La drépanocytose est une maladie génétique très répandue aux Antilles françaises, la prévalence du trait drépanocytaire y est de 5% alors qu’elle est de 0,7% en Europe (1). (Annexe 1) C’est un enjeu majeur de santé publique aux Antilles françaises. Dans la population drépanocytaire, les données de la littérature montrent que la pression artérielle est significativement plus basse que dans la population générale. La drépanocytose est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire. Le mécanisme n’est pas totalement connu .
Physiopathologie et épidémiologie de la drépanocytose
En Martinique, en 2009 la prévalence du syndrome drépanocytaire est de 0,5%. De 1995 à 2016, l’incidence à la naissance est de 1/342 en Martinique comparé à 1/541 en Ile-deFrance, département de France métropolitaine où la pathologie est la plus fréquemment rencontrée (1). (Annexe 2) La drépanocytose est une maladie génétique du globule rouge à transmission autosomique récessive. (Annexe 3) Une mutation du gène de la sous-unité β de l’hémoglobine est située sur le chromosome 11. Elle entraine une modification de la structure (falciformation) du globule rouge et de son fonctionnement (polymérisation en milieu pauvre en oxygène, durée de vie diminuée et augmentation de l’adhérence du globule rouge). Les génotypes les plus fréquemment rencontrés sont l’homozygotie SS, les hétérozygoties SC et Sβ thalassémique, responsables d’un syndrome drépanocytaire majeur.
L’altération du fonctionnement de la microcirculation a longtemps été évoquée comme le seul mécanisme responsable de l’atteinte vasculaire chronique (4). Cependant, peu d’études ont porté sur l’hémodynamique des gros vaisseaux. Les vaisseaux sanguins sont exposés à de fortes contraintes. En effet, elles sont d’une part mécaniques dues à la pression pulsatile et d’autre part dites de cisaillement, entre les cellules endothéliales et celles du flux sanguin.
Les contraintes de cisaillement du mur vasculaire des patients drépanocytaires sont plus élevées à cause des modifications rhéologiques et de l’hyperviscosité (5, 6). Elles entraînent la libération de médiateurs pouvant modifier l’expression des gènes, le métabolisme ou la morphologie des cellules endothéliales afin de maintenir l’homéostasie vasculaire. Des auteurs suggèrent que dans cette population, la sécrétion de monoxyde d’azote (NO) à l’état basal est majorée (6, 7). Dans une étude comparative avec groupe contrôle sain, Belhassen et al (6) ont montré, qu’il existait une atteinte de la macrocirculation. En réponse à une stimulation mécanique aiguë ou chronique, le mécanisme d’adaptation des diamètres des artères des patients drépanocytaires adultes est altéré par défaut de vasodilation. Plusieurs hypothèses ont été proposées, la biodisponibilité du NO en situation aiguë serait diminuée ou la fonction des cellules des muscles lisses de l’endothélium serait altérée.
La polymérisation de l’hémoglobine S augmente la viscosité sanguine ce qui entraine une baisse de la vitesse du flux sanguin des patients drépanocytaires. La formule de HaegenPoiseuille donne la pression artérielle (P) égale au débit cardiaque (Q) multiplié par la résistance (R). Selon cette formule, la résistance des vaisseaux augmente lorsque la vitesse du flux sanguin diminue. Les patients drépanocytaires ont un débit cardiaque augmenté du fait de l’anémie chronique, ce qui devrait entrainer une augmentation de leur pression artérielle (5).
Plusieurs travaux suggèrent que les patients drépanocytaires ont des pressions artérielles plus basses que dans la population générale (2, 25). Selon des études récentes, il existerait une atteinte précoce de la macrocirculation non cérébrale et ce, pour des pressions artérielles considérées comme basses (8, 9).
Physiopathologie et épidémiologie de l’hypertension artérielle
De nombreuses études épidémiologiques ont mis en évidence une forte association entre le niveau de pression artérielle et l’incidence des maladies vasculaires cérébrales, des artériopathies des membres inférieurs et de l’insuffisance rénale chronique. L’hypertension artérielle (HTA) est le facteur de risque cardiovasculaire le plus fréquent (10). Dans la population générale martiniquaise, la prévalence des maladies cardio-vasculaires est élevée (11). Celle de l’hypertension artérielle (HTA), y est estimée à environ 29% en 2008 (11). Selon l’étude KANNARI, réalisée en 2013 la prévalence de l’HTA s’est majorée et s’élevait à 39% (12). A titre de comparaison, en France métropolitaine, la prévalence de l’HTA est de 30,6% en 2015 (13). La MAPA a plusieurs intérêts. Elle permet de confirmer ou infirmer le diagnostic d’HTA, de mettre en évidence une HTA blouse blanche ou au contraire une HTA masquée et enfin d’observer les fluctuations de la pression artérielle au cours d’une journée. En effet, la pression artérielle varie avec le rythme nycthéméral et diminue pendant le sommeil. Cette baisse de pression artérielle nocturne physiologique est appelée dipping. Elle est physiologique quand le pourcentage de baisse des pressions artérielles nocturnes est supérieur à 10% comparée aux valeurs diurnes, on parle alors de patient dipper. Les étiologies des anomalies de la baisse de la pression artérielle nocturne sont notamment l’altération de la qualité du sommeil, la perturbation du système nerveux autonome (diabète, l’insuffisance rénale chronique, le SAOS) et l’âge (33). La prévalence de l’HTA des patients drépanocytaires a été estimée entre 3,2% et 19% .
Modalités de prise en charge
La prise en charge débute dès la naissance avec un dépistage néonatal systématique des nouveau-nés, effectif depuis 1984 dans les Départements d’Outre-Mer français. Selon les recommandations en vigueur établies par la société française de médecine interne, le suivi repose sur la prévention, la recherche, le traitement et la surveillance des complications aigues et chroniques, notamment cardiovasculaires. (17) Dans la population générale, l’HTA est définie par une pression artérielle strictement supérieur à 140/90mmHg. Cependant, concernant les patients drépanocytaires, il n’existe pas de consensus sur les objectifs tensionnels cibles à atteindre.
Justification de l’étude
L’espérance de vie dans la population drépanocytaire s’allonge. (19, 20) Le vieillissement de cette population s’amplifie grâce à plusieurs actions: l’amélioration de la prévention des infections dès l’enfance (antibiothérapie prophylactique, vaccination), une prise en charge globale qui intègre l’aspect médico-social de la pathologie, le dépistage précoce des complications (vasculopathie cérébrale) et la mise en place de traitement thérapeutique (hydroxyurée, traitements transfusionnels et saignées). Désormais, le suivi optimal du patient drépanocytaire ne repose plus uniquement sur le médecin hospitalier mais se coordonne de manière intégrée avec les paramédicaux hospitaliers et de ville et le médecin généraliste en ville. (21) L’HTA semble peu fréquente dans la population drépanocytaire (3, 14, 15, 16). Le risque d’être hypertendu augmente avec l’âge. Or, la population drépanocytaire vit de plus en plus vieux. On doit donc s’attendre à trouver de plus en plus de patients drépanocytaires hypertendus. Les patients drépanocytaires ont une pression artérielle abaissée par rapport à la population générale (25). Cependant, plusieurs études montrent que les patients drépanocytaires ayant des valeurs de pression artérielle à la limite supérieure de la normale, ont un risque accru de complications secondaires et de mortalité (2, 25). Dans la population drépanocytaire pédiatrique, des travaux récents mettent en évidence des fréquences d’HTA élevées mesurées à l’aide d’une mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) sur 24h (22, 23). Les auteurs concluent que l’HTA des patients drépanocytaires serait probablement sousestimée. L’écart important entre les données antérieures observées qui reposaient exclusivement sur la mesure de la pression artérielle en consultation et ces études plus récentes pourrait s’expliquer par le diagnostic d’HTA masquée. Elle se définie par une pression artérielle normale au cabinet associée à une hypertension à la MAPA sur 24h. Son diagnostic est réalisé par MAPA. Les patients ayant une HTA masquée ont un risque cardiovasculaire élevé et devrait bénéficier d’un traitement médicamenteux (18). D’après la revue de la littérature, il n’existe pas d’étude utilisant la MAPA sur 24h des patients drépanocytaires adultes. Dans cette étude transversale et rétrospective, nous nous proposons d’analyser les apports de la MAPA sur 24h des patients drépanocytaires adultes, suivis au Centre de Référence Adulte (CRDA) en Martinique, aux Antilles françaises, entre octobre 2017 et fin avril 2018.
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Table des matières
I_ Introduction
1. 1. Contexte
1. 2. Physiopathologie et épidémiologie de la drépanocytose
1. 3. Physiopathologie et épidémiologie de l’hypertension artérielle
1. 4. Modalités de prise en charge
1. 5. Justification de l’étude
1. 6. Objectifs
II_ Matériel et méthodes
2. 1. Schéma de l’étude pilote
2. 2. Population de l’étude pilote
2. 4. Analyse statistique
III_ Résultats
3. 1. Population étudiée
Tableau 1. Caractéristiques de la population étudiée
3. 2. Mesure de la pression artérielle en consultation
Tableau 2. Facteurs déterminants de l’HTA en consultation
3. 3. Mesure ambulatoire de la pression artérielle sur 24h
Figure 1. Répartition des profils tensionnels
Figure 2. Variation de la pression artérielle en consultation et sur 24h
3.4. Diagnostic d’hypertension artérielle
Figure 3. Diagramme de flux: inclusion des patients et résultats
Tableau 3. Facteurs déterminants l’HTA dans la population étudiée
Figure 4. Répartition de l’HTA en fonction du génotype de la drépanocytose
Figure 5. Répartition du sexe dans la population totale et en fonction de l’HTA
Tableau 4. Facteurs déterminants la baisse de la pression artérielle nocturne
IV_ Discussion
4. 1. L’hypertension artérielle et la drépanocytose
4. 1. 1. Revue de la littérature
4. 1. 2. La MAPA du patient drépanocytaire
4. 1. 3. Hypertension artérielle relative systémique
4. 1. 4. Pré-hypertension et objectifs tensionnels
4. 2. Anomalies de la variation de la pression artérielle sur 24h
4. 2. 1. Microalbuminurie et insuffisance rénale chronique
4. 2. 2. Les troubles du sommeil
4. 3. La douleur chronique et l’HTA des patients drépanocytaires
4. 4. Forces et limites de l’étude
4. 5. Perspectives
4. 6. Conclusion
V_ Références bibliographiques
VI_ Annexes