PLACE DE LA PHARMACIE CLINIQUE DANS LES ESSAIS CLINIQUES 

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Gestion du circuit du ME

– L’approvisionnement :
La gestion du stock et les commandes des ME sont réalisées selon les modalités définies lors de la mise en place. L’une des missions principales du pharmacien du centre, est de s’assurer d’avoir un stock suffisant à la prise en charge des patients inclus dans l’étude. Cette gestion peut, dans certains cas être sous la responsabilité du promoteur par le biais de système automatisé de gestion de stock (IXRS).
– La réception :
La réception d’unités de traitement (UT) destinées à l’utilisation dans le cadre de l’EC, doit être réalisée dans une zone dédiée. Le pharmacien doit s’assurer de la conformité des UT reçues et de leurs conditions de transport (température), de leur intégrité physique, et de la traçabilité de l’entrée en stock. Il doit également s’assurer de la conformité de l’étiquetage et du certificat de libération de lot de médicament expérimental.
– La détention :
Les ME doivent être conservés dans des zones distinctes des médicaments classiques, dont l’accès est réservé aux personnels du secteur essais cliniques de la PUI selon les exigences de conservation et la nature du produit. La température de ces zones doit être contrôlée et suivie à l’aide d’un système d’enregistrement. Des stockages spécifiques peuvent également être nécessaires comme par exemple, la présence d’un coffre pour les ME classés comme stupéfiants, ou une zone liée au risque biologique pour les médicaments de thérapie innovante (MTI) expérimentaux.
NB : Toutes excursions de température durant le transport ou la détention à la PUI doivent être notifiées au promoteur et entraîner une mise en quarantaine des traitements dans l’attente du retour du promoteur quant à la conduite à tenir. Une traçabilité dans le dossier de l’étude et un étiquetage des produits concernés sont également nécessaires.
– La dispensation :
L’acte de dispensation des ME doit être effectué conformément au protocole de recherche clinique en veillant au respect des BPC. Comme pour tous les médicaments, il associe à la délivrance du ME, l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance, la préparation éventuelle des doses à administrer, et la mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage du médicament (Article R4235-48 du CSP).
Dans la majorité des cas, la dispensation est réalisée sur une ordonnance nominative (fournie par le promoteur ou rédigée par la PUI du centre) comprenant les mentions légales définies à l’article R5132-3 du CSP ainsi que les informations requises par le protocole. Il incombe donc au pharmacien de vérifier sur cette ordonnance, l’identité du patient, son inclusion dans le protocole ainsi que le numéro et le bras de traitement (le cas échéant), la date de prescription, le numéro de visite, les paramètres physiologiques et biologiques nécessaires (poids, taille, fonction rénale…), le nom et la signature de l’investigateur ainsi que son habilitation à prescrire dans le cadre du protocole. Il s’assure, ensuite, de la conformité de la prescription (DCI, forme, dose, posologie, durée de traitement, modalités de prise, intercure, risque d’interactions) en regard du protocole et des prescriptions antérieures et associées (si possible).
Il délivre ensuite les ME expérimentaux prescrits (DCI, dose, nombre d’UT), correspondant le cas échéant aux documents d’attribution, en assurant la traçabilité de ceux-ci sur l’ordonnance originale et sur l’ordonnancier. Cette délivrance doit être, si possible, réalisée directement au patient et associée à un conseil pharmaceutique adapté (modalités de prise, de conservation et conduite à tenir). Dans le cas contraire, elle doit être faite, en fonction du protocole, par l’intermédiaire d’une personne habilitée et selon une procédure assurant la sécurisation de cette étape.
– La préparation :
La préparation des ME nécessite une autorisation spécifique de l’ARS, à renouveler tous les 5 ans, car elle est considérée comme une « activité à risque » par le décret PUI de mai 2019(2). La réalisation de ces préparations peut être demandée au pharmacien par le promoteur pour plusieurs raisons : la mise en aveugle des traitements, la préparation de médicaments toxiques, la réalisation de préparations stériles, les préparations complexes ne relevant pas de la simple reconstitution, ainsi que le conditionnement, l’étiquetage ou le réétiquetage des ME. Toutes ces activités doivent être réalisées selon les Bonnes Pratiques de Préparation(22).
– Le retour à la pharmacie des ME dispensés :
La pharmacie doit disposer d’une zone dédiée au stockage des traitements expérimentaux retournés par le patient. Tous les traitements dispensés lors d’une visite doivent être rendus par les patients à la PUI après utilisation. Cela comprend les comprimés ou autres formes de médicaments ainsi que leurs conditionnements primaires et secondaires. Les traitements retournés feront l’objet d’un contrôle permettant leur identification et la vérification de l’adhésion du patient au traitement. Une traçabilité informatique ou papier de ces retours devra être effectuée, et ils seront conservés jusqu’au contrôle par le promoteur lors d’un monitoring autorisant la destruction de ceux-ci selon la procédure définie lors de la mise en place.
– La destruction des ME retournés et/ou non utilisés :
Il existe deux cas de figure pour la destruction des ME non utilisés et/ou retournés par les patients. Dans le premier cas, la destruction est effectuée par le promoteur. Dans ce cas lors du monitoring, après vérification de la comptabilité des traitements réalisés par la pharmacie, l’ARC promoteur organise leur retour au promoteur/dépôt pour destruction. La responsabilité du pharmacien s’arrête ici à la traçabilité de l’enlèvement du ou des colis. Dans le second cas, la mise en destruction est réalisée par le pharmacien. L’ARC promoteur autorise la pharmacie à procéder à celle-ci après vérification lors d’une visite de monitoring. Le pharmacien doit ensuite prendre en charge la destruction des ME ainsi que sa traçabilité via l’établissement d’un certificat de destruction mentionnant l’étude, les UT détruites de façon détaillée et exhaustive ainsi que la date, la méthode, la raison et le personnel procédant à la destruction.
– La traçabilité :
Les BPC exigent que le pharmacien et l’investigateur mettent en place un système permettant de s’assurer qu’un inventaire de médicaments stockés, dispensés, utilisés et retournés puisse être établi pour chaque étude clinique. Celui-ci doit être validé par le promoteur.
L’archivage « des dossiers pharmacie » de recherche clinique est également une des missions du pharmacien. Après la fin de chaque étude clinique définie par la visite de clôture de l’ARC promoteur, un courrier de clôture est adressé à la DRCI et à la PUI. Ce document à ranger dans le dossier de l’étude permet l’archivage de documents relatifs à la recherche clinique concernée. L’archivage doit se faire dans une pièce dédiée dont l’accès est restreint et un inventaire des dossiers archivés doit être tenu à jour afin de pouvoir les retrouver en cas d’audit ou d’inspection. Les dossiers relatifs à un EC doivent être conservés pendant une durée minimale de 15 ans (qui sera portée à 25 ans lors de la mise en application du RE n° 536/2014) hormis lorsqu’il concerne un MTI (30 ans) ou un Médicament dérivé du sang (40 ans).

Management de la qualité

Afin de garantir une démarche d’amélioration de la qualité et de la sécurité dans la prise en charge médicamenteuse conforme à l’arrêté du 06 Avril 2011(23), le pharmacien est responsable de la mise en place et de la mise à jour régulière d’un système qualité et documentaire. Selon les BPC, le promoteur s’assure de la présence de procédures écrites comportant les instructions à suivre lors de la gestion et d u stockage des médicaments expérimentaux ainsi que la documentation s’y rapportant. Dans la recherche clinique, cela implique la mise en place d’un système documentaire à 2 niveaux :
– Premièrement, par l’existence de documents généraux décrivant l’activité pharmaceutique de gestion des ME (Description de l’organisation interne, ainsi que des différentes activités liées au ME). Ces documents sont des procédures internes standardisées accompagnées, si besoin, de modes opératoires.
– Deuxièmement, avec la mise en place de documents spécifiques à chaque protocole de recherche clinique, permettant de décrire précisément les modalités organisationnelles de la gestion des ME concernés.
Pour finir, le pharmacien est également le garant de la conformité des locaux et des équipements nécessaires à la pratique courante. Par conséquent, il doit s’assurer de l’entretien, la maintenance et la qualification de ceux-ci.

Organisation à l’hôpital de la Timone

Au sein de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM), il existe un « secteur essais cliniques » dans chacune des pharmacies des quatre hôpitaux, dédié à la gestion des médicaments expérimentaux. Sur le CHU de la Timone au 29/05/2019, 344 RIPH concernant un médicament expérimental, était en cours dont 56% en oncologie. Cela représente un total de 5730 dispensation nominative dont 3004 prescriptions de chimiothérapie (4600 lignes de prescription hors annexes) sur l’année 2019, soit environ 23 dispensations nominatives par jour ouvré. Il s’agit d’un secteur très dynamique, car comme indiqué dans les figures 4 et 5, il connait une augmentation d’activité croissante ces dernières années.

Fonctionnement

Les taches de routine sont réparties selon les habilitations de chaque membre du secteur, et de l’activité afin d’être le plus efficiente possible et notamment pour la dispensation au patient. Une priorisation est donnée à la dispensation des produits et notamment des chimiothérapies et préparations hospitalières nécessitant un temps de fabrication.
La réception des UTs est effectuée par le personnel du secteur dans une zone dédiée. Les dispensations hors chimiothérapies sont réalisées par un Préparateur en Pharmacie Hospitalière (PPH), un interne ou un pharmacien, puis double contrôlé par un interne ou un pharmacien selon les habilitations de chacun. La validation des prescriptions de chimiothérapies via le logiciel chimio est effectuée par un interne avec validation du pharmacien senior. La fabrication des préparations stériles prescrites, via le logiciel chimio, est réalisée par l’Unité de Reconstitution Centralisé (URC) du site. L’attribution et le contrôle des UT sont réalisés lors de la validation par le personnel qualifié du secteur EC, puis les UT sont apportés à l’URC pour préparation. Certaines tâches comme la réalisation de préparations stériles (hors chimio) ou la mise en destruction, qui même si elles peuvent être réalisées par les internes ou les pharmaciens sont principalement faites par les PPH dans un souci d’efficience. Toutes les préparations stériles, réalisées dans le cadre des essais cliniques, sont double contrôlées par un personnel habilité et sont libérées par un pharmacien. Les retours de ME à la pharmacie sont réalisé par les externes en pharmacie et double contrôlé par un autre membre du secteur. Ils permettent après comptabilisation, la vérification de l’adhérence du patient par un calcul de compliance qui fait en cas de problème l’objet d’une communication au TEC en charge de l’étude tracé dans le dossier du patient.
En raison de l’absence de zone de confidentialité au sein de la pharmacie, la dispensation directe au patient n’est pas possible, celle-ci passe donc par la délivrance des traitements au service investigateur qui se charge de la remise au patient. Afin de s’assurer du bon usage du ME, les conseils pharmaceutiques nécessaire sont renseignés sur l’ordonnance dont le double est remis au patient et une information est effectuée par l’équipe investigatrice.

Système de management de la qualité au secteur EC

Dans le cadre de l’arrêté du 06 Avril 2011, tout établissement de santé se doit de mettre en place un système de management de la qualité afin de sécuriser au mieux la prise en charge médicamenteuse des patients. Celui-ci est d’autant plus important dans le cadre de la RIPH qu’il fait partie des obligations imposées par les BPC que doit vérifier le promoteur avant la mise en place d’un EC. Conformément aux normes ISO 9001, un système de management de la qualité a donc été élaboré au secteur EC, en harmonisation avec les pratiques régionales et nationales. Il comprend tout d’abord, un système documentaire comprenant une procédure générale du « processus métier », ainsi qu’un « manuel qualité » composé de différents modes opératoires décrivant l’ensemble des activités de ce processus. Le « processus métier », reprend de façon chronologique les différentes étapes nécessaires au bon déroulement de la gestion des médicaments dans le cadre d’un EC.
Il est également basé sur un processus d’amélioration continue des pratiques reprenant des outils qualités issus d’une réflexion nationale commune des pharmaciens hospitaliers impliqué s dans la gestion des ME (CPCHU).
Depuis 2011, un système de recueil et d’analyse des non-conformités, au sein du secteur, a été mis en place. Il permet l’identification des points critiques et l’instauration de mesures d’amélioration. Il est associé à la réalisation d’audits internes au secteur EC afin de vérifier l’application des procédures et des modes opératoires dans la pratique courante. Ils peuvent être réalisés sur chacune des différentes étapes du processus métier (réception, détention, dispensation…).
De plus, un suivi d’indicateurs spécifique est réalisé de façon annuelle pour permettre l’évaluation objective de l’efficacité du système qualité mis en place. On y retrouve par exemple :
– Des indicateurs d’activité comme le nombre d’EC gérés par le secteur, le nombre d’actes pharmaceutiques réalisés selon les catégories (réception, dispensation, préparation, destruction…), le nombre de visites des promoteurs (pré-sélection, mise en place, monitoring, clôture).
– Des indicateurs de qualités dont le nombre d’audits promoteurs, internes, externes (réalisé par la cellule qualité de l’AP-HM) et d’inspections, le nombre de Non-Conformités et leur criticité et/ou imputabilité au secteur, ou encore le nombre de procédures révisées ou créées.
– Des indicateurs de valorisation tels que le nombre de travaux encadrés (thèse, article, communication…).
En outre, des enquêtes de satisfaction sont réalisées de façon régulière auprès des promoteurs, ou des services investigateurs. Ces enquêtes permettent d’évaluer la perception de ces différents acteurs en ce qui concerne la qualité et l’apport des activités pharmaceutiques. Elles entrainent aussi la mise en place de mesures d’amélioration.
En 2016, cette démarche qualité a été enrichie par l’élaboration d’un plan de gestion des risques (PGR) permettant l’identification et une cartographie des limites du système qualité actuel dans l’optique de sécuriser davantage le circuit du ME.
Dernièrement, pour compléter cette démarche, l’application du « Lean management » a été réalisée en 2017 sur le secteur(24). Elle a permis d’optimiser les ressources humaines et matérielles et d’améliorer l’efficience du secteur.

Nouvelles missions du Pharmacien hospitalier

Pour donner suite à l’ordonnance 2016-1729, le pharmacien hospitalier se doit de mener toute action de pharmacie clinique. Cette loi étant applicable dans la gestion dans le cadre de la RIPH, il a pour mission de développer ce type d’action dans la prise en charge des patients inclus dans un EC.

LA PHARMACIE CLINIQUE EN FRANCE

Historique et définitions

Le concept de pharmacie clinique, est apparu pour la première fois en 1961 aux Etats-Unis, où il est décrit par C. Walton (Université de Kentucky) comme « l’utilisation optimale du jugement et des connaissances pharmaceutiques et biomédicales du pharmacien dans le but d’améliorer 30 l’efficacité, la sécurité, l’économie et la précision selon lesquelles les médicaments doivent être utilisés ».(25) Ce processus impliquant de manière plus importante l’expertise pharmaceutique dans la prise en charge du patient, a été des lors considérablement développé en Amérique du Nord. La pharmacie clinique est ensuite parvenue jusqu’en Europe dans les années 1980, où elle s’est déployée de façon importante, notamment dans les établissements de santé.
En France, l’évolution de la pharmacie clinique s’est faite en plusieurs étapes avec dans un premier temps, la création d’une société savante nationale, la Société Française de Pharmacie Clinique, en 1983. Ensuite les études de pharmacie ont été l’objet de trois réformes successives , dont la dernière est la reforme Laustriat-Puisieux en 1985(26), qui a permis l’introduction du contexte clinique de la prescription dans le cursus universitaire. Elle a également instauré la 5ème année hospitalo-universitaire permettant l’intégration des étudiants de pharmacie aux services de soins. Puis, les premières activités de pharmacie clinique ont été légiférées par la loi no 92-1279 du 8 décembre 1992 relative à la pharmacie et au médicament(27), qui inclus dans les missions du pharmacien hospitalier, les notions « d’action susceptible de concourir à la qualité et à la sécurité des traitements et des soins dans les domaines relevant de la compétence pharmaceutique ». Ces missions du pharmacien hospitalier sont renforcées par la redéfinition dans l’arrêté du 6 avril 2011(23) de l’acte de dispensation mentionnant l’analyse pharmaceutique des prescriptions.
Enfin plus récemment, la pharmacie clinique a été redéfinie afin de répondre aux enjeux sociétaux de santé publique liés à l’iatrogénie médicamenteuse, et de faciliter sa mise en place sur le territoire français. D’abord, en septembre 2016, par la Société Française de Pharmacie Clinique 2016 comme « une discipline de santé centrée sur le patient dont l’exercice a pour objectif d’optimiser la thérapeutique à chaque étape du parcours de soins. Pour cela, les actes de pharmacie clinique contribuent à la sécurisation, la pertinence et à l’efficience du recours aux produits de santé. Le pharmacien exerce, en collaboration avec les autres professionnels impliqués, le patient et ses aidants. ». Puis ensuite, cette définition a été reprise, quasiment à l’identique, lors de l’introduction de la pharmacie clinique dans la législation française par l’ordonnance n°2016-1729 relative aux PUI : « contribuer à la sécurisation, à la pertinence et à l’efficience du recours aux produits de santé mentionnés au 1° et de concourir à la qualité des soins, en collaboration avec les autres membres de l’équipe de soins mentionnée à l’article L. 1110-12, et en y associant le patient ».

Intérêt et pratique actuelle

L’intérêt des activités de pharmacie clinique dans la prise en charge du patient est démontré par de nombreuses études(28), un site canadien référence notamment les publications concernant les retombées des activités pharmaceutiques selon leur domaine d’application(29). Ces apports visibles autant sur la sécurité du patient que sur le coût de la prise en charge des patients s’expliquent notamment par son rôle dans la prévention de l’iatrogénie médicamenteuse(30). L’iatrogénie médicamenteuse est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme : « toute réponse néfaste et non recherchée à un médicament survenant à des doses utilisées chez l’homme à des fins de prophylaxie, de diagnostic et de traitement ». C’est un enjeu de santé publique majeur en France, car elle représente au moins 10 000 décès par an, ainsi qu’environ 135 000 hospitalisations soit près de 1,3 million de journées d’hospitalisation chaque année(31). De plus ces accidents liés au médicament seraient évitables dans 45 à 70 % des cas ce qui a poussé la mise en place d’outils ayant déjà montré leur efficacité dans la lutte contre l’iatrogénie médicamenteuse. Le développement de la pharmacie clinique en France, calqué sur le modèle d’activités décentralisé Nord-américain(32), s’est donc imposé de lui-même.
Ces activités auprès du patient, sont même devenues aujourd’hui, un axe de travail essentiel pour les pharmaciens hospitaliers, à la suite des précisions apportées sur celles-ci par le décret n° 2019-489 relatif aux Pharmacies à Usage Intérieur (PUI) du 21 mai 2019(5). Ces nouvelles activités réglementaires sont : l’expertise pharmaceutique clinique des prescriptions, la réalisation de bilans de médication, l’élaboration de plans pharmaceutiques personnalisés, les entretiens pharmaceutiques et les autres actions d’éducation thérapeutique auprès des patients, ainsi que l’élaboration de la stratégie thérapeutique.
Cependant la diffusion du concept et les évolutions difficiles de la législation ont entrainé un développement asynchrone sur le territoire et selon les différentes structures de soins. De plus, ces activités font déjà l’objet d’expériences ou de recommandations disparates selon les disciplines médicales. En effet, la mise en place de ces activités est complexe et chronophage et les moyens alloués ne permettent pas un déploiement immédiat et généralisé. Ainsi, les expérimentations ont été rendues assez spécifiques à des domaines comme la gériatrie, ou l’oncologie, en raison de la priorisation des patients selon les facteurs de risques iatrogéniques identifiés (comorbidités, polymédication, âge, médicament à risques…). D’autres expérimentations ont quand même été menées en chirurgie ou dans les services d’urgences, en raison de la criticité de la transmission d’informations médicamenteuses à l’entrée ou à la sortie des patients, et de la facilité d’implantation de ces activités dans ces services.
Afin d’uniformiser les pratiques la SFPC a proposé en 2018 un modèle intégratif de la pharmacie clinique(33). Il a pour but d’améliorer la pertinence, la robustesse, la reproductibilité et l’impact médico-économique de ces activités sur le territoire français. Il évoque également le principe de priorisation de ces activités selon une analyse de risques personnalisée pour chaque patient et a pour objectif de faciliter sa réalisation dans le parcours de soin. Ces recommandations nationales sont basées sur un processus unique quel que soit le type d’activité envisagé (figure 6).

PLACE DE LA PHARMACIE CLINIQUE DANS LES ESSAIS CLINIQUES

Comme évoqué précédemment (§I.B.5), les actions de pharmacie clinique introduites par l’ordonnance 2016-1729(1), et précisées par le décret 2019-489(2) doivent également être menées dans le cadre des EC. En plus de la nécessité réglementaire de leur mise en place, l’intérêt de ces activités dans le cadre de la RIPH paraît considérable, d’une part car il s’agit de patient ayant des risques iatrogéniques importants (polymédication(6), pathologie à risque, échec thérapeutique…), et ce d’autant plus dans le cadre d’EC en oncologie(5) ; et d’autre part, car les connaissances sur les médicaments expérimentaux (ME) sont restreintes, et particulièrement, en ce qui concerne les toxicités et les interactions attendues. Enfin, elles ont un rôle essentiel dans la sécurité du patient et son adhésion au traitement(41), qui sont des clés du bon déroulement et de la pertinence des résultats de l’EC.

Recommandations

Cet intérêt est appuyé par la présence de recommandations quant à la mise en place de ces activités dans la RIPH et la priorisation de celles-ci pour des patients dont le profil de risque iatrogénique est comparable à ceux inclus dans les EC.
La HAS recommande notamment la mise en place de la conciliation médicamenteuse à l’inclusion des patients dans un essai clinique en oncologie(4), afin de prévenir l’inclusion à tort et les biais dans l’analyse des résultats. Elle interpelle également sur l’attention particulière qui doit être portée, aux médicaments faisant l’objet d’un protocole de recherche dans la conciliation médicamenteuse dans les établissements de santé(3).
En outre, les BPC préconisent aux pharmaciens d’expliquer à la personne se prêtant à la recherche clinique, les modalités d’utilisation du médicament expérimental et de vérifier à intervalle régulier que les instructions sont bien suivies. Ce point est accentué par les recommandations de la SFPO dans le cadre d’essais cliniques en cancérologie(42), qui conseille que les missions d’information du patient sur le ME soient déléguées au pharmacien expert en pharmacie oncologique notamment par le biais de consultation pharmaceutique. Elle recommande également de privilégier la mise en place des consultations, dans le cadre de la dispensation de médicaments à statut particulier comme les médicaments expérimentaux(39).
Ces recommandations visent donc, respectivement, à la mise en place de bilan de médication, et de plan de soin personnalisé comprenant entre autres des EP individualisés. Même si, il n’existe pas à ce jour de guidelines françaises spécifiques(43) à la RIPH concernant la mise en place des activités de pharmacie clinique, le modèle intégratif proposé par la SFPC(33) paraît utilisable. Il est en revanche nécessaire de l’adapter aux particularités règlementaires des RIPH, et au parcours spécifique du patient dans celle-ci.
En effet, comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis(44), au Royaume-Uni(45) et en Australie(46) où la pharmacie clinique est plus développée, le pharmacien doit avoir une place prépondérante dans la prise en charge médicamenteuse du patient participant à une recherche clinique. Ses connaissances et son expertise, pourraient permettre d’améliorer l’efficience de cette prise en charge, nécessaire au bon déroulement et à l’analyse des résultats d’un EC. Des travaux récents incitent en ce sens les pharmaciens hospitaliers à réaliser ces actions de pharmacie cliniques dans le cadre d’essais cliniques et principalement en oncologie. Ils mentionnent l’apport majeur du pharmacien, dans la réalisation des bilans de médication obligatoire, fait actuellement dans la plupart des centres par l’investigateur, l’attaché de recherche clinique voir des infirmières(47). Et, ils proposent également pour les patients inclus dans un essai clinique en oncologie(48), une approche comprenant :
(1) L’évaluation des risques médicamenteux liés au protocole .
(2) Un entretien avec le patient pour effectuer un bilan de médication.
(3) La formulation de recommandations concernant les médicaments sur la base de l’analyse des conclusions du bilan précédemment réalisé.
(4) Le rendu de ces conclusions dans le dossier médical sous forme de guides médicamenteux personnalisés, à destination des autres professionnels de santé pour prévenir et évaluer les interactions médicamenteuses.

Pratiques courantes

A l’heure actuelle, une partie de ces activités, dont notamment le premier niveau de prestation, est déjà réalisée depuis de nombreuses années par le pharmacien responsable du secteur EC et son équipe. L’acte de dispensation dans son intégralité, est déjà effectué dans la majorité des établissements hospitaliers. Il comprend l’analyse pharmaceutique, la préparation des doses à administrer et la mise à disposition des informations et des conseils nécessaires au bon usage du ME.
Cependant, l’intégration d es nouvelles activités est très complexe à cause du parcours spécifique et déjà très encadré du patient, mais également en raison des faibles ressources pharmaceutiques allouables à ce type d’activité. Les activités pharmaceutiques déjà existantes et nécessaires au bon déroulement des EC sont en constante augmentation et entrainent déjà une charge de travail importante par rapport aux effectifs disponibles.
A notre connaissance, bien que la mise en place des autres types d’activité de pharmacie clinique soit recommandée dans le cadre de la RIPH, celles-ci sont très peu développées en France. Nous n’avons retrouvé dans la littérature que deux projets impliquant ce type d’activité et exclusivement en oncologie. D’abord un projet de mise en place de la conciliation médicamenteuse dans les EC dans un centre de lutte contre le cancer(49). Et ensuite la mise en place systématisée, dans un établissement de santé, d’entretien pharmaceutique lors de l’initiation de chimiothérapie expérimentale orale(50). Cela peut s’expliquer par l’introduction récente de ces activités dans la législation et l’absence de recommandations générales spécifiques à la recherche clinique. On remarque notamment que la mise en place de ces activités a été réalisée dans le cadre des recommandations spécifique à l’oncologie(4,39).
Afin de mettre en place ces nouvelles activités, on peut donc s’appuyer sur le modèle intégratif de la SPFC ainsi que sur les expériences d’autres pays ayant déjà mis en place des programmes de pharmacie clinique dans le cadre de la recherche clinique(41,44–48).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
I) NOTIONS ET GENERALITES
I.A) LA RECHERCHE IMPLIQUANT LA PERSONNE HUMAINE (RIPH)
I.A.1) Définition
I.A.2) Réglementation de la recherche clinique et son historique
I.A.1) Les différentes catégories de la RIPH
I.B) LES ESSAIS CLINIQUES CONCERNANT UN MEDICAMENT EXPERIMENTAL
I.B.1) Notions Générales
I.B.2) Les différents acteurs
I.B.3) Le parcours du patient inclus dans un essai clinique
I.B.4) Place du Pharmacien dans la RIPH
I.B.5) Organisation à l’hôpital de la Timone
I.C) LA PHARMACIE CLINIQUE EN FRANCE
I.C.1) Historique et définitions
I.C.2) Intérêt et pratique actuelle
I.D) PLACE DE LA PHARMACIE CLINIQUE DANS LES ESSAIS CLINIQUES
I.D.1) Recommandations
I.D.2) Pratiques courantes
II) MISE EN PLACE D’ACTIVITE PHARMACIE CLINIQUE AU SEIN D’UN CENTRE D’ESSAI DE PHASE PRECOCE : RETOUR D’EXPERIENCE
II.A) ETATS DES LIEUX
II.A.1) Secteur EC de la PUI
II.A.2) Le CEPCM
II.B) PROJET INITIAL
II.C) MISE EN PLACE
III) RETOUR D’EXPERIENCE INTERET DES ACTIVITES DE PHARMACIE CLINIQUE AU SEIN D’UN CENTRE D’ESSAIS CLINIQUES DE PHASE PRECOCE EN CANCEROLOGIE ET SATISFACTION DES PARTICIPANTS
IV) DISCUSSION
V) CONCLUSION ET PERSPECTIVES
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *