Place des myopathies nécrosantes auto-immunes dans les myopathies inflammatoires

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Les différents types de fibre musculaire

Il existe une hétérogénéité au sein des caractéristiques biochimiques, mécaniques et métaboliques des fibres musculaires. Les muscles du corps possèdent différentes proportion de chaque type de fibre, qui sont classées selon leur teneur en myoglobine, leur vitesse de contraction, leur fatigabilité et la prédominance des voies métaboliques utilisées (oxydative/glycolytique) (Figure 3, Lamboley et al., 2014) :
– Type I : riche en mitochondries et myoglobine. Fibre oxydative à contraction lente et résistante à la fatigue
– Type IIa : riche en mitochondries et myoglobine, mais aussi en glycogène et donc capable de glycolyse anaérobie. Fibre oxydative à contraction rapide et aux propriétés métaboliques intermédiaires
– Type IIb ou IIx : riche en glycogène et pauvre en mitochondries et myoglobine. Fibre glycolytique à contraction très rapide et sensible à la fatigue
Figure 3 : Coloration des différents types de fibre musculaire
Cette coloration met en évidence l’activité ATPase qui permet de déterminer le type de fibre musculaire
Cette hétérogénéité pourrait refléter une adaptation aux différents stimuli reçus des motoneurones.

Dégénération et régénération

Suite à un dommage, 3 phases se superposent afin de revenir à l’homéostasie musculaire. La première phase, dégénérative, se caractérise par la nécrose et l’inflammation du tissu lésé. Puis, suite à la clairance des débris cellulaires, de nouvelles fibres musculaires apparaissent qui expriment des chaînes lourdes de myosine embryonnaire et néonatale. Enfin, l’irrigation sanguine et l’innervation sont restaurées et de nouvelles cellules satellites sont mises en place (Baghdadi and Tajbakhsh, 2017). La lésion peut être cantonnée à une partie d’une myofibre qui sera alors réparée ou entrainer la destruction totale de plusieurs myofibres.
La nécrose des fibres musculaires se caractérise par une dissolution du sarcolemme qui entraine la libération de protéines musculaires, comme la créatine kinase qui se retrouve dans le sang, et l’activation de protéases qui vont détruire les constituants cellulaires dont les myofibrilles. La brèche dans l’intégrité du sarcolemme induit l’activation du système complément qui, par chimiotactisme, va recruter des neutrophiles puis des macrophages qui vont exercer des activités de protéolyse, d’oxydation et de phagocytose. Il existe 2 populations distinctes de macrophages, actifs de façon séquentielle. Premièrement, des macrophages proinflammatoires CD68+, responsables de la phagocytose des tissus nécrotiques, sont présents dès 3 heures post-lésion puis disparaissent rapidement. Ils promulguent la prolifération des myoblastes. Ensuite, des macrophages CD163+, anti-inflammatoires, sont présents entre 2 et 4 jours après la lésion. Ils contribuent à la résolution de l’inflammation et promulguent la différenciation et la fusion des myoblastes (Chazaud et al., 2009; Ciciliot and Schiaffino, 2010; Sonnet, 2006).
De nombreux signaux déclenchent l’activation des cellules satellites à la suite d’une lésion musculaire : l’apparition de sphingosine-1-phosphate, la production d’oxyde nitrique et le relargage de facteur de croissance des hépatocytes. Les cellules satellites prolifèrent rapidement dès le 2ème jour post-lésion (Nagata et al., 2006; Tatsumi et al., 1998, 2006). Une partie de ces cellules retournent à l’état de quiescence afin de conserver le pool de cellules souches et l’autre partie entame une différenciation avec l’expression des facteurs de régulation myogéniques MyoD, Myf5, myogénine et Mrf4. Les cellules satellites activées se différencient rapidement, avec l’expression de différentes chaînes lourdes de myosine (embryonnaires, néonatales puis adultes) et la fusion des myoblastes en myotubes (Figure 4, Ciciliot and Schiaffino, 2010).
Figure 4 : Etapes de la régénération musculaire
Suite à une lésion légère (mild) ou grave (severe), les cellules satellites quiescentes s’activent puis se différencient pour réparer la fibre endommagée ou reconstituer des fibres complètement détruites. Le processus myogénique est strictement régulé par des facteurs de transcription clés. Les cellules satellites quiescentes expriment Pax7 (et Pax3 dans certains muscles) et Myf5.
Les signaux Notch sont très actifs. Suite à une lésion, MyoD est rapidement surexprimé et Myf5 et Pax7 restent détectables.
Après la phase d’amplification, les myoblastes expriment le gène de différenciation terminal Myogénine et sortent du cycle cellulaire. Les myoblastes différenciés fusionnent à la fibre endommagée (lésion légère) ou ensemble pour former de nouvelles fibres (lésion grave). Parallèlement, certaines cellules satellites s’auto-renouvellent pour reformer le pool de cellules souches.
L’efficacité de la maturation des myofibres et du remodelage du muscle passe par le maintien de la lame basale. La croissance et la maturation du muscle régénéré nécessite le rétablissement de l’innervation de la zone lésée (Ciciliot and Schiaffino, 2010). De façon générale, les nouvelles myofibres sont de petite taille avec un noyau central (systématique chez le rongeur mais pas chez l’homme, Schmalbruch, 1976).

Place des myopathies nécrosantes auto-immunes dans les myopathies inflammatoires

Une myopathie est définie par le dysfonctionnement des fibres musculaires résultant en une faiblesse musculaire. Les myopathies peuvent avoir diverses origines, classées en deux grands groupes : héréditaires (telles que les dystrophies) et acquises. Parmi les myopathies secondaires, les myopathies inflammatoires sont définies par une faiblesse musculaire et un infiltrat inflammatoire. Les myopathies inflammatoires peuvent être de présentation et d’origine très variées reflétant la complexité de leur physiopathologie (Tableau 1) (Benveniste et al., 2007).
Le qualificatif « idiopathique » des myopathies inflammatoires est historique, et il est désormais largement admis que ces myopathies sont d’origine auto-immune. Les myopathies auto-immunes (MAI) représentent un groupe hétérogène composé de 5 types de myopathies :
la dermatomyosite (DM), la polymyosite (PM), la myosite à inclusions (IBM), le syndrome des anti-synthétases (SAS) et plus récemment identifiées les myopathies nécrosantes auto-immunes (MNAI) (Hoogendijk et al., 2004). Selon les groupes d’étude, peuvent se rajouter à ces entités principales les myosites de chevauchement (myopathie dans le contexte d’une maladie des tissus conjonctifs comme la sclérodermie systémique, le lupus erythémateux systémique ou la polyarthrite rhumatoïde), et/ou les myosites non-spécifiques (Allenbach et al., 2017; Mammen, 2016). Une combinaison spécifique d’aspects cliniques, immunopathologiques et histologiques permet de différencier ces sous-types. En règle générale, les MAI sont des affections chroniques caractérisées par une faiblesse musculaire, la présence plus ou moins importante de manifestations extra-musculaires ainsi que la présence d’autoanticorps (aAc) spécifiques ou associés (Barsotti et al., 2015; Dalakas, 2015; Hoogendijk et al., 2004; Malik et al., 2016; Tieu et al., 2016).
Les MAI sont des maladies rares, comme en témoigne une méta-analyse de 2015, avec une incidence de 7,98/million d’habitants/an et une prévalence de 14/100 000 habitants, sans disparité claire au niveau géographique (Meyer et al., 2015). A l’exclusion de l’IBM, une prépondérance féminine est observée avec un ratio d’environ 2:1 (Furst et al., 2012; Smoyer- Tomic et al., 2012; Tan et al., 2013). Une étude s’intéressant plus particulièrement à l’IBM note un ratio homme:femme de 3:2 (Molberg and Dobloug, 2016). L’âge moyen au diagnostic est plus élevé pour l’IBM (67ans) que pour la DM (55ans) et la PM (59ans) (Molberg and Dobloug, 2016; Tan et al., 2013). Malheureusement, la plupart des études épidémiologiques se basant sur une classification des MAI en PM, DM et IBM, aucune donnée n’est disponible pour les autres sous-types, et les données d’incidence pour la PM en particulier ne sont donc pas fiables puisque probablement très largement surestimées par le fait qu’elles englobent MNAI, SAS et myosite de chevauchement.

Les myopathies inflammatoires auto-immunes (hors myopathies nécrosantes auto-immunes)

Aspects cliniques et paracliniques

Le diagnostic des MAI est centré à la fois sur une évaluation extensive du muscle du patient, sur la présence d’aAc ainsi que sur l’existence d’atteintes extra-musculaires. Le muscle est évalué en premier lieu par un examen clinique visant à apprécier la faiblesse musculaire ainsi que par l’histoire évolutive de la maladie. Le bilan est complété par des examens dont l’électromyogramme (EMG), l’imagerie par résonnance magnétique (IRM), la détermination du taux sérique d’enzymes musculaires et la recherche d’aAc. En dernier lieu, c’est le plus souvent la biopsie musculaire qui est l’élément majeur permettant la classification fiable de la MAI (Barsotti et al., 2015; Dalakas, 2015).

Diagnostic clinique

L’étude de l’anamnèse permet de déterminer le début des symptômes et donc la vitesse de progression de la maladie (aiguë, subaiguë ou chronique), de même que l’exposition à des traitements qui pourraient être associés au déclenchement de la myopathie. L’examen physique détermine la localisation de l’atteinte musculaire : proximale/distale, symétrique/asymétrique et quantifie la perte de la force musculaire.
En effet, la faiblesse musculaire est la caractéristique principale des MAI. Elle est avant tout proximale, symétrique et d’installation aigüe ou subaigüe (quelques semaines à quelques mois) pour les PM, DM et SAS (Dalakas, 2015). L’IBM se distingue par une atteinte distale (qui demeure cantonnée aux cas avancés dans les autres formes de MAI) et asymétrique avec une installation très progressive (plusieurs années) (Hilton-Jones and Brady, 2016). Dans tous les sous-types, les muscles nucaux et pharyngés peuvent être atteints et conduire à une camptocormie (anomalie de la posture : flexion antérieure du tronc en position debout mais pas en position couchée) et à une dysphagie. Les cas avancés de MAI peuvent aller jusqu’à une dyspnée lorsque les muscles respiratoires sont atteints (Dalakas, 2015). Les douleurs musculaires (myalgies) sont surtout retrouvées dans le SAS (Stanciu et al., 2008), inconstantes et peu spécifiques, elles ne sont donc pas considérées comme critère diagnostique (Troyanov et al., 2005).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

I- INTRODUCTION
A) Le muscle : fonction, structure et régénération
1. Structure
2. Les différents types de fibre musculaire
3. Dégénération et régénération
B) Place des myopathies nécrosantes auto-immunes dans les myopathies inflammatoires
1. Les myopathies inflammatoires auto-immunes (hors myopathies nécrosantes auto-immunes)
1.1. Aspects cliniques et paracliniques
1.1.1. Diagnostic clinique
1.1.2. Electromyogramme et imagerie par résonnance magnétique
1.1.3. Marqueurs biochimiques : enzymes musculaires
1.1.4. Caractéristiques histologiques
1.2. Les auto-anticorps au cours des myopathies inflammatoires autoimmunes
1.2.1. Auto-anticorps associés aux myosites
1.2.2. Auto-anticorps spécifiques des myosites
1.2.3. Association d’auto-anticorps au cours des myosites
1.3. Facteurs de risque
1.4. Un cadre nosologique toujours en évolution
2. Myopathies nécrosantes auto-immunes : émergence d’une nouvelle entité
2.1. Le muscle au cours des myopathies nécrosantes auto-immunes
2.1.1. Diagnostic clinique et examens complémentaires
2.1.2. Electromyogramme et imagerie par résonnance magnétique
2.1.3. Analyses biochimiques : enzymes musculaires
2.1.4. Caractéristiques histologiques
2.2. Les auto-anticorps spécifiques des myopathies nécrosantes autoimmunes
2.2.1. Auto-anticorps anti-SRP
2.2.2. Auto-anticorps anti-HMGCR
2.2.3. Associations avec d’autres auto-anticorps
2.3. Facteurs de risque associés
3. Modèles animaux de myosite
3.1. Modèles spontanés
3.2. Modèles induits par régime alimentaire particulier
3.3. Modèles infectieux
3.4. Modèles immunologiques
3.5. Modèles transgéniques
C) Pathogénicité des auto-anticorps
1. Preuves de la pathogénicité des auto-anticorps
2. Mécanismes d’action des auto-anticorps pathogènes
2.1. Auto-anticorps dirigés contre des cibles extracellulaires
2.1.1. Effets médiés par le fragment Fab
2.1.2. Effets médiés par le fragment Fc
2.1.3. Influence de la glycosylation des auto-anticorps
2.2. Cas particulier des auto-antigènes intracellulaires
2.2.1. Exposition membranaire conditionnelle des auto-antigènes intracellulaires
2.2.2. Pénétration intracellulaire des aAc
2.2.3. Effets intracellulaires des auto-anticorps
3. Pathogénicité des auto-anticorps spécifiques des myosites
3.1. Preuves directes
3.2. Preuves indirectes
3.3. Preuves circonstancielles
II- OBJECTIFS
III- RESULTATS
A) Pathogénicité in vivo des auto-anticorps anti-SRP et anti-HMGCR
B) Paramètres influençant la pathogénicité dans le modèle
1. Paramètres liés aux anticorps
1.1. Influence de la cinétique et de la quantité
1.2. Influence de la quantité et du patient
1.3. Influence de la cible
1.4. Vers une étude des spécificités épitopiques : développement d’un anticorps monoclonal anti-HMGCR
1.4.1. Obtention des hybridomes
1.4.2. Criblage
1.4.3. Caractérisation
2. Paramètres liés au receveur
2.1. Transfert aux nouveau-nés
2.2. Transfert aux souris mâles
C) Reconnaissance antigénique des auto-anticorps anti-SRP et anti-HMGCR
IV- DISCUSSION
A) Rôle pathogène des auto-anticorps anti-SRP et anti-HMGCR au cours des myopathies nécrosantes auto-immunes
1. Un premier modèle murin, encore perfectible
2. Reconnaissance et accessibilité de la cible
V- CONCLUSION et PERSPECTIVES
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *