PLACE DES MATERIAUX III-V DANS L’INDUSTRIE DES SEMI-CONDUCTEURS

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L’évolution du transistor MOSFET

Les transistors MOSFET (Metal-Oxide-Semiconductor Field Effect Transistor) assemblés sous forme de portes logiques dans les processeurs permettent d’effectuer des opérations logiques. Les transistors MOSFET agissent comme des interrupteurs qui laissent ou non passer le courant. Nous détaillerons le fonctionnement de ces transistors MOSFET dans la partie 1.1 de ce chapitre. Un circuit CMOS (Complementary Metal-Oxide-Semiconductor) est constitué de p-MOS où la conduction s’opère par les trous et des n-MOS où la conduction s’opère par les électrons.
La réduction de la taille des transistors permet une croissance de la densité de transistors par puce et donc une augmentation de la puissance de calcul. En 1965, Gordon Moore publie un article dans lequel il prédit que la densité de transistors sur une puce doublerait tous les 18 mois. En 1974, Dennard et al. montrent les bénéfices de la miniaturisation (ou « scaling ») sur les performances électriques du transistor : diminuer la taille du transistor d’un facteur κ permet d’augmenter la vitesse de commutation de κ, de réduire la puissance dissipée par κ² et de réduire la tension d’alimentation de κ.
L’industrie des semi-conducteurs a à peu près suivi la loi de Moore jusqu’en 2005. L’amélioration des performances des transistors grâce à la miniaturisation est aujourd’hui arrivée à saturation. Nous expliquerons les raisons de cette saturation dans la partie 1.1.1, puis nous discuterons de l’évolution de l’architecture du transistor pour contrebalancer les effets négatifs de la miniaturisation (partie 1.1.2).

Principe de fonctionnement des transistors MOSFET

Le transistor MOSFET est un type de transistor qui repose sur l’effet « de champ ». Cet effet de champ module de façon électrostatique une densité de charges mobiles dans un semi-conducteur. Le transistor peut être considéré comme un interrupteur caractérisé par deux régimes de fonctionnement : en régime bloqué (le courant ne passe pas) ou en régime actif (le courant passe). Le transistor est composé de quatre terminaux : la grille, la source, le drain et le substrat. L’intensité du courant circulant entre la source et le drain est commandée par la tension appliquée entre la grille et le substrat. Dans chaque type de MOSFET, on peut distinguer le MOSFET à canal n (le courant provient du déplacement d’électrons) et le MOSFET à canal p (le courant provient du déplacement de trous). Pour la suite de l’explication, nous prendrons le cas d’un transistor dopé n.
Comme schématisé sur la Figure 1-1Figure , le transistor est constitué de deux régions de semi-conducteur dopé n, appelées source et drain, qui sont séparées par une zone de semi-conducteur dopé p, appelé substrat. Un transistor p aura des dopages opposés pour la source, le drain et le substrat. Une fine couche d’isolant (SiO2, par exemple) couvre la région entre la source et le drain. Cette couche est recouverte par une électrode métallique, appelée grille. L’oxyde est appelé « oxyde de grille ». La source et le substrat sont reliés à la masse, tandis qu’une tension positive est appliquée sur le drain. Dans ces conditions, aucun courant ne passe entre le drain et la source, et le transistor joue le rôle d’un interrupteur ouvert. Si une tension positive suffisamment grande est appliquée sur la grille, les électrons de la source et du drain sont attirés par la grille, et forment une couche riche en électrons, appelée canal, sous l’oxyde de grille. Le canal connecte la source et le drain, et le courant peut passer entre les deux terminaux. Le transistor se comporte comme un interrupteur fermé. Sous le canal se forme une région où les trous, qui sont porteurs majoritaires dans le substrat, sont repoussés par la tension de grille positive : c’est une zone de dépletion.
Sur la Figure 1-1 est aussi représentée la courbe théorique du courant de drain (ID) en fonction de la tension de grille (VG). Les deux courbes montrent la même caractéristique mais l’une en échelle linéaire (courbe bleue) et l’autre en échelle logarithmique (courbe rouge). Quand la tension de grille augmente, le nombre d’électrons dans le canal augmente et le courant de la source au drain s’amplifie. Le courant au minimum de tension de grille (VG = 0V), est le courant à l’état bloqué, appelé IOFF. Le courant à la tension maximum d’alimentation sur la grille est appelé ION. Au-delà d’une tension particulière, appelée tension de seuil VT (« threshold voltage » en anglais), le courant de drain augmente linéairement avec VG. En-deçà de la tension de seuil, le courant de drain augmente exponentiellement avec la tension de grille. La pente de la courbe exponentielle sur l’échelle logarithmique est appelée pente sous le seuil, ou « subthreshold slope » (SS) en anglais. Le transistor n’étant pas idéal, le courant IOFF ne vaut pas zéro et le courant ION est limité. De plus, le passage de l’état OFF à ON n’est pas instantané, il s’étale sur une plage de tension. A mesure que la taille des transistors diminue, la commutation devient de plus en plus lente. L’efficacité de la commutation est représentée par la pente sous le seuil (subthreshold slope, SS) et est définie par la relation : = (1-1)
La pente sous le seuil s’exprime en millivolts par décade. Une valeur typique de la pente sous le seuil de 80mV/dec signifie qu’une augmentation de tension de 80mV entraine une multiplication par dix du courant de drain. Elle peut s’exprimer selon la formule : = (    (    ))   (1-2)
où kB est la constante de Boltzmann, T la température, q la charge d’un électron et n le facteur de forme. Le facteur de forme représente « l’inefficacité » avec laquelle la grille contrôle le canal. Il est proportionnel au changement de la tension de grille (VG) avec le potentiel du canal ΦCH, soit : = (1-3)
Dans le cas idéal, le couplage électrostatique de la grille sur le canal est 100% efficace, et = (    (    )) =     ,       /             à température ambiante (T=300K). La commutation d’un transistor MOSFET est donc limitée par la pente sous le seuil, qui ne peut être inférieure à 59,6mV/dec. En pratique, le contrôle de la grille sur le canal n’est jamais parfait, dû aux capacités parasites entre d’une part, le canal et le substrat, et d’autre part la source et le drain. Les états d’interface entre la grille et le canal peuvent également créer une capacité parasite supplémentaire. Ainsi, le facteur de forme vaut entre 1,2 et 1,5 pour les MOSFET Si, ce qui conduit à une pente sous le seuil entre 70 et 90mV/dec.

Effets de canaux courts

L’amélioration des performances des transistors grâce à la miniaturisation est aujourd’hui arrivée à saturation. Cette saturation est due aux effets de canaux courts (« short-channel effects », SCE). Les effets de canaux courts sont provoqués par le partage des charges électriques du canal entre la grille et les source/drain. Les jonctions de la source et du drain avec le substrat créent une zone de déplétion qui pénètre la zone du canal des deux côtés, et réduisent donc la longueur effective du canal. Les zones de déplétion sont porteuses d’un champ électrique qui réduit le contrôle de la grille sur le canal. Plus la tension de grille augmente, et plus la pénétration des zones de déplétion s’accroît. Le potentiel dans le canal et la concentration en électrons ne sont plus contrôlés uniquement par la grille, mais sont aussi influencés par la distance entre la source et le drain. Ces effets apparaissent lorsque la zone de déplétion
Place des matériaux III-V dans l’industrie des semi-conducteurs
Les matériaux III-V rassemblent les alliages composés d’un ou plusieurs éléments de la colonne III du tableau périodique associé avec un ou plusieurs éléments de la colonne V. La liste des éléments est représentée sur la Figure 1-5. Le silicium et le germanium, appartiennent à la colonne IV du tableau périodique. Les composés III-V les plus répandus dans l’industrie des semi-conducteurs sont le GaN, le GaAs et l’InP. Ils existent en substrat et offrent donc une large gamme de paramètre de maille pour l’épitaxie de III-V sur III-V (cf. Figure 1-5).
Propriétés remarquables des III-V et leurs applications
Les matériaux III-V sont principalement employés dans l’électronique (traitement de signaux électriques) et la photonique (signaux optiques) pour la transmission d’information. L’intérêt de ces matériaux III-V par rapport au Si, matériau phare de la microélectronique, se justifie par deux propriétés remarquables que nous allons développer : un gap direct et une mobilité des électrons élevée.
Energie de bande interdite
Les semi-conducteurs sont divisés en deux familles : les matériaux à « gap direct » ou « gap indirect ». Si le maximum de la bande de valence et le minimum de la bande de conduction sont alignés sur le même vecteur d’onde k, alors la bande interdite est dite directe (ou « gap direct »), comme illustré sur la Figure 1-6 pour le GaAs. C’est le cas de nombreux matériaux III-V (cf. Figure 1-5). Au contraire, s’ils possèdent des vecteurs d’onde différents alors la bande interdite est indirecte (ou « gap indirect »), comme pour le Si. Un photon dont l’énergie est proche de celle de la bande interdite, peut produire facilement une paire électron-trou dans un semi-conducteur direct, car il n’a pas besoin d’énergie pour modifier son vecteur d’onde.  Eg = 1,42eV Eg = 1,08eV E g E g
L’énergie du photon est directement liée à l’énergie du gap : ħ   = (1-5)
Alors que dans un semi-conducteur indirect, il faut satisfaire la conservation de l’énergie et du vecteur d’onde k. Ceci n’est possible que si un phonon d’énergie ħω(q) et de vecteur d’onde q participe à la transition « en fournissant le vecteur d’onde qui manque ». La transition n’est possible que si l’énergie du photon est suffisante pour exciter un électron dans la bande de conduction et créer un phonon ħ   = + ħ  (  ) ( 1-6)
La création d’une paire électron-trou est donc plus lente dans un semi-conducteur indirect. C’est pourquoi les matériaux III-V présentant un gap direct sont utilisés pour les dispositifs optiques plutôt que le Si.
Les matériaux III-V entrent avec les fibres optiques dans la plupart des composants pour la télécommunication. Les matériaux binaires InP et GaAs sont majoritairement utilisés en optoélectronique comme source électroluminescente pour les fibres optiques, les LED (Light Emitting Diode) émettant dans le spectre visible et infrarouge. La Figure 1-7 montre différents matériaux III-V et II-VI particulièrement utilisés comme diodes laser en fonction du spectre de longueur d’onde.
Mobilité des porteurs et réponse en fréquence
Les matériaux III-V présentent une mobilité des électrons environ 10 fois supérieure à celle du Si, grâce à leur faible masse effective. La masse effective d’un électron est liée à la forme de la bande de conduction près de son minimum et peut être déterminée par la relation :   ²  = ħ² (1-7)
avec E l’énergie, k le vecteur d’onde, ħ la constante de Planck réduite et m* la masse effective de l’électron [HOWES85]. Sur la Figure 1-6, on remarque que la bande de conduction varie plus rapidement avec le vecteur d’onde dans la vallée Γ pour le GaAs que pour le Si. La masse effective des électrons dans le GaAs est donc plus faible que dans le Si. La force appliquée sur un électron dans un champ électrique accélère alors l’électron plus rapidement dans le GaAs que dans le Si [HOWES85]. Les mobilités des électrons et des trous pour plusieurs matériaux III-V, comparés au Si et Ge sont présentées sur la Figure 1-8 (a). Cette forte mobilité est exploitée, par exemple, dans les transistors HEMT (High Electron Mobility Transistor) qui répondent à des exigences de systèmes fonctionnant à des fréquences élevées (micro-ondes). Les vitesses d’injections de transistors HEMT (InAs, In0,7Ga0,3As et In0,53Ga0,47As) sont comparées à celles de transistors Si MOSFET sur la Figure 1-8 (b). La faible masse effective des électrons dans le III-V a un impact sur la densité d’état des électrons dans la bande de conduction, puisqu’elles sont reliées par l’équation ∗   /   (1-8) avec Nc la densité volumique effective des électrons dans la bande de conduction, h la constante de Planck et T la température [HOWES85]. La densité d’états (notée DOS « density of states ») est donc plus faible dans les III-V que dans le Si (2,1×1017cm-3 pour l’ In0,53Ga0,47As contre 2,8×1019cm-3 pour le Si). Nous verrons dans la suite de ce chapitre que cette propriété s’avèrera être une difficulté pour l’application MOSFET traitée dans cette thèse. Une autre propriété intéressante des III-V par rapport au Si est leur tenu à haute fréquence. A très fort champ électrique, la vitesse des porteurs atteint une vitesse maximum appelée « vitesse de saturation ». Au-delà d’un certain champ électrique, la vitesse des porteurs n’augmente plus à cause d’une trop forte interaction avec le cristal. Comme montré sur la Figure 1-9, la vitesse des électrons à fort champ électrique est plus importante dans le GaAs et l’InP que pour le Si.
Pourquoi le III-V sur Si peut faire la différence ?
L’assemblage de circuits CMOS, et autres dispositifs à base de III-V est une voie importante de la recherche actuelle car elle permettrait de densifier et d’augmenter la fonctionnalité des puces [KAZIOR14]. Il serait alors possible d’intégrer au sein d’une même puce des HBT InP et GaN HEMT, par exemple, avec un circuit Si CMOS. Les matériaux III-V peuvent également être utilisés pour les interconnexions des circuits CMOS. Dans les processeurs à multi-cœurs où plusieurs circuits sont assemblés et effectuent des calculs en parallèle, les interconnexions restent une limitation majeure pour les performances. La photonique, quant à elle, peut assurer le parallélisme des données (capacité de distribuer les informations sur différents nœuds qui les traitent en parallèle) et la distribution des données à très grande distance [YOO16]. La combinaison de la photonique et de l’électronique pourrait donc profiter de tous ces avantages. Le Si et le Ge ne sont pas les matériaux les plus adaptés pour la réalisation de lasers ou modulateurs optiques. Il devient alors nécessaire d’intégrer des lasers haute-performance à base de matériaux III-V sur des circuits intégrés en Si. Le substrat Si est naturellement privilégié puisqu’il est le plus « extensible » et bon marché par rapport aux substrats III-V limités à 100 ou 150mm de diamètre. La Figure 1-11 rapporte le nombre de publications répondant au mot clé « III-V on Silicon » et montre l’intérêt grandissant de la communauté pour ce sujet. Encore plus loin que l’intégration Si CMOS et dispositifs III-V, l’intégration de matériaux III-V au sein même du CMOS est une voie explorée pour le « Beyond CMOS ». La technologie Si MOSFET a profité de la miniaturisation pour l’amélioration des performances. Cependant, les dimensions sont actuellement tellement réduites que de nouveaux effets défavorables apparaissent (cf partie 1.1.1). L’introduction de matériaux III-V comme booster de mobilité est une des voies explorées, particulièrement depuis 2005 comme montré sur la Figure 1-11.
Défauts cristallins induits dans le III-V par une épitaxie sur Silicium
L’intégration d’un canal III-V sur substrat Si présente de nombreuses difficultés, mais le principal défi à relever est la réduction des défauts cristallins dans les couches III-V épitaxiées sur Si. Nous expliquerons les types de défauts induits lors de l’épitaxie de couches III-V sur Si, puis les solutions envisagées pour réduire la quantité de défauts cristallins.
Le Si et les matériaux III-V présentent des propriétés physiques intrinsèques différentes ce qui rend difficile l’épitaxie de III-V sur Si. Ces matériaux possèdent trois différences majeures :
(1) La différence de coefficient de dilatation thermique : le coefficient de dilatation thermique de l’InGaAs est environ 2,2 fois supérieur à celui du Si. L’épitaxie de l’InGaAs sur Si se faisant à haute température (~600°C), des fissures peuvent apparaitre dans l’InGaAs, dans le cas de couches épaisses (~2-3µm).
(2) La différence de paramètre de maille : l’InGaAs présente une différence de paramètre de maille avec le Si allant de 8 à 10% selon la composition (de 50 à 75% d’In). Pour une hétéroépitaxie à faible différence de paramètre de maille, la croissance est dite pseudomorphique. La couche épitaxiée est contrainte pour adopter le paramètre de maille du substrat as dans le plan de l’interface, comme schématisé sur la Figure 1-12 (a).
Dans le plan perpendiculaire, la couche est contrainte. A mesure que l’épaisseur de la couche croît, la contrainte augmente dans le matériau. A partir d’une épaisseur critique, il devient énergétiquement plus favorable de créer des dislocations pour relaxer une partie des contraintes (Figure 1-12-b). Ces dislocations créent des états dans la bande interdite du III-V, qui augmentent le courant de fuite et réduisent la durée de vie des porteurs du transistor.
Le minimum de densité de dislocations émergentes de GaAs sur substrat Si reportée est de l’ordre de 106cm-2 en utilisant une couche tampon de Ge/GeSi [BOLKHOVITYANOV09]. La densité de dislocation peut atteindre 109-1010cm-2 pour une croissance directe de GaAs sur Si sans couche tampon.
(3) La différence de polarité : le matériau III-V est constitué d’éléments de groupe III (Ga, In, Al) et V (As) il est donc polaire. Le Si est, quant à lui, constitué uniquement d’élément IV, il est apolaire. La croissance d’un matériau polaire sur un matériau apolaire peut conduire à la formation de domaines d’antiphase. Le Si cristallise selon la structure de type diamant, formée par deux sous-réseaux cubiques faces centrées (cfc) décalés d’un vecteur (14 , 14 , 14). Le GaAs et l’InGaAs ont une structure type zinc blende, identique à celle du Si sauf que les deux sous-réseaux sont occupés par des atomes différents. Les structures cristallines sont représentées sur la Figure 1-13. Deux orientations possibles du GaAs sont représentées où une rotation de 90° est simplement effectuée autour de la direction [001]. Dans le cas de l’InGaAs, les atomes d’In remplacent les atomes de Ga dans son sous-réseau. L’épitaxie de l’(In)GaAs commence toujours par la saturation de la surface de Si en atomes d’As. Au niveau d’une marche monoatomique, comme illustré sur la Figure 1-14-a. les atomes d’As passent d’un sous-réseau à un autre. A l’intersection de ces domaines, de mauvaises liaisons As-As et Ga-Ga se créent et forment une paroi d’antiphase. Ce défaut cristallin nait au niveau des marches du substrat et peut émerger jusqu’à la surface du matériau et diminuer la mobilité des porteurs. En effet, les parois d’antiphase agissent comme des centres de recombinaisons non-radiatives pour les porteurs. Deux parois d’antiphase peuvent se rencontrer et s’auto-annihiler. Pour éliminer les parois d’antiphase émergentes, un substrat Si désorienté (4-6°) est souvent utilisé. La désorientation du substrat implique une longueur de marche plus petite que pour un substrat non désorienté.
A haute température, une reconstruction de la surface favorise la formation de marches biatomiques sur lesquelles ne naissent pas de paroi d’antiphase. En effet, sur une marche biatomique, la première couche d’As appartient toujours au même sous-réseau (cf. Figure 1-14-b). Par contre, les substrats standards de la microélectronique ne présentent qu’une légère désorientation (0,1-0,3°).
Afin d’éliminer les parois d’antiphase et de réduire la densité de dislocations, plusieurs stratégies d’intégration sont possibles.
Solutions d’intégration d’une couche III-V sur un substrat de silicium
Pour remédier à ces difficultés d’épitaxie de III-V sur Si, plusieurs solutions d’intégration sur Si sont possibles. On peut les classer en deux grandes catégories, selon que l’épitaxie est faite en couche complète, ou localisée dans des motifs. Puis, deux types de substrats peuvent être employés : un substrat Si standard, ou un substrat Si avec isolant. Les combinaisons possibles sont résumées sur la Figure 1-15 et seront expliquées dans la suite de cette partie.
Epitaxie en couche complète
Afin d’adapter le paramètre de maille entre le Si et le III-V (4% pour le GaAs et 8% pour l’In0,53Ga0,47As), de nombreuses méthodes existent et sont résumées sur la Figure 1-16 pour l’exemple du GaAs. L’épitaxie du GaAs sur Si peut se faire via deux modes :
– la croissance directe sur substrat Si: les deux principales méthodes que nous décrirons ici sont la croissance en deux étapes et les cycles de recuit
– la croissance via l’insertion de couches tampons (dites «buffer ») de compositions différentes, Ge et Si1-xGex, étant les plus courantes.
Hétéroépitaxie via des couches tampons
Pour adapter la différence de paramètre de maille entre le Si et le III-V, des matériaux de paramètres de maille intermédiaires sont insérés entre le Si et la couche d’intérêt. Ces couches tampons assurent que la densité de défauts créés à l’hétérojonction est progressivement réduite. La couche de Ge est couramment employée car elle est en accord de paramètre de maille avec le GaAs. Une publication de Luo et al. rapporte la croissance de GaAs sur substrat Si désorienté (6°), à l’aide d’un buffer Si0,05Ge0,95/Ge [LUO07]. La densité de dislocations est l’une des plus faibles atteintes dans la littérature pour le GaAs sur Si, puisqu’elle atteint 6-7×106cm-² (cf. Figure 1-17), La mobilité des électrons mesurée est de 2000cm²/Vs pour une concentration en électrons de 5×1017cm-3. Pour comparaison, la mobilité des électrons dans une couche de GaAs sur substrat GaAs atteint 5000cm²/Vs pour la même concentration électronique [HAGEMAN92].
Une autre solution élaborée pour réduire la densité de dislocations émergentes est la technique DFL (Dislocation Filter Layers), soit l’introduction de couches filtrantes. Dans l’étude de I. George et al., l’introduction de filtre GaAs/InxGa1-xAs réduit de 90% la densité de dislocation à la surface [GEORGE15], comme montré sur la Figure 1-18. La densité de dislocations émergentes atteint 108cm-² pour une croissance totale de plus de 4µm.
Une méthode basée sur des cycles de recuit pendant la croissance de GaAs (TCA thermal cycling anneal) a aussi montré son efficacité pour réduire la densité de dislocations à 106cm-3 avec une couche de GaAs de 4µm d’épaisseur [UEN06].
Croissance directe de III-V sur Si
La technique des couches tampons implique la croissance de couches très épaisses qui peuvent induire une courbure du substrat. Cette courbure doit être compensée pour pouvoir traiter la plaque sur les équipements 300mm. La courbure est un problème particulièrement pour l’étape de lithographie puisque le focus est sensible à la planéité du substrat. Les couches tampons engendrent aussi un coût supplémentaire important en précurseur. La croissance directe de III-V sur Si est donc une voie privilégiée.
Une méthode pour faire croitre le GaAs directement sur le Si est de déposer en premier une fine couche de GaAs à plus basse température (400-450°C) avant de continuer la croissance à la température standard (~700°C) [AKIYAMA84]. La température joue sur le mode de nucléation du GaAs sur le Si. La nucléation du GaAs se fait toujours sous forme d’îlots sur Si. A basse température, les îlots sont plus nombreux, ce qui diminue la densité de dislocations créées à l’interface [BOLKHOVITYANOV08]. Le mécanisme sera détaillé dans le chapitre 3, partie 6.1.
Dans l’objectif d’intégrer le matériau III-V sur Si à l’échelle industrielle, en plus de la qualité cristalline, d’autres critères rentrent en jeu. Il s’avère notamment nécessaire de réaliser l’épitaxie sur des substrats de Si standards pour la microélectronique, c’est-à-dire d’orientation cristalline (100), sans forte désorientation et de diamètre 200 voire 300mm. Or dans la plupart des études, la croissance est réalisée sur un substrat désorienté (4-6°) afin d’éliminer les parois d’antiphase. Les substrats de Si standards ne présentent pas de désorientation, ou bien une désorientation très faible (<1°). Il est donc nécessaire de s’affranchir de cette désorientation pour adapter l’épitaxie dans un environnement Si.
Au LTM, la croissance par MOCVD de GaAs et d’InGaAs a été optimisée sur substrat Si 300mm standard (100). La couche GaAs réalisée directement sur Si ne présente aucune paroi d’antiphase, pour une épaisseur de 150nm seulement [ALCOTTE16], alors que le substrat montre seulement une légère désorientation de 0,15°. Les détails de la croissance, réalisée en deux étapes, seront donnés dans le chapitre 3. La mobilité des électrons dans le GaAs est de 2000 cm²V-1s-1 pour une concentration d’électrons de 7×1017cm-3. La densité de dislocation de 3×109cm-2 peut encore être réduite afin d’améliorer la mobilité des porteurs. Pour la croissance de la couche d’InGaAs, une couche buffer d’InP est insérée entre le GaAs et l’InGaAs. La croissance sera détaillée dans le chapitre 3, partie 6.1.
Collage
Afin de s’affranchir des défauts cristallins induits par la différence de paramètre de maille, le moyen le plus direct est de faire croitre la couche d’intérêt sur son substrat en accord de paramètre de maille, puis de reporter cette couche sur un substrat Si par collage moléculaire. Cette technique permet d’obtenir un canal III-V sans défauts cristallins, type paroi d‘antiphase ou dislocations, sur un oxyde de silicium. Cependant, la taille des substrats III-V étant limitée à 100mm, le substrat Si 200 ou 300mm ne sera pas exploité au maximum. Après hétéroépitaxie d’une couche III-V au-dessus de couches tampons sur un substrat de Si 300mm, comme expliqué précédemment, la couche supérieure la moins défectueuse peut être reportée sur un autre substrat Si via un collage moléculaire. De cette manière, la couche III-V recouvre entièrement le substrat Si 300mm. Nous allons décrire plus en détail ces deux stratégies de collage.
La technique de collage a l’avantage de pouvoir réaliser un canal fin sur oxyde comme les substrats Silicon-on-insulator (SOI), utilisés pour la technologie FD-SOI développée au CEA et à STMicroelectronics. Dans cette technologie, un fin canal de Si repose sur un isolant afin d’améliorer le contrôle électrostatique. De la même manière, la structure III-V-OI désigne une couche de III-V sur un oxyde. La configuration canal sur oxyde permet d’utiliser l’oxyde comme deuxième grille sur la face arrière. L’application d’une tension sur la face arrière du transistor permet d’adapter la consommation du circuit en fonction des opérations réalisées. De la même manière que pour le FD-SOI, il a déjà été récemment montré que les caractéristiques d’un transistor InGaAs peuvent être modulées par l’application d’un tension en face arrière [LINJ16].

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Table des matières

Introduction générale
Intérêts et applications des semi-conducteurs III-V sur substrat de silicium
INTRODUCTION DU CHAPITRE 1
1. L’EVOLUTION DU TRANSISTOR MOSFET
Principe de fonctionnement des transistors MOSFET
1.1.1. Effets de canaux courts
1.1.2. Vers une architecture non planaire
1.1.3. Intégration de « boosters » de mobilité
2. PLACE DES MATERIAUX III-V DANS L’INDUSTRIE DES SEMI-CONDUCTEURS
Propriétés remarquables des III-V et leurs applications
2.1.1. Energie de bande interdite
2.1.2. Mobilité des porteurs et réponse en fréquence
Pourquoi le III-V sur Si peut faire la différence ?
Défauts cristallins induits dans le III-V par une épitaxie sur Silicium
3. SOLUTIONS D’INTEGRATION D’UNE COUCHE III-V SUR UN SUBSTRAT DE SILICIUM
Epitaxie en couche complète
3.1.1. Hétéroépitaxie via des couches tampons
3.1.2. Croissance directe de III-V sur Si
3.1.3. Collage
Epitaxie localisée
3.2.1. Aspect ratio trapping (ART)
3.2.2. Confined lateral selective epitaxial growth (CLSEG)
Comparaison des techniques d’intégration de III-V sur Si
Performances des MOSFET III-V actuels
3.4.1. Performances sur substrat III-V
3.4.2. Performances des transistors III-V sur substrat Si
Verrous technologiques à surmonter
3.5.1. Interface III-V/diélectrique de grille
3.5.2. Résistance de contacts
4. OBJECTIFS DE CETTE THESE
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
Fabrication du transistor III-V sur substrat de silicium
INTRODUCTION DU CHAPITRE 2
1. GESTION DE LA CONTAMINATION III-V SUR UNE PLATEFORME SI
Tenue en température
Traitement en solution chimique par immersion
1.2.1. Cas des solutions peu gravantes
1.2.2. Cas des solutions fortement gravantes
1.2.3. Décontamination de la face arrière
2. PRESENTATION DE LA FILIERE TRANSISTOR INGAAS-OI SUR LA PLATEFORME SI-CMOS
2.1.1. Problème d’adhérence du SiN sur l’InGaAs
2.1.2. Evolution du collage
2.1.3. Vers un collage 300mm/300mm
Elaboration de la zone active et de la grille
2.2.1. Stratégie d’intégration
2.2.2. Choix de la chimie de gravure de l’InGaAs
Réalisation des zones source-drain
2.3.1. Nettoyage de l’InGaAs avant dépôt
2.3.2. Formation de l’intermétallique
2.3.3. Intégration de l’alliage
3. FILIERE ALTERNATIVE PSEUDO-OI INGAAS-INALAS
Epitaxie d’InGaAs sur substrat Si 200mm
Définition de la zone active et dépôt de la grille
3.2.1. Définition de la zone active
3.2.2. Définition de la grille
Réalisation des zones source-drain
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
Etude de l’interface III-V/diélectrique de grille
INTRODUCTION DU CHAPITRE 3
1. PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT DES CAPACITES
Régimes de fonctionnement d’une capacité
Principe de la mesure C(V)
Paramètres caractéristiques de la capacité
1.3.1. Capacité de l’oxyde
1.3.2. Tension de bandes plates
1.3.3. Densité d’états d’interface
2. REALISATION DES CAPACITES SUR ECHANTILLON ET CARACTERISATION
Elaboration des capacités sur échantillon
Caractérisation XPS de l’interface III-V/diélectrique
2.2.1. Principe de l’XPS
2.2.2. Analyse angulaire par XPS
3. IMPACT DU TRAITEMENT DE SURFACE SUR LES CAPACITES INGAAS/AL2O3
Effet du dépôt ALD et du traitement chimique sur les oxydes de III-V
Effet des traitements de surface sur les caractéristiques C(V)
Analyses DLTS
3.3.1. Principe de la mesure DLTS
3.3.2. Mesures préliminaires
3.3.3. Résultats DLTS
4. EVOLUTION DU DIELECTRIQUE AL2O3 VERS UN BICOUCHE
Choix du diélectrique
Dépôt d’un bicouche Al2O3/HfO2
5. NITRURATION DE L’INTERFACE INGAAS/AL2O3
Première évaluation de l’implantation d’azote sur Si/Al2O3
Implantation d’azote par plasma N2 sur InGaAs
Implantation d’azote par plasma NH3 sur InGaAs
6. ETUDE DE CAPACITES III-V SUR SUBSTRAT SI 300MM
Etapes de croissance du GaAs sur Si
Epitaxie d’InGaAs sur Si
Elaboration des capacités sur substrat Si 300mm
Comparaison des capacités sur InGaAs et GaAs
Comparaison des capacités InGaAs/Si élaborées en 300mm et sur échantillon
6.5.1. Conséquence de la remise à l’air après désoxydation
6.5.2. Comparaison des diélectriques
6.5.3. Uniformité des capacités sur substrat 300mm
CONCLUSION DU CHAPITRE 3
Conclusion générale & perspectives
RÉFÉRENCES

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