Le diabète gestationnel
Définition
Selon le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF), le diabète gestationnel (DG) est un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse quel que soit le traitement nécessaire et l’évolution dans le postpartum. Cette définition regroupe ainsi deux entités différentes :
– une anomalie de la tolérance glucidique réellement apparue en cours de grossesse et disparaissant en post-partum,
– un diabète patent, le plus souvent diabète de type 2 (DT2) méconnu, préexistant à la grossesse et découvert seulement à l’occasion de celle-ci, qui persistera après l’accouchement.
Physiopathologie du DG
La grossesse est caractérisée par un état diabétogène, c’est-à-dire qu’elle s’accompagne de modifications transitoires du métabolisme glucidique comprenant une insulinorésistance compensée par une sécrétion insulinique plus importante. L’insulinorésistance peut être influencée par plusieurs hormones (œstrogènes, progestérone, prolactine, leptine, …). On peut également noter une insulinorésistance préexistante à la grossesse chez les femmes obèses [2]. Un DG se développe lorsque l’insulinosécrétion réactionnelle à l’insulinorésistance est insuffisante et entraine une hyperglycémie maternelle. Le glucose circulant traverse la barrière placentaire pour atteindre le fœtus. L’hyperglycémie maternelle stimule ainsi un hyperinsulinisme fœtal pour compenser .
Epidémiologie
La prévalence du DG est variable en raison de l’absence de consensus quant aux critères de dépistage et de diagnostic. Elle est estimée entre 2 et 6% des grossesses, mais on note une tendance à l’augmentation essentiellement expliquée par l’augmentation de la prévalence de l’obésité dans des populations de femmes de plus en plus jeunes.
Dépistage du DG
Généralités sur le dépistage
La littérature va en faveur du dépistage du DG car on note une augmentation de la morbidité materno-fœtale en relation avec l’hyperglycémie et une efficacité de la prise en charge thérapeutique pour la réduction des complications [4]. Il est ainsi recommandé de réaliser un dépistage du DG en présence d’au moins un des facteurs de risque suivants : âge maternel supérieur à 35 ans, indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 25 kg/m² avant le début de la grossesse, antécédent familial de diabète chez les apparentés au 1er degré, antécédent personnel de DG ou d’enfant macrosome [5]. D’autres facteurs de risque semblent également pouvoir influencer le développement d’un DG : l’origine ethnique, le syndrome des ovaires polykystiques, la grossesse gémellaire ou la multiparité [2]. En France, le CNGOF a choisi de retenir les critères diagnostiques du DG et les seuils glycémiques proposés par l’IADPSG (International Association of the Diabetes and Pregnancy Study Groups). L’utilisation de ces nouveaux critères a montré une augmentation du taux de dépistage du DG .
Modalités du dépistage
En présence d’au moins un des critères cités ci-dessus, une glycémie à jeun (GAJ) est réalisée en début de grossesse. Les valeurs seuils retenues sont 0,92 g/l pour le DG et 1,26 g/l pour le DT2 [1]. Entre 24 et 28 semaines d’aménorrhée (SA), moment où l’intolérance au glucose est détectable, on effectue un dépistage par une HGPO à 75g de glucose. Les valeurs de seuils glycémiques avant et après la charge orale de glucose retenues pour diagnostiquer un DG sont : GAJ ≥ 0,92 g/l ; glycémie 1h après la charge ≥ 1,80 g/l ; glycémie 2h après la charge ≥ 1,53 g/l .
Complications du DG
Plusieurs études de cohorte chez des patientes définies comme non diabétiques et donc non traitées ont révélé une relation linéaire entre la glycémie maternelle (mesurée à jeun et/ou après une charge de glucose) et la survenue de complications périnatales .
Complications maternelles
➤ Hypertension artérielle (HTA) gravidique et prééclampsie
Les femmes présentant un DG semblent être plus à risque de développer une HTA gravidique, pouvant conduire à une prééclampsie. Il existe également de nombreux facteurs indépendants favorisant la survenue de prééclampsie en cas de DG comme l’âge maternel élevé, le surpoids, l’obésité, les antécédents d’HTA, un mauvais équilibre glycémique. La présence de ces facteurs surajoutés justifie une surveillance plus rapprochée de la grossesse.
➤ Attitudes obstétricales
Les risques de complications de l’accouchement (travail dystocique, extraction instrumentale, déchirures périnéales sévères, hémorragies du post-partum) sont avant tout corrélés à la macrosomie fœtale. Il existe également une augmentation du risque de césarienne en cas de DG traité ou non, indépendamment du poids de naissance.
➤ DT2
Le DG expose à un risque multiplié par 7 pour la patiente de développer un DT2. Ce risque persiste jusqu’à 25 ans, c’est pourquoi il est important de réaliser un dépistage du DT2 par HGPO à 75g de glucose dès la visite postnatale puis tous les 3 ans et avant chaque grossesse.
Complications fœtales et néonatales
➤ Macrosomie fœtale
La macrosomie fœtale est la principale conséquence néonatale du DG. Elle correspond à un poids de naissance variant entre 4000g et 4500g ou supérieur au 90ème percentile selon les courbes de référence établies pour l’âge gestationnel et le sexe. L’insuline est un facteur de croissance essentiel pour le fœtus. L’hyperinsulinisme fœtal réactionnel à l’hyperglycémie maternelle retrouvée lors d’un DG explique le risque de macrosomie.
➤ Malformations
L’augmentation du risque malformatif en cas de DG est probablement liée à l’inclusion des DT2 méconnus. Les principales malformations retrouvées sont :
– cardiaques : transposition des gros vaisseaux, troncus arteriosus, atrésie tricuspide, ventricules droits à double issue,
– digestives : syndrome du petit côlon gauche, malrotations intestinales, atrésies ano-rectales,
– cérébrales et squelettiques : holoprosencéphalie, syndrome de régression caudale, spina bifida.
➤ Asphyxie néonatale et mortalité périnatale
Le risque d’asphyxie néonatale et de mortalité périnatale en cas de DG serait attribuable aux cas de DT2 méconnu, en association avec l’obésité maternelle [10].
➤ Hypoglycémie néonatale
Le risque d’hypoglycémie néonatale est plus important si le nouveau-né est macrosome. Ce risque peut être expliqué soit par la persistance après la naissance de l’hyperinsulinisme fœtal (en particulier si le DG est mal équilibré), soit par l’existence d’une hyperglycémie maternelle pendant le travail qui stimule la sécrétion d’insuline fœtale persistant en excès 1 à 2h après la naissance.
➤ Complications métaboliques à long terme
Les enfants nés de mères ayant eu un DG sont plus à risque de complications métaboliques à long terme telles que l’obésité ou le développement précoce d’un DT2 .
Il est donc important d’informer les parents du risque d’apparition de ces complications métaboliques et de mettre en place une surveillance de l’évolution pondérale infantile.
Prise en charge du DG
Pendant la grossesse
Le traitement du DG repose sur la diététique, l’autosurveillance glycémique (ASG) et l’insulinothérapie si besoin. La mise en place d’un traitement du DG permet de réduire les complications périnatales sévères, sans augmentation du taux de césarienne .
❖ La diététique
La prise en charge diététique est la pierre angulaire du traitement du DG. Elle doit tenir compte des besoins énergétiques de la femme enceinte (entre 25 et 35 Kcal/kg/j) et être adaptée selon l’IMC préconceptionnel, la prise de poids gestationnelle et les habitudes alimentaires. La prise en charge diététique repose sur une information des patientes concernant les règles d’hygiène alimentaire, par exemple :
– Favoriser les aliments à faible index glucidique,
– Associer les aliments glucidiques à des fibres qui retardent leur absorption,
– Fractionner les repas pour répartir l’apport glucidique sur toute la journée [14]. Associer une activité physique régulière au régime alimentaire améliore les glycémies postprandiales et diminue le recours à l’insuline. Il est recommandé d’avoir une activité physique de 30 minutes 3 à 5 fois par semaine [15].
❖ L’autosurveillance glycémique (ASG)
Les données de la littérature ne sont pas suffisantes pour démontrer son bénéfice, c’est pourquoi il n’y a pas de consensus concernant les modalités de l’ASG (fréquence, horaire, durée) [14]. L’ASG est toutefois recommandée dans le traitement du DG car elle permet une adaptation de la diététique et participe à la décision de l’instauration d’un traitement par insuline. Les objectifs glycémiques sont 0,95 g/l à jeun et 1,20 g/l en postprandial. Il est recommandé de réaliser 4 à 6 glycémies par jour .
❖ L’Insulinothérapie
L’insuline est le seul traitement médicamenteux de l’hyperglycémie pendant la grossesse car elle ne traverse pas la barrière placentaire. L’insulinothérapie est envisagée lorsque les objectifs glycémiques ne sont pas atteints après 7 à 10 jours de règles hygiénodiététiques (RHD). Il est préférable d’utiliser les analogues rapides de l’insuline (Lispro et Aspart) ou les NPH plutôt que les analogues lents de l’insuline car les données sont insuffisantes pour permettre une large utilisation. Les antidiabétiques oraux n’ont pas l’AMM pour être utilisés pendant la grossesse, ils ne sont donc pas utilisés pour le traitement du DG .
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Table des matières
Introduction
1. Le diabète gestationnel
1.1 Définition
1.2 Physiopathologie du DG
1.3 Epidémiologie
1.4 Dépistage du DG
1.5 Complications du DG
1.6 Prise en charge du DG
2. Education thérapeutique du patient
2.1 Qu’est-ce que l’éducation thérapeutique du patient ?
2.2 Finalités de l’ETP
2.3 Evaluation du programme d’ETP
2.4 ETP au CHU de Caen pour la prise en charge du DG
3. Vécu d’une pathologie prise en charge en ETP
3.1 Approche psychologique
3.2 Cas du DG
4. Problématique
Matériel et méthode
1. Objectifs de l’étude
2. Type d’étude
3. Durée et lieu de l’étude
4. Critères d’inclusion
5. Critères de non-inclusion
6. Critères de jugement
7. Analyses statistiques
Résultats
1. Profil des patientes
1.1 L’âge des patientes
1.2 L’IMC pré-gestationnel
1.3 Le terme de prise en charge
2. Satisfaction des patientes vis-à-vis du programme ETP
Discussion
1. Critique de l’étude
1.1 Points forts
1.2 Points faibles
2. Analyse et discussion
2.1 Vécu du programme d’ETP
2.2 Vécu du DG
2.3 Motivations et freins
3. Propositions
3.1 Un suivi psychologique
3.2 Une formation complémentaire
3.3 Un suivi obstétrical personnalisé
3.4 La continuité des soins
Conclusion
Bibliographie
Annexes