Place de l’institution dans l’élaboration du délire

Le cannabis : la cause de tout

Anamnèse

Alexandra est née a Moyeuvre-Grande en Lorraine, elle est agee de 26 ans. Elle vivait a Amneville avec sa mere et son petit frere de 16 ans dont elle dit etre tres proche. ≪ C’est la meilleure chose qui me soit arrivee dans la vie ≫. C’est a l’age de 22 ans qu’elle decompense lorsqu’elle entame sa troisieme annee de Licence de psychologie a la faculte de Metz. ≪ D’ailleurs, c’est drole, j’ai toujours eu une fixation sur le chiffre 22 ≫. Elle voit regulierement sa psychiatre depuis qu’elle a 20 ans, dans une demarche qu’elle appelle ≪ didactique ≫. Elle est de confession musulmane et tres croyante. Elle est diagnostiquee souffrant d’une psychose, ≪ a priori non schizophrenique ≫ (selon son dossier psychiatrique et confirmee par le psychiatre du centre), mais plutot de type paranoiaque associee a un trouble de l’humeur. Son parcours psychiatrique debute en 2014 – elle a alors 22 ans – avec une baisse de l’humeur associee a un desinvestissement dans ses etudes. En effet, pour son entree a la faculte, Alexandra part de chez sa mere et s’installe seule en appartement a Metz. Elle se retrouve alors ≪ sans cadre ≫, et commence a consommer regulierement du cannabis avec ses camarades. Les deux premieres annees de licence, elle est tres assidue, tres investie dans ses etudes.

Elle se dit passionnee de psychologie, avec d’excellentes relations avec ses camarades et ses professeurs. C’est lors de cette periode qu’elle commence a se sentir euphorique, exaltee. Pendant cette phase qu’elle qualifie de ≪ maniaque ≫, elle se croyait ≪ toute-puissante ≫, ressentait ≪ beaucoup d’amour pour les gens autour d’elle ≫, elle se disait etre ≪ la star de la fac ≫. Elle entame la redaction d’un memoire sous la direction de son tuteur avec lequel elle dit ≪ avoir eu une relation tres privilegiee qui suscitait la jalousie des autres ≫. Elle considerait cet homme comme ≪ son pere spirituel ≫ qui la guidait ≪ intellectuellement ≫. Elle se ≪ pomponnait comme pour aller au bal ≫ et apprenait par coeur de maniere obsessionnelle toutes les choregraphies de Mickael Jackson qu’elle s’amusait a danser a la faculte devant ses camarades incredules. Elle se separe ensuite de son petit ami avec qui elle est restee sept ans. Ce dernier la trompait regulierement, mais elle l’acceptait, disant ≪ ne pas avoir la force de s’en separer ≫. Il consommait beaucoup de cocaine et Alexandra finit par le quitter.

Ce fut le debut de ≪ sa descente aux enfers ≫. Elle n’allait alors plus en cours, passait ses journees seule dans son appartement et le soir s’endormait en ecoutant le Coran avec des ecouteurs, en fumant du cannabis. C’est a cette periode que les premieres idees delirantes sont apparues. Elle avait de tres fortes hallucinations auditives, visuelles et physiques qui lui ont ≪ fait souffrir le martyr ≫. Elle se croyait possedee par le Diable, avait la conviction qu’elle se faisait violer par lui toutes les nuits dans sa chambre. Elle le voyait dans le noir et le ressentait physiquement la penetrer pendant son sommeil. Elle entendait presque constamment des voix qui la rabaissaient, l’insultaient, elle et Dieu. Elle raconte notamment une hallucination visuelle qui l’a marquee : un jour, elle vit dans le ciel deux grandes taches ; une blanche et une rouge, l’une representait le bien, l’autre le mal. Elle croyait aussi que Mickael Jackson (dont son pere est fan) etait la reincarnation du prophete Mahommet et qu’elle etait enceinte de lui. Elle se prenait aussi pour le prophete lui-meme, pour la reincarnation d’Hitler et croyait etre la ≪ balance ≫ d’un reseau terroriste. Cette phase a dure six mois environ au cours de laquelle elle se replia completement sur elle-meme, passant son temps a fumer du cannabis. Puis vint une crise maniaque de quelques mois, pendant laquelle elle etait ≪ exaltee par tout≫. Une nouvelle phase de depression lui succeda une nouvelle fois. ≪ J’ai un gros trou noir de cette periode ≫. Se croyant possedee par le Diable, elle a fait appel a des roqyas, des sortes de sorciers exorcistes de religion musulmane. Elle dit que ces ≪ charlatans ≫ lui ont fait subir des choses qu’elle a vecues comme un traumatisme ; entre autres, ils lui ont brule les pieds, lui ont mis des sangsues sur le corps, un couteau sur le crane ≪ pour faire sortir le mal en elle ≫.

Alexandra se fait hospitaliser a trois reprises ; au printemps 2015 au Centre hospitalier de Legouest pres de Metz pour un etat catatonique d’une duree de dix jours, au printemps 2016, puis en 2017, au Centre hospitalier de Jury pour un etat maniaque avec symptomes psychotiques. On lui prescrit alors des neuroleptiques. De 2015 a 2017, entre les episodes de decompensation, elle presente des conduites a risque, des consommations de toxiques (cannabis, cocaine et alcool), et fait des depenses inconsiderees. Elle arrete regulierement son traitement et refute le fait de souffrir de troubles psychiques. Pendant ses phases maniaques, elle dit avoir vecu ≪ a fond ≫, elle a voyage dans differents pays, passe son diplome d’animatrice pour enfants, participe a deux castings pour deux emissions musicales, X Factor et la Nouvelle Star.

Sa derniere crise maniaque a eu lieu en aout 2017 alors qu’elle effectuait un stage militaire de quelques semaines a Legouest. Cette crise s’est manifestee par une exaltation de l’humeur et un sentiment de toute-puissance. ≪ Quand on partait tot le matin dans la foret, j’avais l’impression que je partais tuer des terroristes, je me prenais pour Tomb Raider. ≫. Le 8 septembre dernier, Alexandra est admise en SPDT (Soins Psychiatriques a la Demande d’un Tiers. Ces soins sous contrainte sont envisages lorsque les troubles mentaux d’une personne rendent impossible son consentement aux soins, et que son etat de sante impose des soins immediats assortis d’une surveillance medicale constante). Cette demande a ete faite par le service de psychiatrie de l’Hopital d’Instruction des Armees de Legouest a Metz, pour catatonie, mutisme, negativisme psychomoteur et arret de l’hydratation dans un centre de rupture therapeutique. Elle sera placee en chambre d’isolement. Elle s’opposera de maniere passive au traitement par voie orale, et sera alors mise sous traitement anxiolytique par intraveineuse. Grace a son traitement antidepresseur et anxiolytique, son etat s’ameliore progressivement. Cet episode durera plus de quinze jours. Une demande de sismotherapie sera effectuee puis annulee en raison de l’amelioration de son etat.

Un père violent Alexandra qualifie son histoire familiale de ≪ traumatique ≫. Dans sa lettre de demande d’admission a la clinique, la premiere phrase qu’elle ecrit est celle-ci : « Mes parents ont divorcé lorsque j’avais 14 ans. Leurs rapports étaient conflictueux, choquants. ». Elle fait ce neologisme ≪ conflictueux ≫ qu’on pourrait peut-etre entendre comme une tentative de nommer l’innommable. Toute son enfance a en effet ete marquee par les relations conflictuelles qu’ont entretenues ses parents, et tout particulierement par la violence de son pere. Il frappait regulierement sa mere, et ce, devant elle. Il se montrait egalement tres violent avec elle et son petit frere. Lors d’une seance de groupe, Alexandra evoque les ≪ coups de poings qu’il me donnait lorsque j’etais en crise≫. Les parents d’Alexandra se sont maries lorsqu’elle avait cinq ans. Grace aux economies de sa mere, son pere a pu realiser son reve d’acheter une boite de nuit, et d’en devenir le patron. La mere d’Alexandra y travaillait comme femme de menage, alors qu’elle en etait proprietaire au meme titre que lui. Il la trompait beaucoup. Alors que sa mere etait enceinte du petit frere d’Alexandra, elle decouvrit que son mari la trompait avec une serveuse de la boite de nuit, egalement enceinte de lui.

Elle demanda alors le divorce, mais son mari refusa et ne voulut pas quitter le domicile conjugal. Pendant un an, Alexandra et sa mere ≪ lui ont mene la vie dure pour qu’il s’en aille ≫ car il etait ≪ tres violent et avait une force superieure ≫. Il a fini par partir, et elles ont enfin pu ≪ avoir la vie qu’elles voulaient ≫. Alexandra a enfin pu sortir avec ses amies, s’amuser, ≪ profiter de la vie ≫. Son pere s’y etait toujours oppose. Il lui ≪mettait la tete dans le lavabo ≫ lorsqu’elle demandait a sortir. Pour qualifier le depart de la maison de son pere, Alexandra parle de ≪ liberation ≫ et dit avoir reussi a ≪ evacuer le boulet de notre vie qui nous empechait d’etre heureuses ≫. Ses parents ont fini par divorcer apres un an de batailles quotidiennes, qu’elle dit avoir vecues comme un traumatisme. Alexandra avait alors treize ans, son petit frere et sa demi-soeur avaient un an. Son pere vit toujours avec la mere de sa demi-soeur. Alexandra dit ne pas comprendre comment son pere puisse etre amoureux ≪ d’une fille facile comme ca ≫ et ajoute ≪ qu’il a toujours eu des gouts tres pervers ≫. Une autre fois, elle dira : ≪ Le fait que mon pere battait ma mere a biaise ma vision du monde, je veux me debarrasser du filtre negatif et avoir une vision plus positive des choses. ≫ Dans le meme temps, elle dit aimer beaucoup son pere et lui avoir pardonne car ≪ si on comprend, on accepte tout ≫. Elle dit qu’aujourd’hui, elle tente de le calmer, de lui faire comprendre que tout va bien, qu’elle se reprend en main. C’est son pere qui l’a accompagnee a plusieurs reprises au centre. Je ne l’ai pas rencontre personnellement, mais d’apres les soignants, c’est quelqu’un de ≪ tres souriant, tres imposant, quasi-militaire ≫.

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Table des matières

I.INTRODUCTION
II.DISPOSITIF DE RECHERCHE
II.1 Première rencontre
II.2 Cadre d’entretien
II.3 Anamnèse
II.3.1 Histoire de la maladie
II.3.2 Parcours médicamenteux
II.4 Analyse transféro-contre-transférentielle
II.5 Synthèse
III.DONNEES CLINIQUES
III.1 La violence comme origine
III.1.1 Un père violent
III.1.2 Ma mère, ce héros qui a survécu à mon père
III.1.3 Une violence qui traverse les générations
III.2 Le déni de la réalité
III.2.1 Le cannabis : la cause de tout
III.2.2 Nul besoin des médicaments, ni d’être sous curatelle
III.3 Sa place dans l’institution
III.4 Un délire mystique
III.5 Synthèse
IV.ARTICULATION CLINICO-THEORIQUE
IV.1 Défaillance de la Symbolique
IV.1.1 Un conflit parental érotisé
IV.1.2 Mère-victime, père-bourreau
IV.1.3 Sacrifice du « je » au profit du « nous
IV.1.4 Répétition de la scène primitive comme mode relationnel
IV.1.5 Forclusion du Nom-du-Père réactivée par la séparation amoureuse
IV.1.6 La solution par le délire
IV.2 Mode de Structuration
IV.3 Entre Dieu et Satan : d’un délire de persécution à la jouissance divine
IV.3.1 Quelques définitions du délire mystique
IV.3.2 Le Diable comme figure de l’Autre persécuteur
IV.3.3 Dichotomie Bien /Mal, une métaphore des injonctions paradoxales parentales
IV.3.3.1 Coupable de désirer
IV.3.3.2 Tentative d’émancipation impossible
IV.3.4 Sujet aimé de Dieu ; sujet tout-puissant
IV.3.5 La jouissance dans la mort
IV.3.6 La Femme-Toute comme figure identificatoire
IV.3.7 Un délire à contenant culturel : une possibilité de médiation
IV.3.8 Place de l’institution dans l’élaboration du délire
V.CONCLUSION
VI.BIBLIOGRAPHIE

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