Décrite en 1896 par le professeur Antonin Bernard-Jean Marfan et génétiquement élucidée en 1990, la maladie de Marfan est une affection autosomique dominante généralement en rapport avec une mutation du gène de la fibrilline de type 1 [2]. Dans 10% des cas la mutation peut être due à un gène diffèrent [44].Sa fréquence, mal connue, est estimée entre 1 sur 5 000 ou 10 000 [2]. Elle atteint de nombreux organes et surtout ceux qui sont riches en collagène.
Parmi ceux-ci, le squelette, l’œil le système cardio-vasculaire et pleuropulmonaire sont les plus souvent concernés. L’atteinte cardio-vasculaire est la plus redoutable car pouvant entrainer des complications qui conditionnent le pronostic vital. Les troubles cardio-vasculaires principaux sont dans l’ordre décroissant de fréquence le prolapsus de la valve mitrale, la régurgitation aortique, l’anévrysme de l’aorte ascendante, de la crosse aortique et de l’aorte abdominale [46]. L’incidence de l’anévrysme est de 65 à 76 % des cas et représente la cause la plus importante de mort subite, car il est souvent compliqué par la dissection ou la rupture de l’aorte [14]. L’angioscanner est d’un grand apport dans le diagnostic des complications cardio-vasculaires et thoraciques car offrant l’avantage d’une évaluation exhaustive de l’ensemble de l’aorte et de ces branches.
GENERALITES
Historique de la maladie
La maladie de Marfan a été découverte par Antonin Bernard-Jean Marfan, pédiatre à l’Hôpital des Enfants Malades et professeur à la faculté de médecine de l’Université de Paris. Il a décrit, pour la première fois, le cas d’une petite fille de 5 ans, Gabrielle, lors d’une réunion de la Société médicale de Paris en 1896.
Quelques dates ayant marqué l’histoire de la maladie de Marfan
1912 : mise en évidence de l’atteinte mitrale
1938 : mise en évidence de l’ectopie du cristallin
1943 : mise en évidence de la dilatation aortique
1968 : première intervention chirurgicale chez un patient atteint de maladie de Marfan par le Professeur Hugh Bentall
1990 : identification du gène et des mutations
1996 : élaboration des critères de Ghent
Notons que quelques personnages célèbres parmi lesquels Abraham Lincoln et Oussama ben Laden sont soupçonnés atteints de la maladie de Marfan.
Etiopathogénie
Une anomalie du collagène avait été initialement suspectée devant l’excrétion accrue de l’hydroxyproline urinaire, son produit de dégradation, et la solubilité anormale du collagène cutané. La dilatation de l’aorte initiale aurait reflété l’incapacité du collagène à assurer la solidité de sa paroi. Mais les études génétiques de liaison ont exclu la responsabilité des gènes codant pour les différentes molécules de collagène. Une anomalie de l’élastine a alors été suspectée : en effet, l’aorte initiale, siège électif de la dilatation, est très riche en élastine, et l’excrétion urinaire de desmosine, produit de dégradation de l’élastine, est augmentée chez les patients porteurs de la maladie de Marfan.
Mais les analyses de liaison ont également exclu la responsabilité de ce gène, dont une anomalie peut entraîner, en revanche, un syndrome de Williams avec sténose supra valvulaire aortique [24]. C’est alors que l’on a commencé à isoler, autour de l’élastine, un composant micro fibrillaire constitué de différentes molécules dont les plus abondantes sont les fibrillines, sécrétées par les fibroblastes. Des anticorps ont été développés, spécifiques de la fibrilline de type I [49]. Ils se fixent largement sur des prélèvements cutanés de sujets sains (la fibrilline y est présente de façon diffuse) alors que leur fixation est très atténuée chez les sujets atteints de Marfan [21]. En outre, le gène de la fibrilline a été localisé sur le bras long du chromosome 15 [36] alors que la transmission du syndrome de Marfan a été associée à la transmission d’une zone très proche du bras long du chromosome 15 [29]. Le gène de la fibrilline est un grand gène, d’environ 100 kb, qui code pour une molécule complexe de 2 871 acides aminés comprenant notamment différentes séquences répétées. Parmi celles-ci, les modules EGF-like semblent importantes pour la structure tridimensionnelle de la molécule, car elles permettent l’établissement de ponts disulfures entre deux molécules de cystéine. Certains de ces modules contiennent, de plus, une séquence permettant la fixation du calcium. Il est intéressant de noter que des mutations du gène de la fibrilline de type I ont également été associées, en dehors du syndrome de Marfan classique, à des manifestations oculaires isolées de la maladie (ectopie cristallinienne), à des manifestations squelettiques isolées, ou à des formes incomplètes, sans atteinte oculaire ou sans atteinte cardiaque [8].
Diagnostic clinique
Les signes cliniques sont essentiellement d’ordre cardio-vasculaire, squelettique, oculaire, dermatologique, rachidien et pulmonaire.
Atteinte cardio-vasculaire
Son atteinte conditionnait le pronostic vital avant que la chirurgie de remplacement de l’aorte ascendante ne se développe : 90 % des patients présentant un syndrome de Marfan décédaient de complications cardiovasculaires .Il s’agit de dissection et rupture aortique, d’insuffisance aortique ou mitrale et d’une insuffisance cardiaque qui peut en résulter, à un âge moyen de 35 ans .
✓ Anomalies de la Valve aortique La valve aortique est également souvent épaissie et myxo de, mais la plupart des régurgitations valvulaires aortiques résultent de la dilatation de l’aorte ascendante, à la partie supérieure de l’attache valvulaire, au-dessus de l’anneau aortique proprement dit, qui n’est habituellement pas dilaté, au moins au début de l’évolution [24].
✓ Anomalies de l’aorte L’aorte initiale se dilate, typiquement en « bulbe d’oignon ». Cette dilatation peut débuter in utero et sa progression est très difficile à prévoir.
✓ Autres anomalies cardiaques Il semble que la prévalence des arythmies ventriculaire et supraventriculaire soit plus importante chez les patients atteints de maladie de Marfan que dans la population générale et ce, même en l’absence de fuite valvulaire.
De rares cas de dilatation cardiaque ont été rapportés qui n’étaient pas secondaires à une fuite valvulaire ; ils pourraient témoigner d’une anomalie primitive du muscle cardiaque. Quelques cas de troubles de la conduction cardiaque ont été rapportés .
Atteinte squelettique
La taille est typiquement élevée : chez les enfants comme chez les adultes, elle dépasse le 97° percentile pour le sexe et l’âge. Néanmoins, la taille est rarement celle de vrais géants : elle est inférieure à 1,95 m chez l’homme et 1,85 m chez la femme. L’envergure, c’est-à-dire la distance entre l’extrémité des doigts des deux mains lorsque les bras sont écartés de la poitrine à l’horizontale, est souvent supérieure à 1,05 fois la taille [25]. Les bras sont longs et les jambes sont grandes (dolichosténomélie), ce que l’on quantifie en calculant le rapport segment supérieur (sommet du crâne-symphyse pubienne) sur segment inférieur (symphyse pubienne-sol). Ce rapport est particulièrement abaissé chez les sujets atteints par rapport aux sujets normaux, mais la valeur normale dépend de l’âge, du sexe et de la race [37]. Enfin, comme les os longs sont d’autant plus anormalement longs qu’ils sont situés en périphérie, les manifestations sont maximales aux mains, réalisant l’aspect de « main en araignée » (arachnodactylie) lorsque les doigts à demi fléchis reposent sur un plan dur par leur extrémité. L’existence de longs doigts et d’un poignet fin est mise en évidence par le signe du poignet : le sujet, en enserrant son poignet avec l’autre main, peut atteindre et même couvrir le pouce avec l’auriculaire .
La déformation thoracique est la conséquence d’une croissance excessive des côtes, ce qui peut entraîner un pectus excavatum ou un pectus carinatum .
Ces déformations se développent surtout au cours de la puberté et peuvent, lorsqu’elles sont très prononcées, justifier un traitement chirurgical. L’hyper laxité ligamentaire peut être responsable d’une instabilité des articulations. Le pied plat est une complication classique et fréquente. Le « signe du pouce » ou signe de Steinberg est caractéristique : lorsque le pouce est placé en opposition avec la paume, son extrémité dépasse le bord cubital de la main .
Atteinte pleuro-pulmonaire
La complication pulmonaire la plus classique est le pneumothorax spontané, par rupture d’une bulle apicale. Les anomalies observées, lors des épreuves fonctionnelles respiratoires, sont la conséquence des déformations thoraciques où peuvent être en rapport avec la surestimation des capacités théoriques, du fait de la longueur excessive des jambes, hors de proportion avec le développement thoracique [25].
Atteinte oculaire
Le globe oculaire est souvent allongé, ce qui contribue au développement d’une myopie, elle-même facteur de risque d’un décollement rétinien. La cornée est plus plate que la normale et la dilatation de la pupille plus difficile à obtenir avec les mydriatiques usuels en raison de l’hypoplasie du muscle pupillaire. Le cristallin est souvent déplacé du fait de la faiblesse des ligaments oculaires : la subluxation du cristallin peut conduire à l’ectopie cristallinienne. La cataracte survient plus rapidement chez les patients atteints de la maladie de Marfan .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. GENERALITES
I.1. Historique de la maladie
I.2. Etiopathogénie
I.3. Diagnostic clinique
I.3.1. Atteinte cardio-vasculaire
I.3.2. Atteinte squelettique
I.3.3. Atteinte pleuro-pulmonaire
I.3.4. Atteinte oculaire
I.3.5. Atteinte cutanée
I.3.6. Atteinte rachidienne
I.3.7. Particularités cliniques
I.4. Critères diagnostiques
I.5. COMPLICATIONS
I.5.1. Complications cardio-vasculaires
I.5.1.1. Dissection aortique
I.5.1.2. Dilatation aortique
I.5.1.3. Insuffisance aortique
I.5.1.4. Insuffisance mitrale
I.5.1.5. Autres complications
I.6. TRAITEMENT
I.6.1. Buts
I.6.2. Moyens thérapeutiques
I.6.2.1. Mesures hygieno diététiques
I.6.2.2. Traitement médical
I.6.2.3. Traitement chirurgical
I.6.3. Indications
I.6.4. Surveillance
I.6.5. Pronostic
DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE ET COMMENTAIRES
I. TYPE D’ETUDE
II. CADRE D’ETUDE
III. MATERIELS ET METHODES
III.1. Matériels
III.2. Méthodologie de recueil des données
III.3. Préparation
III.4. Réalisation de l’examen
III.5. Paramètres étudies
III.5.1. Les signes aortiques
III.5.2. Les signes pleuropulmonaires
III.5.3. Les signes cérébraux
IV. RESULTATS
IV.1. Observations
IV.1.1. Observations 1
IV.1.2. Observation 2
IV.1.3. Observation 3
IV.2. Etude synthétique
COMMENTAIRES
CONCLUSION
REFERENCES