Les abcès du cerveau sont devenus de plus en plus rares dans les pays développés grâce à de meilleures conditions environnementales, économiques et sanitaires. Tel n’est pas encore le cas dans les pays moins avancés comme le Sénégal, même si des progrès notables ont été constatés aussi bien dans le diagnostic que le traitement des affections causales. De nombreux travaux ont déjà été réalisés au service de neurochirurgie du CHU de Fann (Dakar, Sénégal) sur cette pathologie[1, 25, 26]. Notre étude se veut un complément de ces différents travaux en insistant davantage sur une étiologie particulière : l’infection péri orbitaire. Elle est de ce fait multidisciplinaire et multicentrique. Nous avons colligé les abcès cérébraux diagnostiqués dans trois (3) grandes structures hospitalières de Dakar : Centre Hospitalier de Fann, Hôpital principal de Dakar et Hôpital Général de Grand Yoff. Elle tire son intérêt avant tout de la grande fréquence de la pathologie neurologique fébrile dans nos hôpitaux et nous permettra en outre :
● d’avoir un nouvel aperçu des principaux paramètres épidémiologiques et cliniques qui caractérisent les abcès du cerveau au niveau de la région de Dakar et du Sénégal depuis l’introduction du Scanner dans notre pays en 1994.
● de cerner la place des suppurations orbitaires et péri orbitaires dans le contexte global de leurs étiologies
● et enfin d’apprécier le rôle de la tomodensitométrie cérébrale dans la prise en charge de cette affection dont le pronostic vital et fonctionnel était redoutables il y a encore moins de dix ans.
GENERALITES
Définitions
On donne le nom d’abcès encéphalique ou abcès du cerveau à toute collection purulente d’origine infectieuse développée à l’intérieur du tissu cérébral. Cette collection peut être unique, multiloculaire ou multiple Souvent précédé d’une phase d’encéphalite diffuse, l’abcès constitue une lésion évoluée , que l’on observe que si la défense de l’organisme a déjà fait la preuve d’une certaine efficacité. En réalité, l’encéphalite diffuse et l’abcès collecté puis encapsulé, ne représentent que des stades évolutifs de la même affection, atteint plus ou moins rapidement selon le germe en cause et la pathogénie de la suppuration Les suppurations orbitaires et périorbitaires sont définies comme celles intéressant :
● Les sinus encore appelées Sinusites
● L’orbite réalisant l’ostéite orbitaire
● et le contenu orbitaire donnant la cellulite orbitaire pouvant évoluer vers le phlegmon ou abcès orbitaire.
L’abcès cérébral d’origine orbitaire ou périorbitaire est la collection suppurée consécutive à une sinusite, une ostéite orbitaire, une cellulite ou un phlegmon orbitaire.
Historique
L’abcès du cerveau est connu depuis l’antiquité, et Hippocrate dans la description qu’il en fait, constate déjà qu’il est souvent associé à une suppuration de l’oreille. Nous distinguerons trois périodes clés dans l’histoire des abcès du cerveau.
La période précédant l’antibiothérapie (jusqu’en 1939)
C’est une période où les suppurations encéphaliques sont réputées mortelles et diagnostiquées le plus souvent en post-mortem. Cette période a été marquée essentiellement par une pensée maîtresse dans le traitement de l’abcès du cerveau “ évacuer l’abcès ”. Ainsi durant cette époque, différents types d’interventions chirurgicales ont été préconisés. Parmi les nombreuses variétés de drainages pratiqués depuis la première évacuation d’abcès faite par NORAND en 1752, l’attention a été retenue par les techniques oto-rhino-laryngologiques, utilisant dans les cas d’urgence, le procédé d’exclusion des méninges de LEMAITRE. Puis, avec les progrès de la chirurgie nerveuse, les techniques neurochirurgicales font leur apparition.
– En 1934, PUEK et CHAVANY décrivent la technique de l’ablation en un seul bloc des abcès encapsulés du cerveau.
– En 1936, CLOVIS VINCENT et M. DAVID préconisent le mûrissement de l’abcès en taillant à son niveau un volet d’compressif.
La période contemporaine aux antibiotiques (à partir de 1948)
L’ère de la chimiothérapie va faire de remarquables progrès. Ainsi déjà la découverte en 1935 des sulfamides a marqué une première étape. En 1942, l’apparition de la pénicilline constitue une seconde acquisition très remarquable dans le traitement des abcès du cerveau. FLOREY et PENNYBECKER l’utilisent pour la première fois dans un abcès frontal sinusien. Puis de nombreux écrits ont démontré le bouleversement apporté par les antibiotiques dans l’évolution des abcès du cerveau. En définitive, les statistiques comparatives des périodes pré-antibiotiques et antibiotiques montrent une nette diminution des décès, des récidives et des séquelles. Le traitement des abcès du cerveau par les antibiotiques ( surtout avec les nouvelles classes ) s’est ainsi logiquement imposé.
Période moderne : L’ère du scanner
Cette méthode d’investigation, inoffensive comparée aux autres méthodes neuroradiologiques, est mise au point par HOUNSFIELD en 1972. Elle a apporté de grands bouleversements dans le diagnostic, l’approche thérapeutique et la surveillance des malades traités.
En Afrique :
Les recherches sur les abcès du cerveau ne demeurent pas en reste. A Dakar dès 1961, COLLOMB et COURSON [11, 12, 13, 14,15 ] publient de nombreux travaux. Au Zaïre BELTCHIKA et coll. [4] en 1983, colligent 28 cas en 3 ans. Et en 1985 ROMAIN GUITINZIA [26] soutient sa thèse de doctorat en médecine à propos de 38 cas colligés dans le CHU de FANN.
Rappel anatomique
L’encéphale, les sinus, l’orbite et son contenu (dont le globe oculaire émanation du cerveau) entretiennent des rapport étroits (photo 1). Ces rapports sont resserrés par une vascularisation très dense dont celle veineuse qui draine la face vers le réseau cérébral. Ces particularités anatomiques expliquant en partie les propagations des infections orbito-sinusiennes dans l’endocrâne et le cerveau, nous paraissent importantes à rappeler.
♦ L’encéphale
C’est la portion du névraxe située dans la boite crânienne. Il est constitué par le tronc cérébral, le cervelet et le cerveau.
– Le cerveau humain est lisse jusqu’au troisième mois de la vie intra-utérine. Il apparaît ensuite comme une masse oblongue plissée située dans la grande loge cérébrale du crane. Il est divisé en deux hémisphères droit et gauche par la fissure longitudinale .Ces deux hémisphères sont unis par le cerveau intermédiaire ou diencéphale. Il est segmenté par des dépressions profondes délimitant des lobes: frontal, temporal, pariétal, occipital. Les lobes sont séparés les uns des autres par des sillons, généralement profonds, appelés scissures. Chaque lobe présente un certain nombre de circonvolutions limitées par des sillons secondaires.
– Le lobe frontal comprend toute la partie de l’hémisphère située en avant des trois scissures : scissure de Sylvius (latérale), scissure de Rolando (centrale) et scissure sous frontale (ou calloso-marginale). Il affecte la forme d’une pyramide triangulaire dont le sommet, est arrondi. La face inférieure ou orbitaire est limitée en arrière par le segment transversal de la scissure de Sylvius. Elle répond à la voûte orbitaire. C’est pour quoi les atteintes infectieuses de la région orbitaire touchent très fréquemment cette partie du cerveau.
– Le lobe pariétal s’étend principalement sur la partie supérieure et moyenne de la face externe de l’hémisphère et n’occupe qu’une faible étendue de sa face interne.
– Le lobe occipital occupe la partie postérieure de l’hémisphère. Il a la forme d’une pyramide triangulaire dont le sommet ou pôle occipital regarde en arrière.
– Le lobe temporal occupe la partie moyenne et inférieure de l’hémisphère. Il présente deux faces, l’une externe, l’autre inférieure ; cette dernière repose sur la fosse temporo-sphénoidale de l’étage moyen du crâne.
Chez l’homme adulte le cerveau mesure 16cm de long , 14cm de large, 12cm de haut en moyenne et pèse 1370g.
– Le tronc cérébral occupe l’axe médian. Constitué par l’ensemble bulbe rachidien, protubérance annulaire ou pont et pédoncules cérébraux, il se continue en bas par la moelle épinière.
– Le cervelet est situé dans l’étage inférieur du crâne, en arrière du bulbe et de la protubérance.
Vascularisation
Les vaisseaux de l’encéphale constituent un riche réseau comprenant :
• Les artères provenant de 4 troncs artériels :
– Les artères vertébrales qui pénètrent dans le crâne par le trou occipital.
– Les carotides internes qui débouchent dans la cavité crânienne au niveau de l’extrémité antérieure du sinus caverneux, en dedans de l’apophyse clinoide antérieure.
• Les veines :
Deux sinus veineux à la base.
– Les sinus caverneux ou sinus latéro-sellaires de chaque coté de la selle turcique qui reçoivent les veines de BRESCHET et qui vont se drainer en arrière dans les sinus pétreux inférieur et supérieur qui se jettent vers le golfe de la veine jugulaire interne ;
– A la base du cerveau et le long de la fente cérébrale de BICHAT courent 2 troncs veineux appelés veines basilaires. Chacune d’elle est formée par la réunion en regard de l’espace perforé antérieur, de la veine cérébrale antérieure, satellite de l’artère du même nom et de la sylvienne qui accompagne l’artère cérébrale moyenne dans la scissure de sylvius. Elle contourne en arrière la face latérale du mésencéphale et se jette dans la grande veine de GALIEN.
• Les lymphatiques sont inexistants dans le névraxe.
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Table des matières
INTRODUCTION
I/ GENERALITES
I.1. DEFINITIONS
I.2. HISTORIQUE
I.3. RAPPEL ANATOMIQUE
I.4 ETIOPATHOGENIE
I.4.1 L’agent pathogène
I.4.2 Physiopathogénie
1.4.2.1 Considérations générales
1.4.2.2 Les abcès cérébraux d’origine sinusienne et orbitaire
I.5 PRESENTATION CLINIQUE
I.5.1 Diagnostic positif
I.5.2 Diagnostic différentiel
I.5.3 Diagnostic étiologique
I.6 EXPLORATIONS NEURORADIOLOGIQUES
I.6.1 Scanner cérébral
I.6.2 I.R.M
I.7 TRAITEMENT
I.7.1 Traitement chirurgical
I.7.2 Traitement médical
II. TRAVAIL PERSONNEL
II.1. MATERIEL ET METHODES
II.1.1. Inclusion
II.1.2. Recueil et analyse des données
II.1.3. Tableaux synoptiques des observations
II.2. RESULTATS
II.2.1 Aspects épidémiologiques
II.2.1.1 Fréquence
II.2.1.2 Age
II.2.1.3. Sexe
II.2.2 Etude clinique
II.2.2.1 Motifs d’hospitalisation
II.2.2.2 Anamnèse
II.2.2.2.1 Mode de début
II.2.2.2.2 Porte d’entrée
II.2.2.3 Examen clinique
II.2.2.3.1 Examen général
II.2.2. 3. 2 Examen neurologique
II.2.2.3.3 Examen des autres appareils
II.2.3 Explorations paracliniques
II.2.3.1 Biologie
II.2.3.1.1 Numération et formule sanguine
II.2.3.1.2 Bactériologie
II.2.3.2 Neuroimagerie
II.2.3.2.1 Radiographie standard du crane
II.2.3.2.2 Tomodensitometrie cérébrale
II.2.3.3 Electroencephalograhie (E.E.G)
II.2.4 Traitement
II.2.4.1 Médical
II.2.4.2 Chirurgical
II.2.5 Evolution
III COMMENTAIRES
III.1 CARACTERES EPIDEMIOLOGIQUES
III.1.1 Fréquence
III.1.2 Age
III.1.3 Sexe
III.2 PORTE D’ENTREE
III.3 DIAGNOSTIC POSITIF
III.3.1 Clinique
III.3.1.1 Période de début
III.3.1.2 Période d’état
III.3.2 PARACLINIQUE
III.3.2.1 Bilan biologique
III.3.2.1.1 Numération et formule sanguine
III.3.2.1.2 Bactériologie
III.3.2.2 Neuroimagerie
III.3.2.2.1 Radiographie standard du crâne
III.3.2.2.2 Tomodensitometrie cérébrale
III.4 DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
III.4.1 Méningite purulente
III.4.2 Neuropaludisme
III.4.3 Les gliomes
III.5 TRAITEMENT
III.5.1 Médical
III.5.1.1 Traitement symptomatique
III.5.1.2 Traitement antibiotique
III.5.2 Traitement chirurgical
III.5.3 TRAITEMENT PREVENTIF
III.6 EVOLUTION
IV. CONCLUSIONS GENERALES
BIBLIOGAPHIE