Au cours de nos différents stages nous nous sommes posé plusieurs questions concernant la motivation des enfants à l’école primaire. La persévérance ou le découragement de certains nous pousse à approfondir ce sujet qui semble être un élément essentiel dans les apprentissages. Cette question nous permet d’introduire le sujet de la motivation chez les élèves en difficulté et plus particulièrement au sein des dispositifs d’aide. Parmi les nombreux dispositifs mis en place par l’Éducation nationale pour pallier les difficultés des élèves, nous avons choisi d’étudier plus particulièrement les APC (Activités Pédagogiques Complémentaires). En effet, ce temps devant être dispensé obligatoirement par les professeurs des écoles fait partie intégrante de la vie quotidienne de la classe. C’est donc pour cela que nous avons jugé intéressant d’observer les démarches mises en place lors de ce moment.
Point de vue des chercheurs sur la mise en place du dispositif des APC
Il existe peu d’évaluations de ce dispositif par sa nouveauté. Mais, Suchaut (2009) nous révèle qu’au vu des résultats aux évaluations internationales des élèves montrant une baisse de leurs résultats, une aide personnalisée est une nécessité. Il s’avère que dans la plupart des observations, les enseignants guident les pratiques des élèves et ne laissent en fait pas ou peu d’initiatives aux élèves. Néanmoins, Philippe Claus (2016) a publié récemment un article sur ce dispositif s’intitulant Aide personnalisée (AP) et activités pédagogiques complémentaires (APC) : deux dispositifs récents pour aider les élèves à l’école primaire. Il nous y explique qu’avec ses deux dernières réformes, l’Éducation nationale a la volonté de rompre la tension qu’il existe entre « un enseignement collectif dominant et la recherche de formes de différenciation jugées indispensables pour lutter contre l’échec scolaire et la discrimination sociale » (p.65). Il y montre que ce dispositif, remplaçant l’aide personnalisée, est vu par la majorité des professeurs des écoles comme un moyen pouvant pallier les difficultés ponctuelles des élèves mais pas pour gérer une grande difficulté scolaire. Claus montre par ailleurs que les enseignants s’inscrivent dans la continuité des aides personnalisées pour mener à bien ces nouvelles activités. Les activités de soutien, la remédiation et l’aide aux élèves en difficulté sont les principales utilisations qu’ont les professeurs des APC. Néanmoins, des enseignants élargissent cette notion d’aide en proposant du soutien méthodologique ou de la prévention des difficultés d’apprentissage.
Point de vue des chercheurs sur la motivation
Le modèle de Ryan et Deci
Dans leur théorie sur l’autodétermination, Deci et Ryan (2002) s’intéressent particulièrement à deux formes de motivation : la motivation intrinsèque et extrinsèque. La valeur perçue par l’élève de pouvoir s’engager librement dans une activité est importante pour la motivation. Ce besoin d’autorégulation est lié à d’autres besoins : la perception de la compétence et entretenir des relations avec les autres. Ces besoins influencent selon Deci la motivation. Ainsi, face à plusieurs situations d’échec, un élève peut rester motivé selon le raisonnement qu’il tient face à ses échecs.
S’il attribue ses échecs répétés à un manque d’intelligence, il en arrivera assez vite à la conclusion qu’il est inutile de persévérer. A l’inverse, s’il s’aperçoit que ses échecs peuvent être attribués à des conditions momentanément défavorables alors il lui suffira d’attendre patiemment son heure. (p.132 dans Carré et Fenouillet, 2009).
Pour qu’un élève aime une activité et donc soit motivé intrinsèquement, il doit s’approprier les objectifs de l’activité proposée par l’enseignant qui ne sont pas les siens.
Dans ce modèle, un élève qui est motivé extrinsèquement ne s’autorégule pas. Il fait une activité parce qu’il est obligé. C’est le niveau le plus bas selon Deci. Ensuite, le second niveau est l’introjection. Dans celui-ci, la source de contrôle est externe mais l’élève se l’approprie peu à peu. Dans le niveau de l’identification, l’élève fait une activité car il pense que ses conséquences sont importantes pour lui. Il est motivé par les conséquences de l’activité et non par l’activité en elle même. L’intégration est le niveau qui se rapproche le plus de la motivation intrinsèque. L’élève s’engage dans l’activité car elle correspond à ses propres buts. Mais l’élève n’est pas motivé intrinsèquement car il n’accomplit pas la tâche pour le plaisir de la faire. Le concept d’amotivation est défini comme étant « une absence de toute forme de motivation » (Deci, Pelletier, Vallerand et Ryan, 199, cité par Viau, 1997, p.107). En effet, l’élève ne perçoit pas la relation entre l’action et le résultat.
Vianin cite Roussel (2000) dans un de ses ouvrages en définissant la motivation intrinsèque comme étant « les forces qui incitent à effectuer des activités volontairement, par intérêt pour elles-mêmes et pour le plaisir et la satisfaction que l’on en retire » (p. 29). L’auteur l’explique comme étant une motivation indépendante de toutes récompenses extérieures pour atteindre son objectif apportant ainsi une satisfaction personnelle chez l’élève lors de la réalisation de la tâche. Cette motivation est propre à l’individu. Les élèves ne l’utilisent pas directement, c’est pour cela que l’enseignant doit la leur faire acquérir pour qu’ils ne soient pas seulement motivés par une récompense extérieure. Mais pour certains subissant une baisse de motivation, la motivation extrinsèque reste la seule disponible lors de leurs apprentissages.
Les déterminants de la motivation
Selon Rolland Viau (1997) la motivation en contexte scolaire des élèves joue un rôle essentiel dans leurs apprentissages. Il traduit la motivation comme « un état dynamique, avec des origines internes à l’élève et à son environnement, cette motivation le pousse à accomplir des actions pour atteindre un but dans l’apprentissage scolaire » . Viau définit dans La motivation en contexte scolaire quatre indicateurs de la motivation : le choix de faire une activité, la persévérance dans son accomplissement, l’engagement cognitif et la performance qui en résulte. Ces indicateurs sont les conséquences de la motivation et les déterminants en sont la source.
Les indicateurs de la motivation
Toujours selon Viau (1997), le choix est le premier indicateur de la motivation. Un élève est motivé s’il choisit de faire une activité. Alors qu’au contraire, s’il n’est pas motivé, il va l’éviter et donc mettre en place des stratégies d’évitement (regarder des images dans le dictionnaire, se lever sans arrêt, demander des explications inutiles, faire répéter l’enseignant…). Ensuite, la persévérance est liée à la durée d’un travail. Elle joue un rôle important à l’extérieur du milieu scolaire car en rentrant de l’école où l’élève a été encadré, il doit faire ses devoirs lui-même. Donc un élève fait aussi preuve de persévérance s’il consacre un certain temps à son travail chez lui. Mais cette persévérance peut aussi s’observer en classe selon l’attitude de l’élève face à une difficulté apparente. Selon Viau, c’est un prédicateur de réussite car plus un élève persévère dans une activité plus il a de chance de réussir. L’engagement cognitif « se définit comme l’utilisation par l’élève de stratégies d’apprentissage et de stratégies d’autorégulation lorsqu’il accomplit une activité » (Viau, 1997, p.77). Il semble important de rappeler les définitions de Viau dans son ouvrage de ces deux termes : les stratégies d’apprentissage sont les « moyens que les élèves peuvent utiliser pour acquérir, intégrer et se rappeler les connaissances qu’on leur enseigne » (Weinstein et Meyer 1991, Ibid., p.78). Les stratégies d’autorégulation « sont des stratégies cognitives que l’élève utilise consciemment, systématiquement, et constamment lorsqu’il assume la responsabilité de son apprentissage » (Zimmerman, 1990, 1986, Ibid., p.83). Ces stratégies permettent à l’élève d’être responsable de son apprentissage et donc de développer l’autonomie. Il y a trois catégories de stratégies d’autorégulation : les stratégies métacognitives, de gestion et motivationnelles. Ainsi, d’après les recherches de Zimmerman et Martinez-Pons, (1992, 1986, Ibid.) plus un élève utilise des stratégies d’autorégulation plus il réussit. Enfin, le dernier indicateur est la performance, jouant un rôle majeur dans la dynamique motivationnelle. C’est une conséquence de la motivation.
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Table des matières
Introduction
Première partie : cadre institutionnel et théorique
1 Cadrage institutionnel
1.1 Point de vue de l’institution
1.2 Les élèves
1.3 Organisation
1.4 Contenus et démarches
1.5 Articulation avec la classe
2 Justifications scientifiques
2.1 Point de vue des chercheurs sur la mise en place du dispositif des APC
2.2 Point de vue des chercheurs sur la motivation
2.2.1 Le modèle de Ryan et Deci
2.2.2 Les déterminants de la motivation
2.2.3 Les indicateurs de la motivation
2.3 Processus intellectuels mis en jeu dans l’apprentissage
2.3.1 La métacognition
2.3.2 Le transfert des apprentissages
2.4 Les caractéristiques de l’élève en difficulté
2.5 La pédagogie de soutien, une aide aux élèves en difficulté ?
2.6 La posture de l’enseignant
2.7 L’importance du statut de l’erreur dans l’apprentissage de l’élève
2.8 Importance de la manipulation en mathématiques
2.9 L’activité de résolution de problèmes
2.9.1 Les problèmes à étapes
2.9.2 Les problèmes relevant de la proportionnalité
2.10 Problématique et hypothèses de recherche
Deuxième partie : cadre méthodologique
1 La méthodologie mise en œuvre
1.1 La procédure utilisée
1.2 L’échantillon choisi
Troisième partie : l’analyse des données recueillies
1 L’analyse des observations
1.1 Les modalités d’organisation des séances d’APC
1.2 La place de l’élève dans les séances d’APC
1.3 La posture de l’enseignant lors des séances d’APC
1.4 Les modalités d’organisation des séances en classe entière
1.5 La place de l’élève dans les séances en classe entière
1.6 La posture de l’enseignante lors des séances en classe entière
2 Observations et hypothèses
3 Discussion
3.1 Prendre conscience de ses progrès
3.2 Un manque de confiance en soi
3.3 L’influence des activités sur la motivation des élèves
3.4 L’influence de l’activité sur la progression des élèves
3.5 L’attention et la concentration en classe
3.6 La métacognition en classe chez les élèves
3.7 Le transfert des apprentissages
Conclusion
Bibliographie