PLACE DE L’EPS DANS L’ÉDUCATION GÉNÉRALE
Depuis l’antiquité grecque, l’éducation par les activités physiques trouve sa place dans l’éducation générale des jeunes : » dans le monde grec l’éducation physique accompagnait l’éducation littéraire des sept ou huit ans » (Marrou, 1965 : 182), à Sparte, celle-ci était plutôt de type militaire : » fortifier les corps, les soumettre à des épreuves, les préparer à la bataille : tel est le but que les spartiates ont assigné à la gymnastique » (Ulmann, 1989 : 13) ; Alors que » l’éducation des jeunes athéniens n’est pas, comme à Sparte, uniquement orientée vers des fins militaires. » (ibidem : 28) mais vise l’épanouissement global des jeunes en termes de courage, santé et beauté sous-tendu par la théorie de la » Kalokagathia « courante dans l’ancienne Athènes, un homme ne peut être vertueux s’il n’est pas beau ou beau s’il n’est pas vertueux. Mais : » à l’époque hellénistique, Sparte n’est plus la seule cité ou l’éducation physique s’adresse aux fillettes et aux jeunes filles au même titre qu’aux garçons » (Marou, 1965 : 183) Ainsi on ne saurait nier l’importance prise par les activités physiques dans la culture hellénistique de l’époque.
Vers la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle, il y a eu beaucoup d’opposition sur les différentes conceptions de l’éducation physique, puisque : » l’éducation physique n’est plus en cause ; sa nécessité n’a plus à être justifiée. On va alors devenir beaucoup plus sensible aux différentes façons de la concevoir, à l’esprit dans lequel on le pratique » (Ulmann, 1989 : 275) Durant cette période plusieurs types de gymnastiques, qui ne seront pas tous cités ici, ont été abordés :
– Militaire avec Amoros (1770-1881) : elle fut la principale forme de pratique physique dans la deuxième moitié du XIXème siècle ;
– Naturelle et utilitaire avec Clias (1782-1854) ;
– Hygiéniste et médicale avec Ling (1820-1886).
Ces différentes gymnastiques : » n’étaient pas toutes conçues avec des perspectives d’utilisation scolaire. L’intérêt manifesté par les hygiénistes et les médecins a permis la progressive construction d’une éducation physique scolaire » (Seners, 1998 : 23) En France, l’enseignement de la gymnastique devient obligatoire à partir de 1869 dans les établissements d’instruction publique.
Dans la seconde moitié du XXème à nos jours, les recherches dans le domaine de l’éducation physique connaissent un véritable essor. En Europe, les travaux de Jean Le Boulch en psychocinétique science du mouvement humain appliqué au développement de la personne, de Pierre Parlebas qui définit une science de l’action motrice et de Robert Mérand incarnent le courant pédagogique. Pour LeBoulch : » l’éducation physique est une discipline originale dont l’objet est l’enrichissement de la motricité humaine sous toutes ses formes » (Gleyse & coll., 1999 : 43). Pour Parlebas : » l’enfant placé au centre du système éducatif, même si ce n’est pas une nouveauté pouvant être attribuée à l’auteur, va constituer une nouvelle approche de conception de l’éducation physique » (Seners, 1998 : 81). En se démarquant du courant sportif (De Coubertin ), ils se sont investis dans la construction d’une réelle identité scolaire de l’éducation physique.
La conférence générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la culture (UNESCO ) , proclame la charte internationale de l’éducation physique et du sport car : » convaincue que la préservation et le développement des possibilités physiques, intellectuelles et morales de l’être humain améliorent la qualité de la vie sur le plan national et international, affirmant que l’éducation physique et le sport doivent renforcer leur action formatrice et favoriser les valeurs humaines fondamentales qui servent de base au plein développement des peuples, proclame la présente charte internationale dans le but de mettre le développement de l’éducation physique et du sport au service du progrès humain » (UNESCO, 1993) L’article 2 de cette charte stipule que : » l’éducation physique et le sport constituent un élément essentiel de l’éducation permanente dans le système global de l’éducation « .
Ainsi, l’EPS veut :
– contribuer à l’amélioration et à l’affinement des possibilités physiques ;
– atteindre l’affectivité par le développement de qualités psychologiques et comme : » phénomène de culture, l’éducation physique consiste en une action exercice sur le corps humain de façon à favoriser certains comportements, à permettre des transformations, en un mot à atteindre un résultat que des valeurs admises conduisent à considérer comme souhaitable » (Ulmann, 1993 : 190) ;
– développer les rapports avec autrui, notamment dans les jeux collectifs qui consiste en des actions d’opposition et de coopération, car » il serait dommage de négliger le beau privilège détenu par l’éducation physique, ce privilège c’est de posséder un contenu que nous avons appelé socio moteur et qui permet de faire éprouver concrètement avec une richesse inépuisable la relation à autrui par l’intermédiaire de la motricité » (Parlebas, 1990 : 22) ;
– permettre l’épanouissement des élèves, le maintien de la santé en développant les connaissances et les savoirs nécessaires à la gestion de la vie physique permettant ainsi l’accès à l’autonomie, à la responsabilité et à la construction de la personne.
Dans la circulaire interministérielle en vue de l’application du décret n°73-896 relatif aux APS dans l’enseignement secondaire il est écrit que : » les APS sont pour les jeunes un facteur précieux d’équilibre physique, psychique et psychologique. Elles créent une occasion de révéler et de développer le courage et la volonté, de forger le caractère. Elles contribuent à forger une jeunesse forte, […], elles s’affirment avec la science l’une des disciplines les plus fondamentales de l’éducation moderne. » (M.J.S. 1983 : 67, 68) .
SITUATION GÉNÉRALE DE L’EPS DANS L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
Depuis la rentrée d’octobre 1973 l’enseignement de l’EPS est devenu obligatoire dans l’enseignement secondaire. En effet, le décret n°73-896 stipule en son article 1er que : » l’enseignement des activités physiques et sportives est obligatoire dans toutes les classes de l’enseignement moyen et secondaire général et technique ainsi que dans l’enseignement supérieur. ». Étant une discipline obligatoire : » seuls peuvent en être dispensés, les élèves reconnus inaptes temporairement ou définitivement, par un médecin agréé par l’administration « .
L’enseignement de cette discipline est dispensé dans le secondaire par des professeurs et des maîtres d’éducation physique. Dans l’organisation générale de cet enseignement, il est prévu deux séances longues dans l’emploi du temps hebdomadaire ; le taux horaire minimum prévu dans les textes est de deux heures par classe en deux séances courtes d’une heure chacune et distante d’au moins vingt quatre heures. C’est ce taux minimum qui est toujours en vigueur en raison du déficit en enseignants d’éducation physique dans l’enseignement moyen et secondaire. D’après une étude menée dans le cadre d’un mémoire de maîtrise sur le thème : L’EPS dans les établissements d’enseignement moyen et secondaire de la région de Dakar, il est démontré : « qu’il y a en moyenne 0,25 enseignant pour 100 élève soit un enseignant pour 400 élèves. » (Mbaye, 1998 : 49) Le coefficient attribué à l’EPS représente la plus faible cotation parmi les disciplines obligatoires dans le système éducatif sénégalais.
Comme professeur, nous avons constaté un nombre assez important d’élèves dispensés dans le second cycle et aux épreuves physiques du baccalauréat. Cette dispense permet aux élèves qui la possède, de ne pas suivre les cours d’EPS sans aucune recommandation particulière, telle l’obligation de suivre le cours en restant à proximité du terrain ou de rendre des devoirs par écrits portant sur le contenu et les savoirs enseignés. Dans les textes en vigueur , cette dispense ne peut être délivrée à l’élève que par un médecin agréé par l’administration centrale en l’occurrence, le médecin de l’inspection médicale des élèves qui compte deux médecins pour l’ensemble des élèves de l’élémentaire, du moyen et du secondaire dans la région de Dakar. Sous la pression du nombre d’élèves en augmentation continue, le certificat médical d’inaptitude délivré par les médecins privés est accepté dans les établissements.
Dans l’étude citée plus haut, la courbe d’évolution du taux de dispense de la sixième à la terminale des lycées Lamine Gueye, Blaise Diagne, Saïdou Nourou Tall et John Kennedy montre que : « de la sixième à la cinquième le phénomène est encore timide et ne représente que 2 à 5 % » des inscrits ; par contre ce taux grimpe régulièrement pour atteindre des niveaux plus élevé en classe d’examen : » en 3ème il est 11%, dans les lycées mixtes et de 12% au lycée de jeunes filles John Kennedy. Les records sont battus en terminale avec 21% de dispenses dans les lycées mixtes et 40% à Kennedy » (SY, 99 : 16) .
Ainsi plus les élèves grandissent plus le phénomène de dispense s’accentue, les taux les plus importants étant répertoriés lors des examens du brevet de fin d’études moyen(BFEM) qui sanctionne le passage de la troisième à la seconde, et du baccalauréat. Les taux sont plus élevés dans le secondaire par rapport au moyen ; c’est précisément une des raisons qui nous a motivé à centrer notre étude sur l’enseignement secondaire.
À PROPOS DE L’ABSENTÉISME DES ÉLÈVES
Dans la partie précédente nous avons développé toute une réflexion sur les finalités de l’EPS en termes de socialisation, développement de la personne et d’éducation à la santé. Nous avons noté également l’engouement manifeste dans la société pour les activités physiques et sportives et la gestion de vie physique à tous les âges. Dès lors, comment peut-on expliquer l’attitude de certains élèves vis-à-vis de cette discipline d’enseignement ? : « Le projet éducatif étant indissociable du projet de société, ce qui est valable pour la société l’est également pour le milieu scolaire. Ceci semble particulièrement important en EPS compte tenu des difficultés que les élèves peuvent parfois vivre dans le rapport à leur corps ». (Mauny, 2002 : 13) Dans cette section, nous présenterons d’abord quelques travaux antérieurs, ensuite nous proposerons des pistes explicatives ou compréhensives de l’absentéisme en EPS dans l’enseignement secondaire.
QUELQUES TRAVAUX ANTÉRIEURS
Nous avons trouvé un seul mémoire à l’INSEPS de Dakar sur le thème de la dispense en EPS, présenté en 1999 par SY avec pour titre : »Évolution et causes du phénomène de dispense dans les établissements publics de l’enseignement moyen et secondaire » Les résultats de cette étude montrent que le phénomène touche plus les filles que les garçons et augmente au fur et à mesure que les élèves montent de niveau, avec des taux plus important en classe d’examen. Sur les quatre vingt treize élèves dispensés interviewés, 23% pratiquent des APS en dehors de l’école, 41% ont un médecin de famille. Paradoxalement, l’étude révèle que 95% des élèves dispensés aiment l’EPS.
Trois recherches menées au Maroc et plus précisément deux à l’ENS et un au centre régional pédagogique de l’éducation physique et sportive (CRPEPS) de Casablanca, sur le thème de la dispense et de l’absence en EPS, nous donnent les résultats suivants : La première étude, menée par Chourafi et Khichou (1997) a pour titre : » La dispense en EPS : réflexion et perspectives ». Le but est de sensibiliser les enseignants d’EPS à la dispense en EPS et son impact sur le processus enseignement-apprentissage. Les informations sont recueillies par le biais d’un questionnaire administré aux dispensés, aux enseignants d’EPS et aux médecins de l’hygiène scolaire. Les résultats révèlent que les établissements renferment un pourcentage de plus en plus important d’élèves dispensés (élèves handicapés physiquement, malades et les aptes physiquement) Pour contrer ce phénomène, ils suggèrent la mise en place d’une évaluation plus objective, une différenciation des certificats de dispense et plus d’effort au niveau des textes législatifs.
La seconde étude, menée par El Khanche et Yakhlef (1985) a pour titre : »Le problème des dispenses au sein des établissements secondaires de la ville de Taza ». Le but est d’analyser les raisons pour lesquelles un certain nombre d’élèves refusent de prendre part aux cours d’EPS.
L’échantillon est constitué de tous les établissements secondaires de la ville de Taza, qui sont au nombre de neuf (six collèges et trois lycées). Les outils de recueil des données sont l’enquête et les entrevues. Les résultats montrent que les établissements abritant le 1er et le 2ème cycles ont moins de dispenses tandis que les lycées mixtes abritant uniquement le second cycle enregistrent des scores élevés. Les filles présentent davantage de dispenses que les garçons. Les principales raisons retenues sont :
– la dispense délivrée par l’hygiène scolaire pour des raisons non fondées ;
– l’incompétence et la négligence des éducateurs ;
– le manque d’infrastructure au niveau des établissements.
La troisième étude porte sur : »L’absence en EPS et ses causes « . Elle a été menée en 1989 par Boulakoul et Telbani. L’étude s’intéresse aux raisons qui éloignent les élèves des cours d’EPS. Elle porte sur des élèves du second cycle, âgés de quinze à vingt et un ans, appartenant à trois lycées. L’instrument de recueil des données est un questionnaire administré à trois cents élèves (cent par lycée) Le premier constat est que l’absentéisme augmente d’un niveau au suivant. Il y a une suspension totale des cours d’EPS à l’approche des examens particulièrement dans les lycées mixtes Dans les lycées de garçons, seuls les élèves de la dernière année du lycée s’absentent des cours d’EPS. Les causes de l’absentéisme sont dues au laisser-aller administratif et professoral et également aux élèves. Ils recommandent la participation des élèves dans l’élaboration du programme d’EPS, un dialogue entre éducateurs, administrateurs et élèves et le respect de la programmation cyclique de la part des enseignants. Les travaux consultés montrent que ce phénomène, en progression, touche plus les filles que les garçons et s’accentue au fur et à mesure que les élèves avancent dans le cursus scolaire. Les facteurs mis en cause sont l’attribution de dispenses de complaisance, le manque d’infrastructures, l’attitude des administrateurs et des éducateurs.
Ces résultats nous donnent certes, des indications sur des causes d’absence des élèves en EPS au Maroc et les facteurs explicatifs de ce phénomène. Mais, nous ne pouvons pas les généraliser automatiquement pour les élèves sénégalais, même s’il existe des similitudes relevées dans les études citées précédemment, à savoir que ce phénomène touche plus les filles que les garçons et qu’il est plus important dans le secondaire que dans le moyen. Partant de là, nous allons porter notre attention sur quelques pistes de réflexion au sujet de l’EPS dans l’enseignement secondaire au Sénégal.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE GENERALE
I.1 PLACE DE L’EPS DANS L’ÉDUCATION GÉNÉRALE
I 2 SITUATION GÉNÉRALE DE L’EPS DANS L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
I. 3. À PROPOS DE L’ABSENTÉISME DES ÉLÈVES
I 4 ANALYSE DE LA PRÉ-ENQUÊTE
CHAPITRE II : CADRE CONCEPTUEL
II-1.ABSENTÉISME
II-2.MODE D’ÉVALUATION
II. 3. CHOIX DES ACTIVITÉS
CHAPITRE III : CADRE PROBLÉMATIQUE GÉNÉRAL
III 1 ESSAI D’UN CADRE PROBLÉMATIQUE
III 2 QUESTIONS-PROBLÈMES ET HYPOTHÈSES
III 3 EXPLICITATION DES VARIABLES
III 4 LE CADRE PROBLÉMATIQUE
CHAPITRE IV : MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
IV 1 LA POPULATION CIBLE
IV 2 L’ÉCHANTILLON
IV 3 LE RECUEIL DES DONNÉES
IV 4 TRAITEMENT ET ANALYSE DES DONNÉES
CHAPITRE V : ANALYSE ET INTERPRÉTAION DES RÉSULTATS
V. I. PRÉSENTATION ET DESCRIPTION DES DONNÉES
V. II. ANALYSE DES RELATIONS ENTRE LES VARIABLES
V. III. COMPARAISON DES RESULTATS OBSERVES AVEC LES RESULTATS ATTENDUS ET INTERPRETATION DES ECARTS
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXE I
ANNEXE II