Polarisation provoquée: expérimentation, modélisation et applications géophysiques

En géophysique, les méthodes électriques concernent la mesure des propriétés électriques du sous-sol. La méthode de Polarisation Provoquée (PP) constitue une extension de la méthode électrique en courant continu. La méthode de la résistivité électrique classique (ERT : Electrical Resistivity Tomography en anglais) cible la conductivité électrique du milieu (transport de charges), tandis que la méthode de Polarisation Provoquée est concernée par la polarisation du milieu (séparation et réorientation de charges). Cette dernière propriété (la polarisation du milieu) est observée à partir de la dispersion, en fonction de la fréquence, de la résistivité complexe ou de la conductivité complexe des matériaux contenant deux types de conductions (électronique et ionique). Dans le domaine temporel cette dispersion se manifeste par une tension secondaire transitoire dans les matériaux polarisables après l’interruption d’un courant continu injecté durant quelques fractions de secondes à plusieurs secondes.

Les mesures de PP peuvent être réalisées dans le domaine temporel ainsi que dans le domaine fréquentiel (spectral). Cependant, les mesures sur le terrain sont majoritairement acquises dans le domaine temporel (plus rapide à mettre en œuvre et évitant en grande partie les problèmes de couplage électromagnétique). Dans ce domaine, on mesure la chargeabilité apparente en plus de la résistivité apparente du milieu. Au contraire, les mesures en laboratoire sont acquises dans le domaine fréquentiel, où l’on mesure l’amplitude de la résistivité et le déphasage entre la tension mesurée et le courant injecté, afin de caractériser la résistivité complexe de milieu.

Le développement dans le domaine fréquentiel a été intense dans les laboratoires (Vanhala et Soininen, 1995 ; Slater et Lesmes, 2002b ; Ghorbani et al., 2009b ; Revil et Florsch, 2010) et a conduit à l’existence de plusieurs modèles de relaxation (ex. modèle Debye, Cole-Cole, ColeDavidson ou à phase-constante) qui représentent, empiriquement le plus souvent, les différents phénomènes de Polarisation Provoquée.

Par contre, le développement dans le domaine temporel a été moindre et les études sont limitées aux applications de la méthode à certaines cibles (par exemple environnementales pour détecter les zones polluées (Gazoty et al., 2012), ou sur les sites archéologiques (Florsch et al., 2012) ainsi que dans l’exploration minière (Luo et Zhang, 1998)). Les données de PP dans ce domaine sont toujours modélisées en utilisant la chargeabilité totale calculée selon la définition de Seigel (1959).

Malgré les développements apportés sur la méthode de PP dans le domaine fréquentiel, les mécanismes physiques responsables de la réponse observée sur toute la gamme de fréquence (< 45 kHz) sont toujours en attente d’une meilleure compréhension. Par exemple, le signal à haute fréquence (> 1 kHz) est utilisé pour la détection de transferts de CO2 dans les sols (Kremer et al., 2016), ce signal est généralement attribué à la polarisation de Maxwell-Wagner (Leroy et al., 2008 ; Vaudelet et al., 2011a).

Bref historique de la méthode de polarisation provoquée

Le phénomène de polarisation provoquée a été constaté et décrit par Conrad Schlumberger vers 1913 (Seigel, 1959 ; Seigel et al., 2007 ; Kemna et al., 2012). Il a constaté que la différence de potentiel, mesurée entre deux électrodes, ne revenait pas toujours instantanément à zéro lors de la coupure d’un courant électrique initialement appliqué. Le potentiel décroissait progressivement vers zéro pendant un certain temps. Schlumberger a publié une monographie en 1920 (re-éditée à l’identique en 1930 (Schlumberger, 1930)) sur les méthodes de prospection électrique, dans laquelle il associe, dans un court chapitre, le phénomène de décroissance lente à une polarisation du sous-sol. Il a également signalé qu’il avait trouvé de longues décroissances similaires dans les roches non minéralisées. En 1929, il a utilisé la polarisation provoquée en recherche pétrolière en puits en URSS. Enfin, il a présenté ces données de PP comme un rapport entre le signal mesuré après la coupure de courant électrique Vs (potentiel secondaire) et le potentiel premier Vp établi après un long temps d’injection de courant continu. Seigel (1959) a proposé une formulation mathématique de la réponse d’un milieu de différentes résistivités et chargeabilités. Dans cette étude, il a introduit le paramètre « m » de la chargeabilité du milieu qui fut pendant de nombreuses années le paramètre quantitatif principal issu de l’interprétation des données de polarisation provoquée temporelle.

Jusqu’aux années 50, toutes les mesures PP du sous-sol étaient exclusivement observées et mesurées dans le domaine temporel. En 1950, lors de mesures expérimentales en laboratoire, Collett et Seigel ont trouvé que la résistivité d’un échantillon de sulfure diminue significativement en augmentant la fréquence du courant alternatif utilisé dans cette expérience (Seigel et al., 2007). La méthode en domaine fréquentiel a ensuite été généralisée par Wait (1959). Certains essais sur le terrain dans le domaine fréquentiel ont été réalisés en 1950-1951, mais cette recherche a été abandonnée en faveur du domaine temporel, car à cette époque les instruments de mesure n’étaient pas suffisamment performants (problème de sensibilité notamment) (Ghorbani, 2007 ; Okay, 2011).

A partir des années 1950, des études sur l’origine physique des phénomènes observés ont débuté. Bleil (1953) a réalisé des études en laboratoire sur différents types de minéraux métalliques et du graphite pour expliquer l’origine du signal observé sur les sites miniers. Ces travaux ont montré qu’un potentiel de polarisation peut être mesuré à la surface d’un objet métallique ou lorsque des particules métalliques disséminées sont plongées dans un électrolyte. Il en a déduit que la meilleure application de la méthode concernait la prospection de minerais. Dans ces explications il a présenté l’origine de PP comme la suivante : au niveau de la surface électrolyte-particule métallique, il y a un changement dans le mode de conduction du courant (ionique vers électronique), donc les ions sont bloqués à la surface de la particule métallique, ce qui provoque une accumulation de charges électriques à l’interface ; celles-ci se relaxent lorsque le courant est arrêté. Dans ces mesures Bleil a utilisé des électrodes non-polarisables de type Ag/AgCl (Bleil, 1953).

Pendant les années 50, les travaux de Madden et ses collègues sont remarquables. Madden a développé la configuration de dipôle-dipôle pour le profilage et la pratique de la présentation des résultats de profil en 2D sous forme de pseudo-sections à la fois pour la résistivité et la réponse PP (Seigel et al., 2007). Cette dernière a été représentée à la fois par le pourcentage d’effet de fréquence (PFE : Percent Frequency Effect) et par le facteur métal (MF : Metal Factor) qui est la différence entre les conductivités prises à deux fréquences choisies, affectée d’un coefficient. Pour ces définitions et d’autres de grandeurs exploitées en PP, on peut se référer à (Telford et al., 1990). Entre 1956 et 1959, Madden et Marshall ont mené une série d’expérimentations en laboratoire combinées à des études théoriques sur la nature du signal PP observé dans des milieux ne possédant pas de particule métallique. Marshall et Madden (1959) proposent les premiers modèles sur les deux origines de la polarisation provoquée : la polarisation d’électrode et la polarisation de membrane: dans ces deux cas, le mécanisme de polarisation est lié à la diffusion des ions, et, par conséquent, ils ont conclu qu’il est difficile de distinguer entre ces deux types de polarisation. Par la suite Madden et Cantwell (1967) introduisent la notion d’impédance de Warburg afin de décrire quantitativement le phénomène PP par des circuits électriques équivalents. Vaquier et al. (1957) ont appliqué la méthode PP pour la recherche d’eaux souterraines. Après ces projets de recherche dans les années 1950, la méthode PP s’est répandue essentiellement pour l’exploration de minéralisations de sulfures en Amérique du Nord. Pendant ces années, les auteurs s’intéressaient pas à l’angle de phase qu’à la variation fréquentielle de l’amplitude de la résistivité (effet fréquentiel, FE).

A partir des années 1960, les recherches de PP sont focalisées sur la réponse spectrale (amplitude et phase) : c’est la résistivité complexe. Des modèles semi-empiriques qui relient les observations de polarisation provoquée spectrale (PPS) avec des propriétés pétrophysiques du milieu voient le jour avec le travail de Schwarz (1962) sur les colloïdes. Ce travail a permis de relier le temps de relaxation à la taille des particules et au coefficient de diffusion des ions dans l’électrolyte.

Fondamentaux physiques et chimiques

Les géomatériaux sont à la fois conducteurs et diélectriques. Par conséquent, les phénomènes électriques (électrostatiques) dans le sous-sol en présence de champ électrique externe peuvent être :
1. Conduction : déplacement de charges (électrons et/ou ions) ;
2. Polarisation : séparation de charges immobiles.

Les différentes propriétés électriques sont ici introduites d’après Chelidze et Gueguen (1999). L’application d’une tension V = V0 exp(iwt) (w la fréquence angulaire (en rad/s)) entre deux points du milieu va créer une circulation d’un courant électrique dans le milieu. En simplifiant les équations données par Marshall et Madden (1959) et Revil et Linde (2006), la densité totale du courant Jt (en A/m2 ) est essentiellement la somme des deux contributions (en négligeant la faible influence de densité de courant de diffusion) :

Jt = Jc + Jd (1.1)

où :
– Jc représente la densité de courant de conduction ; elle est liée à l’électromigration des charges libres et est contrôlée par la loi d’Ohm :

Jc = σ E (1.2)

Rappels sur les mesures de résistivité électrique et PP 

L’objectif de cette section est de décrire les principes des méthodes électriques (tomographie de résistivité électrique (ERT) et de chargeabilité). En général, toutes les méthodes électriques étudient la distribution du potentiel (pendant l’injection ERT, après l’injection PP et sans injection PS) dans le milieu pour le caractériser. Dans un premier temps, nous décrivons l’équation de distribution du potentiel électrique dans le milieu, puis discutons de l’acquisition des données.

Équation du potentiel électrique dans le milieu

Dans un milieu 3D, isotrope où la distribution de conductivité électrique σ(r); le potentiel V (en V) à un point quelconque à distance r (en m) d’une source ponctuelle de courant électrique, est définie par l’équation de Poisson (Binley et Kemna, 2005) :

∇(σ∇V ) = −Iδ(r) (1.11)

Acquisition de données 

La méthode de tomographie de résistivité permet d’évaluer les variations spatiales (horizontales et verticales) de la résistivité des géomatériaux à partir des mesures de la distribution du potentiel. La notion de résistivité électrique (mesurée en Ωm) d’un matériau est définie par sa capacité à s’opposer au passage d’un courant électrique continu (direct current DC). La résistivité des géomatériaux varie dans une large gamme de grandeur. Généralement, un dispositif de quatre électrodes est utilisé pour effectuer les mesures de la résistivité et de PP : deux électrodes (A et B) pour injecter un courant électrique I (d’intensité connue) dans le milieu, et deux autres électrodes (M et N) pour mesurer la différence de potentiel ∆ V .

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Table des matières

Introduction générale
1 Introduction de la méthode de polarisation provoquée : Etat de l’art
1.1 Bref historique de la méthode de polarisation provoquée
1.2 Fondamentaux physiques et chimiques
1.3 Rappels sur les mesures de résistivité électrique et PP
1.3.a Équation du potentiel électrique dans le milieu
1.3.b Acquisition de données
1.4 Les paramètres mesurées en PP
1.4.a Mesures dans le domaine temporel
1.4.b Mesures dans le domaine spectral
1.5 L’origine des signaux mesurés en PP
1.5.a Polarisation d’électrode
1.5.b Polarisation de la double couche électrique
1.5.c Polarisation de membrane
1.5.d Polarisation d’interface
1.6 Modèles de représentation des données de polarisation provoquée
1.6.a Modèles empiriques
1.6.b Modèles semi-empiriques
1.7 Les applications de la méthode de Polarisation Provoquée
1.7.a Application dans le hydrogéologie pour calculer la conductivité hydraulique
1.7.b Application aux sciences de l’environnement pour détecter les zones polluées
1.7.c Application dans l’archéologie
1.8 Conclusion
2 Mesures expérimentales selon différents types d’électrodes
2.1 Introduction à l’article
2.2 Article
2.3 Conclusion de l’article et perspective
3 Le signal PP sur un milieu contenant des particules semi-conductrices
3.1 Introduction à l’article
3.2 Article
3.3 Conclusion de l’article
3.4 Modélisation dans le domaine fréquentiel
3.4.a Méthodologie de solution en domaine fréquentiel
3.4.b Calcul de l’intensité du courant électrique
3.5 Erreur d’interpolation sur le maillage
3.6 Validation du calcul : comparaison avec des données expérimentales
3.7 Résultats des modélisation dans le domaine fréquentiel
3.8 Conclusions
4 Applications de prospection géophysique sur un site archéologique
4.1 Introduction du site
4.2 Article : application de PP en archéologique
4.3 Conclusion
5 Conclusions

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