Depuis plus d’une décade, les moyens de traitement dont disposent les oncologistes ont connu une évolution constante face à l’ampleur de la maladie due aux cancers. Le mot « cancer » est un terme qui désigne près de 150 types de tumeurs différentes affectant les divers organes du corps, le tissu myéloïde (ou masse osseuse) qui fabrique les cellules du sang ainsi que le système lymphatique. Le cancer constitue un réel problème à l’échelle mondiale, puisqu’il a représenté 12 ,5% de tous les décès survenus en 2005. Les projections laissent apparaître que le nombre de nouveaux cas annuels de cancer pourrait atteindre 15 millions d’ici à 2020, dont 70% dans les pays en développement et plus d’un million dans la région africaine [63]. Le cancer pourrait être durant les prochaines décennies la prochaine épidémie puisque cette maladie va tuer plus que le SIDA, le paludisme et la tuberculose réunis. Au niveau des pays développés, l’incidence est en train de baisser, contrairement aux pays en développement où la tendance augmente. Une inquiétude liée à l’insuffisance de mesures prises dans le cadre de la lutte contre le cancer au niveau des pays sous-développés.
Pour traiter les cancers, les oncologistes ont disposé jusqu’alors de trois moyens, la chirurgie vieille de plusieurs siècles, la radiothérapie qui ne date que du début du siècle dernier et la chimiothérapie qui n’a qu’une cinquantaine d’années. Si le développement de nouveaux médicaments cytotoxiques et de nouvelles techniques de radiothérapie ou de chirurgie a prolongé la survie et amélioré la qualité de vie des patients, les oncologistes sont confrontés journellement aux effets adverses de ces traitements et font malheureusement l’expérience de fréquents échecs thérapeutiques.
GÉNÉRALITÉS SUR LES CANCERS
L’ORIGINE DU CANCER
Historique du cancer
Les cancers sont des maladies connues depuis très longtemps. En effet, 1 000 000 d’années avant l’ère chrétienne, on a trouvé des tumeurs osseuses sur les squelettes d’animaux préhistoriques, et un cancer osseux de l’humérus a été mis en évidence chez un guerrier de l’âge du fer (Munsigen en Suisse). Hippocrate, le père de la médecine moderne, qui vécut il y’a 2500 ans environ, fût le créateur du terme carcinoma. Mais, c’est au 18e siècle, que se structure peu à peu, scientifiquement, l’idée que le cancer est une maladie locale grâce à la convergence des recherches, des pratiques et des savoirs différents. Ainsi, en 1775 le chirurgien anglais Percival Pott énonça qu’il existe une relation entre le travail des ramoneurs et le cancer du scrotum. Au 19e siècle, les travaux de Laennec (1781-1826), Cruveilhier (1791 1874) et Claude-Anthelme Récamier introduisirent la notion de métastase. L’emploi du microscope constitue un tournant décisif dans la recherche sur le cancer. En effet, il permit, à partir des données de plus en plus précises de l’anatomie pathologique, de construire la théorie cellulaire. Après avoir été décrit comme une maladie de l’organisme, puis du tissu, le cancer, maladie de la cellule et du noyau cellulaire est finalement retenue. C’est enfin grâce à la découverte des rayons X en 1895 et de la radioactivité en 1898 que l’image moderne du cancer fût décrite.
Définitions
Le mot «cancer» désigne un ensemble de tumeurs malignes différentes. Une tumeur est un tissu néoformé caractérisé par une prolifération cellulaire incontrôlée.
Ainsi, le cancer regroupe un ensemble de maladies caractérisées par une prolifération illimitée de cellules capables d’échapper à une mort cellulaire programmée (appelée apoptose), ce qui entraîne la formation d’une population de cellules anormales pouvant se disperser dans l’ensemble de l’organisme [53]. Ces maladies apparaissent dans les différentes parties du corps humain : tissus, organes ou cellules associées à ces tissus. Il existe donc différents types de cancers ayant des évolutions distinctes et diverses.
Physiopathologie
Rappel du cycle cellulaire normal
Le cycle cellulaire se déroule en plusieurs phases [68]. Durant la première phase (phase G1), les protéines sont synthétisées, la cellule croit et devient plus large. Cependant, la durée de cette phase peut varier en fonction de la nature de la cellule car elle englobe une phase de repos dite phase G0. Lorsque la cellule atteint une certaine taille, elle entre dans la deuxième phase (phase S), dans laquelle débute la synthèse de l’ADN. La cellule duplique son matériel héréditaire (réplication de l’ADN) et une copie de chacun de ses chromosomes est effectuée. Durant la phase suivante (phase G2), la cellule contrôle que la réplication de l’ADN a bien été réalisée (réparation post-réplicative) et prépare la division cellulaire.
Les chromosomes sont séparés (phase M pour Mitose) et la cellule se divise en deux cellules filles. A travers ce mécanisme, les deux cellules filles sont dotées des mêmes chromosomes que ceux de la cellule mère. Après la division, les cellules retournent en phase G1 et le cycle cellulaire est bouclé .
Formation de cellules cancéreuses
La vie commence toujours à l’intérieur d’une cellule qui se divise et se multiplie avant de se différencier. Les cellules normales fonctionnent entre elles de manière synchrone et harmonieuse. Elles se rassemblent pour former des tissus bien différenciés qui formeront eux-mêmes les organes du corps. La maladie cancéreuse apparaît lorsqu’une partie des cellules normales commence à se transformer et à se diviser de façon anarchique pour devenir malignes ou bénignes. Si les mécanismes de défense du corps ne sont pas capables de détruire ces cellules malades, leur nombre continue d’augmenter pour former, tout d’abord une tumeur bien délimitée. Avec le temps, la tumeur va envahir les tissus voisins pour les détruire progressivement. Les cellules cancéreuses peuvent également utiliser la voie lymphatique ou sanguine pour atteindre des régions du corps très éloignées de leur point de départ, où elles formeront de nouvelles tumeurs appelées métastases .
Progression du cancer
Lors du développement d’un cancer, il existe trois étapes essentielles indépendantes: l’initiation, la promotion et la progression tumorale. La cancérogenèse s’accompagne de la mise en place d’autres processus biologiques tels que l’angiogenèse, l’échappement tumoral et la diffusion de cellules malignes expliquant que la genèse d’un cancer est un processus complexe souvent long.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIER CHAPITRE : GÉNÉRALITÉS SUR LE CANCER
I.L’ORIGINE DU CANCER
1. Historique du cancer
2. Définitions
3. Physiopathologie
3.1. Rappel du cycle cellulaire normal
3.2. Formation de cellules cancéreuses
3.3. Progression du cancer
3.3.1. L’initiation tumorale
3.3.2. La promotion tumorale
3.3.3. La progression tumorale
a. Anomalies à l’origine des cancers
b. Implantation de la maladie
II. ÉPIDÉMIOLOGIE DU CANCER
1. Épidémiologie descriptive
1.1. Situation mondiale
1.1.1. Incidence
1.1.2. Mortalité
1.2. Situation au Sénégal
1.2.1. Incidence
1.2.2. Mortalité
2. Épidémiologie analytique : les facteurs de risque
2.1. Facteurs physiques
2.2. Facteurs chimiques
2.2.1. Les produits industriels
2.2.2. Les produits de consommation courante
2.2.3. Les agents infectieux
2.2.4. Les facteurs alimentaires
III. TRAITEMENTS DES CANCERS
1. Buts
2. Moyens
2.1. La chirurgie
2.2. La radiothérapie ou curiethérapie
2.3. La chimiothérapie
2.3.1. Les principaux médicaments utilisés en chimiothérapie
a. Les antimétabolites
b. Les agents alkylants
c. Les inhibiteurs de la topoisomérase
d. Les antimitotiques
2.3.2. Toxicité
2.4. L’hormonothérapie
2.5. L’immunothérapie
2.5.1. Immunothérapie par les cytokines
2.5.2. Immunothérapie cellulaire
a. Vaccinothérapie
b. Thérapie génique
2.5.3. Les anticorps monoclonaux
IV. PRÉVENTION ET DÉPISTAGE DES CANCERS
DEUXIÈME CHAPITRE: IMMUNOLOGIE DES CANCERS
I. INTRODUCTION
LES ANTIGÈNES TUMORAUX
1. Les antigènes spécifiques des tumeurs
2. Les antigènes associés aux tumeurs
II. RÉPONSE IMMUNITAIRE ANTITUMORALE
1. Mécanismes effecteurs de la réponse immunitaire antitumorale
1.1. Mécanismes de la réponse spécifique antitumorale
1.2. Mécanismes de la réponse immunitaire innée antitumorale
1.2.1. Cellules tueuses naturelles
1.2.2. Cellules phagocytaires
2. Mécanismes d’échappement à la réponse immunitaire antitumorale
2.1. Défauts de l’expression des molécules du CMH
2.2. Absence d’expression de molécules de co-stimulation
2.3. Sécrétion locale de facteurs suppresseurs
CONCLUSION