Place des morphiniques dans le traitement de la douleur    

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La douleur

Selon l’International Association for the study of pain (IASP), la définition de la douleur est : « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à des lésions tissulaires réelles ou potentielles, ou décrites dans des termes évoquant une telle lésion ». Il y a donc dans la douleur une part physiologique, physiquement explicable et liée à une stimulation nociceptive : «associée à des lésions tissulaires réelles ou potentielles ». Il y a aussi une part plus subjective : « expérience sensorielle et émotionnelle », qui dépend du vécu de chacun et peut être liée à l’état d’esprit de la personne au moment où la douleur apparait. Cela veut dire qu’il y a une variabilité de perception de la douleur entre les personnes pour une même lésion. En d’autres termes, l’intensité de la douleur n’est pas proportionnelle à l’intensité de la stimulation nociceptive. La douleur est donc très difficilement quantifiable. Ce caractère pluridimensionnel de la douleur est décrit par Jean Vibes (1). Il considère deux composantes principales de la douleur :

-La composante sensorielle

-La composante psychologique qui comprend l’aspect émotionnel et l’aspect cognitif D’autre part, la douleur peut être classée en plusieurs catégories et les traitements seront différents selon l’origine de la douleur (2).

Il y a notamment: Douleur nociceptive : C’est une douleur consécutive à une stimulation des nocicepteurs, stimulation entrainée par une lésion quelconque (brûlure, coupure, fracture, déchirure…). La douleur nociceptive a ici un rôle d’alarme pour l’organisme pour le prévenir d’un danger. Les dérivés morphiniques sont utilisés en première intention en cas de douleurs nociceptives intenses ne répondant pas aux traitements de palier I et II. Les paliers de traitement seront définis ultérieurement. Douleur neuropathique : elle se définit comme toute douleur ayant pour origine la dégradation ou la destruction partielle d’un nerf sensitif. Cette dégradation entraine un fonctionnement anormal du nerf sensitif qui envoie une information douloureuse au cerveau sans raison valable.

Il y a une douleur sans stimulus douloureux réel. Pour ce type de douleur, les morphiniques ne sont pas recommandés en première intention à cause de leurs nombreux effets indésirables et de leur efficacité limitée. Les traitements de première intention sont certains antidépresseurs, notamment les antidépresseurs tricycliques (ex : amitriptyline), les antiépileptiques (ex : gabapentine, prégabaline), et les traitements loco régionaux (ex : Versatis®, un emplâtre de lidocaïne). Les morphiniques ne sont utilisés qu’en cas d’échec des autres traitements. Le terme « douleurs mixtes » est utilisé pour définir les douleurs ayant une composante nociceptive et une composante neuropathique. C’est souvent le cas des douleurs cancéreuses. Il y a d’autres types de douleurs comme les douleurs psychogènes et idiopathiques. Ce sont des douleurs qui n’ont pas de mécanismes physiologiques connus. Elles seront très peu évoquées car elles ne sont pas concernées par les traitements morphiniques.

Place des morphiniques dans le traitement de la douleur

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a édité en 1986 une échelle de traitement de la douleur pour faciliter le choix des antalgiques par les médecins. Elle se compose de 3 paliers. Le palier 1 comprend les traitements les moins forts, non opioïdes, comme le paracétamol et l’ibuprofène, le palier 2 comprend les opioïdes faibles (codéine, tramadol) qui sont plus puissants que le paracétamol, et le palier 3 comprend les opioïdes dits « fort » (morphine, fentanyl, oxycodone, hydromorphone…). Cette échelle a permis une harmonisation mondiale de l’utilisation des antalgiques en fonction de la douleur évaluée. Elle ne concerne selon l’OMS que les « douleurs chroniques stable d’origine cancéreuse. Selon ses recommandations, le traitement commence par l’utilisation des antalgiques du palier 1, si cela ne suffit pas à soulager la douleur, les antalgiques de palier 2 puis 3 sont utilisés jusqu’à obtenir un soulagement le plus complet possible de la douleur. Figure 6 : Schéma des paliers antalgiques selon l’OMS (11)

Les opioïdes forts se situent donc au palier III de la douleur. Selon l’OMS, ils sont utilisés lorsque les autres antalgiques ne suffisent plus pour soulager la douleur. Il est cependant recommandé d’y associer un antalgique de palier I qui a un mécanisme d’action tout à fait différent et donc complémentaire. Quelques remarques (12) sur cette échelle sont intéressantes à faire, Ces recommandations questionnent sur le fait de toujours commencer au palier 1 même lors de douleurs très intenses dont il est connu qu’elles ne seront pas soulagées par un palier 1 ou 2. De plus il n’est pas prévu avec cette échelle de redescendre d’un palier si la douleur diminuait d’intensité.

Ensuite, cette échelle ne concerne que les douleurs chroniques (qui durent depuis 3 à 6 mois) stables et d’origine cancéreuse. La notion de stabilité dans le cas d’un cancer est difficile à retrouver étant donné le caractère imprévisible et évolutif de ce type de pathologie. Le terme même de cancer, qui vient de « crabe » en référence au déplacement aléatoire et imprévisible du crustacé, montre bien cette absence de stabilité. De plus, cette échelle exclut toutes les douleurs aigües et les 3 à 6 premiers mois de la douleur chronique. Il faut se demander s’il est justifié d’attendre que la douleur dure depuis 3 à 6 mois avant de pouvoir utiliser cette échelle ?

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Table des matières

INTRODUCTION
Partie 1 : Etat des lieux des traitements antalgiques morphiniques forts en France  
1 La douleur  
2 La morphine
2.1 Mécanismes d’action des morphiniques
2.2 Effets biologiques de la morphine
3 Place des morphiniques dans le traitement de la douleur      
4 Morphiniques par voie orale              
4.1 Aspect règlementaire
4.2 Sulfate de morphine
4.3 Chlorhydrate de morphine
4.4 Oxycodone
4.5 Hydromorphone
4.6 Cas de la méthadone
5 Morphiniques par voie sous-cutanée et intraveineuse         
5.1 Sulfate de morphine
5.2 Chlorhydrate de morphine
5.3 Oxycodone
5.4 Fentanyl
5.5 Buprénorphine
5.6 Etude sur l’hydromorphone par voie intraveineuse
6 Morphiniques par voie intramusculaire : exemple de la péthidine      
6.1 Pharmacodynamie
6.2 Pharmacocinétique
7 Morphiniques par voie transdermique           
7.1 Fentanyl
8 Morphiniques par voie transmuqueuse   
8.1 Fentanyl
8.2 Buprénorphine
9 Voie intrathécale et autres voies centrales         
10 La rotation des opioïdes               
11 Antidote
11.1 Naloxone
11.2 Naltrexone
12 Stimulation magnétique transcrânienne           
12.1 Principe
12.2 Place dans la stratégie thérapeutique
Partie 2 : Utilisation des morphiniques aux États-Unis et en Allemagne     
1 États-Unis
1.1 Sulfate de morphine
1.2 Oxycodone
1.3 Hydromorphone
1.4 Fentanyl
1.5 Méthadone
1.6 Tapentadol
1.7 Buprénorphine
1.8 Conclusion
2 Allemagne
2.1 Targin
2.2 Morphine
2.3 Buprénorphine
2.4 Hydromorphone
2.5 Oxycodone
2.6 Fentanyl
2.7 Tapentadol
2.8 Méthadone
3 Tableau récapitulatif des principales formes qui existent dans les 3 pays étudiés  
4 Prescription et utilisation des opioïdes : comparaison de l’Allemagne et des Etats-Unis avec la France
4.1 Règles de prescription
4.2 Utilisation des opioïdes
Partie 3 : Eléments d’explications de cette disparité entre la France et les autres pays
1 Différences culturelles                
1.1 Les études Delorme et EPIC : Un constat
1.2 Lourdeur administrative de la France
1.3 Méconnaissance des différents morphiniques par les prescripteurs, et a priori sur la morphine
1.4 La France, et le principe de précaution
1.5 L’Evidence based-medicine
2 La culture religieuse                  
2.1 La France et son héritage de la religion catholique
2.2 L’Allemagne et les Etats-Unis, un héritage protestant
3 Différences économiques               
3.1 France (115) (116)
3.2 Allemagne
3.3 Etats-Unis
4 La législation en avance sur la pratique             
CONCLUSION
Bibliographie

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