Physique de la capillarité : Young- Laplace, Young-Dupré et Kelvin

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Conceptualisation du phénomène

Selon la théorie la plus classique, l’altération est due à la contrainte mécanique exercée par les cristaux de sel lors de leur croissance contre les surfaces du pore (e. g. Wellman et Wilson, 1965 ; Cooke et Smalley, 1968 ; Goudie et Viles, 1997 ; Benavente et al., 1999; Scherer, 1999 ; Rodriguez-Navarro et Doehne, 1999 ; Steiger, 2005a, b ; Shahidzadeh et al., 2010), cette contrainte pouvant dépasser localement la résistance du matériau conduisant à sa rupture. En surface les sels ne sont pas confinés et ne peuvent donc pas exercer de contraintes.
Depuis plus d’un siècle, de nombreux travaux expérimentaux montrent qu’en grandissant, un cristal peut exercer une pression contre une surface (e. g. Birot, 1954 ; Taber, 1916 ; Correns, 1949 ; Desarnaud et al., 2016), mais les expériences ne sont pas toujours reproductibles. (Desarnaud et al., 2013b). L’altération des roches par le sel est traditionnellement attribuée à ce mécanisme, purement physique, le sel ne réagissant pas chimiquement avec la matrice porale. Cependant, la nature du couplage chemo-mécanique entre la cristallisation du sel et la contrainte reste toujours une question ouverte, ainsi que les facteurs qui les contrôlent.
A l’échelle du pore : modèle classique de pression de cristallisation
Expression de la contrainte
Lavalle (1853), puis Becker and Day (1905), et Correns et Steinborn (1939) mettent en évidence expérimentalement qu’un cristal peut exercer une contrainte mécanique contre une surface pendant sa croissance. Un cristal immergé partiellement dans une solution qui s’évapore peut pousser verticalement même s’il supporte une charge. Correns et Steinborn (1939) introduisent la notion de pression de cristallisation, qui serait la pression exercée par un cristal lors de sa croissance dans une solution sursaturée vis-à-vis de ce cristal. Le moteur de la croissance d’un cristal est le degré de sursaturation S = c/cs, , rapport entre la concentration de la solution c et la concentration à l’équilibre avec le cristal cs (saturation). Si ce cristal atteint une surface solide, le cristal exercerait une pression mécanique Pc contre cette paroi, proportionnelle au degré de sursaturation c/cs. Ainsi, pour une solution idéale et un monocristal de volume molaire VM, la pression de cristallisation Pc serait : ln (1) avec R la constante des gaz parfaits et T la température en degrés Kelvin.
Cette formule utilise la molalité et donc n’est valable que pour les solutions idéales. La formule corrigée utilise les activités qui exprime la quantité thermodynamique efficace de solutés. Pour une phase anhydre (Steiger, 2005a) : ln (2)
avec a et as respectivement les produits des activités ioniques de la solution sursaturée dans laquelle pousse le cristal et le produit des activités ioniques à l’équilibre. Pour les phases hydratées, Steiger (2005a) intègre l’activité de l’eau aw (Steiger, 2005a)ʋ lnln (3) avec aw et aws respectivement les produits des activités de l’eau dans la solution sursaturée dans laquelle pousse le cristal et le produit des activités de l’eau à l’équilibre. ʋ correspond au le nombre de molécules d’eau dans la formule du sel hydraté.
Le concept est repris à l’échelle du pore pour expliquer les dégradations liées au sel. (e. g. Flatt, 2002 ; Scherer, 2004 ; Steiger, 2005ab ; Coussy, 2006). Les cristaux grandissent dans les pores jusqu’à atteindre les surfaces, contre lesquelles ils exercent une contrainte supérieure à la résistance locale du matériau. Pour que le cristal puisse continuer à pousser et exercer sa contrainte, un film de solution doit persister entre lui et la paroi, et être suffisamment sursaturé pour la poursuite de la cristallisation. Les forces de répulsion moléculaires, qui agissent à l’échelle nanométrique, permettent le maintien du film jusqu’à ce que la pression subie dépasse la répulsion.

Condition de persistance du film : pression de disjonction

Lorsque la distance entre le cristal et la paroi devient très courte, de l’ordre de la dizaine de nanomètres, les forces intermoléculaires (de nature électrostatique) interviennent, et le film persiste si leur résultante favorise la répulsion entre les deux solides (pression de disjonction, Derjaguin,et al., 1987). En d’autres termes, la tension interfaciale entre les deux surfaces solide doit être plus importante que la somme des tensions de surface entre le liquide et les deux parois (Scherer, 1999). Les surfaces solide doivent donc être au moins hydrophiles (Desarnaud et al., 2016). Le film doit en plus résister contre la pression exercée par le cristal : la pression de disjonction est donc la pression  maximale que peut exercer le cristal, au-delà ; le film est éjecté de l’espace et le cristal ne peut plus pousser.

Influence de la contrainte sur la pression de cristallisation

Lorsque la face d’un cristal exerce une pression contre la paroi, il subit lui-même cette pression, et va donc être en équilibre avec une solution plus concentrée. Le potentiel chimique µ de la face sous pression p varie tel que Or, le potentiel chimique µ varie en fonction de l’activité a selon μ ln (5) avec a le produit des activités ionique à l’équilibre avec le cristal sous pression, et a0 le produit des activités ioniques à l’équilibre avec le cristal non contraint.
La solubilité du cristal augmentant avec la pression qu’il exerce, la croissance est favorisée au voisinage des faces non contraintes. Ceci explique en partie la non reproductibilité des expériences de Correns (Desarnaud et al., 2013a), ou dans beaucoup de cas, le cristal pousse sur les côtés s’il est soumis à une contrainte verticale. Pour exercer une contrainte contre les parois, le cristal doit donc remplir le pore.
A l’échelle du réseau poreux
Contrôle de taille de pore
Comme évoqué précédemment, la croissance des gros cristaux est favorisée thermodynamiquement au profit des plus petits (Wellman et Wilson, 1965 ; Scherer, 2004; Steiger, 2005b ; Emmanuel et Ague, 2009 ). La solubilité des petits cristaux augmente significativement à l’échelle de la dizaine de nanomètres, en théorie (équation 10), et confirmé expérimentalement dans des gels nanoporeux (Rijniers et al., 2005 ; Stack et al., 2015). Dans les milieux poreux naturels, la taille des pores contrôlerait alors la solubilité et donc le remplissage préférentiel, mais de façon plus complexe (Pore size Controlled Solubility, e. g. Emmanuel et Berkowski, 2007). D’abord, la surface du petit cristal doit être convexe par rapport à la solution pour augmenter sa solubilité. Ensuite, l’équation 10 qui donne l’augmentation de la saturation en fonction de la courbure du cristal change si le cristal adhère à la matrice solide. Si un cristal sphérique de rayon r forme un angle θ avec la surface (Rijniers et al., 2005), on a : ln (14)
Avec as et as∞ respectivement les produits d’activité à l’équilibre avec un petit cristal de rayon r et avec un cristal de surface infini. Pour un même rayon de courbure, le cristal qui adhère à la paroi est moins soluble.
Le remplissage préférentiel des grands pores est parfois observé dans les roches naturelles, mais la taille de pore en-dessous de laquelle les sels ne précipitent pas varie. Putnis et Mauthe, (2001) observent dans un grès un seuil entre 1 et 10 µm pour la halite, comme observé par Ozawa (1997) pour la glace, valeurs plus importantes que la dizaine de nanomètres calculée par Emmanuel et al. (2010). Dans le premier cas, le quartz est dissout dans les pores les plus fins (nanométriques) d’un grès et reprécipitent dans les pores adjacents, plus grands. Pour revenir sur la halite, elle est en fait très souvent observée dans les micropores (Rodriguez-Navarro et Doehne, 1999 ; Cardell et al., 2003).
Sursaturation, forme et localisation des cristaux
Le principal facteur limitant pour la pression de cristallisation est le taux de sursaturation. La question est de savoir comment atteindre des taux de sursaturation élevés dans un milieu poreux rempli de sites de nucléation potentiels. Une autre question est de connaitre les paramètres qui contrôlent le site de croissance des cristaux (donc leur répartition), et leur forme. Cette question est importante puisque c’est dans les grands pores que les cristaux exerceraient une contrainte plus importante, comme dans le cas du modèle de la figure 5. A l’inverse, certains sels tapissent les surfaces sans remplir le pore, comme la halite (e. g. Derluyn et al., 2014) ce qui n’est pas favorable à l’application d’une contrainte.
Les observations exposées dans la section 2.2.1 illustrent le fait que la répartition des cristaux dans l’espace poral dépend de nombreux paramètres. Elle dépend d’abord de la répartition de la solution, qui dépend de ses propriétés (viscosité, tension de surface), des conditions environnementales, qui contrôlent la dynamique d’imbibition évaporation, et de la porosité. Vient ensuite la répartition des ions, contrôlée par la diffusion et leur réaction, et les sites préférentiels de nucléation-cristallisation et croissance, qui dépendent de la taille du pore mais aussi de la présence de sites de nucléation qui sont nombreux dans le milieu naturel. Le degré de sursaturation, qui contrôle aussi la forme des cristaux, est également contrôlé par plusieurs facteurs, dont la vitesse d’évaporation ou le type de sel.
Dans la section suivante, nous verrons à quel point les conditions environnementales, le type de sel, et la porosité interagissent et contrôlent les paramètres clés de la pression de cristallisation, à savoir les sites de cristallisation, le taux de sursaturation et la forme des cristaux. Par exemple, les sels de NaCl et de Na2SO4 peuvent exercer des contraintes, mais dans des conditions environnementales différentes.
Travaux expérimentaux
En 1828, de Thury est le premier à montrer expérimentalement la capacité des sels à altérer physiquement la roche. Avec plusieurs chercheurs (Brard, Vicat), il teste les matériaux de construction en les immergeant dans différentes solutions salées, puis en les laissant s’évaporer, avant de commencer un nouveau cycle. Brard remarque que le sulfate de sodium est « le plus énergique et le plus actif », et l’utilise même comme analogue du gel pour tester la résistance des matériaux. Au 20ème siècle, ce type d’expériences se multiplie, soit en routine pour tester la résistance des matériaux de construction soit pour essayer de mieux comprendre les mécanismes liés à l’altération. La roche est alternativement ou simultanément imbibée et séchée, comme dans le milieu naturel, mais en contrôlant et simplifiant les paramètres comme le type de sel et les conditions de température et d’humidité.
Protocoles utilisés
Cycles d’imbibition – séchage
Des cycles d’imbibition séchage accélérés sont utilisés en routine pour tester la résistance des roches ou matériaux de construction au sel. Par exemple, le test UNI-EN-12370 consiste à tremper complètement la roche dans une solution de Na2SO4 à 14% pendant 2h, puis de la sécher au four à 105°C pendant 20h avant de la laisser refroidir pendant 2h à 45% d’humidité relative. Le cycle est répété plusieurs fois jusqu’à l’apparition des dégradations. Les travaux expérimentaux sont basés sur ce protocole, mais le plus souvent en faisant varier les paramètres comme le type de sel, la température et l’humidité lors de chaque phase, et en les choisissant plus proches des conditions naturelles. Les possibilités sont énormes et la littérature est riche de ce genre de travaux.
La plupart du temps, la roche n’est immergée que partiellement environ au tiers de sa hauteur pendant la phase d’imbibition, avant d’être séchée à faible humidité relative. Non seulement cette configuration reproduit la situation la plus fréquente, où les roches où les bâtiments absorbent l’eau ou l’humidité par capillarité, mais l’altération y est plus importante. Lorsque la roche est immergée complètement, la solution pénètre par toute la surface ce qui favorise la présence de bulle et bloque l’imbibition (Benavente et al., 2001), et les dégradations ne sont que superficielles.
Imbibition et séchage simultanés « rising damp »
Là aussi, la roche est imbibée partiellement, au tiers de sa hauteur dans une solution salée de concentration maintenue constante (design de Lewin, 1982). Dans cette configuration, l’imbibition et l’évaporation sont simultanées, et le séchage n’est pas forcé et correspond à des conditions naturelles. La roche aspire la solution par capillarité, qui monte jusqu’à une position d’équilibre ou l’évaporation compense l’apport en solution (Fig. 6a). Les dégradations observées sont similaires à celles observées sur le terrain, notamment les bâtiments au contact d’un sol humide (Fig. 6b) : le maximum d’altération se situe au niveau du front d’évaporation (zone capillaire), ou la solution est sursaturée et le sel peut précipiter. Dans ce genre d’expérience, les conditions de température et d’humidité peuvent être maintenues constantes ou alternées comme dans les conditions naturelles.
(a) (b)
Contamination et imbibition d’eau
Un autre protocole consiste à faire subir à la roche un seul cycle d’imbibition séchage avec une solution salée, pour d’abord la contaminer en sels. Ensuite, elle va subir soit des cycles d’imbibition séchage avec de l’eau pur, soit des cycles d’humidité. Dans ce cas, la roche est alternativement soumise à un air sec et saturé en vapeur d’eau (Shahidzadeh et al., 2010 ; Shahidzadeh et Desarnaud, 2012 ; Desarnaud et al., 2013b).
Interprétation de la littérature
Type de sel et répartition des cristaux : Na2SO4 vs NaCl
Les expériences d’imbibition-séchage ont montré depuis longtemps que les sels de Na2SO4 étaient particulièrement efficaces pour désintégrer la roche, que ce soit en appliquant des cycles d’imbibition-séchage, ou pendant les expériences de rising damp (e. g. de Thury, 1828 ; Rodriguez-Navarro and Doehne, 1999 ; Benavente et al., 2004 ; Scherer, 2004 ; Shahidzadeh et al ., 2010), en particulier si la roche est soumise à des variations cycliques de température (e. g. Yu et Ogushi, 2013) et d’humidité (e. g. Kwaad, 1970). Ils affectent les roches calcaires (e. g. Rodriguez-Navarro et Doehne, 1999 ; Tsui et al., 2003 ; Benavente et al., 2004 ; Angeli et al., 2010) et les grès (e. g. Shahidzadeh et al., 2010 ; Scherer, 2004), mais aussi les granites fracturés (e. g. Kwaad, 1970 ; Pye et Sperling, 1983 ; Cardell et al., 2003) ou autres roches magmatiques (Yu et Ogushi, 2013 ; 2015), comme observé sur le terrain.
Le Na2SO4 est souvent comparé au NaCl pour leur différence de comportement et de pouvoir érosif. Contrairement aux sels de Na2SO4, la halite (NaCl) est connue pour ne pas altérer ou peu la roche sur le terrain (Cooke, 1981), ce qui a été vérifié expérimentalement (e. g. Rodriguez-Navarro et Doehne, 1999 ; Benavente et al., 2004), car elle a tendance à cristalliser à l’extérieur de la roche, donnant des figures d’efflorescence (e. g. Rodriguez-Navarro et Doehne, 1999 ; Benavente et al., 2004 ; Tri Van et al., 2007 ; Shahidzadeh et al., 2010 ; Derluyn et al., 2014). Les sels de Na2SO4 cristallisent plutôt à l’intérieur du réseau poreux (subflorescence) d’où ils fracturent la roche. Ce contraste de répartition et de dommages est traditionnellement cité, mais il existe une polémique, en particulier à propos du NaCl. En effet, des auteurs observent sur le terrain (en bord de mer) des altérations importantes liées à la halite (e.g. Matsuoka, 1995 ; Cardell et al., 2003). En fait, ce comportement de la halite (efflorescence) et des sels de Na2SO4 (subflorescence) n’est pas observé dans toutes les roches, ni dans toutes les conditions. Dans les roches macroporeuses et/ou mal connectées, les cristaux de Na2SO4 précipitent en surface, causant peu ou pas de dommages (Scherer, 2004 ; Beck and al-Mukhtar, 2010; Yu et Ogushi, 2015). Dans cette même roche, la halite précipite à la surface des macropores en les tapissant (e. g. Tri Van et al., 2007 ; Beck et al-Mukhtar, 2010, Derluyn, et al., 2014) et s’accumule au fur et à mesure des cycles d’imbibition – séchage, sans altérer la roche (Beck and al-Mukhtar, 2010).
Dans des conditions environnementales et pour une roche donnée, la nature du sel influence la distribution et la forme des cristaux dans le réseau poreux. La halite précipite facilement sur les surfaces rugueuses sous forme de microcristaux, les irrégularités favorisant sa nucléation. La géométrie et la position des sels est défavorable à l’application d’une contrainte, ainsi que la forte adhésion de la halite à la matrice solide (e. g. Benavente et al., 2004); elle augmente même la cohésion de la craie (Goudie, 1974). En effet, l’adhésion limite la possibilité d’un film de solution entre le cristal et la paroi. Un autre paramètre limitant à la pression de cristallisation est le degré de sursaturation de la solution dans laquelle pousse le cristal. Il peut être généré par certaines conditions environnementales (voir sections 3.2.4 et 3.2.5), mais là encore, le type de sel va être déterminant, comme on va le voir dans la section suivante.
Ci-contre : Figure 7 – Molalités et humidités relatives à l’équilibre en fonction de la température, pour les systèmes Na2SO4 – H2O (A) et NaCl – H2O (B). En (A), E et E* sont les points eutectiques, P1, P1*, P2, P2* les points péritectiques. Pour les deux diagrammes molalité-température, l’humidité relative (RH) à l’équilibre avec les cristaux sont indiquées pour certaines températures (d’après Steiger and Asmussen pour le système Na2SO4– H2O). La courbe de solubilité des sels de Na2SO4 est calculée à partir des données de Gay-Lussac (1819), Loewel (1857), de Coppet (1872), Richards et Wells (1902), Berkeley (1904), Wuite (1914), Kracek (1929), Kracek and Gibson (1930), Schroeder et al. (1935), Chrétien et Kohlmuller (1966). Données recueillies et courbes calculées par Michel Dubois.
Type de sel et cristallisation : description des systèmes NaCl et Na2SO4
Au-dessus de 0°C, le système NaCl-H2O n’a qu’une phase cristalline (la halite). Par contre, plusieurs phases cristallines existent dans le système Na2SO4-H2O, dont deux phases stables : la thénardite anhydre et la mirabilite hydratée (Na2SO4. 10 H2O). Des phases instables dont la phase III anhydre et l’heptahydrate ainsi que d’autres phases hydratées non identifiées (Genkinger and Putnis, 2007; Steiger and Asmussen, 2008) existent, mais sont rapidement transformées en une phase stable, ce qui les rend difficiles à identifier. La solubilité de ces différentes phases en fonction de la température est présentée en figure 7.
La mirabilite est stable jusqu’à 32.38°C (Steiger and Asmussen, 2008, et voir Fig. 7) où le dernier cristal se dissocie. En dessous, la solubilité diminue rapidement avec la baisse de température. La mirabilite est donc favorisée dans les basses températures, ce qui explique pourquoi on la trouve surtout dans les zones froides comme en Antarctique. En dessous de 32.38°C, la thénardite est plus soluble que la mirabilite et la solubilité augmente légèrement avec la diminution de température, à l’inverse de la mirabilite. Par exemple à 25°C la solubilité de la mirabilite (1.972 mol/Kg) est deux fois moins importante que celle de la thénardite (3.62 mol/Kg) et à 10°C, trois fois moins importante. Pour cela la mirabilite est considérée comme la phase stable en dessous de 32.38°C, la thénardite étant la phase métastable. Pourtant, la thénardite est fréquemment observée à température ambiante, à cause du degré de sursaturation nécessaire à la mirabilite pour cristalliser, cette phase ayant besoin d’une grande énergie d’activation. Quand la concentration est proche de la saturation de la thénardite (3.68 mol/Kg), l’activité de l’eau (aw = 0.8687) défavorise la cristallisation de la phase hydratée, et favorise la cristallisation de la thénardite qui nuclée dans une solution peu sursaturée. A 20°C, il est donc difficile de prévoir quelle phase va cristalliser dans une solution qui s’évapore (e. g. Genkinger and Putnis, 2007).
Parmi les phases instables, la phase III anhydre dendritique cristallise à 20°C dans une solution sursaturée par rapport à la thénardite (autour de 1.2 fois) puis elle est rapidement transformée en thénardite, phase V (e. g. Rodriguez-Navarro et Doehne, 1999) L’heptahydrate, pourrait avoir un rôle important dans l’altération en particulier à basse température (Steiger and Asmussen, 2008 ; Derluyn et al., 2014).
La stabilité des phases est fortement dépendante de l’humidité relative (Fig. 7, diagramme RH-Température). En dessous d’une certaine humidité, la mirabilite se déshydrate rapidement en microcristaux de thénardite, et cette humidité à l’équilibre augmente avec la température (courbe 3 sur le diagramme RH-Température). Par contre, la capacité de la thénardite à s’hydrater en mirabilite est controversée. La thénardite et la mirabilite sont des sels déliquescents, et sont à l’équilibre avec un air plus ou moins humide en fonction de la température, respectivement en dessous de 32.4°C pour la mirabilite, et au-dessus pour la mirabilite.
Le système NaCl –H2O est beaucoup plus simple si on rente au-dessus de 0°C : il n’a qu’une phase, la halite, (l’hydrohalite cristallise dans les températures négatives) et la solubilité est très peu sensible à la température (Fig. 7B). Les degrés de sursaturation de la halite sont supposés n’atteindre que rarement des valeurs importante dans les milieux poreux naturels (Flatt, 2002), comme la thénardite mais cette question est controversée. Dans certains cas, une évaporation modérée (sous 50% d’humidité relative) permet d’obtenir des formes qui témoignent d’un haut taux de sursaturation dans les roches naturelles (le taux de sursaturation influe sur la forme des cristaux, e. g. Sunagawa, 1999). La phase III anhydre de Na2SO4 dendritique (Doehne et al., 2002) témoigne d’un taux de sursaturation élevé, ainsi que la forme de la halite en sablier ou « hopper » (Desarnaud et al., 2014 ; Rodriguez-Navarro et Doehne, 1999).
La mirabilite semble être un candidat idéal pour l’application de la contrainte, par sa forme massive et le haut degré de sursaturation au moment de la cristallisation. Aussi, la mirabilite précipite en solution, et n’adhère pas aux surfaces, contrairement à la thénardite et la halite (Derlyun et al., 2014; Benavente et al., 2004). , ce qui favorise le maintien d’un film de solution autour du cristal.
Mirabilite vs thénardite dans l’application de la contrainte
L’importance de la mirabilite est montrée expérimentalement, en appliquant des cycles d’imbibition séchage à différentes températures, entre 5 et 40°C. Au-dessus de 33°C, on inhibe la cristallisation de mirabilite, et à basse température (5°C), elle est favorisée. A plus de 33°C, seule la thénardite peut cristalliser, et les expériences montrent que, seule, elle n’altère que très peu ou pas du tout la roche (Tsui et al., 2003 ; Steiger and Asmussen, 2008 ; Angeli et al., 2010). Aussi, les dommages sont plus important à 5°C (Angeli et al., 2010), ce qui confirme le rôle de la mirabilite, moins soluble à basse température.
Malgré son importance, la précipitation de mirabilite dans le réseau poreux lors d’une première contamination (pendant le premier cycle d’imbibition séchage) n’affecte pas la roche, quelle que soit sa quantité et sa proportion par rapport à la thénardite (e. g. Desarnaud et al., 2013b). Les dégradations sont observées plus tard, lors des phases d’immersion (eau ou solution), suggérant que les contraintes seraient engendrées lors de l’hydratation de la thénardite en mirabilite. Seulement, la thénardite ne s’hydrate pas, elle doit être d’abord dissoute dans une solution à partir de laquelle la mirabilite nuclée (e. g. Rodriguez-Navarro et Doehne, 1999 ; Benavente et al., 2004 ; Scherer, 2004 ; Desarnaud et al., 2013b). Ce processus dit d’ « inversion » est rapide si elle se fait à partir de microcristaux de thénardite issus de la déshydratation préalable de la mirabilite*3 (Doehne, 1994). Des auteurs observent la structure microcristalline gonfler alors légèrement (e.g. Desarnaud et al., 2013b) suggérant la possibilité d’une contrainte. Des cristaux de mirabilite apparaissent et croissent rapidement à partir de la structure microcristalline, témoignant d’un haut degré de sursaturation. Dans une solution à l’équilibre avec la thénardite à 20°C, le rapport des produits de solubilité de la mirabilite est de 3.48 en termes d’activité, et la mirabilite exercerait potentiellement une pression de 13.9MPa lors de sa nucléation/croissance (Steiger and Asmussen, 2008). Le degré de sursaturation et la pression de cristallisation correspondante sont très dépendants de la température. A basse température, la pression potentielle qu’elle peut exercer est plus importante car le taux de sursaturation est plus élevé : par exemple 24.5 MPa à 10°C (Steiger and Asmussen, 2008), ce qui est cohérent avec les importants dommages observés en Antarctique.

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Table des matières

Introduction générale
1 Erosion, altération et conditions d’évaporation
2. Objectifs et approche :
3. Plan du manuscrit
Première partie Effet de la cristallisation des sels sur l’altération – Pression de cristallisation
I Etude bibliographique
1. Le sel, agent d’érosion
1.1. Description et localisation d’une figure particulière d’altération : l’alvéolisation
1.2. Conditions nécessaires à l’altération par le sel
1.3. Figures d’altération
2. Conceptualisation du phénomène
2.1. A l’échelle du pore : modèle classique de pression de cristallisation
2.2. A l’échelle du réseau poreux
3. Travaux expérimentaux
3.1. Protocoles utilisés
3.2. Interprétation de la littérature
4. Résumé de l’étude bibliographique
II. Etude expérimentale
1. Matériel et protocole : cristallisation de sels dans des microcapillaires
2. Rôle de la forme et de l’état de surface du capillaire
3. Cristallisation dans le système Na2SO4
4. Re-imbibition des capillaires post cristallisation
4.1. Imbibition des microcristaux primaires de thénardite
4.2. Imbibition des microcristaux issus de la déshydratation de la mirabilite
4.3. Imbibition des cristaux massifs de thénardite
5. Refroidissement des capillaires post cristallisation
5.1 Mise en évidence de la mirabilite dans un espace restreint
5.2 Deuxième cas : Cristal « sec »
5.3. Fracturation
5.4. Mouvement des cristaux
III. Discussion
1. Coopération thénardite-mirabilite : sursaturation et géométrie
2. Modèles de contrainte
3. Projection dans le milieu naturel : porosité et conditions environnementales
Deuxième partie : Effets de la tension capillaire
I Introduction
1.1. Effets de la tension capillaire
1.2. Tension capillaire dans un macro-volume et métastabilité
II. Physique et thermodynamique capillaire
1 Physique de la capillarité : Young- Laplace, Young-Dupré et Kelvin
1.1. Equilibre mécanique de Young Dupré – notion de tension de surface
1.2. Equilibre mécanique de Young Laplace
1.3. Equilibre chimique de Kelvin – force motrice de la capillarité
2. Thermodynamique capillaire
2.1. Equilibres solide –eau sous tension
2.2. Equilibres gaz – eau sous tension
III. Approche expérimentale
1. Système capillaires
1.1. Matériel et méthode
1.2. Interaction sel – solution
1.3. Interaction gaz – solution capillaire
2. Tension de l’eau dans un macro-volume fermé : effets mécaniques
2.1. Matériels et protocole : inclusions fluide et spectroscopie Raman
2.2. Résultats et interprétations
VI. Discussion sur les effets de la tension capillaire
1. Tension dans les milieux poreux hétérogènes
2. Valeurs de tension et métastabilité
3. Effet de la tension capillaire sur les équilibres chimiques
4. Cas de l’équilibre solution-gaz, et retour à l’état de surchauffe
5. Effet mécanique de la tension capillaire
6. Projection dans le milieu naturel : porosité et conditions environnementales Synthèse et conclusion générale
1. Facteurs environnementaux et de la porosité
2. Couplage entre la capillarité et la pression de cristallisation : sursaturation
2.1. Sursaturation
2.2. Cycles climatiques et géométrie des cristaux de sel.
3. Effets mécaniques
4. Synthèse – projection dans le milieu naturel – cycles climatiques
5. Perspectives
Références

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