PHYSIOPATHOLOGIE DES COMPLICATIONS DE L’AVORTEMENT
Les complications de l’avortement sont variables. Les plus fréquentes sont la rétention ovulaire, l’hémorragie, les infections et les complications liées à d’éventuelles manœuvres abortives.
La rétention ovulaire
Lorsque l’expulsion de l’œuf est naturelle et complète, éventualité la plus fréquente dans l’avortementspontané, lorsque le col se referme, que l’hémorragie est discrète et diminue rapidement, que l’échographie ne montre plus d’images de type trophoblastique à l’intérieur de l’utérus, il n’y a rien à entreprendre. La révision instrumentale de la cavité utérine comporte plus de risques que d’avantages.
Beaucoup de complications, plus précisément les hémorragies et l’infection, sont dues à la rétention ovulaire ou placentaire. En effet, la rétention ovulaire s’opposant à la rétraction de l’utérus sur les sinus maternels béants et les troubles de la coagulabilité sanguine inhérentes à la gravidité entravent l’hémostase et contribuent à entretenir l’hémorragie.
L’infection
L’apport septique est le plus souvent exogène ; à la faveur de la perte du bouchon muqueux et de l’intégrité de l’œuf, les débris ovulaires retenus entrent en communication avec le milieu extérieur.
L’hémorragie
L’avortement est avant tout un accident qui survient alors que l’équilibre neuro-hormonal est propice à l’inertie utérine. Tout décollement placentaire avec expulsion complète ou non de l’œuf à partir d’une muqueuse utérine non préparée au clivage utéro-placentaire est source d’hémorragie. Cette hémorragie est d’autant plus persistante que l’avortement est incomplet.
La perforation utérine
La perforation utérine est une lésion traumatique qui complique souvent l’avortement provoqué. Elleest le plus souvent due à la méconnaissance de l’anatomie par l’opérateur.
Le siége de la perforation est variable. Le plus souvent, il s’agit de l’isthme soit sur la face antérieure (surtout si l’utérus est rétroversé), soit sur la face postérieure, généralement un peu à droite de la ligne médiane, ce qui s’explique si l’opérateur est un droitier.
Ailleurs, la perforation utérine peut être iatrogène lorsque l’instrument de traitementest responsable. Il peut alors être difficile d’affirmer si la perforation s’est faite lors des manœuvres abortives ou lors de l’action thérapeutique.
Ces complications, loin de résumer la morbidité liée à l’avortement, justifient largement le traitement évacuateur.
LES AVORTEMENTS
EPIDEMIOLOGIE
Dans le monde, on estime que 15 à 20% des grossesses se soldent par des avortements [3, 43, 45].
La plupart de ces avortements surviennent dans les pays en développement. En Afrique, les statistiques ne sont pas très exhaustives, mais on estime en Afrique subsaharienne que 20 à 50% de la morbidité et de la mortalité maternelles sont liées aux avortements [47].
Au Sénégal, on ne dispose que de statistiques hospitalières avec en moyenne 8000 avortements pris encharge au niveau des structuressanitaires [9].
Paraclinique
L’échographie
Elle est d’un intérêt certain surtout en cas de doute sur l’évolutivité de la grossesse ou sur le caractère complet ou incomplet de l’avortement.
Lors d’une évolution normale, le sac gestationnel est visible dès la 6 ème semaine d’aménorrhée : il est arrondi. A l’intérieur du sac, des échos embryonnaires apparaissent vers 7 semaines. L’activité pulsatile du cœur est visible un peu plus tard.
En cas d’évolution défavorable, le sac ovulaire se déforme, s’aplatit ; il est mal dessiné, plus petit que ne le voudrait la durée del’aménorrhée. Surtout, il n’augmente plus de taille aux examens successifs distants de plus d’une semaine.
Il n’y a ni mouvements embryonnaires ni battements cardiaques. Les échos embryonnaires s’effacent et l’image trophoblastique s’estompe.
Evolution et pronostic de l’avortement
La morbidité et la mortalité maternelles liées aux complications obstétricales du premier trimestre restent encore préoccupantes dans nos régions, elles sont dominées par l’avortement. En effet, une étude menée dans trois pays d’Afrique de l’Ouest, le Bénin, la Côte-d’Ivoire et le Sénégal indique que les complications obstétricales du premier trimestre sont essentiellement liéesà l’avortement (86%) avec par ordre d’importance les complications de fausses couches (50% des admissions), les complications d’avortement provoqué (34%) et les grossesses môlaires (2%).
Parmi les femmes admises pour une complication d’avortement provoqué, 26% d’entre elles présentaient des complications graves à type de perforation vaginale ou utérine, de péritonite, de septicémie ou encore de nécrose vaginale.
Trois cas de décès ont été recensés chez les femmes admises pour une complication obstétricale du premier trimestre. Deux cas concernaient les avortements provoqués et le troisième cas concernait une patiente admise pour des métrorragies importantes suite à une fausse couche spontanée [23].
Par ailleurs, une étude réalisée en Côte-d’Ivoire et portant sur une série de 20 patientes a estimé la fréquence des lésions intestinales au cours des avortements provoqués clandestins à 3,6%. Dans les 20 cas, l’interrogatoire avait retrouvé la notion de manœuvre abortive. Les diagnostics retenus étaient une péritonite post-abortum dans 75% des cas, et plus rarement une éviscération du côlon à travers le vagin avec nécrose et perforation de l’anse éviscérée, une rectocolite sans signes péritonéaux, une sténose rectosigmoïdienne et une fistule recto vaginale. Trois cas de décès ont été enregistrés dans cette série ; soit une mortalité de 15%. La cause deces décès était un choc toxiinfectieux dans 2 cas et une fistule digestive avec péritonite postopératoire dans le troisième cas [33].
Le curage
Définition
C’est l’évacuation au doigt des produits de conception retenus dans l’utérus.
Conditions de réalisation
Le col doit être ouvert pour permettre l’introduction d’un ou de deux doigt(s).
Si le col utérin est fermé, il fautprocéder à la dilatation cervicale qui peut se faire de deux manières ; soit une dilatation aux laminaires ou encore une dilatation aux bougies de Hégar.
La dilatation aux laminaires imposeune hospitalisation. Elle permet une dilatation cervicale préalable qui, du fait du diamètre nécessaire, ne peut être réalisée sans risque traumatique majeur que par des méthodes progressives. Deux points sont impératifs dans le cadre de cette dilatation : d’une part le franchissement et la dilatation de l’orifice interne du col, et d’autre part l’obtention d’une dilatation cervicale suffisante à environ 20 mmà 18 semaines d’aménorrhée et 22 mm à 20 semaines. Elle est au mieux obtenue par la pose de laminaires en fagot quisont laissés en place environ 4 à 6 heures nécessitant souvent deux poses successives avec augmentationprogressive du diamètre.
Cette dilatation aux laminaires est plus physiologique.
La dilatation aux bougies de Hégar est surtout indiquée dans le contexte de l’urgence avec un risque majeur derupture du sphinctercervical pouvant être à l’origine de béance cervico-isthmique.
Technique
Le curage doit se faire sous anesthésie générale. La main gauche de l’opérateur, par dessus le champ abdominal, fixe et maintient solidement le corps utérin. L’index et ou le médius de la main droite pénètrent par le col béant et explorent soigneusement les faces, les bords, le fond et les cornes de l’utérus en détachant les fragments placentaires qui sont ensuite extraits.
A la fin de la manœuvre, une dernière exploration permet de s’assurer de la parfaite vacuité utérine.
Le curetage
Définition
C’est un procédé d’évacuation de l’utérus à l’aide d’une curette.
Le curetage n’est pas une opération anodine. Il doit être exécuté avec méthode, prudence, douceur et simplicité.
Etapes pour exécuter l’aspiration manuelle intrautérine
Etape 1 : insérer doucement le spéculum et vérifier qu’il n’existe pas de déchirures ou defragments de tissus (placenta ou membranes) dans le vagin ou dans le col, les retirer en utilisant une pince à éponge. De plus, si les filsd’un dispositif intra-utérin (DIU) sont visibles dans le col, retirer le DIU après avoir passé un antiseptique sur le col ;
Etape 2 :nettoyer le col (surtout l’ouverture) et le vagin avec une solution antiseptique ;
Etape 3 :administrer l’anesthésie paracervicale et saisir le col à 6 heures ou à 12 heures avec une pince de Pozzi. Il est préférable d’injecter sous la muqueuse au niveau de la jonction entre l’épithélium vaginal et le col, pas plus profond que 2 à 3 mm aux positions 3h, 5h, 7h et 9h. L’aspiration avant l’injection diminue le risque d’injection intraveineuse et partant le risque d’accidents toxiques. Dans la plupartdes cas, 10 ml de lidocaïne à 1% est adéquat. Dans aucun cas, il ne faudrait dépasser 0,5 mg par kgcorporel de la patiente.
Perforation utérine
Si la canule pénètre plus profondément que prévu ou si on observe des tissus adipeux, des intestins ou de l’épiplon dans les tissus retirés de l’utérus, c’est que l’utérus a été perforé. La perforation de l’utérus peut également endommager les organes internes et les vaisseaux sanguins.
Si l’on soupçonne une perforation de l’utérus, il convient de prendre les mesures appropriées, notamment l’observation car la contraction de l’utérus après l’évacuation ferme souventl’ouverture et arrête les saignements mais aussila chirurgie éventuellement. En effet, la laparoscopie et ou laparotomie est rarement nécessaire mais reste indiquée si l’on constate une perforation et que l’évacuation n’est pas terminée. Le fait de terminer l’évacuation sous contrôle visuel direct permet d’évaluer les blessures à l’utérus, d’éviter les lésions pour les organes abdominaux etde réparer les lésions tel que nécessaire.
Perforation cervicale
Cette complication risque surtout de se présenter lors d’une dilatation cervicale brutale. Le traitement de la perforation cervicale exige une réparation immédiate et une observation pour être sûr queles vaisseaux sanguins sous-jacents n’ont pas été touchés, ce qui entraînerait un saignement intra-utérin ou intra-abdominal.
Infection / Septicémie
L’infection est une complication courante de l’avortement incomplet. Les produitsretenus de laconception favorisent la croissance bactérienne.
Dans de rares cas, une infection peut se présenter après une procédure AMIU. Une infection pelvienne localisée peut mener rapidement à une infection plus généralisée (septicémie) et au choc septique qui peut être mortel.
Les signes et symptômes suivants indiquent qu’une infection soit locale, soit généralisée,est fort probable :
– une fièvre (température supérieureà 38°C), des frissons ou des sueurs,
– des pertes vaginales malodorantes,
– le pus du col,
– une douleur hypogastrique,
– un saignement prolongé (supérieur à 8 jours),
– et un malaise général.
LIENS AVEC LES AUTRES SERVICES DE SANTE DE LA REPRODUCTION
Dans les hôpitaux, il peut y avoir des divisions administratives entre le service post-avortement d’urgence et les services de PF.
Souvent, les soins d’urgence post-avortement et les services de PF ne sont pas coordonnés et ne sont pas disponibles les mêmes jours ou dans le même endroit au sein d’une même institution.
En conséquence, les services de soins d’urgence après avortement seront liés aux autres services de Santé de la Reproduction notamment les services de PF, IST/SIDA, infertilité, dépistage du cancer du col.
Par ailleurs, les SAA peuvent êtrela circonstance de découverte d’une pathologie gynécologique ou générale. Les besoins de toute femme reçue pour SAA doivent être identifiés afin de lui offrir un éventail de services aussidivers que possible. Le droit à la santé est inscrit dans la constitution du Sénégal pour toute personne quels que soient son âge, sa religion, son sexe, etc.
Chaque femme a droit à l’information et aux services SR qu’elle ait eu un avortement spontané ou qu’elle ait eu recours à un avortementprovoqué.
Les patientes ont le droit de discuterde leurs préoccupations et de leur état de santé dans un environnement où elles se sentent en confiance et avec un technicien de santé. Mais dans aucune circonstance, on nedevrait retarder les traitements d’urgence nécessaires pour sauver la vie d’une femme.
MATERIEL ET METHODOLOGIE
TYPE D’ETUDE
Etude analytique et descriptive
Il s’agit d’une étude de type analyse situationnelle rétrospective dans le recrutement des patientes et dans l’analyse des données collectées.
Les patientes ont toutes été prises en charge selon les protocoles en vigueur à la Clinique Gynécologique et Obstétricale du CHU Le Dantec durant cette période, avec les contraintes liées à la disponibilité des médicaments et des examens complémentaires.
Cette étude concernait une série de patientes reçues au service des urgences de la Clinique Gynécologique et Obstétricale du CHU LeDantec pour avortement en cours et ayant bénéficié d’aspiration manuelle intra-utérine. Notre travail couvrait une période de 24 mois s’étalant du 1erjanvier 2002 au 31décembre 2003.
Modalités de prise en charge des patientes
Les patientes étaient reçues au service des urgences ; soit elles étaient adressées par un collègue, soit elles étaient référées par une structure sanitaire, soit elles venaient consulter directement.
Après confection du dossier médical, elles étaient hospitalisées en salle d’accouchement où les premiers soins étaient institués. Enfonction de leur état clinique, elles étaient admises à la salle de petite chirurgie où elles pouvaient bénéficier d’une évacuation utérine par la méthode de l’AMIU (figure 12).
Critères d’inclusion et d’exclusion
Pour sélectionner nos cas, nous avons retenu toutes les patientes ayant bénéficié de la technique de l’AMIU pour grossesse arrêtée.
Nous avons exclu les patientes ayant bénéficié d’AMIU pour des raisons autres que la grossesse arrêtée, notamment les « toilettes de Bret », les aspirations utérines pour endométrite du post partum et les aspirations utérines en post-césarienne. La « toilette de Bret » est une aspiration utérine de deuxième intention faite au huitième jour suivant l’aspiration d’une grossesse môlaire. L’aspiration utérine en postcésarienne n’est pas systématique mais reste indiquée lorsque la césarienne a été réalisée dans des conditions septiques particulières surtout en cas de rupture prématurée des membranes ou d’infection amniotique.
Paramètres étudiés
Les données étaient recueillies sur une fiche informatisée qui comportait neuf sections se rapportant aux items suivants : identification de la patiente, antécédents médico-obstétricaux, consultations prénatales, examenclinique à l’entrée, examens complémentaires réalisés, diagnostic retenu (type d’avortement), traitement obstétrical par l’AMIU, évolution sous traitement, suivi post-abortum.
Les données ont été saisies et analysées à l’aide du logiciel Epi info version 6.0.
ANALYSE DES DONNEES
Nous avons d’abord procédé à la description des caractéristiques épidémiologiques (prévalence, âge, parité, situation matrimoniale, profession, origine géographique,données cliniques à l’entrée, données paracliniques, type d’avortement, traitement institué) et du pronostic maternel (complications per opératoires et dans le postabortum immédiat). Cette analyse nousa ensuite permis de tracer le profil épidémiologique des avortements incomplets et d’apprécier l’efficacité et l’innocuité de l’AMIU dans l’évacuation utérine pour avortement incomplet.
Nous avons utilisé comme critères d’efficacité les éléments suivants : l’expulsion complète du produit de conception, l’absence d’hémorragie et d’autres complications (perforation utérine, infection, décès).
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Table des matières
INTRODUCTION
LE POINT SUR LAQUESTION
I. Définitions
1.1. L’avortement
1.2. Les différents types d’avortement
1.3. L’aspiration manuelle intra-utérine
II. Bases anatomiques etphysiopathologiques
2.1. Rappel anatomique
2.2. Physiopathologie de l’avortement
2.3. Physiopathologie des complications de l’avortement
III. Les avortements
3.1. Epidémiologie
3.2. Aspects diagnostiques
3.3. Aspects thérapeutiques
IV. L’aspiration manuelleintra-utérine
4.1. Evaluation initiale
4.2. Indications et contre-indications
4.3. Technique
4.4. Complications
4.5. Incidents liés à la manœuvre
V. Concept de soins après avortement
5.1. Place de l’aspiration manuelle intra-utérine dans les avortements
5.2. Planification familiale et counseling
5.3. Liens avec les autres services de Santé de la Reproduction
NOTRE CONTRIBUTION
I. Cadre d’étude
1.1. Les infrastructures
1.2. Le personnel
1.3. Les activités
II. Matériel et méthodologie
2.1. Type d’étude
2.2. Analyse des données
III. Résultats
3.1. Epidémiologie
3.2. Aspects cliniques
3.3. Aspects paracliniques
3.4. Diagnostic retenu
3.5. Traitement
3.6. Complications
3.7. Durée d’hospitalisation
3.8. Evolution dans le post-abortum
IV. Commentaires
4.1. Epidémiologie
4.2. Aspects diagnostiques
4.3. Méthodes d’évacuation utérine
4.4. Avantages de l’aspiration manuelle intra-utérine
4.5. Suivi post-abortum
CONCLUSION