Les patients montrent un intérêt grandissant pour les médecines complémentaires et alternatives comme la sophrologie. Une thèse menée en 2012 dans le département de l’Oise mettait en évidence que 34,1% des patients interrogés avaient déjà eu recours aux médecines complémentaires et alternatives (MCA). [1] Une thèse menée deux ans plus tard en 2014 dans le département de Seine et Marne, montrait un intérêt pour les MCA chez 66,2% des patients interrogés. [2] Ces méthodes permettent une approche globale de leur état de santé tel que défini par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». [3] Une vision holistique de la prise en charge des patients soulignée dans la définition européenne de la médecine générale par la World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitioners/Family Physicians (WONCA) et confirmée dans le « Research Agenda » ou l’exploration et l’évaluation des médecines alternatives fait partie des axes de recherches prioritaires, dans un modèle de prise en charge holistique.
La sophrologie est une méthode visant à harmoniser le corps et l’esprit. Elle est à l’interface du yoga et de l’hypnose et s’intègre dans le cadre de ces pratiques complémentaires et alternatives. La méthode est d’ailleurs déjà utilisée par de nombreux centres spécialisés et Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) : soins palliatifs et cancérologie, centre anti-douleur, neurologie, centre du sommeil par exemple. Des études sont en cours, notamment au CHU de Rennes ou l’équipe de neurologie réalise une étude dans la prise en charge de la maladie de Parkinson et la préparation à la stimulation cérébrale.
Définition
La sophrologie est un néologisme créé par le neuropsychiatre Alfonso Caycedo en 1960 (du grec sos, « harmonie, équilibre », phren « esprit, conscience » et logos, « science, étude ») [8] que l’on pourrait définir comme l’étude de la conscience en harmonie.
Méthode, principes et champ d’applications
Alfonso Caycedo a mis au point deux méthodes d’entraînements personnels. La relaxation dynamique synthèse de méthodes occidentales (training autogène de J.H. Schultz, relaxation progressive de E. Jacobson) et orientales (yoga, méditation bouddhique, zen). [9]. Basée sur des stimulations corporelles associées à des exercices de respiration, elle se décline en douze degrés. Chacune des relaxations dynamiques peut être réalisée en séance individuelle ou de groupe. Les techniques spécifiques, méthode plus statique de « mentalisations» (visualisations), également associées à des exercices respiratoires, sont également adaptées à la pratique en groupe, mais plus volontiers en séance individuelle. La sophrologie se pratique debout ou assis sur une chaise, en pleine lumière, sans musique douce ou autre artifice éloignant l’expérience du quotidien. Les exercices sont adaptés en fonction de l’objectif fixé avec le patient. Les séances durent en moyenne quarante-cinq minutes au cours desquelles chaque participant est libre d’adapter les propositions. La sophrologie se différencie en ce sens de l’hypnose beaucoup plus directive.
Elle se base sur trois principes fondamentaux que sont :
– Le schéma corporel comme réalité vécue
C’est une notion complexe, qui réunit les dimensions sensorielles, sensitives, physiologiques et la représentation que l’on se fait de son corps. Le schéma corporel est en perpétuelle évolution au cours de notre vie de la naissance à l’âge adulte, en traversant l’enfance et l’adolescence. La sophrologie amène le schéma corporel en toute objectivité à plus de réalité vécue, « il s’agit de sentir le corps, non de se le représenter ». [8]
– Le principe d’action positive
Il se base sur l’hypothèse que : « Toute action positive dirigée vers la conscience se répercute positivement sur tous les éléments psychiques de l’être ». [10] Chacune de nos pensées agréables se répercutent positivement sur notre corps et notre esprit. La sophrologie par ce principe tend à dynamiser le positif (tout ce qui va bien chez l’individu), elle ne nie pas le symptôme mais ne s’y s’intéresse pas. Cela permet de mettre en parenthèse le négatif.
– La réalité objective
Il concerne en premier lieu le sophrologue. « Il se doit d’être le plus clair possible avec sa propre conscience, afin d’éviter de mêler sa propre histoire à celle de l’autre ». [8] Il s’agit d’apprendre à voir les choses plus comme elles sont que comme on croit qu’elles sont et de ne pas influencer l’individu. Ce principe met en évidence également l’importance pour le sophrologue de rester dans son champ de compétences. [8] Pour le sophronisant, ce principe lui permet de toujours pouvoir adapter les propositions du sophrologue à sa réalité, en fonction de ses limites physiques et psychiques.
La sophrologie se décline en plusieurs branches permettant de définir trois grands champs d’applications :
– La branche clinique ou médicale
C’est la branche qui nous intéresse le plus en médecine. Il n’existe pratiquement pas de spécialité médicale où la sophrologie ne puisse trouver sa place car elle accompagne le malade et l’aide à potentialiser ses ressources. La sophrologie peut être indiquée dans de nombreux domaines dont la psychiatrie, la neurologie, la rhumatologie, la gynécologie-obstétrique, la cancérologie et les soins palliatifs.
– La branche socio-prophylactique
Son champ d’action est très vaste et se rapproche du développement personnel. Elle s’adresse à tous dans un but de prévention, où la prise de conscience du corps entraîne une responsabilisation de l’individu.
– La branche sophro-pédagogique
La sophrologie présente un intérêt certain dans le domaine de l’apprentissage et la préparation aux examens ou compétitions sportives. L’objectif est l’amélioration de la concentration et des performances.
La profession et sa formation
La profession de sophrologue
Résumé en quelques points, voici comment la Fédération des écoles professionnelles en sophrologie (FEPS) définit la profession : « Il propose à ses clients des techniques visant à mobiliser de façon positive leurs capacités et ressources potentielles » « Le sophrologue n’est pas un psychothérapeute (sauf si c’est sa formation initiale). » « Le sophrologue ne concurrence pas les professionnels de la santé : il ne pose pas de diagnostic, n’influence pas les choix thérapeutiques. » « En restant scrupuleusement dans le cadre et les limites de ses compétences, il est un auxiliaire précieux pour les professionnels de la santé. » .
Le métier de sophrologue s’exerce majoritairement dans un cadre libéral. Actuellement la profession reste non réglementée, car elle n’est soumise à aucun ordre professionnel. Cependant, depuis plusieurs années, la profession de sophrologue tend vers une reconnaissance plus grande, elle est actuellement prise en compte par les Unions de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales (URSSAF), le Régime Social des Indépendants (RSI), les caisses de retraites, les caisses d’assurance maladie… Certaines formations donnent actuellement accès à un titre au Répertoire Nationale des Certifications Professionnelles (RNCP) avec une qualification de niveau trois.
La formation
De par la non réglementation de la profession, la formation en sophrologie reste très hétérogène que ce soit dans sa durée mais également dans son contenu. Le nombre d’école ou d’organisme de formation est difficile à chiffrer en France. Il existe part ailleurs deux diplômes universitaire proposé par l’université de Lille 2 et l’université Jean Monnet de Saint-Étienne. [13,14] Depuis plusieurs années la FEPS en partenariat avec le syndicat des sophrologues professionnels et la société française de sophrologie, ont mis en place des « états généraux de la formation en sophrologie » afin homogénéiser la formation et la validation d’une compétence professionnelle.
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Table des matières
INTRODUCTION
1 – Définition
2 – Méthode, principes et champ d’applications
3 – La profession et sa formation
3.1 – La profession de sophrologue
3.2 – La formation
METHODOLOGIE
1 – Le choix de la méthode
2 – Constitution de la population de recherche
3 – L’entretien
4 – La retranscription des données
5 – L’analyse des données
RESULTATS
1 – Présentation des données sociodémographiques de l’échantillon interrogé
2 – La rencontre avec la sophrologie
2.1 – Les premiers contacts avec la sophrologie
2.1.1 Par la rencontre avec une sophrologue (quatre médecins)
2.1.2 Dans le cadre de la préparation à l’accouchement (trois médecins)
2.1.3 Par un patient (deux médecins)
2.1.4 Par un proche (deux médecins)
2.1.5 Durant les études (un médecin)
2.1.6 Au cours d’une psychothérapie (un médecin)
2.2 – Depuis quand recommandent-ils la sophrologie
2.3 – Fréquence du recours à la sophrologie
2.3.1 Un recours ponctuel (quatre médecins)
2.3.2 Un recours régulier (deux médecins)
2.3.3 Un recours exceptionnel (un médecin)
2.3.4 Un recours quotidien (un médecin)
3 – La pratique de la sophrologie
3.1 – Les indications
3.1.1 Les troubles anxieux et la gestion du stress (huit médecins)
3.1.2 les troubles du sommeil (quatre médecins)
3.1.3 Prise en charge de la douleur (quatre médecins)
3.1.4 Soins palliatifs et cancérologie (trois médecins)
3.1.5 Sevrage tabagique (deux médecins)
3.1.6 Préparation à une compétition sportive (un médecin)
3.1.7 Les troubles compulsifs alimentaires (un médecin)
3.1.8 Le syndrome de stress post traumatique (un médecin)
3.1.9 En Neurologie (un médecin)
3.2 – Les risques et contre-indications
3.3 – Les bénéfices de la pratique
3.3.1 Une diminution de la consommation de médicaments (cinq médecins)
3.3.2 Une meilleure gestion du stress et des émotions (quatre médecins)
3.3.3 Une diminution des symptômes cliniques (trois médecins)
3.3.4 Outil d’autonomisation / d’éducation thérapeutique (deux médecins)
3.3.5 Un bien être global (deux médecins)
3.3.6 Un gain de confiance en soi (un médecin)
3.4 – Des facteurs limitant le recours à la sophrologie
3.4.1 Pour les patients
3.4.1.1Le coût (six médecins)
3.4.1.2Méfiance à l’égard de la pratique (quatre médecins)
3.4.1.3La nécessité d’implication personnelle / Le manque de motivation (trois médecins)
3.4.1.4Non adhésion à la méthode ou au sophrologue (trois médecins)
3.4.1.5La démographie des sophrologues (deux médecins)
3.4.2 Pour les médecins
3.4.2.1La méconnaissance de la sophrologie (sept médecins)
3.4.2.2La crainte des pratiques non conventionnelles / Profession non réglementée et mal organisée (trois médecins)
3.4.2.3Le manque de temps (deux médecins)
3.4.2.4La non connaissance des praticiens sophrologues à proximité (deux médecins)
3.4.2.5La démographie des sophrologues (deux médecins)
4 – L’intégration de la sophrologie dans les prises en charges pluridisciplinaire
4.1 – Place de la sophrologie dans la prise en charge
4.1.1 Un complément dans la prise en charge globale des patients (sept médecins)
4.1.2 Parfois une alternative à la prise en charge allopathique (un médecin)
4.2 – Les échanges avec les sophrologues
4.2.1 Un manque de communication global (cinq médecins)
4.2.2 Des freins aux échanges
4.2.2.1Le manque de temps et la multiplicité des interlocuteurs (quatre médecins)
4.2.2.2Le secret médical (deux médecins)
4.2.2.3Les praticiens ne se connaissent pas (deux médecins)
4.2.2.4La non reconnaissance de la profession de sophrologue limite l’intégration dans les projets de santé (un médecin)
4.2.3 Quelques pistes pour améliorer les échanges
4.2.3.1L’outil informatique (deux médecins)
4.2.3.2L’intégration des sophrologues dans les maisons médicales (deux médecins)
4.2.3.3Intégrer les sophrologues aux formations médicales continues (FMC) (un médecin)
5 – La satisfaction
5.1 – La sophrologie répond aux attentes des médecins et de leurs patients (huit médecins)
5.2 – Un intérêt particulier en pédiatrie (deux médecins)
5.3 – Un intérêt particulier en cas de réticence à la « psychologie » (un médecin)
5.4 – Cependant un manque de retours sur la pratique (quatre médecins)
DISCUSSION
1- Analyse des résultats
1.1 – Une pratique non abordée dans nos cursus
1.2 – Une pratique relativement homogène
1.3 – Une pratique peu risquée et source de satisfaction
1.4 – Des facteurs limitants le recours à la sophrologie
2 – Confrontation à la pratique clinique
2.1 – Une méthode semblant intéressante mais une absence de preuve scientifique
2.2 – Une profession à réglementer
2.3 – Des freins déontologiques
2.3.1 L’intégration dans les structures de soins
2.3.2 Le secret médical
2.4 – Rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) 2015
3 – Limites de notre travail
3.1 – La population
3.2 – La réalisation de l’étude
3.3 – L’analyse des données
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES