Phytodisponibilité des éléments traces dans les sols
Phytodisponibilité des éléments traces dans les sols – généralités
Les sols sont naturellement riches en éléments qui proviennent de l’héritage géologique et de la pédogénèse. Ces éléments peuvent être classés en deux catégories : les éléments majeurs et les éléments traces. Les éléments majeurs sont au nombre de 12 (oxygène (O), silicium (Si), aluminium (Al), fer (Fe), calcium (Ca), sodium (Na), potassium (K), magnésium (Mg), titane (Ti), hydrogène (H), phosphore (P) et manganèse (Mn)) et constituent 99,4 % en masse de la croute terrestre. Dans les sols, on les trouve généralement à des concentrations moyennes supérieures à 100 mg.kg-1. Les éléments traces sont au nombre de 68 (parmi lesquels nous pouvons citer le chlore (Cl), le nickel (Ni), Cu, Pb ou encore Zn) et ne représentent, à eux tous, que 0,6 % en masse de la croute terrestre. A l’inverse des éléments majeurs, leur concentration moyenne dans les sols n’excède pas 100 mg.kg-1 (Adriano 2001; Hooda 2010; Alloway 2013).
Le terme « éléments traces » (ET) regroupe indistinctement les métaux, les métalloïdes et les non-métaux, quelle que soit leur fonction dans le système sol – plante – animal. Il se substitute depuis quelques années au terme « métaux lourds » dont la classification faisait débat étant donné son emploi pour certains métaux (potentiellement) toxiques qui ne sont pas « lourds » (comme Zn par exemple) ou pour certains éléments toxiques non métalliques (comme l’arsenic (As) qui est un métalloïde ; Miquel et al. 2001 ; Hooda 2010).
Origine et teneurs des éléments traces dans les sols
Dans un horizon de sol donné, les concentrations naturelles en ET constituent le fond pédogéochimique naturel local (Doelsch et al. 2006a). Diverses sources naturelles d’ET peuvent conduire à une augmentation de cette concentration. Par exemple, les éruptions volcaniques émettent de grande quantité de Cu, mercure (Hg), Ni, Pb et Zn. Quant aux vents chauds provenant des régions désertiques comme le Sahara, ils sont source de chrome (Cr), Ni, Pb et Zn (Nagajyoti et al. 2010). D’autres sources, d’origines anthropiques, participent également à l’enrichissement des sols en ET. Les retombées atmosphériques liées aux activités industrielles (incinération de déchets, poussières industrielles, etc.) et aux trafics urbains sont sources de cadmium (Cd), Pb, étain (Sn) et Zn. Les exploitations minières constituent également des sources d’éléments variés : les stériles, générés après extraction de l’or par exemple, sont riches en Cu, Hg, Pb et Zn.
Certains intrants agricoles classiquement utilisés comme les engrais minéraux, les produits phytosanitaires ou les produits résiduaires organiques sont sources de Cd, Cr, Cu, Hg, Pb et Zn (Antwi-Agyei 2009; Nagajyoti et al. 2010; Zhou et al. 2013; Romeo et al. 2014). Une récente étude a ainsi révélé que Cu et Zn sont les deux ET les plus apportés sur les sols agricoles français, avec des apports annuels moyens de 4869 t et 15190 t respectivement (Belon et al. 2012). Contrairement aux micropolluants organiques, les ET ne sont soumis à aucun phénomène de dégradation. Ils présentent également la particularité d’être relativement peu sujets aux transferts verticaux vers les aquifères. Ils ont donc tendance à s’accumuler dans les sols.
Deux catégories d’éléments traces : essentiels ou non-essentiels Les ET peuvent être classés en deux catégories (Baize 1997; Appenroth 2010). La première catégorie regroupe les ET essentiels pour les plantes, faisant partie de la famille des oligo-éléments. Ce sont le bore (B), Cu, le cobalt (Co) (pour les légumineuses), le molybdène (Mo), Ni et Zn. Ces ET sont dits essentiels car ils participent à de nombreux processus physiologiques (Nagajyoti et al. 2010). Le bore, par exemple, entre en jeu dans les processus de division cellulaire et de synthèse des protéines et est un acteur de la migration des sucres dans la plante. Le molybdène, quant à lui, est un élément essentiel pour la fixation de l’azote et la formation des enzymes (Moore 2001). Ces éléments sont importants pour le bon développement de la plante et doivent être apportés à une concentration optimale.
En deçà d’une concentration critique basse, le métabolisme cellulaire peut être perturbé, provoquant une déficience. A l’inverse, si la concentration apportée dépasse la concentration critique haute, l’ET devient phytotoxique (Figure 1A). Dans les deux cas extrêmes, les conséquences sont la perte des différentes fonctions physiologiques et la mort de la plante. La seconde catégorie est constituée d’ET uniquement toxiques. On y retrouve, entre autres, Cd, Hg, Pb et Sn. Ces éléments ne présentent aucune fonction pour l’organisme végétal et peuvent seulement être toxiques. Le cadmium par exemple, présente des similitudes avec certains éléments essentiels (Zn ou Fe entre autres) et il est supposé qu’il entre facilement dans la plante en empruntant les mêmes transporteurs que ces derniers (Krzesłowska et al. 2004; Wójcik et al. 2005). Au-delà d’une concentration seuil, ils conduisent à une inhibition de la croissance et peuvent entrainer des dommages irréversibles conduisant à la mort de la plante (Figure 1B ; Nagajyoti et al. 2010).
Composition chimique des parois apoplasmiques
Comme cela a été décrit dans la précédente partie, les parois apoplasmiques sont principalement formées de microfibrilles de cellulose (mesurant 30 nm de diamètre en moyenne, Caffall and Mohnen 2009), qui constituent le cadre mécanique des parois, et d’une matrice (mélange d’hémicelluloses, de pectines, de lignines, etc.) qui forme des liaisons transversales entre les microfibrilles (Sarkar et al. 2009). Tous ces composés sont synthétisés à la surface des cellules (Figure 8 ; Gibeaut and Carpita 1994). Les microfibrilles de cellulose sont formées par l’association de longues chaînes linéaires de résidus de β-D-glucose. La cellulose est le polysaccharide le plus abondant dans les parois cellulaires. Elle représente entre 15 et 30 % de la matière sèche des parois primaires et entre 35 et 50 % de la matière sèche des parois secondaires (Gibeaut and Carpita 1994; Vogel 2008). Les hémicelluloses sont une famille de composés chimiquement très variés qui regroupe l’ensemble des polysaccharides qui ne sont ni cellulosiques, ni pectiques. Les polymères hémicellulosiques s’associent aux microfibrilles de cellulose par des liaisons non covalentes et leur permettent d’être reliées les unes aux autres (Caffall and Mohnen 2009). Elles peuvent également se lier aux pectines. On les retrouve à la fois dans les parois primaires et secondaires.
Les pectines constituent les macromolécules pariétales les plus diversifiées (Carpita and Gibeaut 1993). Elles regroupent des polysaccharides hétérogènes complexes, riches en résidus acide galacturonique. Parmi ces polysaccharides, on trouve principalement les homogalacturonanes et les rhamnogalacturonanes de type I et II (constituants les chaînes principales) ; d’autres polysaccharides tels que les galactanes et les arabinanes forment généralement les chaînes latérales. Ces composés ont la particularité de pouvoir s’organiser en gel par l’intermédiaire de pontages (souvent réalisés par du Ca) entre deux chaînes d’acides galacturoniques (Figure 9). Les pectines sont essentiellement présentes dans la paroi primaire, on les trouve en très faible proportion dans la paroi secondaire.
Elles vont déterminer la porosité des parois et participer à la régulation du pH et de l’équilibre ionique grâce à leurs groupements carboxyliques non méthylés (Carpita and Gibeaut 1993; Blamey 2003). Les lignines sont des polymères phénoliques formés par copolymérisation de trois types d’alcools aromatiques nommés monolignols (alcools coumarylique, coniférylique et sinapylique ; Hatfield et Vermerris 2001). Le processus de lignification se produit lors de la formation de la paroi secondaire (Gibeaut and Carpita 1994). La lignine va s’incruster dans les trois couches pariétales, assurant ainsi une rigidité à l’ensemble et empêchant la dégradation des polysaccharides pariétaux. On trouve également dans la paroi primaire des protéines (de structure ou enzymatiques) qui participent à son élaboration, son remodelage et à la défense contre les agents pathogènes (Cassab 1998; Caffall and Mohnen 2009).
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Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Introduction
1ère partie
Chapitre 1 : Phytodisponibilité des éléments traces dans les sols – généralités
I.Origine et teneurs des éléments traces dans les sols
II.Deux catégories d’éléments traces : essentiels ou non-essentiels
III. Toxicité des éléments traces
III.1. Fraction phytodisponible
III.2. Phytotoxicité des éléments traces
Chapitre 2 : Caractérisation expérimentale des interactions physico-chimiques éléments traces – racines
I.Transfert racinaire des éléments traces
I.1. Les voies apoplasmiques et symplasmiques
I.2. Localisation des éléments traces dans les racines
II.Le compartiment apoplasmique
II.1. La lamelle moyenne et les parois apoplasmiques
II.2. Composition chimique des parois apoplasmiques
II.3. Capacité de complexation de l’apoplasme racinaire
III. Les membranes plasmiques
III.1. Composition chimique des membranes plasmiques
III.2. Capacité de complexation des membranes plasmiques
Spéciation des éléments traces dans les racines
Chapitre 3 : Modélisation des interactions éléments traces – racines
I.Le modèle électrostatique
I.1. Principales hypothèses et applications
I.2. Principales limites
II.Les modèles de complexation
II.1. Principales hypothèses communes
II.2. Le TBLM
II.3. Les modèles basés sur les substances humiques
II.4. Limites des modèles de complexation
Chapitre 4 : Objectifs et stratégies de recherche
I.Hypothèse de travail
II.Objectifs
III. Modèles expérimentaux
III.1. Le cuivre : élément trace modèle
III.2. La tomate et le blé : espèces végétales modèles
Approches expérimentales et modélisation
2ème partie
Chapitre 5 : Origine des propriétés de complexation des racines
I.Introduction
II.Material and methods
II.1. Plant growth
II.2. Isolation of root cell walls
II.3. Determination of the cation exchange capacity of roots and cell walls
II.4. Characterization of the acidic properties of roots and cell walls by potentiometric titration
II.5. Identification of the chemical structure of roots and cell walls by solid-state 13C-NMR spectroscopy
III. Results
III.1. Loss of mineral elements during the isolation procedure
III.2. Cation exchange capacity of roots and cell walls
III.3. Acidic properties of roots and cell walls
III.4. 13C-NMR spectra of roots and cell walls
IV.Discussion
IV.1. Efficiency of the cell wall isolation procedure
IV.2. Limited contribution of cell walls to the total binding capacity of roots
IV.3. Distinct acidic properties of roots and cell walls related to the chemical nature of binding sites
Conclusion
Chapitre 6 : Rôle des acides aminés dans la complexation du cuivre au sein du continuum parois apoplasmiques – membranes plasmiques
I.Introduction
II.Material and methods
II.1. Plant growth and isolation of root cell walls
II.2. Experimental batches of copper sorption on roots and cell walls
II.2.a. Experiment 1
II.2.b. Experiment 2
II.2.c. Experiment 3
II.3. Copper speciation in roots and cell walls by X-ray absorption spectroscopy
II.4. Identification of Cu binding functional groups by NMR
II.5. Modeling copper sorption on roots, cell walls and plasma membranes
III. Results
III.1. Copper speciation in roots and cell walls
III.2. Identification of functional groups involved in Cu binding by 13C-NMR
III.3. Modeling the acidic properties of roots, cell walls and plasma membranes
III.4. Copper sorption on roots, cell walls and plasma membranes
III.5. Modeling copper sorption on roots, cell walls and plasma membranes
IV.Discussion
IV.1. Dual copper coordination with carboxyl and amine groups
IV.2. High-affinity copper complexation
IV.3. Relative contribution of cell walls and plasma membranes
IV.4. Interspecific comparison
IV.5. The HLScale under-estimates the contribution of amino acids
Conclusion
Supporting information
3ème partie
Chapitre 7 : Développement d’un modèle de prédiction de la complexation du cuivre dans les racines
I.Introduction
II.Experimental approach
II.1. Plant root material
II.2. Potentiometric titration
II.3. Copper sorption experiments
III. Modeling approach
IV.Results and discussion
IV.1. Ability of WHAM-THP to predict root acidic properties
IV.2. Ability of WHAM-THP to predict copper binding on roots
IV.2.a. Root copper binding affinity
IV.2.b. Influence of ionic strength
IV.2.c. Proton competition
IV.2.d. Calcium and zinc competition
IV.3. Perspectives for the application of WHAM-THP in predictive ecotoxicology .
Supporting information
Conclusion et perspectives
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