Lorsqu’un vaisseau sanguin est blessé, diverses réactions se mettent en place. L’hémostase a pour principal rôle l’interruption de ce saignement. Pour ce faire, 3 grandes étapes se succèdent : l’hémostase primaire avec le temps vasculaire et le temps plaquettaire, la coagulation plasmatique proprement dite et, enfin, la fibrinolyse. La fibrinolyse est un processus physiologique complexe de dissolution des caillots sanguins (constitués de fibrine) par la plasmine. Ce processus clôture la coagulation sanguine afin de reperméabiliser les vaisseaux sanguins réparés et sert à empêcher la formation de thromboses [38]. L’occlusion artérielle coronaire et pulmonaire par un caillot sanguin va mener à deux grandes urgences cardio vasculaires que sont, respectivement, l’infarctus du myocarde et l’embolie pulmonaire. La fibrinolyse permet alors de dissolver le caillot sanguin entrainant ainsi une reperméabilisation de l’artère ou de la veine. Il s’agit d’un traitement essentiel de l’infarctus du myocarde, pathologie dont la prévalence est croissante en Afrique sub saharienne [38]. Si ses indications dans l’infarctus du myocarde sont précises, elles sont sujettes à discussion dans l’embolie pulmonaire surtout dans ses formes intermédiaires. Par contre il s’agit d’un traitement de première intention dans les formes à haut risque associées à un retentissement hémodynamique important, formes particulièrement redoutables [60]. Le respect des indications et des contre indications est nécessaire pour éviter les complications hémorragiques, principales causes de morbidité et de mortalités associées à ce traitement [106,138]. L’intérêt de la fibrinolyse notamment en zone sub-saharienne est d’autant plus grand que les traitements interventionnels (angioplastie, embolectomie) sont peu accessibles.
L’HEMOSTASE
Elle se déroule en trois phases :
– l’hémostase primaire qui ferme la brèche vasculaire par un « thrombus blanc » (clou plaquettaire),
– la coagulation qui consolide ce premier thrombus en formant un réseau de fibrine emprisonnant des globules rouges (thrombus rouge),
– la fibrinolyse qui permet la destruction des caillots, ou la limitation de leur extension.
Le processus d’hémostase, est en réalité continu, et en équilibre permanent. Les divers mécanismes se mettent en place à priori successivement mais en fait s’imbriquent les uns les autres .
L’hémostase primaire
Elle regroupe l’ensemble des phénomènes survenant à la suite d’une lésion vasculaire et aboutissant à la formation d’un caillot plaquettaire stable (clou plaquettaire). Les éléments qui interviennent dans ce temps sont cellulaires (les plaquettes et les cellules endothéliales) et plasmatiques (le facteur de Von Willebrand et le fibrinogène) .
Les éléments mis en jeu
– Les éléments cellulaires
✓ Les cellules endothéliales
Elles ont une fonction régulatrice du phénomène, en participant à la fois à la réparation de la brèche vasculaire et à la limitation du phénomène d’activation de l’hémostase. Elles libèrent de grandes multimères de facteur von Willebrand (vWF) contenues dans leurs granulations (corps de Weibel Palade) qui vont se coller au sous endothélium mais également diffuser dans la lumière vasculaire.
Elles sécrètent de la prostacycline et du monoxyde d’azote (NO) à effet antiagrégant, permettant de limiter le processus d’adhésion-agrégation des plaquettes (prostacycline est en plus vasodilatateur). Elles libèrent des ADP ases, catabolisant l’ADP et donc limitant l’activation par cette molécule. Elles peuvent se lier aux facteurs de coagulation pour induire la génération de thrombine, et libérer du facteur tissulaire, lequel va initier la voie extrinsèque de la coagulation. En surface, la thrombomoduline limite l’effet de la thrombine sur le fibrinogène et active le système anticoagulant de la protéine C. Des protéoglycans de surface lient l’anti-thrombine III (AT III) et le tissue factor pathway inhibitor (TFPI) et limitent l’activité pro coagulante. Ces cellules, en outre, libèrent de l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) et son régulateur le PAI-1 (inhibiteur de l’activateur du plasminogène). Diverses substances altérant les cellules endothéliales (endotoxine, IL1, TNF α) peuvent provoquer une perturbation des processus hémostatiques (augmentation de libération de substances pro-coagulantes, activation du système de la protéine C) ou de l’activité fibrinolytique .
✓ Les plaquettes
Plus petits éléments figurés du sang, les plaquettes présentent une membrane composée d’une double couche de phospholipides. Elle est riche en acide arachidonique et comprend des glycoprotéines (GP) dont les principales sont la GPIIb IIIa et la GP Ib ainsi que des récepteurs divers, dont le plus important est le récepteur à la thrombine. Sous la membrane plaquettaire on trouve un réseau musculo-squelettique (micro fibrilles d’actine et de myosine). A l’intérieur des plaquettes on trouve, dans le cytoplasme, deux réseaux de canaux :
– le système canaliculaire ouvert,
– le système tubulaire dense, lieu de stockage du calcium.
Dans le cytoplasme on reconnaît également des granulations de trois types :
– granules denses (ATP, ADP, sérotonine et calcium),
– granules alpha (facteur 4 plaquettaire, beta thromboglobuline, facteur Willebrand et de très nombreuses autres substances),
– grains lysosomiaux (hydrolases, phosphatases).
Ces produits stockés pourront être libérés rapidement en grande concentration .
-Les éléments plasmatiques
✓ Le facteur de von Willebrand
Il est synthétisé par les cellules endothéliales et les mégacaryocytes. Il est présent dans le plasma, les plaquettes et le sous-endothélium. Dans le plasma, il circule lié au facteur anti-hémophilique A (facteur VIII ou FVIII) qu’il protège contre la protéolyse.
✓ Le fibrinogène
Cette molécule est un dimère. Chaque monomère est composé de trois chaînes (alpha, bêta, gamma). Elle va aussi intervenir à l’étape de la coagulation .
Les temps de l’hémostase primaire
✓ Le temps vasculaire
Il correspond à la vasoconstriction réflexe immédiate, mais transitoire, des vaisseaux lésés surtout efficace pour ceux de petit calibre .
✓ Le temps plaquettaire
● L’adhésion plaquettaire
Les plaquettes dès leur sortie du vaisseau adhèrent à la structure sous endothéliale mise à nu par la brèche vasculaire. L’adhésion se produit en grande partie par la GP Ib qui se colle au sous endothélium grâce au facteur Willebrand qui sert de ciment. Une première couche monocellulaire de plaquettes se constitue ainsi. Les plaquettes adhérentes s’activent et recrutent d’autres plaquettes circulantes [61].
● L’agrégation plaquettaire
Les GP IIbIIIa de surface, lors de l’activation plaquettaire, subissent une modification qui leur permet de fixer le fibrinogène en présence de calcium. L’agrégation plaquettaire se fait ainsi grâce au fibrinogène qui établit des ponts entre les plaquettes, créant un premier thrombus fragile (agrégation réversible). Grâce à la libération des enzymes et du contenu granulaire des plaquettes, le caillot se solidifie, constituant le thrombus blanc ou clou plaquettaire .
L’hémostase secondaire
C’est une cascade de réactions enzymatiques ayant pour but de consolider le clou plaquettaire grâce à la formation d’un réseau de fibrine emprisonnant des globules rouges définissant le thrombus rouge .
Les éléments mis en jeu
– Les éléments cellulaires
Il s’agit des cellules endothéliales, des monocytes et des fibroblastes qui entre en jeu dans l’expression du facteur tissulaire. Les plaquettes par l’intermédiaire de la phosphatidylsérine catalysent les réactions de coagulation. Par le biais des microvésicules qu’elles libèrent ces dernières supportent et amplifient la coagulation .
– Les éléments non cellulaires
Ce sont les facteurs de la coagulation synthétisés par les hépatocytes sous forme non active ou pro-enzymes qui vont être activés. La synthèse de certains de ces facteurs, nécessite de la vitamine K. Il s’agit des facteurs II, VII, XI et X dits vitamino K dépendants .
Le déroulement de la coagulation
La coagulation est une cascade de réactions enzymatiques aboutissant à la formation de fibrine. L’enzyme central permettant la transformation du fibrinogène, en fibrine est la thrombine. Elle se déroule en trois phases : la thromboplastinoformation, la thrombinoformation et la fibrinoformation. La thromboplastinoformation se fait par deux voies : La voie intrinsèque dans laquelle tous les éléments nécessaires de la coagulation sont présents dans le plasma sans apport extérieur. Cette voie s’active en présence de surface mouillable comme le verre. La voie extrinsèque qui pour être activée nécessite la présence d’éléments tissulaires appelés thromboplastine tissulaire. Elle correspond à la voie d’urgence. Le complexe prothrombinase active formé va entrainer la transformation de la prothrombine en thrombine qui va permettre la formation d’un réseau de fibrine. Ce dernier va emprisonner les globules rouges aboutissant au thrombus rouge .
La régulation de la coagulation
Dans un souci d’équilibre et pour éviter une activation diffuse de la coagulation, des inhibiteurs de la coagulation vont être mis en jeu [61,120]. Il s’agit :
– du système protéine C/ protéine S (vit K dépendantes) : inhibent les facteurs Va et VIIIa,
– de l’antithrombine III : inhibe les facteurs IIa, Xa, IXa, XIa,
– du « Tissue Factor Pathway Inhibitor » : inhibe l’activation du facteur X par le complexe (VIIa-FT).
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Table des matières
INTRODUCTION
I. L’HEMOSTASE
I.1. L’hémostase primaire
I.1.1. Les éléments mis en jeu
I.1.2. Les temps de l’hémostase primaire
I.2. L’hémostase secondaire
I.2.1. Les éléments mis en jeu
I.2.2. Le déroulement de la coagulation
I.2.3. La régulation de la coagulation
I.3. La fibrinolyse
II. LA THROMBOLYSE
II.1. Le mécanisme d’action et le bénéfice de la fibrinolyse
II.2. Les thrombolytiques
II.3. Classification des fibrinolytiques
II.4. Les différents fibrinolytiques et les protocoles
II.4.1. La streptokinase (Streptase®)
II.4.2. Le rt-PA ou altéplase (actilyse® )
II.4.3. Anistreplase (Éminase®/rAPSAC)
II.4.4. Retéplase (Rapilysine®/nPA)
II.4.5. Ténectéplase (TNK tPA/Métalyse®)
II.4.6 Urokinase
II.4.7. La nPA ou la lanoteplase
II.4.8. La staphylokinase
II.5. Le choix du produit
II.6. Les précautions d’emploi
II.7. La fibrinolyse pré hospitalière
II.8. Les interactions médicamenteuses
II.9. Les effets secondaires des thrombolytiques
II.10. Les indications de la fibrinolyse
II.11. Les contre-indications de la fibrinolyse
III. L’INFARCTUS DU MYOCARDE
III.1. DEFINITION
III.2. CLASSIFICATION DE L’IDM
III.2.1.Classification physiopathologique
III.2.2.Classification clinique
III.3. EPIDEMIOLOGIE
III.4. RAPPELS ANATOMO-PHYSIOLOGIQUES
III.4.1. Rappels anatomiques
III.1. Artère coronaire gauche
III.1.1. L’artère interventriculaire antérieure
III.1.2. L’artère circonflexe
III.2. Artère coronaire droite
III.2.1.L’artère interventriculaire inférieure
III.2.2. L’artère rétroventriculaire gauche
III.3. Territoires vasculaires
III.3.1. L’artère coronaire gauche vascularise
III.3.2. L’artère coronaire droite vascularise
III.4. Anastomoses
III.4.2. Rappels physiologiques
III.4.2.1. Les besoins en oxygène du myocarde
III.4.2.2. Les apports en oxygène
III.5. PHYSIOPATHOLOGIE DE L’IDM
III.5.1. Mécanismes de survenue
III.5.1.1. Premier mécanisme
III.5.1.2. Second mécanisme
III.5.2. Conséquences de l’ischémie myocardique
III.5.2.1. Métaboliques
III.5.2.2. Cellulaires
III.6. DIAGNOSTIC POSITIF DE L’IDM
III.6.1. Les circonstances de découverte
III.6.2. Les signes cliniques
III.6.3. Les signes paracliniques
III.6.3.1. L’électrocardiogramme
III.6.3.2. Biologie
III.6.3.3. Radiologie thoracique de face
III.6.3.4. L’échocardiographie Doppler
III.6.3.5. La coronarographie
III.6.3.6. Les autres examens complémentaires
III.7. DIAGNOSTIC TOPOGRAPHIQUE DE L’IDM
III.8. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DE L’IDM
III.9. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
III.10. ÉVOLUTION – PRONOSTIC
III.10.1.EVOLUTION
III.10.1.1. Les éléments de surveillance
III.10.1.2. Les modalités évolutives
III.10.1.2.1. L’évolution simple
III.10.1.2.2. Les complications
III.10.2. PRONOSTIC
III.11.TRAITEMENT
III.11.1. Les buts
III.11.2. Les moyens
III.11.2.1. Les mesures hygiéno-diététiques
III.11.2.2. Les moyens de reperfusion coronaire
III.11.2.2.1. La fibrinolyse
III.11.2.2.2. L’angioplastie primaire
III.11.2.2.3. Le pontage aorto-coronaire
III.11.2.2.4. Traitement complementaire
IV. L’EMBOLIE PULMONAIRE
IV.1. INTRODUCTION
IV.2. EPIDEMIOLOGIE
IV.2.1. En Europe et aux États-Unis
IV.2.2. En Asie
IV.2.3. En Afrique
IV.2.4. Au Sénégal
IV.3. RAPPELS ANATOMO PHYSIOLOGIQUES
IV.3.1.Rappels anatomiques
IV.3.2. Rappels physiologiques
IV.3.2.1. Fonction ventriculaire droite
IV.3.2.2. Perfusion coronaire droite
IV.3.2.3. Dépendance interventriculaire
IV.3.2.4. Interactions cardio-pulmonaires
IV.4. PHYSIOPATHOLOGIE DE L’EMBOLIE PULMONAIRE
IV.4.1. Origine de l’embole
IV.4.2. Formation du thrombus
IV.4.3. Migration du thrombus au niveau de l’Artère pulmonaire
IV.4.4. Conséquences liées à la présence du thrombus au niveau pulmonaire
IV.5. LES ETIOLOGIES DE L’EMBOLIE PULMONAIRE
IV.6. DIAGNOSTIC POSITIF DE L’EMBOLIE PULMONAIRE
IV.6.1. Circonstances de découverte
IV.6.2. Eléments du diagnostic positif
IV.6.2.1. Interrogatoire
IV.6.2.2. Examen clinique
IV.6.2.3. Examens paracliniques
IV.7. DIAGNOSTIC DE GRAVITE
IV.7.1. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
IV.8.TRAITEMENT
IV.8.1. Buts
IV.8.2. Moyens
IV.8.2.1. Mesures de réanimation
IV.8.2.2. Traitement anticoagulant
IV.8.2.3. Thrombolytiques
IV.8.2.4. Moyens instrumentaux
IV.8.2.5. Embolectomie chirurgicale
IV.8.2.6. Mesures Hygiéno-diététiques
IV.8.3. Indications 094
IV.8.3.1. Embolie pulmonaire à haut risque de mortalité
IV.8.3.2. Embolie pulmonaire à risque de mortalité intermédiaire ou faible
IV.8.3.3. Embolie pulmonaire récidivante
IV.8.3.4. Coeur pulmonaire chronique post-emboloique
IV.9. PREVENTION
IV.9.1. Prophylaxie en milieu médical
IV.9.2. Prophylaxie en milieu chirurgical
IV.9.3. Prophylaxie physique
CONCLUSION