรฉ ait prรฉalablement apportรฉ son soutien. ยป (Ibid. : 228) Ce systรจme permet aux financeurs dโ€™รชtre au plus prรจs des artistes. En revanche, il se situe ร  lโ€™origine de disparitรฉs entre les rรฉgions รฉconomiquement fortes et faibles (Gillabert et al. 2011). Ainsi, les fonds dรฉdiรฉs ร  la culture mais aussi les projets culturels ont tendance ร  se concentrer autour des plus gros pรดles urbains et รฉconomiques suisses, ร  savoir Zurich, Bรขle, Berne, Genรจve ainsi que Lausanne, qui, ร  elles seules, ont รฉtรฉ bรฉnรฉficiaires de 82% des fonds en 20025 (Theler et Weckerle 2010 : 233). Les villes de Suisse ont donc une grande part de libertรฉ, mais aussi de responsabilitรฉ en matiรจre de politique et de dรฉveloppement culturels. Ce systรจme inรฉgal ne permet pas ร  toutes les villes dโ€™opter pour des projets de la mรชme ampleur, mais favorise aussi la concentration des artistes dans les villes ร  plus fort budget.

Le rapport de stage ou le pfe est un document dโ€™analyse, de synthรจse et dโ€™รฉvaluation de votre apprentissage, cโ€™est pour cela chatpfe.com propose le tรฉlรฉchargement des modรจles complet de projet de fin dโ€™รฉtude, rapport de stage, mรฉmoire, pfe, thรจse, pour connaรฎtre la mรฉthodologie ร  avoir et savoir comment construire les parties dโ€™un projet de fin dโ€™รฉtude.

Table des matiรจres

Premiรจre Partie : Introduction et problรฉmatique
1. Introduction
2. Problรฉmatique
2.1 Contexte de la recherche
Politiques culturelles et petites villes
Politiques culturelles en Suisse
Evolution depuis le dรฉbut du siรจcle
Un financement inรฉgal de la culture
La Chaux-de-Fonds : Petite ville en mauvaise posture ?
2.2 Cadre conceptuel
Thรฉorie de la justification
Organisation et รฉlรฉments clรฉs
Grandeur au sein des mondes
Description des mondes
Le litige, le diffรฉrend et le compromis
Culture et politiques culturelles
2.3 Question de recherche et sous-questions
Deuxiรจme partie : Mรฉthodologie
3. Mรฉthodologie
3.1 Entretien exploratoire
3.2 Recherche documentaire et choix des sources
3.3 Analyse statistique des budgets
3.4 Entretiens semi-directifs
3.5 Analyse des rรฉsultats
3.6 Difficultรฉs rencontrรฉes et dรฉmarche auto rรฉflexive
Troisiรจme Partie : Analyse
4.1 Dรฉfinition de la culture
La culture pour hรฉritage
Un Thรฉรขtre avant lโ€™hรดpital : La culture dรฉfinie par ses origines
Richesse de la culture et orientation politique
Lโ€™รฉvolution de 1970 ร  aujourdโ€™hui
JUSTIFICATION ET CONSTRUCTION DES POLITIQUES CULTURELLES DANS LES PETITES VILLES
Le tournant des annรฉes 1970
Les annรฉes 2000 et le dรฉbut dโ€™un marketing urbain plus affirmรฉ
Synthรจse de la dรฉfinition de la culture
4.2 Place de la culture
La place de la culture face ร  la situation รฉconomique de la Ville
La place de la culture face aux facteurs gรฉographiques
La place de la culture en lien avec la dรฉmographie de la ville
La place de la culture par rapport aux aspects sociaux
La place de la culture dans le milieu politique
Synthรจse de la place de la culture au sein du monde civique
4.3 Justifications de la politique culturelle
Evolution dans les tendances de justification
Justifications dans les annรฉes 1970 : Lโ€™attractivitรฉ en rรฉaction ร  la crise
Justifications de la culture dans les annรฉes 1980 et 1990 : Une
prรฉpondรฉrance du monde civique
Justifications de la culture durant les annรฉes 2000 ร  2010 : la renommรฉe
comme justification principale
Diffรฉrences de justifications selon la nature du projet
Synthรจse des justifications apportรฉes ร  la politique culturelle
Quatriรจme partie : Conclusion
5.1 Synthรจse des rรฉsultats
5.2 Remarques rรฉflexives et pistes de recherche
Cinquiรจme Partie : Bibliographie
Sixiรจme Partie : Annexes

Politiques culturelles et petites villesTรฉlรฉcharger le rapport complet

Tรฉlรฉcharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiรฉe. Les champs obligatoires sont indiquรฉs avec *