Planifier la ville en considérant l’environnement, est-ce possible ?
Le fait urbain ne cesse de se développer. L’activité humaine, génératrice de développement économique, social et urbain est le premier modulateur de la ville. L’industrialisation, l’urbanisation accélérée et la périurbanisation ont effectué des transformations irréversibles dans notre milieu de vie. De nos jours, ces problèmes prennent de l’ampleur. Les différents types de pollutions, l’accumulation des déchets, la détérioration de la qualité des espaces naturels et urbanisés, ont un impact parfois irréversible sur les conditions de vie du citadin. Le souci de l’environnement s’impose ainsi avec la nécessité de gérer la ville dans le cadre du développement urbain durable. Ce souci apparaît aujourd’hui dans les revendications sociétales mais aussi à la une des promesses politiques engageant l’Etat puis des collectivités territoriales. « L’environnement » et le « développement durable » sont aujourd’hui des expressions couramment employées pour valoriser des objectifs communs, mais qui s’articulent en des visions et des réalités très différentes.
Quelles réponses au bruit routier dans la boite à outils de l’aménageur ?
Bien que notre questionnement découle d’un réel intérêt pour l’ensemble des préoccupations environnementales, nous optons pour un objet d’étude précis : le bruit routier. Ce choix n’est pas anodin. Premièrement, le bruit est la première source de nuisance ressentie par les citadins après l’insécurité et la pollution . Deuxièmement, le bruit routier est cité dans les enquêtes comme la première nuisance ressentie par les citadins. En Europe, près de 32% de la population vit dans une ambiance sonore supérieure à 50 décibels à cause du trafic routier. La situation n’est pas meilleure dans les pays du Sud et en particulier dans les pays arabes où l’on vit beaucoup plus en extérieur, comme le climat et les habitudes de vie y incitent. Troisièmement, ce choix s’inscrit dans la continuité du mémoire de DEA à l’occasion duquel nous avons pu nous lancer dans une première réflexion sur la question.
Mais le bruit reste, néanmoins, un phénomène difficile à décrire parce qu’il ne se voit pas et qu’il est le plus souvent temporaire. Le bruit renvoie à deux dimensions : l’une, acoustique donc mesurable, et l’autre, subjective, donc difficile à évaluer en dehors d’une contextualisation interdisciplinaire, temporelle et territoriale.
Il y a plus d’une trentaine d’années que la question de la lutte contre le bruit routier est posée tant sur le plan réglementaire que technique. Mais ce parcours a été le plus souvent en retrait par rapport à la planification urbaine : « Faute d’une approche globale, il a fallu traiter le bruit par un ensemble de politiques sectorielles» . Ainsi, il s’agit de deux parcours différents: comment, alors, les rapprocher ?
L’enjeu de ce travail est d’étudier l’articulation entre le bruit et la planification urbaine. Il ne s’agit pas tant d’aboutir à une conception théorique que de comprendre et analyser la logique d’application adoptée par les pouvoirs publics. Cela nous permettra d’en tirer des enseignements pour une meilleure articulation entre nos deux objets.
Force est de constater que les politiques urbaines n’ont pas fait du bruit une priorité et l’on peut craindre qu’une certaine « adaptation » du développement urbain durable favorisant les solutions techniques renforcent cette situation. J. M. Offner explique que la nature du travail technique et administratif est parmi les facteurs qui induisent forcément à l’autonomisation des champs d’action des pouvoirs publics : dans la recherche de lisibilité dans leurs actions et afin de contourner la complexité des réalités socio-spatiales, les décideurs sont contraints d’agir d’une façon sectorielle et compartimentée. Cette approche risque de compromettre les objectifs de durabilité car c’est la logique des décideurs qui détermine en grande partie l’efficacité des procédures environnementales : « C’est la culture des opérateurs qui est alors le meilleur garant de la justesse des choix d’un point de vue environnemental. ».
Mieux gouverner pour mieux agir ?
« Les actions pour « mieux vivre ensemble » tendraient davantage vers la définition collective d’avenirs souhaités/souhaitables, dans un souci d’amélioration de la qualité de vie et de renforcement de l’équité sociale, environnementale et économique. Elles s’appuieraient notamment sur une démocratie participative renouvelée, la subsidiarité active et la bonne gouvernance, l’innovation en termes d’ingénierie institutionnelle et d’architecture des processus » .
La question de la « bonne gouvernance » est propulsée au cœur des démarches d’aménagement et de développement pour une meilleure efficacité des actions. Elle constitue, dès lors, l’un des enjeux qui méritent réflexion car elle permet l’appréciation, l’analyse, la comparaison des différents parcours engagés dans cette perspective.
La recherche de la transversalité, conjuguée à d’autres exigences du développement urbain durable comme l’intégration de la dimension territoriale, la localisation des actions globales et la démocratisation des processus d’action, imposent des réformes juridiques et institutionnelles. J. Dubois-Maury apporte de très utiles précisions sur l’utilité de ces réformes. « L’histoire du droit montre qu’il a été souvent confronté à l’émergence de nouvelles orientations idéologiques, d’exigences sociétales et qu’il est parvenu à les absorber en élargissant son corpus qui sert de référence aux décideurs, comme à l’ensemble des citoyens » On pourrait multiplier les exemples qui témoignent de ces réformes : Agenda 21, principe de précaution pollueur–payeur, etc.
En France, la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000 assure la veille juridique, la compatibilité et la complémentarité entre les diverses politiques portant sur la ville, notamment celles des transports et de l’environnement. Pour ce faire, les SCOT, PLU et PADD sont mis en place pour dépasser les limites de l’ancienne instrumentation. L’objectif de notre travail est d’évaluer la pertinence des mesures des PLU et PADD pour réduire le bruit routier dans les aires urbaines et, ainsi, de révéler l’apport et les limites juridiques comme pratiques de la loi SRU en la matière. Nous étudierons la façon dont les nuisances sonores occasionnées sont appréhendées dans le cadre des nouveaux instruments de planification afin de permettre une action efficace. En Algérie, les lois n° 01-20 de 2001, relatives à l’aménagement et au développement durable du territoire, et n°06-06 de 2006 d’orientation de la ville, incarnent des évolutions similaires.
Il n’y a pas de changement au niveau du système de planification urbaine mais de nombreuses réformes sont engagées pour accompagner « le boom de projets urbains » et s’aligner sur les évolutions internationales.
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Table des matières
Introduction générale
Première partie : Le bruit dans la ville, aspects théoriques et état des savoirs
Chapitre I : La lutte contre le bruit en France, approche technique et normative
Chapitre II : Le bruit entre sons et gêne
Chapitre III : Les dimensions objective et subjective du bruit
Chapitre IV : La participation du citoyen à la prise de décision
Chapitre V : L’environnement dans l’urbanisme, le passage obligé pour des villes durables
Deuxième partie : Les PLU à l’epreuve, recherches empiriques dans trois villes franciliennes
Chapitre VI : Fontenay-sous-Bois, « une ville en partage »
Chapitre VII : Saint-Denis, quand les enjeux opérationnels s’imposent sur le document d’urbanisme
Chapitre VIII : Boulogne-Billancourt, le PLU qui fait beaucoup de bruit
Troisième partie : De l’autre côté de la Méditerranée, un regard sur l’Algérie
Chapitre IX : L’environnement, ce qu’en pensent les Algérois
Chapitre X : L’action publique en matière d’environnement en Algérie, bilan et analyse
Chapitre XI : Le POS en Algérie, outil d’organisation urbaine ou de régularisation de l’existant
Conclusion générale
Abréviations
Bibliographie
Documents sources et études profesionnelles
Entretiens
Textes officiels
Annexes
Liste des figures et des tableaux