Place de la thérapie photodynamique dans le traitement du mésothéliome pleural malin
A ce jour, il n’y a pas de traitement curatif pour le mésothéliome pleural malin (MPM), tumeur rare et agressive, avec un diagnostic à un stade le plus souvent localement avancé. La chimiothérapie palliative (par sels de platine et pémétrexed) ne permet pas d’obtenir une survie globale (SG) satisfaisante (inférieure à un an) du fait d’une grande chimiorésistance du MPM. Lorsque le stade du MPM et l’état clinique du patient le permettent, un traitement multimodal incluant une exérèse tumorale chirurgicale peut être envisagé, soit par pneumonectomie extra-pleurale soit par pleurectomie/décortication. Cependant, l’exérèse complète de cette tumeur très infiltrante est extrêmement difficile, et la récidive est le plus souvent inévitable. Il est donc essentiel d’associer à cette chirurgie un traitement local adjuvant efficace, afin de tuer les cellules tumorales résiduelles. La radiothérapie hémi-thoracique n’a qu’un usage très limité dans le cadre du MPM du fait de la présence d’organes nobles avoisinants (cœur, poumons, œsophage, …). Les thérapies intrapleurales per opératoires, comme la chimiothérapie hyperthermique à base de platine, n’ont pas démontré de bénéfice de survie (7) ou sont encore en cours d’évaluation. La thérapie photodynamique, réalisée en intraopératoire après résection tumorale maximale, s’est affirmée peu à peu comme un traitement local adjuvant avec du potentiel.
Présentation du mésothéliome pleural malin
Epidémiologie et présentation clinique
Le MPM est un cancer primitif de la plèvre dont le principal facteur étiologique est une exposition antérieure à l’amiante (Figure 1), le plus souvent professionnelle (70%) mais parfois environnementale ou domestique.
On distingue deux variétés de fibres d’amiantes : les serpentines (ou chrysotile) et les amphiboles avec l’amosite, l’actinolite, l’atremolite, l’anthophyllite et le crocidolite. Ces fibres ont été amplement utilisées dans l’industrie, surtout dans le secteur du bâtiment et de la construction navale et ferroviaire, pour leurs propriétés physiques et chimiques exceptionnelles (isolation thermique, résistance mécanique, résistance au feu, aux agressions chimiques, élasticité) et leur faible coût (Figure 2).
Du fait de leur très petite taille, les fibres d’amiante sont inhalées et migrent de la périphérie du poumon jusqu’à la plèvre, conduisant à un phénomène d’inflammation chronique avec des mécanismes de réparation de l’ADN, jusqu’à une carcinogénèse(8). Ce pouvoir cancérigène a été identifié dès la fin du vingtième siècle, et définitivement prouvé en 1960 (9). Ainsi, l’usage des fibres d’amiante a été progressivement restreint ou interdit dans de nombreux pays. Cette interdiction est intervenue en France seulement en 1997, et en 2005 dans l’Union Européenne. Trente à cinquante ans s’écoulent généralement entre le début de l’exposition à l’amiante et le diagnostic de MPM. D’autres facteurs de risque sont évoqués pour le MPM (10): l’inhalation de certaines fibres naturelles (érionite,…) ou industrielles (céramiques), les radiations ionisantes ou bien l’implication du virus simien 40 (SV40, virus à ADN), très débattu. Cependant, l’inhalation de fibres d’amiante reste le principal agent causal du MPM. Contrairement à bien d’autres cancers, le tabagisme n’est pas un facteur de risque de MPM. Sur le plan génétique, une mutation germinale du gène BAP1 (BRCA1- associated protein 1) a été mise en évidence dans de rares cas familiaux de MPM, puis dans des cas sporadiques de MPM (11).
Entre les années 2000 et 2009, le nombre de décès par mésothéliome en France était évalué à environ 1000 par an(12). Depuis 2012, la déclaration du MPM est obligatoire, et ceci va permettre une meilleure estimation de son incidence en France par le programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM). Compte tenu du délai de latence habituel entre l’exposition à l’amiante et le diagnostic, un pic de MPM est attendu en Europe dans la prochaine décennie(13). L’amiante est encore extrait massivement aujourd’hui par certains pays (Russie, Chine, Brésil,…) et utilisé par de nombreux pays émergents ou en voie de développement, comme l’Inde. On peut alors craindre une augmentation importante du nombre de MPM dans certaines régions du monde dans les décennies à venir.
La présentation clinique du MPM est souvent insidieuse et aspécifique, avec des symptômes tardifs, amenant à un diagnostic de la maladie à un stade souvent localement avancé. Les patients sont en majorité des hommes, de plus de 60 ans, pouvant présenter une altération de l’état général, une dyspnée, une douleur thoracique ou une toux. L’atteinte métastatique est très rare au moment du diagnostic. Le premier examen d’imagerie est généralement une radiographie de thorax (Figure 3A), qui révèle un épanchement pleural unilatéral et/ou un épaississement pleural. Le scanner (TDM) thoracique (Figure 3B)peut retrouver également un épanchement pleural, un épaississement pleural circonférentiel diffus ou nodulaire et/ou une rétraction de l’hémithorax (10).
Il est recommandé de poser le diagnostic de MPM sur des biopsies pleurales et non sur le liquide pleural, pour limiter les erreurs diagnostiques. L’examen de référence est la thoracoscopie médicale ou chirurgicale (Figure 4)qui permet une exploration complète de la cavité pleurale et la réalisation de biopsies multiples et dirigées (10).
Les sous-types histologiques du mésothéliome pleural malin diffus sont les suivants: épithélioïde (le plus fréquent), sarcomatoïde (plus rare et de moins bon pronostic), biphasique (présence d’environ 10% de contingent cellulaire épithélioïde et sarcomatoïde) ou bien desmoplastique. Ceux-ci sont décrits dans la classification histologique des tumeurs pulmonaires et pleurales de 2015 de l’OMS (14). La stadification du MPM est effectuée à partir de la classification TNM des tumeurs pleurales (15), établie par le panel international d’experts en 1995, l’IMIG (International Mesothelioma Interest Group). Elle est décrite dans l’Annexe 1. Cette classification est essentiellement chirurgicale, postopératoire, et donc peu adaptée aux patients non candidats à un traitement chirurgical.
Le pronostic du MPM est mauvais avec une médiane de survie inférieure à un an dans le cas d’un traitement par chimiothérapie exclusive(16). Ceci est dû, en partie, au retard de diagnostic et de prise en charge, liés aux symptômes tardifs et non spécifiques de cette maladie, et à un traitement décevant, reposant essentiellement sur la chimiothérapie palliative.
Prise en charge thérapeutique
La prise en charge thérapeutique du MPM est limitée, du fait de sa découverte à un stade souvent localement avancé, de l’absence de stadification clinique fiable (classification IMIG 1995) et du manque d’essais cliniques de phase III, dans un contexte de pathologie rare. A ce jour, l’arsenal thérapeutique du MPM comprend la chimiothérapie, la résection tumorale chirurgicale intégrée dans un traitement multimodal et la radiothérapie, associés à des soins de support (soutien nutritionnel, psychologique, prise en charge de la douleur, …).
Chimiothérapie
Dans la majorité des cas, le patient présente une tumeur trop infiltrante localement ou une altération de l’état général, ne permettant pas une prise en charge chirurgicale, et son traitement repose alors sur une chimiothérapie palliative exclusive. Depuis l’essai randomisé de Volgelzang et al en 2004(16), le traitement de référence en première ligne repose sur une chimiothérapie à base de sel de platine et pémétrexed, pour une durée classique de 6 cures. Plus récemment, l’essai clinique de phase III « MAPS » a démontré l’intérêt de l’adjonction d’un traitement antiangiogénique par bevacizumab (anticorps monoclonal anti-VEGF) à ce doublet de chimiothérapie(17).La médiane de SG était significativement supérieure (HR=0.67; 95%CI [0.61-0.94]; p= 0.015) dans le groupe avec une maintenance par bevacizumab (18,8 mois) que dans celui avec surveillance seule (16 mois) après six cures de chimiothérapie par cisplatine et pémétrexed. Dans le cadre d’un traitement multimodal avec chirurgie, une chimiothérapie néo-adjuvante ou adjuvante à base de sel de platine et pémétrexed est également recommandée.
Immunothérapie et thérapies ciblées
Devant l’efficacité limitée des chimiothérapies cytotoxiques, de nouvelles stratégies thérapeutiques sont nécessaires pour les patients non opérables. L’immunothérapie, actuellement en plein essor en oncologie, a montré des résultats satisfaisants (18)dans le cadre d’essais cliniques, comme les thérapies ciblant la mésothéline (une molécule de surface des cellules mésothéliales), la thérapie génique et cellulaire ou bien les oncovirus. Parmi les traitements évalués, les inhibiteurs des points de contrôle immunitaires paraissent prometteurs(19), avec de multiples molécules à l’étude, seules ou en combinaison avec une autre immunothérapie ou de la chimiothérapie. Les données préliminaires de l’essai clinique randomisé de phase II MAPS 2 compare un traitement par Nivolumab à une bithérapie par Nivolumab + Ipilimumab, après une première ligne de chimiothérapie par platine et pémétrexed. L’objectif principal a été atteint avec un taux de contrôle de la maladie à douze semaines de traitement de 50% dans le bras Nivolumab + Ipilimumab versus 44,4% pour le bras Nivolumab. Respectivement, le taux de réponse global était de 25,9% et 18,5% et la toxicité était acceptable (20). D’autres thérapies ciblées ont montré leurs efficacités ou sont encore à l’étude, comme les anti-angiogéniques (nintédanib) ou les traitements ciblant les altérations tumorales génétiques ou épigénétiques du MPM (Focal adhesion kinase inhibitors, tazemetostat) (21).
Radiothérapie
La radiothérapie peut être proposée au patient à visée antalgique en cas d’infiltration tumorale de la paroi thoracique ou la présence de nodules sous-cutanés douloureux. Elle peut également être à visée prophylactique en irradiant les orifices de trocarts et/ou la cicatrice de thoracotomie pour prévenir l’ensemencement tumoral de la paroi et la formation de nodules de perméation. Cette indication est encore débattue aujourd’hui avec des études présentant des résultats discordants (22,23). Dans le cas d’un traitement multimodal avec pneumonectomie extrapleurale, la radiothérapie hémi-thoracique adjuvante a pour objectif d’améliorer le contrôle local et de prévenir les récidives, mais comporte une toxicité importante du fait d’organes nobles avoisinants.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I La thérapie photodynamique pour le mésothéliome pleural malin: d’hier à aujourd’hui et vers un essai clinique
Introduction de la partie I
Chapitre 1 : Place de la thérapie photodynamique dans le traitement du mésothéliome pleural malin
1. Introduction
2. Présentation du mésothéliome pleural malin
2.1. Epidémiologie et présentation clinique
2.2. Prise en charge thérapeutique
3. Thérapie photodynamique intrapleurale
3.1. Principes de la thérapie photodynamique
3.2. La thérapie photodynamique intrapleurale en pratique
4. Thérapie photodynamique et mésothéliome pleural malin : Etat de l’art
4.1. Présentation des articles sélectionnés
4.2. Toxicité
4.3. Evolution technique de la PDT intrapleurale
4.4. Etude de la survie
4.5. Autres études
5. Conclusion
Camille MUNCK – Thèse de sciences
Chapitre 2 : Essai clinique « MesoPDT »
1. Introduction
2. Présentation de l’essai clinique
3. Contribution à la mise en place de l’essai clinique
3.1. Préparation à l’essai clinique et information
3.2. Gestion du matériel et des dispositifs médicaux
3.3. Réalisation de la procédure
4. Illumination et dosimétrie pour l’essai clinique
4.1. Dispositif lumineux
4.2. Système de dosimétrie avec les sept capteurs isotropes
5. Déroulement de l’essai clinique
6. Difficultés rencontrées
7. Conclusion
PARTIE II Nouvelle approche de la dosimétrie basée sur l’imagerie pour la thérapie photodynamique intrapleurale
Introduction de la partie II
Chapitre 1 : Dosimétrie pré-opératoire et planification thérapeutique
1. Introduction
2. Méthode de segmentation de la cavité pleurale
3. Planification dosimétrique
4. Discussion et conclusion
Chapitre 2 : Dosimétrie dans la thérapie photodynamique intrapleurale : caractérisation du dispositif lumineux
1. Introduction
2. Matériels et méthodes
2.1. Matériels
2.2. Méthodes
3. Résultats
Camille MUNCK – Thèse de sciences
3.1. Dosimétrie de lumière par sonde isotropique
3.2. Dosimétrie de lumière par photographie numérique
3.3. Coefficient effectif d’atténuation µeff et facteur de calibration
3.4. Profil d’illumination de la baguette lumineuse
4. Discussion et conclusion
Chapitre 3 : Dosimétrie per-opératoire basée sur l’imagerie: travaux expérimentaux sur fantôme
1. Introduction
2. Matériels et méthodes
2.1. Matériels
2.2. Méthodes
2.3. Validation de l’approche basée sur un fantôme de cavité thoracique
3. Résultats
3.1. Repérage spatial de la baguette lumineuse
3.2. Représentation 3D de la dosimétrie sur imagerie
3.3. Comparaison des deux méthodes de dosimétrie
4. Discussion et conclusion
Conclusion de la partie II
PARTIE III Vers une standardisation des dispositifs lumineux
Introduction Partie III
Chapitre 1 : Une nouvelle baguette lumineuse
Chapitre 2 : Textile lumineux et thérapie photodynamique intrapleurale
1. Introduction
2. Matériels et méthodes
3. Résultats
4. Discussion et conclusion
Conclusion générale et perspectives
Camille MUNCK – Thèse de sciences
Références
ANNEXES
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