Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Les Tests Rapides d’Orientation Diagnostic (TROD)
Le but d’un TROD est de donner une aide rapide au diagnostic, généralement en moins de 15 minutes, afin d’orienter la prise en charge thérapeutique du patient le plus précocement possible. Dans cette première partie nous resituerons les TRODs dans l’histoire médicale récente, puis seront exposés les principes généraux de fonctionnement ainsi que les caractéristiques qui différentient les TRODs pouvant être réalisés par le patient ou par un professionnel de santé. Les performances en termes de sensibilité et de spécificité seront ensuite abordées et pour finir nous donnerons plusieurs exemples de TRODs dont ceux du VIH et de l’angine à streptocoque A.
Historique
Une revue de la littérature chez l’homme en utilisant le moteur de recherche Pubmed et les mots clefs « Rapid diagnostic test » retrouve 9066 occurrences dont la plus ancienne date de 1949 (1). Le premier test de diagnostic rapide concernait la drépanocytose et consistait en l’ajout d’hydrosulfite de sodium sur un prélèvement sanguin pour observer la transformation ou non de l’hémoglobine prenant la forme de faucille (du à l’action réductrice de la solution d’hydrosulfite de sodium en milieu acide sur l’hémoglobine anormale (HbS) de la drépanocytose) ce qui permettait d’avoir une réponse en quelques secondes.
D’autres tests ont rapidement fait leur apparition dont les plus connus et les plus utilisés aujourd’hui sont le test de grossesse (première publication en 1950 (2)) et le test de la glycémie pour la surveillance et le dépistage du diabète (première publication en 1953 (3)).
Depuis, des centaines de tests ont été développés. Avec l’essor des techniques immunologiques il est de plus en plus facile d’isoler des cibles moléculaires (protéines recombinantes) sur des membranes en milieux solide ou semi-liquide.
Le développement rapide et la profusion des TRODs sur le marché a obligé le législateur à encadrer leur utilisation. Les premières mesures interviennent en 2003 pour le TROD du VIH (cf le chapitre 1.2.3).
Principe
La grande majorité des TRODs sont des tests d’immunochromatographie sur membrane. Ils font intervenir une reconnaissance antigène/anticorps spécifique de la cible identifiée par le test. Par exemple les TRODs de la mononucléose infectieuse (MNI) reconnaissent l’anticorps hétérophile spécifique de la MNI (4), les tests de grossesse vont reconnaitre spécifiquement l’hormone bHCG (5), le Streptatest va reconnaitre un antigène spécifique du streptocoque beta hémolytique du groupe A (6) etc…
Les TRODs vont donc reconnaitre, soit directement le pathogène (dans le cas du Streptatest) ou la cible antigénique (bHCG dans le cas des tests de grossesse), soit indirectement en isolant spécifiquement l’anticorps dirigé contre le pathogène (comme pour le test de la MNI).
Description technique d’un TROD
Le TROD est le plus souvent constitué d’une membrane de chromatographie appelée « bandelette ». La bandelette est divisée en trois parties. La première partie est la zone de dépôt de l’échantillon biologique (formée de fibre de verre). La deuxième partie est la zone d’absorption et la troisième partie est la zone de réaction (formée d’une membrane en nitrocellulose) (7) (Figure 1).
Description biochimique d’un TROD
A partir d’un prélèvement, sanguin, salivaire, urinaire ou muqueux, les différentes étapes d’un TROD sont classiquement une lyse cellulaire afin de solubiliser la cible antigénique puis il y a une reconnaissance spécifique d’un épitope (séquence d’acides aminés spécifique d’une protéine reconnue par un anticorps (Ac)) de la cible avec la constitution d’un complexe immun antigène/anticorps (Ag/Ac) conjugué à un fluorochrome (le plus souvent de l’or colloidal). Ce complexe va alors migrer sur la bandelette et sera reconnu par un deuxième anticorps spécifique au niveau d’un autre épitope (différent du premier anticorps) du complexe ce qui constituera la bande positive du test (Figure 1 et 2). Les anticorps non liés à une cible antigénique vont également migrer le long de la membrane et se fixer sur un deuxième anticorps et constitueront la bande contrôle du test (Figure 1 et 2)
La fixation du deuxième anticorps initie la réaction chimique responsable de la bande colorée de la ligne test et de la ligne contrôle (Figure 2).
Deux types de prélèvement
Les TRODs peuvent être classés en deux grandes catégories en fonction du type de prélèvement. Les auto-prélèvements, faits par le patient lui-même à son domicile ou au cabinet du médecin généraliste et les hétéro-prélèvements nécessitant que le prélèvement soit fait par une tierce personne,
Les prélèvements peuvent concerner différent substrats biologiques : du sang, de la salive, de l’urine, des selles, de la sueur.
Auto-prélèvement
L’auto-prélèvement est fait par le patient lui-même, il nécessite souvent une éducation thérapeutique afin de bien réaliser le test et surtout de bien l’interpréter. En effet ces tests s’adressent à des patients sans connaissance médicale et bien souvent l’interprétation du résultat nécessite l’intervention d’un professionnel de santé. Exemple de test : Glycémie, grossesse.
D’autres tests considérés comme des TRODs sont faits par des auto-prélèvements mais non interprétés par le patient. L’interprétation se fait par un biologiste comme pour le test de recherche de sang dans les selles pour le dépistage du cancer colorectal. Bien souvent les résultats reçus par le patient par courrier postal le pousseront à consulter son médecin traitant même si le test est négatif.
Hétéro-prélèvement
L’hétéro-prélèvement est fait par un professionnel de santé ou par une personne habilitée et encadrée par un médecin. Ces TRODs faisant intervenir un professionnel de santé sont interprétés par un médecin. Exemple de Tests effectué par hétéro-prélèvement : Streptotest, tetanotest, bandelette urinaire.
Interprétation des résultats
La majorité des TRODs donne un résultat en quelques minutes (moins de 15 minutes). Ce résultat est visible sur une bandelette de chromatographie sous forme de bandes colorées. Pour pouvoir être interprété le test doit contenir une bande contrôle qui apparait systématiquement et une ou plusieurs bandes tests qui apparaissent en fonction de la positivité ou de la négativité du test. Ci-dessous, la figure 3 illustre l’exemple du test de la grippe A/B (Figure 3).
Les TRODs peuvent également être interprété en utilisant un lecteur comme pour le TROD du VHC de MULTISURE® (Figure 4)
Spécificité et sensibilité des TRODs
Dans l’idéal un TROD doit être à la fois sensible et spécifique. Cependant, les tests qui ont à la fois une sensibilité et une spécificité très élevées sont rares. Le TROD à utiliser sera donc à choisir en fonction de la situation clinique.
Spécificité
La spécificité d’un test est définie par la proportion de patients qui n’ont pas la maladie recherchée et dont le test est négatif (vrais négatifs). A l’inverse, la proportion de patients non porteurs de la maladie chez qui le test est positif sont des faux positifs. Plus le test est spécifique, moins il occasionnera de faux positifs, ce qui confirmera ou non le diagnostic.
Par exemple, la spécificité du TROD INSTI™ (du laboratoire Nephrotek) du VIH est de 99,4% (8), celle du TROD Multisure du VHC est de 97% (9).
Sensibilité
La sensibilité est définie par la proportion de patients qui ont la maladie recherchée et dont le test est positif (vrais positifs). Par opposition, la proportion de patients porteurs de la maladie que le test n’a pas identifiés correspondent à des résultats faussement négatifs. Plus le test est sensible, moins il donnera de faux négatifs, et mieux il permettra, s’il est négatif, d’exclure le diagnostic.
La sensibilité des TRODs est variable en fonction du type de test, de la cible antigénique, mais également en fonction de la méthodologie utilisée pour l’évaluer. Cela dit, le principal facteur limitant de la sensibilité est la qualité du prélèvement ainsi que la concentration de la cible (très souvent protéique) dans l’échantillon prélevé.
Beaucoup d’études ont été publiées dont l’objectif était de déterminer la sensibilité et la spécificité des TRODs. Par exemple une étude utilisant le TROD de OSOM Ultra FLU™ a montré que la sensibilité du test de la grippe A était de 73% pour la tranche d’âge 2-19 ans et de 74% pour les 20-79 ans (d’après l’étude clinique réalisée par le fabricant OSOM clinical study 2004-2005) quand celui-ci était utilisé pour détecter le sous type de grippe A H3N2. Pour la grippe B la sensibilité pour les mêmes tranches d’âges était respectivement de 55% et de 65%. Une autre étude utilisant le TROD de QUICKVUE RAPID TEST™ a montré que la sensibilité du TROD était de 49,9%, mais cette étude s’intéressait à un autre sous-type spécifique de grippe A : le H1N1.
D’autre part La sensibilité va augmenter si l’examen clinique est en faveur de la pathologie soupçonnée. En effet la sensibilité du test de la grippe A augmente chez les patients avec une fièvre à 39°C (10).
La sensibilité et la spécificité du TROD de l’angine à streptocoque du groupe A ont été analysées dans une méta-analyse de 2014 à partir de 48 études publiées entre 1996 et 2013, toutes traitant des TRODs de l’angine à Streptocoque A en le comparant au gold standard (qui est la mise en culture d’un prélèvement de gorge sur gélose au sang). Les résultats de cette méta-analyse ont montré que la moyenne des sensibilités était de 0,86 compris dans un intervalle de confiance ou la probabilité d’avoir un résultat compris entre 0,83 et 0,88 était de 95% (95 % CI 0,83 à 0,88) et la spécificité était de 0,96 (95 % CI 0,94 à 0,97)(11).
Un autre exemple de sensibilité est celui du TROD de VHC par Multisure HCV Antibody Assay. Une étude menée par T.BOU-ACHOUR et présenté aux Journées nationales d’infectiologie (JNI) 2017 à montré que ce TROD avait une sensibilité de 97% (9). Un autre exemple pour le TROD du VIH INSTI, une étude canadienne coordonnée par K. FONSECA a montré que sa sensibilité était de 99,6% (8).
A noter également qu’il existe plusieurs tests pour une même cible comme par exemple pour la détection de l’antigène spécifique du virus de la grippe A il existe 22 tests (12). Ou bien encore il existe 11 tests pour la détection du VIH (13).
Ces différents exemples illustrent bien la différence de sensibilité en fonction des TRODs et que chaque TROD doit être utilisé en connaissance avec une clinique justifiant son utilisation et que le résultat est soumis à l’interprétation du médecin.
Exemple de TRODs
Il existe des dizaines de TRODs. Pour l’exemple ne seront traités que ceux dont les médecins généralistes aimeraient pouvoir disposer dans leur cabinet (Cf la partie résultats)
Le TROD de la grippe A/B
Il existe 22 TRODs de la grippe sur le marché. Dans cet exemple nous parlerons du TROD fabriqué par OSOM : Le TROD de la grippe A/B : OSOM Ultra Flu A/B Test™ (14)
Le TROD permet de détecter les antigènes spécifiques des virus de type A et B. Les antigènes étant des protéines virales. Le principe du test consiste en l’extraction de ces protéines directement à partir d’un prélèvement nasal ou pharyngé. L’extraction des antigènes viraux est réalisée chimiquement, puis ces antigènes sont reconnus spécifiquement par des anticorps anti-antigène couplés à un fluorochrome (or colloïdal). Ce complexe anticorps-antigène-fluorochrome va migrer le long d’une membrane sur laquelle sont fixés des anticorps anti-antigène. Le complexe se fixe alors sur les anticorps fixés sur la membrane ce qui entraine un changement de conformation du fluorochrome qui émet alors dans le spectre visible. Le contrôle fonctionne sur le même principe à la différence qu’il fixe de façon non spécifique tous les anticorps anti-antigènes viraux couplés à un fluorochrome non fixé à des antigènes (Figure 2).
Le TROD du VIH
Le dépistage du VIH repose sur la détection des anticorps anti-VIH1, anti-VIH2 et de l’antigène p24. Exemple du TROD INSTITM du laboratoire NEPHROTEK (15) (16).
Il existe deux types de VIH responsables du syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA), Le TROD INSTI™ détecte les anticorps anti VIH1 et 2 présents dans le sang total du patient. Le principe du test repose sur une membrane spécifiquement traitée avec les protéines recombinantes du VIH1 (gp41) et 2 (gp36) qui vont réagir avec les anticorps présents dans l’échantillon sanguin du patient entrainant une réaction chromatique. En pratique il y a d’abord une lyse des globules rouges à l’aide d’un diluant fournit dans le kit du TROD. La solution sang/diluant est ensuite déposée sur la membrane. Les anticorps anti-VIH1 et 2, s’ils sont présents dans l’échantillon vont se lier aux protéines recombinantes. Une solution de coloration est ensuite ajoutée qui réagit à la présence d’immunoglobulines G (IgG, anticorps) pour générer un point coloré.
Le contrôle consiste en une protéine A fixée sur la membrane et qui reconnait de manière aspécifique toutes les IgG contenues dans l’échantillon.
Le TROD de l’angine à streptocoque A (SGA)
Fait important qui rend ce test particulièrement intéressant est que le TROD pour l’angine à SGA est le seul qui est fourni gratuitement aux médecins généralistes par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) (le Streptatest® du laboratoire DECTRA PHARM).
Comme tous les TRODs, le Streptatest® se fait en s’appuyant sur l’examen clinique réalisé par le médecin généraliste. Il existe d’ailleurs un score, le score de Mac Isaac (HAS fiche mémo « rhinopharyngite aigue et angine aigue de l’adulte) permettant de savoir chez l’adulte si le TROD est justifié ou non.
Le principe du TROD de l’angine à SGA repose sur la détection dans un prélèvement de gorge de l’antigène spécifique du SGA : le polyoside C. Pour cela, après avoir réalisé le prélèvement oropharyngé, les bactéries sont lysées afin de rendre accessible l’Ag (polyoside C) à l’aide des réactifs A et B (composition non connue mais probablement un acide pour la lyse et un équilibreur de pH pour que la liaison protéique se fasse) et que la réaction Ag/Ac s’effectue. Une fois le complexe Ag/Ac-marqué apparu, il migre le long d’une bandelette jusqu’à la ligne test ou une bande colorée apparait (11).
La durée du test (du prélèvement au résultat final) est d’environ 10 minutes.
Le TROD du VHC
D’après le rapport de recommandation 2016 de la prise en charge et du suivi des personnes infectées par le VHC, il y a aujourd’hui, 75000 personnes infectées par le VHC sans le savoir (17). Le rapport 2014 (18) recommandait un dépistage systématique généralisé de tous les hommes âgés de 18 à 60 ans au moins une fois dans leur vie et les femmes au cours de leur première grossesse. Ce dépistage pourrait être réalisé en cabinet de médecine générale mais également dans des centres de dépistage tel que les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostique des infections sexuellement transmissibles (CeGIDD), les centres de planning familial… L’avantage est qu’il pourrait être couplé au dépistage du VIH et du VHB.
Le gold standard pour le dépistage du VHC est la sérologie (recherche d’immunoglobuline M (IgM)) suivie d’une PCR (polymerase chain reaction) de l’acide ribonucléique (ARN) viral +/- un western blot ayant pour cible plusieurs protéines de structure et de fonction. Le rapport Dhumeaux de 2016 recommande les dépistages à l’aide des TRODs. En cas de positivité il pourra être réalisé une analyse en laboratoire utilisant le gold standard (19).
En 2014, la haute autorité de santé (HAS) a testé plusieurs TRODs pour le dépistage du virus de l’hépatite C (VHC) commercialisé en France (Oraquick® HCV, Toyo®, SignalHCV® et Multisure®) Pour l’exemple, le TROD Multisure sera utilisé. Le TROD multisure HCV antibody assay® permet la détection à partir d’un échantillon de sang total des anticorps spécifiques du virus de l’hépatite C : ces Ac reconnaissent les protéines structurales de la capside virale (protéine du CORE), ainsi que les protéines non structurales du génome viral (NS3, NS4 et NS5) (9) fixées sur une membrane de nitrocellulose (protéine recombinantes) (Figure 5).
La lecture se fait au bout de 15 minutes soit manuellement soit à l’aide d’un lecteur (Figure 4). La sensibilité et la spécificité de ce test sont respectivement de 97% (IC95% : 93,1-98,7) et 96% (IC95 % : 92,6-98,6)(9).
|
Table des matières
1 REMERCIEMENTS
2 ABREVIATIONS
3 TABLEAUX ET FIGURES
4 SOMMAIRE
5 INTRODUCTION
5.1 Les Tests Rapides d’Orientation Diagnostic (TROD)
5.1.1 Historique
5.1.2 Principe
5.1.3 Description technique d’un TROD
5.1.4 Description biochimique d’un TROD
5.1.5 Deux types de prélèvement
5.1.6 Interprétation des résultats
5.1.7 Spécificité et sensibilité des TRODs
5.1.8 Exemple de TRODs
5.2 Place des TRODs dans l’exercice de la médecine générale
5.2.1 Les recommandations
5.2.2 Cadre législatif : Arrêté du 1 aout 2016
5.2.3 Intérêt des TRODs dans la prévention et le dépistage
6 OBJECTIFS
7 MATERIEL ET METHODE
7.1 Questionnaire
8 RESULTATS
9 DISCUSSION
10 PERSPECTIVES
11 BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet