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ORIGINE DE LA DIVERSITE GENETIQUE
Les populations végétales sont génétiquement structurées dans l’espace et dans le temps, dans un environnement et à une génération donnée[29]. La structure génétique d’une population dépend alors non seulement de l’environnement dans lequel la population évolue, mais aussi de son fond génétique. L’évolution des espèces est le résultat de mécanismes génétiques (mutation, migration, dérive génétique et sélection) répétés sur plusieurs générations[30].
LE POLYMORPHISME
Selon la théorie neutre de la diversité moléculaire[30], les polymorphismes présents au sein des populations sont généralement neutres, car tout allèle apparu par mutation est rapidement fixé (si il est avantageux) ou rapidement éliminé (si il est délétère) laissant seulement les allèles « quasi » neutres dans un état polymorphe, et n’ont donc pas d’effet sur la fitness de l’individu et de la population. Une fraction des polymorphismes peut toutefois être soumise à la sélection naturelle [31-33] mais persister dans les populations, grâce à la sélection balancée ou à des régimes de sélection variables dans l’espace et dans le temps[34]. Une autre fraction du polymorphisme, transitoire, est représentée par des allèles en cours d ‘élimination ou de fixation [30]).
Chez les arbres forestiers le polymorphisme est généralement élevé en raison de leur biologie de la reproduction (allogame pour la plupart), un temps de génération long, peu ou pas de domestication, des populations de grandes tailles. Pour cet ensemble de critères, les arbres forestiers pourraient renfermer un réservoir de gènes importants pour répondre aux variations de l’environnement et s’adapter localement [35-37].
Les arbres tropicaux présentent aussi ses caractéristiques, avec de forts niveau de diversité génétique intra population [38-40] qui est un pré-requis pour l’action de la sélection naturelle en réponse aux variations de l’environnement.
LES MUTATIONS
La mutation permet, par l’introduction de nouveaux allèles, l’augmentation de la diversité génétique d’une population. Elle correspond à un changement héréditaire du matériel génétique de l’organisme. Quand les mutations se produisent sur un gène ou un ensemble de gènes importants pour la fitness, elles peuvent donner lieu à un polymorphisme adaptatif et ainsi avoir un rôle évolutif.
Une hypothèse complémentaire proposée pour expliquer la diversité spécifique en milieu tropical serait un taux d’évolution plus fort qu’en milieu tempéré[41]. Le taux de mutation serait plus fort en raison de l’absence d’arrêt de croissance en hiver, et d’un climat chaud et ensoleillé qui augmenterait les mutations. Il a par notamment été montré récemment[42] que le taux d’évolution des espèces tropicales est deux fois plus rapides que des espèces congénériques des climats tempérés.
LA MIGRATION
En génétique des populations la migration se caractérise par la transmission d’allèles, d’une population à une autre. Comme la mutation, elle peut permettre l’augmentation de la diversité génétique d’une population. Chez les plantes, la migration se fait par la dispersion, du pollen et des graines.
Le niveau de divergence génétique entre populations va ainsi dépendre de l’intensité de la diffusion du pollen, de sa dissémination et des distances parcourues, en moyenne, par le pollen et les graines. Des espèces à faible dispersion auront tendance à montrer une forte structuration génétique spatiale à l’intérieur des peuplements et une forte différenciation entre peuplements. Par contre, des forts taux de dispersion des graines et de longues distances de pollinisation engendreront une structure populationnelle beaucoup plus uniforme [43] et diminueront le risque de divergence des populations[29].
LA DERIVE GENETIQUE
La dérive génétique est la fluctuation des fréquences alléliques causée par l’échantillonnage des gamètes qui contribuent réellement à la génération suivante, à partir de l’ensemble des gamètes produits à une génération donnée. C’est un mécanisme de l’évolution qui entraîne une variation stochastique des fréquences des allèles à l’intérieur des populations, et au cours des générations. La dérive génétique, dans une population finie, peut rapidement fixer ou éliminer un allèle, si la population est petite, et à contrario, les chances de fixation ou d’élimination d’un allèle seront d’autant plus faibles si la taille de la population est importante.
La probabilité de fixation d’une mutation neutre qui vient d’apparaître est de 1/2N, avec 2N, le nombre total de gamètes[44]. La théorie prédit qu’à terme, en absence d’autres forces évolutives, la dérive entraîne la fixation de tous les locus d’une population.
LA SELECTION
La sélection est un mécanisme qui contribue à l’évolution des espèces par le changement des fréquences alléliques au sein des populations. Selon Darwin[45], elle agit comme un filtre favorisant les phénotypes les plus aptes à la survie et à la reproduction, en éliminant les phénotypes les moins adaptés. Elle agit donc au sein d’une population qui montre une diversité génétique héritable et influençant la fitness des individus. Les génotypes portant les mutations avantageuses auront une meilleure capacité reproductive qu’ils transmettront à leur descendance, conduisant à l’établissement des populations les mieux adaptés à leur environnement.
A l’intérieur d’une population, il existe trois types de sélection en fonction des effets qu’elles auront sur le devenir de la mutation. La sélection purifiante élimine les allèles délétères (mortels). La sélection positive va favoriser les allèles qui confèrent un avantage reproducteur. La sélection balancée va permettre le maintien de plusieurs allèles d’un gène et homogénéiser le pool génétique[46].
La sélection responsable de la divergence entre les populations est la sélection divergente ou diversifiante[47]. Elle va entraîner l’accumulation de la différenciation génétique entre les populations.
INTERACTION GENOTYPE-ENVIRONNEMENT
LA PLASTICITE PHENOTYPIQUE
La plasticité phénotypique est la capacité d’un organisme à produire plusieurs phénotypes à partir d’un seul génotype, en fonction des caractéristiques de l’environnement dans lequel il se trouve[49]. La plasticité phénotypique traduit donc l’influence de l’environnement sur le phénotype d’un organisme. La fonction qui relie le phénotype d’un génotype aux valeurs d’une variable environnementale est dite « norme de réaction ». Si deux génotypes ont des normes de réaction différentes (de sorte que l’écart entre leurs phénotypes varie en fonction de la valeur de la variable environnementale) on parle d’ « interaction génotype x environnement » (GxE). Ce phénomène peut avoir une signification fonctionnelle et adaptative (Box 3). .
Lorsque plusieurs génotypes sont analysés dans plusieurs environnements, il est possible de tester les interactions GxE[48]. Lorsque l’interaction est forte on peut observer des changements d’ordre dans le classement des génotypes vis-à-vis des différents environnements (exemple figure 4 A : dans l’habitat H1, fitness carré meilleure que rond ; dans l’habitat H2, fitness rond meilleur que carré)
LA PLASTICITE PHENOTYPIQUE ADAPTATIVE
La plasticité phénotypique peut être adaptative si le phénotype engendré répond positivement à l’environnement et montre une meilleure fitness ; elle peut être mal-adaptative si le phénotype qui en résulte montre une réduction de la fitness. La plasticité phénotypique peut également être neutre, si elle n’a aucun effet sur l’adaptation ou la mal-adaptation de l’organisme.
La plasticité phénotypique adaptative peut permettre la colonisation d’un nouvel environnement ou peut permettre la persistance d’une population dans un environnement perturbé. Cela dépendra de la différence entre la valeur du trait du phénotype et l’optimum de la valeur du trait dans l’environnement colonisé[50].
PLASTICITE PHENOTYPIQUE ADAPTATIVE ET EXPRESSION DES GENES
La transcription est le mécanisme qui permet de transcrire les séquences ADNs en ARNs messager, elle est effectuée par l’ARN polymérase. Ces ARNm contiennent les informations nécessaires à la production des protéines, par le mécanisme de la traduction. De l’ADN à la production de la protéine, chaque étape est régulée, contrôlée et permet d’accroître ou de diminuer la quantité d’ARNs et de protéines produites. Aussi, une même séquence d’ADN peut donner lieu à divers combinaisons d’ARNs, par le biais de l’épissage alternatif.
Un gène est exprimé s’il produit des ARNs et des protéines (dans le cas d’ARNs codants). En fonction de la régulation de l’expression, un gène peut être surexprimé ou sous-exprimé par rapport à son niveau basal d’expression[51].
Les variations génétiques sont capables de réguler l’expression des gènes quand elles sont situées sur des séquences de régulation. Les promoteurs qui sont des séquences situées à l’avant du gène sont des zones sur lesquelles l’ARN polymérase peut se fixer. Les « enhancers » ou « silencers » sont situés aux abords du gène et vont permettre l’activation ou l’inhibition du promoteur. La présence de boîte de branchement permet l’épissage alternatif. Enfin, la structure secondaire de la molécule d’ADN peut le rendre accessible au non à la RNA polymérase (Figure 5.).
Enfin, l’environnement est capable d’influencer l’expression génétique globale des gènes dans un organisme[52] ; Cela donne lieu à la plasticité phénotypique[53, 54]. Tous les caractères ne sont pas plastiques, mais certains peuvent réagir à la pression exercée par l’environnement.
La plasticité phénotypique adaptative peut contribuer à la divergence des espèces dans le cadre d’une spéciation en présence d’un flux de gènes comme la spéciation sympatrique ou écologique (Figure 3.).
DETECTION DE LA DIVERGENCE ET OUTILS MOLECULAIRES
DIVERGENCE ET FREQUENCES ALLELIQUES
LES MARQUEURS MOLECULAIRES
Un marqueur génétique est un caractère individuel qui répond aux deux critères suivants : (a) être transmis de façon Mendélienne (b) être indépendant de l’environnement. Il existe des marqueurs codominants, qui permettent d’identifier les deux allèles d’un même locus (chez un organisme diploïdes) et permettent donc de distinguer les individus homozygotes des individus hétérozygotes. Il existe aussi des marqueurs dominants qui ne détectent que l’allèle dominant pour chaque locus et ne permettent donc pas de distinguer un individu hétérozygote d’un individu homozygote. Un marqueur moléculaire répond aux deux critères énoncés ci-dessus, et est obtenu par une manipulation des propriétés biochimiques de l’organisme. Typiquement, un marqueur moléculaire est obtenu à partir des caractéristiques du matériel génétique (ADN, ARN) de l’organisme selon une ou plusieurs des méthodes propres à la génétique et à la biologie moléculaires (coupe d’un acide nucléique par des enzymes de restriction, PCR, séquençage…).
Les marqueurs AFLPs (Amplified Fragment Length Polymorphism)[55, 56] ont le désavantage d’être dominants, mais ont l’avantage de s’étendre sur tout le génome sans cibler de séquences précises et permettent donc, sans connaissance au préalable du génome, d’obtenir des informations sur le polymorphisme de milliers de locus. Les marqueurs AFLPs renseignent sur des polymorphismes de présence/absence de fragments de tailles différentes ; ainsi, s’ils restent des marqueurs de choix dans l’appréhension des polymorphismes à l’intérieur de populations d’espèces dont on ne connait pas encore le génome, ils sont sensibles à l’homoplasie [57] (tailles des allèles identiques qui ne correspondent pas à la même région du génome). Enfin, la répétabilité de ces marqueurs est particulièrement discutée[58] et nécessite une vérification du taux d’erreurs de phénotypage par des tests de répétabilité.
FREQUENCES ALLELIQUES ET TESTS DE SELECTION
Les fréquences des allèles neutres varient de manière stochastique à l’intérieur des populations. Ce n’est pas le cas des allèles ayant un rôle adaptatif et donc pouvant influencer la reproduction et la survie d’un organisme. Ainsi, les allèles avantagés par la sélection tendent à avoir une fréquence plus élevée que les allèles neutres dans la population. A contrario, les allèles contre-sélectionnés auront une fréquence plus faible qu’à l’attendu sous l’hypothèse de la neutralité[59].
La détection de locus soumis à la sélection divergente (sélection qui favorise des allèles différents entre des populations localisées dans des environnements différents) peut être effectuée par l’estimation de l’indice de différenciation génétique, le FST. Quand une différence de fréquences allélique est importante entre deux populations, la valeur du FST se rapproche de 1[60]. Des tests basés sur l’écart entre la valeur de FST individuelle à chaque locus et la valeur attendue sous un modèle neutre permettent d’identifier des locus potentiellement soumis à sélection (marqueurs « outliers »). Une série de tests ont été développés depuis les premiers tests proposés par Lewontin & Krakauer en 1973[61]. Une amélioration des tests a été la prise en compte de la relation entre le FST et l’hétérozygosité (Figure 6) qui est mieux adaptée pour les locus multialléliques[62]. En effet, il est clairement démontré que la distribution du FST neutre dépend fortement de l’hétérozygotie observée. Les tests se sont ensuite complexifiés en simulant des modèles neutres plus compliqués que les simples modèles en îles (utilisé par Beaumont & Nichols, 1996) qui prennent par exemple en compte des sous structuration de populations [63, 64].
EXPRESSIONS DIFFERENTIELLES ET TECHNIQUES
OBSERVATION DE L’EXPRESSION DIFFERENTIELLE
L’étude de l’expression des gènes (en particulier, de leur niveau de transcription) consiste à quantifier la quantité d’ARNm produits par un organisme, ou un organe, de façon à identifier les séquences produites et les niveaux d’expression des gènes dont elles sont issues. Cela permet l’observation du transcriptome labile à un moment précis ou dans une condition donnée que l’on souhaite étudier[65].
Diverses méthodes d’observation de l’expression existent[66]; les stratégies basées sur le séquençage à haut débit permettent d’estimer le taux d’expression des gènes par l’observation directe du nombre de molécules d’ARNs produites par chaque gène et la production d’une table de comptage contenant le nombre de copies des gènes[67, 68].
LE RNASEQ
L’ARN total va être extrait de l’échantillon d’intérêt avant la création de banques enrichies ou non en ARNm par l’utilisation ou non de PCR sélective de la queue Poly A. Ces banques vont être fixées sur des plateformes nommées flowcell afin de subir l’élongation des brins ADNc par une reverse transcriptase avec des amorces universelles permettant le séquençage de n’importe quel gène.
La technologie de séquençage Illumina en pair-end (adaptateurs sur les deux bords) ou en single end (adaptateur sur un seul bord) produit des centaines de millions de séquences de 30 à 100pb, que nous appellerons « read ». Ces reads obtenus représentent des copies plus ou moins nombreuses des gènes exprimés constituant le transcriptome de l’échantillon d’intérêt. Selon des critères d’homologie[69] les reads vont être assemblés en contigs par des logiciels d’assemblage tels que Velvet[69, 70], Cufflinks[71], ou Trinity[72] afin de reconstruire de novo le transcriptome de l’échantillon d’intérêt (Figure 7.). On s’attend à obtenir aux alentours de 20 000 gènes pour un arbre tel que le S.globulifera[73].
TECHNIQUES DE DETECTION DES GENES DIFFERENTIELLEMENT EXPRIMES ET TESTS STATISTIQUES
Pour un gène donné, on veut savoir s’il est plus exprimé (ou moins exprimé) dans une condition, par rapport à une autre. Pour comparer les échantillons, la première étape consiste à la normalisation des données. Pour cela, il existe plusieurs méthodes dont la méthode de normalisation nommée Reads Per Kilobase and per Million (RPKM) où le nombre de reads obtenu pour le gène va être divisé par le produit de la taille du gène et le nombre de reads obtenus pour le gène. Une méthode plus élaborée est implémentée dans EdgeR[74] et DESeq[75] qui sont les packages les plus utilisés dans la détection de gènes différentiellement exprimés (GDEs). La normalisation va s’effectuer en prenant la moyenne géométrique des échantillons et en les normalisant tous par cette référence [75-77]. En considérant un « read » comme un évènement d’échantillonnage parmi un nombre fixe de gènes, l’expérience peut être approximée par une loi de poisson [78], qui n’est pas assez sensible aux variations biologiques et conduit des faux positifs. Ainsi, EdgeR et DESeq modèlent cet échantillonnage par une binomiale négative [75, 77, 78] qui est la généralisation de la loi de poisson. Une fois la moyenne géométrique calculée, elle pourra permettre la normalisation des échantillons, puis la détection des gènes différentiellement exprimés. La variation de l’expression des gènes, considérée comme un trait caractérisant un phénotype, sera expliquée par l’utilisation de modèles linéaires multi-facteurs [74, 76, 79]. Ceci permet de prendre en compte tous les facteurs présent dans l’expérimentation et pouvant influencer la variation de l’expression des gènes (Figure 7.).
HYPOTHESES ET EXPERIMENTATIONS
OBJECTIFS ET HYPOTHESES
L’objectif de cette thèse est d’étudier les mécanismes génétiques à la base de la divergence et de la spéciation écologique chez les arbres forestiers.
Le modèle biologique est le Symphonia globulifera, il présente deux écotypes, l’un spécialiste de la terra firme et l’autre spécialiste des bas-fonds. Nous pourrions donc être en présence d’une spéciation écologique en présence de flux de gènes car il n’existe qu’une faible différenciation génétique entre le S.globulifera (écotype d’origine) et le S.sp1 (nouvel écotype). Ce modèle biologique était déjà étudié dans le laboratoire. Aussi, en 2009, des jardins de transplantations réciproques avaient déjà été mis en place. Ainsi, le Symphonia globulifera parait être un très bon modèle pour l’analyse des mécanismes moléculaires et fonctionnels mis en place pour l’adaptation à un nouvel environnement.
Mon hypothèse à défendre est la suivante : Il y a peu de différenciation génétique mais une expression des gènes différente entre les écotypes, responsable d’une adaptation locale et de la différence des traits observés en population naturelle.
Ces hypothèses ont d’abord été testées par des expérimentations de transplantations réciproques, dans lesquelles l’analyse en génétique quantitative de traits de croissance et de fitness permet de mettre en évidence la présence ou non d’une adaptation locale chez les écotypes.
Puis, l’expression des gènes ayant déjà été liée à des statuts de méthylation dans la littérature scientifique, j’ai effectué un génotypage par le biais de marqueurs AFLP (MSAP) sur l’ADN de deux populations d’arbres adultes, dans le but de mettre en évidence une différence de statuts de méthylations entre les populations de S.sp1 et S.globulifera.
Enfin, dans un troisième volet, j’ai utilisé la technique de séquençage RNAseq sur des plantules issues des transplantations réciproques afin de vérifier l’hypothèse forte de ce projet, à savoir que, l’adaptation locale des populations de S.sp1 et S.globulifera ,et la différence de taille des organes observée puissent être liées à une expression différentielle des gènes chez les deux écotypes. Il s’agissait alors de voir si l’expression des gènes est significativement différente en fonction de l’environnement et/ou en fonction de l’écotype.
GUYANE FRANÇAISE : 3 SITES D’ETUDE
LES SITES DE LAUSSAT ET DE REGINA
Les sites expérimentaux de Laussat et de Régina sont des propriétés de l’Office National des Forêts (ONF) de Guyane.
Situé à l’ouest de la Guyane, à environs 60 Km de Saint-Laurent du Maroni (5°28’N, 53°34’W), le site expérimental de Laussat, est le lieu d’établissement de jardins de transplantation réciproques, et comprend également des installations de mesures météorologiques (température et pluviométrie).
Le site de Régina est situé à 20Km environs de la commune de Régina (4°18’N, 52°14’W). Il reçoit des expérimentations de transplantations réciproques et les arbres de l’espèce Symphonia globulifera ont été répertoriés sur ce site.
Sur les deux sites, des relevés pédologiques ont été effectués permettant de connaître la composition des sols.
Le site de Laussat est caractérisé par une couche de sable blanc recouvrant un sol charbonneux et riche en minéraux. La température annuelle est de 27°C, et la pluviométrie moyenne annuelle est d’environ 2500mm, tandis que celui de Régina est caractérisé par un sol constitué de latérite, une température annuelle de 27°C, une pluviométrie de 3000mm par an. En saison sèche, la nappe montre une hauteur de 0 à 40 cm en bas-fond à Laussat et est à plus de 1m de hauteur à Régina.
LE SITE DE PARACOU
Le dispositif expérimental de Paracou est une concession accordée au CIRAD par le Centre Spatial Guyanais (CSG), situé à proximité de Sinnamary (5°18’N, 52°53’W).
La température annuelle est de 26°C et la pluviométrie annuelle moyenne est de 2980mm[25].
Le site de Paracou comprend 16 parcelles en forêt primaire. Dans chaque parcelle, les arbres de plus de 10cm de largeur sont régulièrement recensés, cartographiés et identifiés botaniquement. Pour notre étude, nous avons effectué des récoltes sur les parcelles 14 et 15 uniquement. Ces parcelles n’ont subis aucuns traitements.
TRAIT DE COMPETITION DANS LES JARDINS
La surface terrière à l’intérieur et jusqu’à 10m autours des jardins a été mesurée en Septembre 2014.
ANNEE DE GERMINATION
La date de germination des plantules et des graines est donnée par l’année de la première observation de la plantule.
ANALYSES STATISTIQUES
L’analyse des effets de l’écotype, de la provenance régionale, de l’habitat ou du site de plantation régional, a été effectuée à l’aide du Modèle Linéaire Généralisé (GLM) avec une décomposition de la somme des carrés des écarts à la moyenne de type III afin de prendre au mieux en compte les interactions dans le modèle.
POUR LES TRAITS DE CROISSANCE
Les effets des facteurs propres et interactions sur les phénotypes des plantules ont été calculés avec une erreur de type gaussienne avec une fonction de lien « identity », concernant les traits de croissance. Le jeu de données concerne les plantules vivantes, plantées sous forme de graines et de plantules. Ainsi, nous prenons en compte dans le modèle de croissance, l’état de plantation (graine ou plantule) ainsi que l’interaction Année de mesure*Année de germination, de façon à ce que les graines germées tardivement ne soient pas traités dans le modèle comme les plantules plus âgées. D’autre part, il a été ajouté au modèle l’interaction écotype*Année, pour tenir compte du fait que d’une année à l’autre un écotype peut être plus performant que l’autre pour le trait étudié.
La moyenne de l’herbivorie par plantule a été analysée comme les traits de croissance.
EFFETS ENVIRONNEMENTAUX OBSERVES SUR LES TRAITS DE CROISSANCE ET DE FITNESS
EFFET DE L’HABITAT SUR LA HAUTEUR ET LE NOMBRE DE FEUILLES PAR CENTIMETRE
J’ai pu mettre en évidence un effet de l’habitat sur la hauteur des plantules (Df=1, F=3.9165, p<0.05*). En bas-fond, les plantules sont plus grandes (moyenne=20.275 ± écart-type=13.279) qu’en terra firme (moyenne=19.191 ± écart-type 8.570). En 2014, la hauteur moyenne d’une plantule en bas-fond est de 31.903 (± 17.815) et de 25.717 cm (± 9.822), en terra firme (Figure 3,A).
C’est également le cas pour le nombre de feuilles par centimètre (Df=1, F=3.8792, p<0.05*). En bas-fond, les plantules ont plus de feuilles en moyenne (moyenne=0.573 ± 0.299) qu’en terra firme (moyenne=0.556 ± écart-type=0.287). L’évolution du nombre de feuilles par centimètre est irrégulière, mais de 2009 à 2011, les plantules de bas-fond ont montré plus de feuilles (moyenne=0.606 ± écart-type=0.310) qu’en terra firme (moyenne=0.549 ± écart-type=0.288). Par contre, à partir de 2013, les plantules en terra firme ont en moyenne plus de feuilles par centimètre (moyenne=0. 0.566 ± écart-type=0.287) qu’en bas-fond (moyenne=0.510 ± écart-type=0.267) (Figure 3, B).
EFFET DE LA PLANTATION REGIONALE SUR LA SURVIE DES PLANTULES
Les plantules survivent mieux quand elles sont plantées à l’est de la Guyane (Df=1, F=13.699, p<0.001***). En effet, à l’est les plantules ont un taux de survie moyen de 0.676 (± 0.468), tandis qu’à l’ouest ce taux descend à 0.576 (± 0.494) (Figure 3,C.).
EFFETS GENETIQUES OBSERVES SUR LES TRAITS DE CROISSANCE ET DE FITNESS
EFFETS DE L’ECOTYPE SUR LE DIAMETRE ET LE NOMBRE DE FEUILLES PAR CENTIMETRE
Dès le plus jeune âge, les plantules de S.globulifera ont un diamètre significativement supérieur (3.763 ± 1.658) à celui des plantules de S. sp1 (2.646 ± 1.146) (Df=1, F=5.8378, p<0.05*). En 2014, dernière année de mesure, le S.globulifera a en moyenne un diamètre de 4.824 (± 1.777) contre 3.653 (± 1.400) pour les plantules de l’écotype S. sp1, soit un diamètre 1.32 fois supérieur (Figure 4,A.).
Par contre, concernant le nombre de feuilles par centimètre, c’est l’écotype S. sp1 qui a significativement plus de feuilles (moyenne=0.687 ± écart-type= 0.285) que le S. globulifera (moyenne 0.390 ± écart-type 0.202 ; Df=1, F=6.1236, p<0.05*). En 2009, le S. sp1 a en moyenne 0.635 feuilles par centimètres (±0.276), tandis que le S. globulifera a 0.360 feuilles par centimètres en moyenne (±0.159). En 2014, je note un nombre de feuilles par centimètres de 0.754 ± 0.265 pour le S. sp1 et de 0.341 ± 0.154, pour le S. globulifera (Figure 4, B).
EFFETS DE L’ECOTYPE SUR L’HERBIVORIE
Les feuilles de S. globulifera sont significativement plus consommées (9.550 ± 9.814) que les feuilles de S. sp1 (7.724 ± 6.948 ; Df=1, F=45.5676, p<0.001***). Suivant la courbe d’évolution de l’herbivorie, ce n’est que depuis 2013 que le S. globulifera subit plus d’attaques que le S. sp1. Entre 2009 et 2013, la proportion moyenne d’attaques pour une plantule est de 5.646 (± 7.025) pour le S. globulifera et 5.473 (± 6.788) pour le S. sp1, contre 19.223 (± 9.034) et 13.115 (± 3.519), respectivement, depuis 2013(Figure 4, C.).
EFFET DE LA PROVENANCE REGIONALE SUR LA SURVIE DES PLANTULES
Les plantules provenant de l’ouest de la Guyane survivent mieux (0.649 ± 0.4783) que les plantules dont les graines proviennent de l’est de la Guyane (moyenne=0.633 ± écart-type=0.482 ; Df=1, F=19.9048, p<0.001***). (Figure 4, D.).
INTERACTIONS GENOTYPE X ENVIRONNEMENT SUR LES TRAITS DE CROISSANCE ET DE FITNESS
EFFETS D’INTERACTION ECOTYPE*HABITAT POUR LA HAUTEUR
Un effet significatif de l’interaction Ecotype*Habitat sur le trait de la hauteur a été mis en évidence (Df=1, F=4.2822, p<0.05*). De 2011 à 2014, quand le S. globulifera est planté en terra firme, il est moins haut (moyenne=22.664 ± écart-type=7.742) que le S. globulifera planté en bas-fond (moyenne=29.191 ± écart-type=13.737). Depuis 2013, il est également moins haut (moyenne=23.719 ± écart-type=8.023) en terra firme que le S. sp1 en bas-fond (moyenne=26.644 ± écart-type=17.165) et en terra firme (moyenne=24.308 ± écart-type=9.819 ; Figure 5,A).
INTERACTION ECOTYPE*HABITAT POUR LA GERMINATION
Les graines de S.sp1, en terra firme, ont un taux de germination 1.98 fois supérieur à celui des graines de S. sp1 plantés en bas-fond, avec une moyenne de 0.242 (soit 24.2%, ± 0.256) et de 0.0701 (± 0.430) respectivement (Df=1, F=3.6908, p<0.05*). Le taux de germination moyen des graines de S. globulifera en terra firme est de 0.093 (± 0.291), et en bas-fond de 0.082 (± 0.275). Ces chiffres sont comparables aux taux des graines de S. sp1 plantés en bas-fond (figure 5,B). La courbe d’évolution de la germination des écotypes dans les habitats montre que les graines de S.sp1 ont un pic de germination en 2013 à 20 %, alors que dans les autres conditions la germination est presque nulle.
INTERACTION PROVENANCE REGIONALE*SITE DE PLANTATION POUR LA SURVIE DES PLANTULES
Les effets de l’interaction provenance régionale*site de plantation sur le trait de survie des plantules sont significatifs (Df=1, F=9.8514, p<0.01**). La provenance ouest montre un meilleur taux de survie à domicile (0.708 ± 0.457 contre 0.614 ± 0.488). C’est également le cas pour la provenance est (0.695 ± 0.460 contre 0.541± 0.499 ; Figure 5, C.).
EFFET D’INTERACTION CROISES
EFFET D’INTERACTION PROVENANCE*HABITAT SUR LES TRAITS DE CROISSANCE
Les plantules ayant pour provenance l’ouest et plantées en bas-fond (23.392cm ± 14.216 ; Figure 6, A.) montrent des hauteurs significativement plus importantes que celles des plantules à provenance ouest plantée en terra firme (20.833cm ± 9.051 cm) ; qui sont également plus hautes que les plantules à provenance est plantées en bas-fond (17.548cm ± 11.767 cm) et en terra firme (17.138cm ± 7.452 cm ; Df=1, F=7.238, p<0.01**).
De façon similaire, la provenance régionale de l’ouest plantée en bas-fond (3.503cm ± 1.655 cm ; Figure 6. B.) est significativement plus large au collet que lorsqu’elle est plantée en terra firme (3.052cm ± 1.190 cm) et plus large encore que les plantules provenant de l’est, qui ont un diamètre moyen de 2.881cm (± 1.595 cm) et 3.048cm (± 1.433 cm) (Df=1, F=15.0193, p<0.001***), respectivement, en bas-fond et en terra firme.
Enfin, concernant le nombre de feuilles par centimètre, la provenance de l’est montrent aussi le plus de feuilles par centimètres quand elle est en bas-fond (0.661 ± 0.322 contre 0.627 ± 0.301, en terra firme), tandis que pour la provenance de l’ouest, cela s’observe pour la terra firme (0.498 ± 0.263 contre 0.473 ± 0.232, Df=1, F=3.3077, p<0.05*). Je remarque tout de même qu’à partir de 2014 la provenance de l’est montre plus de feuilles en terra firme (0.615 ± 0.285, de 2009 à 2013 et 0.683 ± 0.363, en 2014 ; Figure 6, C.).
EFFET D’INTERACTION PROVENANCE*HABITAT SUR LES TRAITS DE FITNESS
Les graines provenant de l’est ont significativement un meilleur taux de germination en bas-fond (moyenne=0.258 ± écart-type=0.441) qu’en terra firme (moyenne=0.105 ± écart-type=0.311 ; Df=1, F=14.7962, p<0.001***). Celles de l’ouest montrent un meilleur taux de germination en terra firme (moyenne=0.181 ± écart-type=0.386) qu’en bas-fond (moyenne=0.034 ± écart-type=0.183 ; Figure 7,A.). Par contre, le taux de survie des plantules provenant de l’ouest et plantées en bas-fond (moyenne=0.806 ± écart-type=0.396) est significativement supérieur à celui de la terra firme (moyenne=0.400 ± écart-type=0.493 ; Df=1, F=15.3986, p<0.001***). Aussi, le taux de survie des plantules provenant de l’est et plantées en bas-fond est de 0.689 (± 0.463), et en terra firme, et de 0.581 (± 0.494 ; Figure 7, B.) en bas-fond.
EFFET D’INTERACTION ECOTYPE*SITES SUR LES TRAITS DE CROISSANCE
L’écotype S. globulifera est plus haut (moyenne=22.388 ± écart-type=10.791) que l’écotype S. sp1 (moyenne=17.843 ± écart-type=1.070) avec une tendance à arborer une hauteur moins importante quand il est planté à l’est (moyenne=21.654 ± écart-type=9.483). Cette hauteur est du même ordre de celle du S. sp1 dans les deux conditions : est (moyenne=18.301 ± écart-type=12.132) et ouest (moyenne=17.394 ± écart-type=9.918, Df=1 ; F=9.7104, p<0.01** ; Figure 8. A.).
Le diamètre au collet est plus grand pour le S. globulifera quand il est à l’ouest (moyenne 3.871 ± écart-type=1.932) qu’à l’est (moyenne 3.718 ± écart-type=1.528) de la Guyane (Figure 8. B.), tandis que dans le cas du S. sp1, les valeurs de diamètre à l’ouest (moyenne 2.532 ± écart-type=1.066) sont inférieures (moyenne 2.763 ± écart-type=1.214) à celles de l’est (Df=1, F=7.5239, p<0.01**). Enfin, concernant le nombre de feuilles par centimètres, dans l’interaction écotype*site de plantation, le S.globulifera fait plus de feuilles quand il est planté à l’est (moyenne 0.401± écart-type=0.209 contre moyenne 0.364 ± écart-type=0.181) de la Guyane, alors que le S. sp1 fait, à l’inverse, plus de feuilles quand il est planté à l’ouest de la Guyane (moyenne 0.701 ± écart-type=0.293 contre une moyenne de 0.673 ± écart-type= 0.277 ; Df=1, F=4.8396, p<0.05* ; Figure 8.C).
EFFET D’INTERACTION ECOTYPE*SITES SUR LES TRAITS DE FITNESS
Les plantules de Symphonia globulifera ont un taux de survie de 0.585 (± 0.495) quand elles sont plantées à l’ouest et de 0.728 ± 0.445 quand elles sont plantées à l’est (Df=1, F=4.1852, p<0.05*). Concernant le S. sp1, les plantules ont un taux de survie moyen de 0.573 (± 0.495) quand elles sont plantées à l’ouest et de 0.628 ± 0.484, à l’est. On remarque ici, que la différence de survie des écotypes entre les sites de plantations est plus importante quand les plantules sont dans les jardins de l’est (0.155) que lorsqu’elles sont plantées dans les jardins de l’ouest (0.012 ; Figure 9.).
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Table des matières
Le Symphonia globulifera
Description de l’espèce et utilisation
Le S.sp1. et les différentes populations du Symphonia globulifera
La biodiversité dans les forêts tropicales
Hypothèse du berceau et théorie de la reine rouge
Hypothèse du musée
Hypothèse du refuge
La Guyane et son environnement hétérogène
Micro-habitat : bas-fonds et terra firme
Variations régionales
Origine, maintien et Évolution de la diversité génétique et phénotypique
Origine de la diversité génétique
Le polymorphisme
Les mutations
La migration
La dérive génétique
La sélection
Interaction Génotype-Environnement
La plasticité phénotypique
La plasticité phénotypique adaptative
Plasticité phénotypique adaptative et expression des gènes
Détection de la divergence et outils moléculaires
Divergence et fréquences alléliques
Les marqueurs moléculaires
Fréquences alléliques et test de sélection
Expressions différentielles et techniques
Observation de l’expression differentielle
Objectifs
Le RNAseq
Techniques de détection et tests statistiques
Epigénétique et expression des gènes
La méthylation de l’ADN
Epigénétique et évolution
Hypothèses et expérimentations
Objectifs et hypothèses
Guyane française : 3 sites d’étude
Les sites de Laussat et de Régina
Le site de Paracou
Bibliographie
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