L’enseignement des langues en Espagne
Politique linguistique de l’Espagne
Les langues régionales
Depuis le retour de la démocratie et l’instauration de la nouvelle Constitution de 1978, l’Espagne a opéré un processus de décentralisation qui a reconfiguré le territoire espagnol en plusieurs communautés autonomes. Chaque communauté dispose d’un parlement et d’un gouvernement qui est en charge des compétences transférées par le gouvernement central, et chacune d’elles a un statut qui peut être différent des autres (Catalogne, Pays basque).
Cette nouvelle Constitution affirme, dans l’article 3, que la langue officielle de l’Espagne est l’espagnol (castillan) : « 1. El castellano es la lengua española oficial del Estado. Todos los españoles tienen el deber de conocerla y el derecho a usarla » (1978 : 3) ; néanmoins dès le préambule, elle garantit aussi la protection des langues et des cultures présentes sur tout le territoire espagnol : « La Nación española, deseando establecer la justicia, la libertad y la seguridad y promover el bien de cuantos la integran, en uso de su soberanía, proclama su voluntad de : […] Proteger a todos los españoles y pueblos de España en el ejercicio de los derechos humanos, sus culturas y tradiciones, lenguas e instituciones […] » (1978 : 3). Garantie qu’elle réaffirme à l’article 3 : « […] 2. Las demás lenguas españolas serán también oficiales en las respectivas Comunidades Autónomas de acuerdo con sus Estatutos. » (1978 : 3). Cette inscription dès le début de la Constitution montre l’importance accordée à cette richesse linguistique qui constitue le patrimoine de l’Espagne, et la volonté de les protéger afin de ne pas les voir disparaître.
Ces langues, dites « vernaculaires » selon Herreras (2008 : 10), peuvent obtenir le statut de langues co-officielles dans la limite du territoire de la communauté autonome. Il s’agit du catalan, du galicien, du valencien, du basque et de l’aranais qui sont reconnues et protégées dans le statut d’autonomie ; et plusieurs décrets royaux, à partir de 1978, vont rendre obligatoire l’enseignement des langues régionales. Comme le souligne Herrera, « Ce développement sera favorisé par les statuts d’autonomie et les lois de normalisation linguistique des gouvernements autonomes, après le transfert des compétences éducatives aux communautés autonomes bilingues » (1994 : 2). Par ailleurs, notons aussi que cohabite une multitude de dialectes et accents différents dans toute l’Espagne (l’andalou, l’aragonais, …).
Cette grande variété de langues et dialectes met en avant une Espagne bilingue voire plurilingue selon les communautés. Cependant, le statut d’autonomie et la mise en place de lois de normalisation linguistique vont, dans certains cas, rendre les langues co-officielles prédominantes sur la langue officielle comme dans l’administration, les commerces, le système éducatif, etc. ce qui oblige l’apprentissage de ces langues pour une intégration complète et aussi pour faciliter un accès à tous les services. Ajoutons que pour travailler dans la fonction publique (mais aussi dans d’autres domaines), un diplôme de langue est obligatoire pour valider les compétences linguistiques dans la langue co-officielle s’il y en a une.
Les décrets royaux de bilinguisme vont permettre l’intégration dans le système éducatif des langues co-officielles, puis dans une volonté d’intensification de la part des communautés autonomes concernées, le développement de programmes bilingues vont peu à peu transformer les langues régionales en « langue véhiculaire de l’enseignement » selon Herreras (1994 : 2). Plusieurs modèles vont alors se dessiner : l’enseignement se fait en espagnol avec la langue régionale comme matière obligatoire ; l’enseignement se fait pour moitié en espagnol et pour moitié en langue régionale ; l’enseignement se fait en langue régionale avec l’espagnol comme matière obligatoire.
Les répercussions seront différentes selon les communautés. En Galice ou au Paysbasque, l’option la plus choisie est celle d’un enseignement en espagnol avec la langue régionale obligatoire, alors qu’en Catalogne la volonté d’enseigner en langue régionale se fait plus forte, mais il s’agit surtout d’une volonté sociopolitique menée par la Generalitat , et le choix du modèle d’enseignement est très souvent imposé par les établissements.
Les langues étrangères
C’est en 1857 que pour la première fois en Espagne, les langues vivantes sont institutionnalisées et rendues obligatoires dès le secondaire, il s’agit de la Loi Moyano qui vient consolider le système éducatif espagnol. Cette loi sera plus ou moins effective jusqu’au début du XXème siècle et notamment avec l’arrivée au pouvoir de Franco qui réduira l’enseignement des langues étrangères au strict minimum et seulement aux langues des alliés de l’Espagne. Puis, dans la période postfranquiste, plusieurs lois seront approuvées par le gouvernement pour promouvoir les langues étrangères dans l’éducation, mais le manque d’intérêt réel de l’État ne permet pas une mise en place sérieuse des mesures annoncées.
Il faudra attendre le milieu des années 80 pour qu’enfin une politique éducative et linguistique soit instaurée dans le système éducatif espagnol (García Bascuñana, 1999). En effet, en 1986, l’Espagne entre dans l’Union Européenne (UE). Afin d’assurer une meilleure intercompréhension entre les pays membres de l’UE mais aussi pour faciliter la mobilité des travailleurs, l’UE pense que l’apprentissage des langues des autres pays européens est nécessaire et indispensable.
Rappelons tout d’abord que l’Espagne est un État décentralisé où chaque communauté autonome a une certaine liberté de gestion et d’action dans différents domaines dont celui de l’éducation géré par la Consejería de Educación de la communauté. Ainsi, l’État espagnol dicte les lois dites générales qui s’appliquent à tout le territoire, puis les communautés autonomes les adaptent aux spécificités des lois de leur communauté : le ministère de l’Éducation espagnol fixe 65% des contenus du système éducatifs dans les communautés monolingues et 55% dans les communautés bilingues, selon Cristina Escobar (2009 : 121).
De ce fait, l’enseignement de l’espagnol, des langues régionales et des langues étrangères adopte des modalités différentes selon les communautés : la formation en langueétrangère est articulée avec l’espagnol sauf dans les régions bilingues où elle est articulée àl’espagnol et à la langue régionale ce qui peut entraîner des répercussions directes sur l’éducation linguistique mais aussi sur les pratiques d’enseignement.
L’enseignement du FLE en Espagne
Pendant de longues années, le français fut la langue étrangère la plus étudiée en Espagne bénéficiant, jusqu’au milieu du XXème siècle, d’une « vieille tradition francophile et de la forte implantation d’Alliance française » (Cros, 2014 : 27). Pendant la dictature de Franco, et en pleine période d’autarcie, l’Espagne repliée sur elle-même mise sur d’autres langues telles que l’allemand et l’italien, langues des pays alliés de l’Espagne. Puis dans les années 70/80, malgré des accords entre la France et l’Espagne, l’enseignement du français est relégué au deuxième rang, notamment du fait de l’ouverture à l’international de l’Espagne qui permet à l’anglais de s’imposer, alors devenue la langue internationale.
Cependant lors de l’adhésion de l’Espagne à l’Union Européenne, la France et l’Espagne forment un partenariat dans le but de dynamiser le français notamment avec l’apparition de sections bilingues et de lycées français. Peu à peu, le français va retrouver son statut de langue utile, de communication et de travail.
Le pari de la francophilie
Longtemps, l’État français a délégué la promotion du français à des organismes privés et au système éducatif espagnol profitant de cette culture francophile très présente en Espagne, peut-être due à la proximité géographique et à la représentation élitiste que se faisaient les Espagnols de la langue et de la culture française. L’enseignement du français à cette époque ne repose que sur la volonté d’acteurs privés telle que l’Alliance Française plutôt que du bon vouloir des pouvoirs publics français.
En effet, l’enseignement du français dans le système éducatif espagnol jouissait d’un statut de privilégié, et ce jusqu’au début de la Guerre civile espagnole comme le souligne Cabezas et Herreras « dans tous [les programmes scolaires], quand on parle de langue étrangère moderne, on parle presque exclusivement du ‘français’ » (1989 : 18). D’ailleurs, un Décret du 06/09/1903 réduit l’offre des langues étrangères au seul français, avant de, quelques années plus tard, élargir de nouveau son offre à l’anglais et à l’allemand ; puis elle sera reléguée au second rang sous le franquisme derrière l’allemand et l’italien, langues des pays alliés de Franco. Malgré le rejet du français par le franquisme, il demeure la langue la plus choisie par les élèves.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’Etat français crée la Direction Générale de Relations Culturelles (DGRC qui deviendra la DGACT en 1956 : Direction Générale de Affaires Culturelles et Techniques), chargée de diffuser et promouvoir la langue et la culture française à l’étranger. Cependant, cette diffusion dépend énormément des relations politiques qu’entretient la France avec les autres pays. À cette époque, les relations politiques franco-espagnoles sont quasiment inexistantes du fait de la position de l’Espagne pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi de sa politique d’autarcie mise en place par Franco, ce qui laisse l’Espagne exclue de ce projet. Donc la promotion du français continue de reposer principalement sur les épaules d’acteurs privés et sur les Instituts et établissements français implantés en Espagne. (Cros, 2014)
Cependant, l’État français observe la préférence des élèves espagnols pour la langue française et en même temps, reste spectateur des choix opérés par le gouvernement espagnol dans ce domaine qui ne va pas en faveur du français. C’est donc à partir des années 60 que va se mettre en place une coopération linguistique et éducative franco-espagnole. De premiers accords vont être signés pour favoriser la diffusion de la langue notamment à travers l’enseignement. Cependant, ils sont difficiles à mettre en place à cause des programmes officiels qui leurs laissent peu de marge de manœuvre.
Grâce aux évolutions politiques de l’Espagne, et notamment dans ses relations avec la France dans les années 60, la DGACT va accorder des subventions aux organismes privés (notamment aux Alliances Françaises), qui ont su pallier les lacunes et compenser le désengagement de l’État français dans la promotion du français en Espagne même sous le franquisme ; et elle va également augmenter le nombre du personnel dans les établissements français. Ainsi la promotion du français en Espagne commence sous diverses formes : formation des enseignants, partenariats entre établissements, création de centre audio-visuel.
En réalité, ce plan signe l’implication de la France dans la promotion de la culture française mais il a une portée toute relative sur l’enseignement du français dans le système éducatif espagnol.
Néanmoins dans les années 70, grâce à la Mission Laïque, association fondée en 1902 dont le but est d’exporter l’école républicaine avec sa langue et ses valeurs, qui s’installe en Espagne, l’enseignement en français de matières non linguistiques est mis en place. D’abord dirigé aux enfants de français expatriés, elle s’ouvre très vite aux élèves espagnols et connait un franc succès. En effet, ce succès est dû au fait qu’elle s’implante dans des régions où la demande est forte ce qui dénote une francophilie toujours existante et importante. Aujourd’hui ces écoles sont parfaitement intégrées et reconnues dans le système éducatif espagnol. (Cros, 2014)
Malgré tout, « au niveau national, le français perd du terrain année après année de façon irréversible » (1989 : 32) comme le constate Cabezas et Herreras, en faveur de l’anglais. Pour illustrer ces dires, Cros (2014 : 34) parle de 50% d’apprenants en 1980 dans le système éducatif espagnol puis de de seulement 28,6% en 1985. Ce changement de choix de la part des élèves viendrait de l’intérêt grandissant pour la culture anglo-américaine mais aussi et surtout de l’usage de l’anglais comme langue utile à l’international. Alors qu’à cette époque le français est plutôt perçu et enseigné comme une langue de culture, c’est-à-dire qu’elle est enseignée dans une vision plus culturelle (ce qu’elle représente) que linguistique. De même, sa façon d’être enseignée est archaïque puisqu’est favorisé l’écrit (traduction, grammaire, lecture) plutôt que l’oral et sa dimension communicative.
En 1970, la Ley de Educación offrira la possibilité aux élèves d’apprendre une deuxième langue à partir du secondaire, voire une quatrième langue pour les régions bilingues, mais elle reste facultative et ne provoque pas l’enthousiasme souhaité au sein des élèves.
Prise de conscience et changement réel
Au milieu des années 80, avec son adhésion à l’Union Européenne, l’Espagne offre une nouvelle orientation à sa politique éducative puisqu’elle suit les directives européennes de politique linguistique et éducative, ce qui permet un certain cadrage dans le domaine de l’enseignement des langues étrangères et notamment de la diffusion du français en Espagne.
L’Europe encourageant le plurilinguisme dès le plus jeune âge, l’Espagne met en place à travers la Ley de Educación de 2006 introduisant, comme précédemment cité, une deuxième langue étrangère dès l’âge de 10 ans mais qui reste optionnelle. Les recommandations européennes stipulant l’utilisation de la langue étrangère comme moyen de scolarisation dans les matières non linguistiques vont impulser la création de sections bilingues au sein des établissements scolaires espagnols. L’État français va trouver des partenaires de choix dans les communautés autonomes puisqu’elles gèrent en grande partie leur propre système éducatif à travers la Consejerías de Educación.
L’enseignement du FLE dépend donc en partie des ressources économiques et des intérêts politiques de chaque communauté autonome à y investir les moyens nécessaires, ce qui va, entre autres, engendrer de grandes disparités entre les communautés. Par exemple, 70% des galiciens apprennent le français, contrairement aux Baléares où l’enseignement du FLE a quasiment disparu au profit de l’allemand, essentiellement pour des causes touristiques.
Toutefois, certaines régions font de grands efforts pour maintenir cet enseignement comme la région de Murcie (26%) ou encore l’Andalousie (21%). Cette reconquête de la langue française s’appuie sur le réseau déjà présent en Espagne (AF, Mission laïque, Lycées français, Instituts et Centres français, Écoles Officielles de Langues-EOI) mais compte avant tout sur la collaboration des établissements scolaires espagnols.
La langue française n’est alors plus perçue comme une langue de culture mais comme langue véhiculaire de l’école puisqu’elle s’inscrit dans un projet beaucoup plus large que le simple enseignement de la langue, notamment grâce aux sections bilingues. Ajoutons que certains établissements scolaires proposent une double certification depuis 2008 : le Bachibac, qui permet aux élèves d’obtenir à la fois la Selectividad mais aussi le Baccalauréat, ce qui participe à changer la perception du français langue culture en français langue utile, c’est-à-dire en langue de scolarisation, de communication et aussi de professionnalisation. De même qu’une forte augmentation des inscriptions aux diplômes de langue (DELF, DALF, TCF, …), mais aussi une demande croissante de cours de Français sur Objectifs Spécifiques (FOS) mettent en avant une tendance d’apprentissage de la langue à des fins professionnels. Ces établissements sont très recherchés et réputés chez les parents d’élèves, et peuvent recevoir un statut officiel de la part de la communauté autonome.
Cependant, comme le souligne Díaz-Corralejo Conde, ce bilinguisme cache aussi une diminution d’apprenants dans le système éducatif traditionnel car le nombre d’apprenants de français s’est maintenu malgré l’essor de ces établissements. Ce projet de sections bilingues va connaître, certes, un franc succès et va permettre à l’enseignement du français d’essayer de retrouver une place de choix au sein du système éducatif espagnol et surtout de compenser le déclin du français comme matière. (2009 : 31)
Selon le rapport de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), 13% des élèves espagnols étudient le français auxquels s’ajoutent les apprenants des EOI, des AF et IF (environ 100000 inscrits). Toujours selon l’OIF, l’Espagne compterait plus de 5 millions de francophones soit 12% des habitants du pays. Elle est la seconde langue étrangère la plus étudiée en Espagne. (OIF, 2018).
Alliance Française de Málaga
L’AF de Málaga, quant à elle, fut créée en 1967 et est restée fidèle à ses principes fondamentaux de dialogue et réciprocité dans la promotion des cultures francophones et espagnoles. D’ailleurs, en 2005, elle reçoit avec toutes les AF d’Espagne, le Prix Principe de Asturias de Comunicaciones y Humanidades pour la qualité de ses activités pédagogiques et la promotion et diffusion de la culture francophone. Outre le label ‘’Alliance Française’’, son travail est reconnu par le Centre International des Études Pédagogiques (CIEP) selon le site de l’AF . De plus, elle travaille en collaboration avec l’ambassade de France, les ministères des Affaires Étrangères et de l’Éducation Nationale français.
Ses valeurs et missions sont celles dictées par la Fondation et elle les mène à bien à travers trois axes : l’offre de cours de français pour tous peu importe le niveau, la diffusion de la culture française et francophone à travers toutes ses dimensions et la mise en avant des cultures régionales. Rappelons aussi que l’AF de Málaga fonctionne de façon autonome sans engagement politique ni religieux. C’est une association à but non lucratif. Elle s’auto-finance grâce aux cours et aux examens. Cette source économique sert à payer le loyer, les charges, les salaires, … en somme, elle sert au bon fonctionnement de l’AF. De façon très rare, des subventions peuvent être données par le ministère des Affaires Étrangères et l’ambassade de France (subvention sur projet) comme lors de la transition numérique qui s’est opérée il y a peu à l’AF de Málaga. Par ailleurs, les événements culturels organisés par l’AF sont financés par des partenariats avec des entreprises mais aussi en collaboration avec la mairie de Málaga (notamment le Festival du cinéma français).
Sur le plan culturel, l’AF de Málaga est un moteur culturel de référence dans la région notamment grâce au Festival de cinéma français de Málaga mais aussi grâce à sa galerie d’exposition où se promeut la culture française et espagnole (expositions, projections de films, présentation de livres, concerts, etc.).
Enfin, ajoutons que les derniers rapports du site de la Fondation indiquent que l’AF de Málaga est le premier centre de passation d’examens du DELF/DALF d’Espagne avec près de 3000 candidats inscrits (septembre 2021 – juillet 2022) puisqu’elle gère la province de Málaga, de Cordoue et d’Almería (tout public et scolaire). Ajoutons que le récente fermeture de l’AF Grenade va accroître ces chiffres dans l’année à venir.
L’enseignement du FLE aux enfants
À présent, nous allons aborder les objectifs et les principes pédagogiques dans l’enseignement du FLE
Objectifs
Pour Vanthier (2009), l’enseignement du FLE aux enfants se donne trois objectifs principaux. Le premier est l’ouverture de l’enfant aux autres et au monde. Selon cette chercheuse, aborder une langue étrangère, c’est aussi prendre conscience de l’autre, de sa langue, de sa culture, de ses modes de vie, de sa perception du monde. On apprend des langues étrangères pour pouvoir communiquer avec des locuteurs étrangers dans leur pays, ou dans celui des apprenants. Le but premier est de développer la conscience interculturelle chez les enfants. Selon le CECRL, cette prise de conscience permettrait « de favoriser un développement harmonieux de la personnalité de l’apprenant et de son identité en réponse à l’expérience enrichissante de l’altérité en matière de langue et de culture » (2001 : 9).
En somme, enseigner une langue étrangère serait aussi une formation à devenir un meilleur citoyen, à s’ouvrir aux autres et à respecter les différences. Cependant, pour Vanthier, cette « bienveillance à l’égard de l’autre » peut se retrouver freinée par les « jugements de valeurs implicites et les stéréotypes divers liés au milieu et à la culture dans laquelle l’enfant grandit. Mais il est fondamental dans sa fonction éducative et rejoint l’éducation au respect des différences que l’on essaie de développer largement à l’école maternelle et élémentaire : respect des différences physiques, cognitives et/ ou culturelles des enfants. » (2009 : 44). Le deuxième objectif est de développer les compétences communicatives en langue étrangère, c’est-à-dire la compréhension orale et écrite, la production orale et écrite, et l’interaction orale. Les actes de parole acquis à travers ces compétences vont lui permettre de reproduire ce qu’il fait dans sa langue maternelle : agir et interagir. Dans le contexte particulier de l’enseignement d’une langue étrangère à un enfant, cette prise de conscience d’une langue utile, de communication, est nécessaire, lui donnant accès à diverses activités.
Pour ce faire, les objectifs linguistiques (lexique, morphosyntaxe, phonologie) en classe devront favoriser la communication. Comme l’indique Vanthier, « Apprendre à parler une langue n’est pas apprendre à répéter comme un petit perroquet des salutations, des questions et des réponses stéréotypées dans le cadre d’une communication qui tourne à vide. (…) Il ne s’agit donc pas d’équiper les enfants d’un kit communicationnel d’urgence qui, de toute façon, ne leur servirait souvent à rien, mais de jeter les bases des futurs apprentissages communicatifs oraux et écrits… » (2009 : 44).
Enfin, le dernier objectif est de développer la conscience métalinguistique de l’enfant en l’amenant à réfléchir sur le fonctionnement de cette langue. Souvent, ce cheminement commencera par une phase d’observation de la langue étrangère, pour passer à une phase de comparaison avec sa langue maternelle. C’est alors que l’apprenant entrera dans une phase de distanciation par rapport au langage en se centrant sur les règles de fonctionnement de la langue étrangère. La prise de conscience du fonctionnement de la langue aura un rôle important quand l’apprenant commencera l’écrit.
Dans sa thèse, Gangolli, fait un état des lieux de ce sur quoi l’enseignant doit se focaliser dans l’apprentissage du FLE chez l’enfant : tenir compte des compétences qu’il a acquis à son âge et le développer sur le plan langagier, cognitif et affectif ; créer l’envie de découvrir et d’apprendre la langue française et la culture francophone ; proposer des activités physiques, avec du mouvement ; orienter les actes de parole selon les centres d’intérêt et les besoins de l’enfant ; « mettre en place un environnement rassurant, valoriser la spontanéité et la prise de risques et favoriser l’expression par tous les moyens possibles […] sensibiliser aux particularités sonores du français et lui permettre de développer ses capacités à entendre, identifier, discriminer et reproduire les phonèmes […] et les schémas intonatifs de la langue. » (2017 : 145-146).
L’environnement
Du point de vue de l’apprenant, l’enseignant est un adulte inconnu parlant une langue méconnue, ce qui peut être effrayant pour l’enfant. C’est pourquoi l’espace classe doit offrir un environnement de confiance, rassurant et sécurisant. Vanthier conseille une classe spacieuse pour les activités physiques, proche des toilettes, avec des meubles adaptés à la taille des enfants et permettant le travail en groupe. Selon elle, l’important est de recréer un coin spécial pouvant accueillir les enfants dans une ambiance chaleureuse (2009 : 73). Une attitude de proximité, un ton de voix adapté, les gestes, les mimiques, les sourires, sont aussi des facteurs pouvant mettre à l’aise l’enfant.
De plus, la décoration de la classe est aussi importante et l’on peut trouver des cartes, des photos, des productions faites par les apprenants, des affiches avec du lexique, etc…. La classe doit aussi compter un certain nombre d’objets tels que des stylos, des crayons de couleurs et à papier, des feutres, des ciseaux à bouts ronds, de la colle, des gommes, des taille-crayons, du papier, des coloriages, des jeux, des dés, des pions, etc…. Le but rechercher sera de créer un environnement rassurant et le plus francophone possible pour mettre les enfants presque en immersion linguistique grâce à l’organisation de la classe (objets, décoration, …) et à la démarche pédagogique employée, favorisant ainsi l’apprentissage de la langue.
Pour contribuer à rassurer l’enfant dans ce nouvel environnement, il convient de mettre en place des repères facilement identifiables par l’enfant comme des rituels de classe que ce soit dans le déroulé de la séance ou à travers la gestuelle. Enfin pour favoriser un climat de confiance, l’enseignant doit avoir une attitude positive en valorisant et en encourageant les enfants dans l’optique qu’ils interagissent davantage, s’améliore.
La langue maternelle
Un autre point à aborder est l’utilisation de la langue maternelle en classe de langue étrangère. Selon O’Neil, il n’y a pas un vrai accord sur cette question cependant, il dit que la place qui lui est accordée peut dépendre des objectifs de l’enseignement. Dans les cours de sensibilisation à la langue et à la culture étrangère, la langue maternelle pourrait aider à la compréhension et rassurer l’enfant. Dans les cours de maîtrise de la langue étrangère, le recours à la langue maternelle diminuera progressivement, jusqu’à disparaitre en faveur de la langue étrangère. Comme elle le souligne, « l’attitude des enseignants est devenue beaucoup plus détendue à ce propos, d’autant qu’on a pris conscience du fait que les enfants, même très jeunes, interprètent à leur façon la langue étrangère, et donc que la langue maternelle n’est jamais réellement absente de la classe. » (1993 : 240).
Dans la classe de FLE, deux types d’enseignement pourraient ainsi être observés : le premier serait l’absence totale de la langue maternelle où l’enseignant ne parle uniquement en langue étrangère pour communiquer en classe, ce qui peut provoquer soit une désinhibition de l‘enfant qui se lance dans le tout en français et acquiert rapidement les habitudes communicationnelles de la classe de FLE, soit de la frustration ou de la peur où l’enfant se renferme et rejette la langue étrangère ; et le second serait la présence de la langue maternelle pour une entrée en douceur rassurant l’enfant dans la phase de sensibilisation au monde francophone pour progressivement mettre en place « les techniques de l’approche communicative pour accueillir les enfants, échanger avec eux, donner des consignes, expliquer le lexique, corriger, etc. C’est à ce moment-là que l’enseignant devrait développer des stratégies efficaces de communication verbale, para verbale et non verbale. » (Gangolli, 2017 : 163). Ainsi l’enseignant se fait comprendre, c’est pourquoi une approche en douceur serait donc une méthode moins brusque et effrayante d’initier les enfants à une nouvelle langue.
En effet, comme le souligne Vanthier, « Une situation d’apprentissage véritable suppose une déstabilisation (sinon il n’y aurait rien à apprendre) et un point d’appui (sinon on ne verrait pas comment apprendre ce qu’il y a à apprendre). » (2009 : 21). En somme, dans une situation d’apprentissage d’une langue étrangère, la langue nouvelle déstabiliserait l’enfant mais l’enseignant serait là pour le guider grâce aux interactions. Ce qui suppose aussi pour l’enseignant de « déterminer ce qui constitue un obstacle franchissable, assez exigeant pour que la tâche soit intéressante, se situant entre ce que les enfants sont capables de faire seuls et ce qu’ils pourront réaliser ensuite grâce à l’intervention d’une médiation extérieure. » (2009 : 21).
Les compétences de production orale se développeront grâce aux interactions verbales en classe. Pour le passage à l’écrit en langue étrangère chez un enfant, Vantier (2009) conseille de le décaler jusqu’à ce l’enfant ait acquis l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans sa langue maternelle. Il faudrait donc privilégier les compétences orientées sur l’oral (compréhension, production et interaction).
|
Table des matières
Introduction
PARTIE I – PRESENTATION DU CONTEXTE DE STAGE
Chapitre 1 – Le terrain de stage
1 – L’enseignement des langues en Espagne
2 – L’Alliance Française
3 – Les acteurs
Chapitre 2 – Projet de stage et problématique
1 – Les missions de stage
2 – Analyse des besoins
PARTIE II – CADRAGE THEORIQUE
Chapitre 3 – Le public enfant
1 – Quel profil d’apprenant ?
2 – Enfants et apprentissage des langues
Chapitre 4 – Qu’est-ce que le jeu ?
1 – Définition
2 – Intérêts du jeu avec les enfants
3 – Le jeu en classe de langue
Chapitre 5 – Qu’est-ce que la motivation ?
1 – Définition
2 – Motivation chez les apprenants enfants
3 – Motivation et apprentissage d’une langue étrangère par le jeu
PARTIE III – PROJET D’INGENIERIE : CAMPAMENTO DE VERANO
Chapitre 6 – Objectifs et réflexions
1 – Objectifs généraux et opérationnels
2 – Quelques réflexions autour de la problématique
Chapitre 7 – Méthodologie et conception
1 – Méthodologie du recueil de données
2 – Conception des activités
Chapitre 8 – Animation et bilan
1 – Analyse des recueils de données
2 – Analyse des observations
3 – Bilan
Conclusion
Bibliographie
Sitographie
Sigles et abréviations utilisés
Table des annexes
Annexes
Table des matières
Télécharger le rapport complet