La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires chroniques avec une prévalence estimée entre 0,3 et 0,8% (1).Cette pathologie touche particulièrement les femmes, avec un sexe-ratio de 3:1, et survient à un âge moyen de 50 ans (1–3). Toutefois, au-delà de 70 ans, on remarque une atténuation progressive de cette différence de sex-ratio .
La prévalence de la PR semble suivre un gradient Nord-Sud : en effet, plusieurs études rapportent que la PR touche entre 0,5 et 1,1% de la population générale en Amérique et en Europe du Nord, alors que d’autres montrent que celle-ci est moins élevée dans les pays du Sud de l’Europe où elle atteint 0,3 à 0,7% (2–4). En France, une étude visant à estimer la prévalence de la PR soutient qu’elle toucherait 0,31% de la population générale en 2001. Ainsi, la France serait dans une situation intermédiaire au sein du gradient Nord-Sud décrit précédemment (4). Selon Alamanos et al., l’incidence de la PR varie entre 20 et 50 nouveaux cas pour 100 000 habitants par an dans les pays d’Amérique et d’Europe du Nord (2). Une étude sur l’incidence de la PR menée dans le Minesota a montré que celle-ci diminue progressivement depuis les quarante dernières années dans la population générale, passant de 61,2/100 000 entre 1955 et 1964, à 32,7/100 000 entre 1985 et 1994 (5). Il semble que cette tendance soit due à une mise en place de la pathologie à un âge plus avancé, et que ces variations de l’incidence de la PR soient cycliques au fil du temps .
Physiopathologie et facteurs de risque de la polyarthrite rhumatoïde
La PR est une maladie multifactorielle dans laquelle semblent intervenir des facteurs génétiques, environnementaux, hormonaux, immunologiques, socioéconomiques et neuropsychologiques.
Facteurs de risque de la polyarthrite rhumatoïde
Facteurs génétiques
Plusieurs études ont montré l’existence de similitudes génétiques chez les patients atteints de PR. C’est une maladie polygénique impliquant des gènes « plus spécifiques de la PR » liés notamment au système HLA de classe II, en particulier certains allèles HLA-DR (DR4 et DR1) portant une séquence définissant l’épitope partagé, et des gènes qui sont indépendants du système HLA tels que PTPN 22 (Protein Tyrosine Phosphatase) souvent communs à plusieurs maladies autoimmunes. Il y a donc un fond génétique commun à plusieurs pathologies sur lequel se greffent des gènes plus spécifiques orientant vers le développement de la maladie. Par ailleurs, pour chacun de ces gènes, il existe des variations d’un individu à l’autre. La région HLA-DR4, par exemple, est le siège de variations qui pourraient partiellement expliquer les disparités observées concernant l’incidence, la prévalence et la sévérité de la PR dans les différentes populations ou groupes ethniques (1,2). Néanmoins, l’influence des facteurs génétiques sur la susceptibilité à la maladie est estimée entre 15 et 30%. D’autres facteurs, notamment environnementaux, sont indispensables.
Facteurs environnementaux
Le rôle des facteurs environnementaux a également fait l’objet d’études. Initialement, l’exposition à certains agents infectieux tels que le parvovirus, la rubéole, l’Epstein-Barr Virus (EBV), ou Borrelia burgdorferi a été considérée comme ayant un impact sur le développement de la PR. Cependant, leur implication dans le processus reste encore floue (2). L’exposition à certains toxiques comme la silice ou des polluants atmosphériques (particules fines) est évoquée depuis plusieurs décennies. Plus récemment, des facteurs de risque ont été mis en évidence et sont désormais bien documentés. Il s’agit avant tout de l’exposition au tabac (20% des PR) dans les pays du Nord de l’Europe mais aussi des infections à Porphyromonas gingivalis touchant le parodonte (altération du microbiote oral). L’obésité serait également un facteur de risque. Tous ces facteurs environnementaux pourraient être responsables de modifications épigénétiques (altération du niveau d’expression de ces gènes qui ne sont pas modifiés d’un point de vue structural).
Facteurs socio-économiques
Les facteurs socio-économiques influencent plutôt l’évolution de la maladie que le risque de la développer. Plusieurs éléments ont été mis en évidence : le niveau d’éducation, la profession, le statut marital ou encore le groupe social d’appartenance .
Facteurs hormonaux
Enfin, les facteurs hormonaux jouent eux-aussi un rôle dans la physiopathologie de la PR. Les œstrogènes par exemple, sont des hormones connues pour la stimulation qu’elles peuvent entrainer sur le système immunitaire. Cela expliquerait la rémission observée pendant la grossesse, et le rôle protecteur des contraceptifs oraux ou du traitement hormonal substitutif de la ménopause .
Physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde
La lésion élémentaire de la PR est la synovite. Elle est responsable, au moins en partie, de la destruction ostéocartilagineuse, et est le résultat d’un enchainement d’évènements dont le point de départ est l’hyperactivation de l’immunité cellulaire (lymphocytes T). Les phases successives sont : l’initiation, suivie par le recrutement cellulaire et l’inflammation, puis la prolifération de la synoviale qui entraine la destruction de l’articulation, et enfin la réparation.
Phase d’initiation
Le mécanisme déclenchant cette phase est encore inconnu : il semble qu’il s’agisse d’une réponse inflammatoire non spécifique à un stimulus extérieur non identifié. Cette réponse entraine l’accumulation locale de monocytes qui se différencient en macrophages produisant des cytokines pro-inflammatoires telles que l’interleukine6 (IL-6), l’IL-1 et le Tumor Necrosis Factor a (TNFa).
L’hypothèse actuelle est que cette réaction inflammatoire serait déclenchée par des peptides antigéniques issus d’autoantigènes situés dans l’articulation (collagène de type II, protéoglycanes, protéines de matrice), ou d’origine exogène (virus, bactéries) .
Phase de recrutement et inflammation
Les macrophages, responsables du processus inflammatoire, vont permettre le recrutement non spécifique des lymphocytes T et B ainsi que des polynucléaires neutrophiles (PNN) sanguins via l’activité chimiotactique des cytokines. De plus, l’expression de molécules d’adhésion à la surface des cellules endothéliales participe au processus et l’entretient. Celles-ci résultent de l’action du TNFa. Les peptides antigéniques, liés au complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), sont présentés par les macrophages aux lymphocytes T. Cette réaction est amplifiée par les lymphocytes T CD4+, notamment ceux ayant un phénotype TH1 (sécrétion d’interféron gamma impliqué dans l’activité de la maladie) et TH17 (production d’IL-17 ayant un rôle dans la destruction ostéocartilagineuse). Ces lymphocytes sont responsables d’activations cellulaires en cascade, de la production accrue de cytokines et de molécules effectrices. Cela aboutit à une réaction inflammatoire locale qui sera responsable, à terme, de la destruction articulaire (1). Les macrophages stimulent également les synoviocytes de type fiblroblaste qui sont les cellules résidentes du tissu synovial (possiblement à l’origine du processus inflammatoire). Cette interaction aboutit également à la production de cytokines proinflammatoires, de métallo-protéases, etc.
Rôle des cytokines
Les cytokines jouent un rôle central dans le développement du processus inflammatoire, la prolifération de la synoviale et la destruction articulaire. En effet, il se produit une rupture de l’équilibre entre les cytokines pro-inflammatoires, que sont l’IL-6, l’IL1 et le TNFa, et anti-inflammatoires que sont l’IL-10, l’IL-4, l’IL-13, le récepteur soluble du TNFa et l’antagoniste du récepteur de l’IL-1 (IL-1 RA). Ce déséquilibre est à l’origine du degré d’inflammation important observé dans l’articulation rhumatoïde.
D’autres cytokines, impliquées dans l’angiogenèse et la prolifération cellulaire, sont également présentes dans la membrane synoviale. Il s’agit du TGFb (Transforming Growth Factor b), du VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), du PDGF (Platelet Derived Growth Factor) et des FGF-1 et 2 (Fibroblast Growth Factor 1 et 2). L’angiogenèse permet le recrutement des lymphocytes, monocytes et PNN sanguins. Toutes les cytokines impliquées dans le développement du pannus synovial vont constituer des cibles potentielles pour le développement de biomédicaments .
Rôle des lymphocytes B
À la suite de l’activation par les lymphocytes T CD4+, les lymphocytes B se différencient en plasmocytes qui vont assurer la production des immunoglobulines (Ig) polyclonales ainsi que celle plus spécifique des facteurs rhumatoïdes (FR) et des anticorps anti-protéines citrullinées (ACPA). Ces ACPA, dont l’émergence résulte de l’interaction de facteurs génétiques (épitope partagé) et environnementaux (tabac, infection à P. gingivalis, etc.) ont un rôle direct dans la pathogénie de la maladie. Les FR ont un rôle amplificateur de la réponse inflammatoire. En outre, les FR sont responsables de lésions telles que la vascularite par la formation de complexes immuns FR-IgG sur les parois vasculaires. Les FR présents à la surface des lymphocytes B présentent également les peptides antigéniques aux lymphocytes .
Rôle des polynucléaires neutrophiles
L’activation cellulaire locale et du complément provoque l’apparition de facteurs chimiotactiques à l’origine d’un exsudat responsable de l’augmentation anormale des PNN sanguins dans le liquide synovial. Ces derniers vont produire un certain nombre de métabolites de l’oxygène et d’autres médiateurs de l’inflammation qui vont venir renforcer le processus inflammatoire.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Épidémiologie de la polyarthrite rhumatoïde
2. Physiopathologie et facteurs de risque de la polyarthrite rhumatoïde
2.1. Facteurs de risque de la polyarthrite rhumatoïde
2.1.1. Facteurs génétiques
2.1.2. Facteurs environnementaux
2.1.3. Facteurs socio-économiques
2.1.4. Facteurs hormonaux
2.2. Physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde
2.2.1. Phase d’initiation
2.2.2. Phase de recrutement et inflammation
2.2.2.1. Rôle des cytokines
2.2.2.2. Rôle des lymphocytes B
2.2.2.3. Rôle des polynucléaires neutrophiles
2.2.3. Pannus synovial
2.2.4. Phase de réparation
3. Clinique et diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde
3.1. Les manifestations cliniques de la Polyarthrite rhumatoïde
3.1.1. La polyarthrite rhumatoïde débutante
3.1.2. La phase d’état de la polyarthrite rhumatoïde
3.1.2.1. Atteinte articulaire
3.1.2.2. Manifestations extra-articulaires
3.1.2.3. Nodules rhumatoïdes
3.1.2.4. Atteinte broncho-pulmonaire
3.1.2.5. Vascularite rhumatoïde
3.1.2.6. Syndrome sec
3.1.2.7. Atteinte cardiaque
3.1.3. Évolution de la polyarthrite rhumatoïde
3.2. Le diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde
3.2.1. Critères de classification 35
3.2.1.1. Critères de classification de la polyarthrite rhumatoïde – ACR 1987
3.2.1.2. Critères de classification de la polyarthrite rhumatoïde – ACR/EULAR 2010
3.2.2. Les explorations complémentaires
3.2.2.1. Radiographies
3.2.2.2. Examens biologiques
4. Prise en charge thérapeutique de la polyarthrite rhumatoïde
4.1. Objectifs thérapeutiques
4.2. Traitements symptomatiques
4.2.1. Antalgiques
4.2.2. Anti-inflammatoires non stéroïdiens
4.2.3. Glucocorticoïdes
4.3. Traitements de fond
4.3.1. DMARDs conventionnels
4.3.2. DMARDs biologiques ou biomédicaments
4.3.2.1. Effets indésirables des biomédicaments
4.3.2.2. Contre-indications et précautions d’emploi des biomédicaments
4.3.2.3. Le bilan pré-thérapeutique
4.3.2.4. Surveillance de l’injection du biomédicament
4.4. Suivi du patient
4.5. L’algorithme thérapeutique
4.5.1. Première ligne de traitement (Phase 1)
4.5.2. Deuxième ligne de traitement (Phase 2)
4.5.3. Troisième ligne de traitement (Phase 3)
4.6. Impact des comorbidités sur la mise en place d’un biomédicament, le choix de la molécule et le suivi du patient
4.6.1. Risque infectieux
4.6.2. Diabète
4.6.3. Pathologies broncho-pulmonaires
4.6.3.1. Dilatation des bronches
4.6.3.2. BPCO/asthme
4.6.3.3. Pneumopathies interstitielles diffuses
4.6.4. Diverticulose, diverticulite
4.6.5. Risque cardiovasculaire
4.6.6. Antécédents carcinologiques
4.6.6.1. Tumeurs solides
4.6.6.2. Cancers cutanés non mélaniques
4.6.6.3. Mélanomes
4.6.6.4. Hémopathies
4.6.7. Ostéoporose
4.7. Focus sur l’abatacept (Orencia®)
4.7.1. Mécanisme d’action
4.7.2. Indications
4.7.3. Formes et présentations
4.7.4. Posologie
4.7.5. Contre-indications
4.7.6. Mises en garde et précautions d’emploi
4.7.7. Effets indésirables
4.8. Focus sur le tocilizumab (Roactemra®)
4.8.1. Mécanisme d’action
4.8.2. Indications
4.8.3. Formes et présentations
4.8.4. Posologie
4.8.5. Contre-indications
4.8.6. Mises en garde et précautions d’emploi
4.8.7. Effets indésirables
4.9. Polyarthrite rhumatoïde en rémission
5. Rotation de la voie IV à la voie SC
CONCLUSION