Physique de la couronne solaire
Si lโatmosphรจre solaire est vue comme une sphรจre symรฉtrique (i.e. plan parallรจle), alors la couronne solaire est la partie extรฉrieure de lโatmosphรจre solaire au dessus dโune certaine altitude ou dโune certaine tempรฉrature. Mais en fait la couronne est loin dโรชtre homogรจne et le modรจle prรฉcรฉdant sera prรฉcisรฉ par rapport ร ses structures. Comme nous allons le voir lโaspect de la couronne et son activitรฉ sont commandรฉs par le champ magnรฉtique. La comprรฉhension de sa physique nรฉcessite quelques rappels sur la structure du soleil et sur les plasmas dans les champs magnรฉtiques.
Le soleil et son champ magnรฉtique
La proximitรฉ de la Terre vis ร vis du Soleil a permis dโobtenir sur cette รฉtoile moyenne (de type G2V) des connaissances sur ses structures spatiales. Lโintรฉrieur du Soleil se compose dโun noyau chauffรฉ par les rรฉactions thermonuclรฉaires. Selon les densitรฉs, lโรฉnergie est transmise de maniรจre radiative ou convective. La structuration de ces zones est connue grace aux ondes qui sโy propagent (hรฉliosismologie).
Lโatmosphรจre du Soleil se compose de couches structurรฉes de la maniรจre suivante:
โ La photosphรจre : cโest la surface visible du soleil avec une tempรฉrature voisine de 5800K.
โย La chromosphรจre : elle se situe au dessus de la photosphรจre et sโobserve en Hฮฑ
โ La rรฉgion de transition : cโest une rรฉgion intermรฉdiaire oรน la tempรฉrature croit trรจs fortement sur une faible โรฉpaisseurโ. Son รฉtude permet de faire le lien entre les mesures du champ magnรฉtique photosphรฉrique et les structures coronales.
โ La couronne solaire : Observable pendant longtemps uniquement pendant les รฉclipses โoรน la Lune cache la photosphรจre 10โถ fois plus brillante en visibleโ, elle tire son nom de son aspect (Fig. II.1). La spectromรฉtrie a montrรฉ une tempรฉrature trรจs รฉlevรฉe de plusieurs millions de degrรฉs pour certaines de ces activitรฉs. Les processus physiques formant de telles tempรฉratures sont encore sujets ร de nombreuses interrogations.
Le champ magnรฉtique joue un role important dans lโatmosphรจre solaire. Parmi les structures de la photosphรจre, les taches solaires sont des parties refroidies (3800K) par le champ magnรฉtique important qui bloque les mouvements convectifs subphotosphรฉriques. La variation du nombre de taches solaires ([87]) selon un demi-cycle de 11ans ([213]) se conjugue avec une migration de mรชme periodicitรฉ de ces taches en latitude de lโรฉquateur (au minimum de lโactivitรฉ) vers les poles ([44]).
La pรฉriode de rotation des taches solaires est de 26,24 jours ร lโรฉquateur et augmente avec la latitude : cela induit une rotation diffรฉrentielle .
Les taches apparaissent par paires [99]. La force de Coriolis via lโeffet dynamo (oรน le champ magnรฉtique toroidal se conjuge avec le champ poloidal) forme les โcordes magnรฉtiques emergentesโ [66]. Des travaux rรฉcents (par exemple [235]) semblent montrer que le stockage des champs magnรฉtiques toroidaux intervient dans la zone ร lโintรฉrieur du Soleil oรน la rotation differentielle รฉgale la rotation rigide et correspond aux latitudes dโรฉmergences des taches (rรดle de la tachocline). Nous reviendrons lร dessus pour discuter de la morphologie des boucles coronales โฆ (Fig. II.3). Dโautres structures photosphรฉriques sont observables telles que les plages, les granules (diamรชtre 1000km, durรฉe de vie 8mn) et supergranules (diamรชtre 30000-35000km, durรฉe de vie 20h -[210]-). Ces 2 derniรจres structures traduisent le โbouillonnementโ convectif de zones plus internes qui transporte ainsi lโรฉnergie des rรฉactions nuclรฉaires vers lโexterieur. Dans la chromosphรจre, des protubรฉrances brillantes dรฉpassant du bord du soleil suivent les lignes de neutralitรฉ du champ magnรฉtique et correspondent ร des filaments sombres lorsquโils sont vus sur le disque. Des spicules de durรฉe de vie de 5mn et de diamรชtre de 500-1500km, et un rรฉseau chromosphรฉrique (de diamรชtre 30000-35000km et de temps caractรฉristique 20h) composรฉ de mottes -brillantes ou sombres- et fibrilles sont aussi classiquement observรฉs ([210]).
La physique de la couronne et de la rรฉgion de transition
La couronne solaire , un milieu trรจs chaud de plusieurs millions de K, ย se dรฉcompose classiquement en 4 partiesย :
โ La couronne K (continue) causรฉe par la diffusion Thomson du rayonnement photosphรฉrique sur les รฉlectrons coronaux rapides.
โ La couronne F (de Fraunhofer) est le rรฉsultat de la diffusion de la lumiรจre photosphรฉrique par les poussiรจres interplanรฉtaires (entre Mercure et la Terre).
โ La couronne E (รฉmission) provient de lโรฉmission de la radiation des particules hautement ionisรฉes de la couronne
โ La couronne T (thermale), principalement observable en InfraRouge, est de la poussiรจre interplanรฉtaire chauffรฉe. Il sโagit de la mรชme poussiรจre que celle qui produit la composante F coronale.
La couronne que nous analyserons en dรฉtail est la partie chaude qui รฉmet en UV et en X. A cause des tempรฉratures รฉlevรฉes, les longueurs dโondes ultraviolettes sont particuliรจrement bien adaptรฉes ร lโimagerie de la couronne solaire. Le rapport de transitions de raies permet de calculer les tempรฉratures et les densitรฉs des diffรฉrentes structures .
Prรฉsentation des instruments utililisรฉ
Le satellite SOHO : SOlar Heliospheric Observator
Le lancement du satellite SOHO (SOlar Heliospheric Observatory, Fig. II.7) en dรฉcembre 1995 a fourni un nouvel outil performant pour mieux comprendre le Soleil. Les 12 instruments qui se trouvent ร son bord profitent du positionnement au point de Lagrange L1 Terre-Soleil pour observer de maniรจre continue divers aspects de notre รฉtoile. Lโhรฉliosismologie, lโรฉtude de lโatmosphรฉre extรฉrieure du soleil, et la mesure du vent solaire in situ au niveau du satellite sont les 3 composantes principales de la missio
Parmi les instruments nous nous servirons de MDI pour รฉtudier le champ magnรฉtique, dโEIT pour imager les structures coronales, de CDS pour observer les variations spatiales en tempรฉrature des structures รฉventuellement des coronographes LASCO et du spectrocoronographe UVCS pour comprendre les structures coronales รฉtendues. Des relations avec dโautres instruments de SOHO seront รฉventuellement รฉvoquรฉes le moment venu. Comme nous allons principalement utiliser SOHO/EIT et mettre en oeuvre de nouveaux outils adaptรฉs ร cet imageur EUV, une description sโimpose.
Lโinstrument EIT (Extreme ultraviolet Imaging Telescope, Fig. II.8) image en 4 longueurs dโondes centrรฉes respectivement sur 171 ร (Fe IXโX), 195 ร (Fe XII), 284 ร (Fe XV), 304 ร (He II) la couronne solaire.
Les autres instruments utilisรฉs
Les observations multi-longueurs dโondes sont nรฉcessaires pour dรฉterminer les paramรจtres physiques des rรฉgions รฉtudiรฉes. Sans dรฉcrire en dรฉtail les instruments, nous prรฉcisons quels sont leurs apports dans notre รฉtude.
1. Disques en lumiรจre โBlancheโ : Lโobservation de la photosphรจre (Big Bear Solar Observatory -BBSO-, Le Grand Equatorial Coudรฉe de lโobservatoire de Nice,…) permet de dรฉcrire la morphologie des taches solaires (e.g. configuration en ฮด,…) .
2. Disques en filtres spรฉcifiques :
(a) Hal pha : Filaments et protubรฉrances sont mis en รฉvidence ร ฮป = 6563A (e.g. Bass 2000, BBSO,…)
(b) He I : La raie He I ร ฮป = 10830A trace les trous coronaux (CH) depuis le sol car son mรฉcanisme de formation met en jeu le rayonnement coronal qui vient de la couronne vers la chromosphรจre [210]. (Exemple : Observatoire de Kitt Peak) .
3. Magnรฉtogrammes : Les magnรฉtogrammes permettent de dรฉterminer lโimportance, la polaritรฉ et la structure du champ magnรฉtique photosphรฉrique. (Exemple : Na ฮป = 5896A et Fe ฮป = 5250A au Mont Wilson, …).
A bord de SOHO, MDI dispose dโune rรฉsolution de 4 arcsec ([79]) ce qui permet des modรฉlisations โforce freeโ des lignes de champs dโune rรฉgion active. De plus, lโobservation des polaritรฉs des rรฉgions magnรฉtiques renseigne sur les possibilitรฉs dโinteractions.
4. Radio : Les observations radio ร 17GHz du Nobeyama Radio Observatory permettent de distinguer entre les protubรฉrances (en sombres sur le disque [96]) et les trous coronaux โCHโ (brillants [97]) qui sont tous deux sombres en UV.
Nous verrons ulterieurement que la comparaison avec le radiotรฉlescope de Metsรคhovi ร 87GHz permet de mieux comprendre la structuration des trous coronaux.
5. Les imageurs UV
(a) SOHO/CDS Sur le satellite SOHO, le spectro-imageur CDS mesure les tempรฉratures et les densitรฉs coronales ร partir dโimages simultanรฉes en plusieurs longueurs dโondes UV ([79]). Lโutilisation simultanรฉe de son canal ร incidence normale et dโEIT permet dโavoir une gamme complรจte de tempรฉrature entre 10โต et 10โถ K (Fig. II.12) et de suivre lโรฉvolution de la morphologie dโune structure en fonction de sa tempรฉrature. (cf. par exemple le chapitre sur les boucles).
(b) Le satellite TRACE Par rapport ร EIT, lโinstrument TRACE (Transition Region And Coronal Explorer, [236]) grace ร sa forte rรฉsolution (entre 0.5 et 1 arcsec /pixels) est capable en UV dโagrandir certaines rรฉgions son champ de vue รฉtant 8:5 8:5 arcmin (avec une CCD 1024 X 1024 refroidie ร -65C). Les longueurs dโondes dโobservations de Trace sont les 3 mรชmes raies coronales quโEIT (Fe IX/X, Fe XII, Fe XV), plus la rรฉgion de transition (1550 ร
), la chromosphรจre (1700 ร
, 1216 ร
), et la photosphรจre (2500 ร
).
Pour observer le soleil entier, TRACE est obligรฉ de faire une mosaique โcโest ร dire des prises successives dโimages en changeant le cadrageโ. Aprรจs avoir repรฉrรฉ sur EIT les rรฉgions dโintรฉrets, cet instrument permet de regarder en dรฉtail les structures ร petites รฉchelles (par exemple les dรฉtails dans les boucles).
Un exemple dโobservation multi-longueurs dโonde avec SOHO/EIT
A titre dโexemple nous allons analyser quelles sont les activitรฉs prรฉsentes le 27 novembre 1998 (Fig. II.13) au niveau de la couronne.
1. Rรฉgions Actives :
Correspondant aux taches solaires photosphรฉriques, elles apparaissent comme bipolaires sur les magnรฉtogrammes (AR4). Sur EIT, souvent des tubes de plasma confinรฉs par le champ magnรฉtique rejoignent ces bipolaritรฉs et forment des โboucles coronalesโ (AR3). Elles ont tendance ร sโetaler avec le temps (AR1, AR2, AR5).
2. Les Trous Coronaux :
Il sโagit de rรฉgions correspondant ร des champs magnรฉtiques ouverts, le plasma sโรฉchappant apparait sombre en UV et brillant sur les cartes radio de Nobeyama. Gรฉnรฉralement polaires (CH1, CH2) ils peuvent aussi รชtre quelquefois prรฉsents ร basse latitude.
3. Les Filaments ou Protubรฉrances :
Ce materiel plus froid est visible en Hฮฑ comme sombre sur le disque (on parle alors de filament โFC1โ) ou brillant sur le limbe solaire (on parle alors de protubรฉrance). En fait, il sโagit du mรชme objet โcf FC2โ dรฉnommรฉ diffรฉrement par les observateurs pour des raisons historiques.
Le champ magnรฉtique se manifeste de nombreuses autres maniรจres que nous analyserons le moment venu.
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Table des matiรจres
I Introduction
I.1 Motivation de la thรจse dans le cadre actuel de la physique solaire : situation de la question
I.2 Etapes de travail
I.3 Plan de thรจse
II Notions Gรฉnรฉrales Requises
II.1 Physique de la couronne solaire
II.1.1 Le soleil et son champ magnรฉtique
II.1.2 La physique de la couronne et de la rรฉgion de transition
II.1.3 Rappels de physique des plasmas et MHD
II.2 Instrumentation et utilisation des donnรฉes
II.2.1 Prรฉsentation des instruments utililisรฉs
II.2.2 Les autres instruments utilisรฉs
II.2.3 Un exemple dโobservation multi-longueurs dโonde avec SOHO/EIT
III Techniques dโimageries spรฉcifiques
III.1 Imagerie EIT
III.1.1 Mise en place du catalogue dโimages
III.1.2 Dรฉgrillage
III.2 Vision multi-รฉchelles basรฉe sur une transformation en ondelettes
III.3 Vision 3D : Gรฉnรฉralitรฉs
III.3.1 Problรฉmatique
III.3.2 Le โ3D par coucheโ
III.3.3 Principe de la vision en relief : โ3D par diffรฉrence dโangleโ : Methodes stรฉrรฉoscopiques et Anaglyphes
III.4 Vision 3D (2รจme partie) : reconstructions stรฉrรฉographiques
III.4.1 Structures visionnรฉes par stรฉrรฉovision avec un modรจle ร priori
III.4.2 Limitations actuelles des reconstructions par inversion stรฉrรฉographique
III.4.3 Problรจmes et contraintes de la stรฉrรฉovision
III.5 Vision 3D : Conclusion sur les mรฉthodes stรฉrรฉo
IV Les Boucles Coronales
IV.1 Diffรฉrents types de boucles
IV.2 Les boucles EUV : des maillons intermรฉdiaires pour comprendre le chauffage coronal
IV.2.1 Les diffรฉrents comportements des boucles EUV
IV.2.2 Durรฉe de vie des tubes de flux et des boucles
IV.2.3 Aspect des boucles : Torsadage, Cisaillement, Gauchissement
IV.2.4 Hรฉlicitรฉ et รฉnergie
IV.3 Etude des boucles EUV
IV.3.1 Des boucles EUV circulaires
IV.3.2 Role du torsadage pour les boucles coronales
IV.3.3 Quelques exemples
IV.4 Conclusion et liens รฉventuels dans les phรฉnomรจnes รฉnergetiques
V Diverses structures coronales
V.1 Rรฉgions ouvertes et fermรฉes
V.2 Comparaison UV/Radio
V.3 Stabilitรฉs des structures
V.3.1 Evolutions
V.3.2 Filaments รฉruptifs
V.4 Une vision globale de ces รฉtudes sur la couronne solaire
VI Conclusion