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Epidémiologie
Epidémiologie descriptive
Incidence
Le myélome multiple représente 1% de l’ensemble des cancers et 12% des cancers hématopoïétiques [23, 76]. Les auteurs rapportent de façon générale une variation de l’incidence d’un pays à l’autre, mais également en fonction de la race.
L’incidence mondiale du myélome multiple est évaluée à 2,8/100000 habitants par an pour les hommes et 2,1/100000 habitants par an pour les femmes [22].
L’incidence de la maladie en Europe est estimée à 4/100000 habitants par an pour les hommes et à 2,7/100000 habitants par an pour les femmes [14]. En 1993, une étude de l’I.A.R.C. révèle une discrète augmentation de l’incidence du myélome depuis 1984, cette incidence varie selon les pays entre 3,1 et 9,5/100000 habitants par an pour les hommes et entre 2,7 et 7/100000 habitants par an pour les femmes [47]. En France, elle serait de 5-6/100000 habitants, avec environ 3000 nouveaux cas diagnostiqués par an.
Aux Etats Unis, une étude a révélée une différence d’incidence en fonction de la race. L’incidence du myélome est de 5,4/100000 habitants par an pour les hommes et 4,6/100000 habitants par an pour les femmes dans la race blanche alors qu’elle est plus élevée dans la race noire de l’ordre de 7,7/100000 habitants par an pour les hommes et 7,4/100000 habitants par an pour les femmes [76].
Dans les Caraïbes, l’incidence dans la population noire est de 3,1/100000 habitants par an avec 3,6/100000 habitants par an chez les hommes et 2,8/100000 habitants par an chez les femmes [47, 79].
Il existe également une augmentation de l’incidence entre 1960 et 1980. Cette augmentation serait due en partie à l’introduction dans l’industrie de substances chimiques reconnues comme facteurs de risque du myélome multiple. [9]
La survenue de MM est plus rare dans les pays asiatiques notamment au Japon, en Chine et en Inde. L’incidence dans ces pays serait de l’ordre de 1,5/100000 habitants par an [55].
Au Sénégal, on retrouve également une augmentation de l’incidence hospitalière dans le temps passant de 3 cas en 1972 à 4,67 cas/an dans une étude datant de 1989 faîte à l’hôpital Principal de Dakar [47].
Dans les pays développés, il n’existe pas d’augmentation récente de l’incidence, mais l’impact du MM en termes de santé publique augmentera dans les années à venir, du fait du vieillissement de la population [38].
Age de survenue
La médiane d’âge est de 65 ans dans les séries hospitalières [23, 72]. Les patients hospitalisés appartiennent surtout à la tranche d’âge 60-75 ans, moins de 2 % ont un âge inférieur à 40 ans, et 3 % ont plus de 80 ans au diagnostic [38]. La survenue chez des adolescents et de jeunes adultes reste exceptionnelle. Le myélome n’existe pas chez l’enfant.
Sex Ratio
A tout âge et quelle que soit la race, une légère prédominance masculine est notée. Le sex-ratio homme/femme varie de 1,1 à 1,6 pour 1 [14].
Mortalité
Le myélome multiple est responsable de 1 à 2% de la mortalité par cancer dans le monde occidental et ce chez les blancs caucasiens [76]. Le rapport de l’OMS sur l’incidence et la mortalité par cancer dans 14 pays du monde en 2000 estimait à 236 496 le nombre de décès par lymphomes et myélome multiple [100]. Toujours selon l’OMS, la mortalité en France métropolitaine liée au myélome est de 4,6 décès pour 100000 habitants.
Il existe très peu de données concernant l’Afrique.
Epidémiologie Analytique
Les facteurs de risques
De multiples publications ont été consacrées aux facteurs de risque du MM, avec des conclusions souvent incertaines et controversées.
• Facteurs génétiques :
Malgré l’existence de cas familiaux de myélome multiple, on ne peut pas affirmer l’existence d’une prédisposition génétique dans la genèse de cette maladie. Certaines études comme celle de Brown et al [47], retrouvent un risque de myélome plus élevé chez les sujets ayant un antécédent familial de myélome, mais d’autres par contre ne trouvent pas de mécanisme génétique direct dans le développement du myélome.
Aucune liaison significative, permettant de définir un risque relatif (RR) pour l’individu, n’a été retrouvé avec les groupes sanguins ABO. Une méta-analyse a démontrée un risque accru de MM pour les individus HLA-B5 (RR=1,7) [38, 72]. Une augmentation significative du HLA-CW9 a également été observée dans le MM, tant chez les sujets de race caucasienne que dans la race noire américaine. Finalement, une fréquence anormale du HLA-CW5 et de l’allotype G3m (g5) est notée dans le MM chez les noirs américains.
Tous les auteurs s’accordent sur l’existence d’anomalies chromosomiques (translocations, délétions, anomalies de nombre), intervenant dans la pathogénie du myélome multiple. Ces mutations génétiques surviennent précocement ou plus tardivement au cours de l’évolution de la maladie.
• Facteurs environnementaux, professionnels et non professionnels :
Agents chimiques :
De nombreuses études ont examinées la possibilité d’une relation entre l’exposition à certains agents chimiques et le développement d’un myélome multiple. Divers professions et les expositions correspondantes ont été incriminées, sans que l’on puisse aboutir à des conclusions définitives, notamment sur les produits impliqués. Les principales professions mises en cause sont:
• Les agriculteurs avec de nombreux agents étiologiques suggérés: herbicides, pesticides, solvants organiques … [9, 53, 57, 72]
• L’industrie pétrochimique mais également le groupe des garagistes-pompistes et des chauffeurs qui sont des secteurs d’activité impliquant notamment une exposition au benzène [53].
• Les coiffeurs et les esthéticiennes sont des sujets exposés à une multitude de substances potentiellement pathogènes, mais se sont les teintures capillaires qui sont le plus fortement incriminées [47].
Agents physiques :
L’exposition aux radiations ionisantes est le seul facteur de risque établi [9, 38]. Des études menées respectivement sur des survivants de Hiroshima et Nagazaki et sur des employés de centrales nucléaires aux USA, ont montré une augmentation de l’incidence du myélome multiple dans ces deux populations plusieurs années après l’exposition initiale [9].
Il pourrait exister une liaison entre la survenue du myélome multiple et l’exposition aux champs électromagnétiques, mais celle-ci n’est pas encore élucidée [53].
Autres facteurs :
De nombreuses études, souvent contradictoires, ont décrit des associations plus ou moins significatives entre le MM et divers états : infections, immunisations, allergies… Certains virus sont considérés comme cofacteurs ou inducteurs dans le développement du myélome multiple. Une étude a ainsi montré que les sujets VIH positifs ont un risque plus important de développer la maladie par rapport à la population séronégative [14]. Récemment, l’herpès virus humain(HHV8) a été mis en évidence dans les cellules dendritiques de myélome, en sachant que son rôle dans la physiopathologie du MM reste très controversé [17, 23, 25].
Il semble exister également un risque accru de MM dans certaines affections comme la polyarthrite rhumatoïde [96], la maladie de Gaucher ou la leucémie lymphoïde chronique [9, 24, 38].
Les états prénéoplasiques :
Dans certains milieux très médicalisés, des enquêtes récentes ont rapporté que la majorité des MM ont été diagnostiqués chez des patients suivis pour une « Monoclonal Gammapathy of Undetermined Signifiance »(MGUS) ou Gammapathie monoclonale bénigne [24].
Le nombre de sujets présentant une MGUS est estimé à 1 % de la population de plus de 50 ans et à 3 % de celle de plus de 70 ans. Dans les 20 à 35 ans qui suivent la découverte du pic monoclonal sérique, 20 à 30 % des patients développeront un myélome multiple ou une maladie apparentée [23].
Pathogénie et physiopathologie
Pathogénie
Depuis une dizaine d’années, plusieurs aspects de la pathogénie du MM sont mieux connus, en particulier l’oncogenèse, le rôle des cytokines et de l’environnement médullaire dans la survie et la prolifération des cellules myélomateuses.
Les immunoglobulines monoclonales
• Généralités
Les immunoglobulines monoclonales sont des glycoprotéines, dont la fonction principale est la reconnaissance de l’antigène (immunité humorale). Chaque lymphocyte B, issu de la moelle, produit un anticorps de spécificité particulière, de sorte que les millions de lymphocytes B produisent des millions d’anticorps différents, susceptibles de réagir avec la multitude d’antigènes potentiels. Il arrive qu’un lymphocyte B unique prolifère (clone), se différencie et produise un anticorps en quantité abondante, au point que cette immunoglobuline devient individualisable (Ig monoclonale) par les techniques usuelles de détection des protéines dans le sang et/ou les urines [20].
Les Ig sont une famille de protéines, car elles ont une hétérogénéité de structure mais une base commune. L’unité centrale de base des Ig est le monomère (H2L2), constituée de quatre chaînes polypeptidiques : deux chaînes lourdes H (heavy chain) et deux chaînes légères L (light chain). Il a une forme en « Y » (Figure 1).
Les chaînes lourdes H sont composées d’un domaine N-terminal variable VH et des domaines C-terminaux constants CH, au nombre de trois ou quatre selon l’isotype. Chaque monomère d’Ig a deux sites de combinaison à l’antigène, situés à l’extrémité N-terminale de l’Ac.
La chaîne lourde varie selon la classe de l’Ig. On distingue cinq variétés ayant des masses moléculaires différentes (53 à 70 kDa).
• chaîne : IgA
• chaîne : IgD
• chaîne : IgE
• chaîne : IgG
• chaîne : IgM
Il existe deux types de chaîne légère (masse moléculaire= 25 kDa) : chaîne (kappa) et chaîne (lambda).
Les deux chaînes sont toujours de même type deux à deux, que se soient pour les chaînes lourdes ou pour les chaînes légères.
L’Ig contient des ponts disulfures, reliant les deux chaînes lourdes entres elles. Les Ig sont organisées en domaines :
• Variable à l’extrémité NH2, qui correspond au site de liaison de l’Ag (Fab).
• Constant qui comporte les deux types de chaînes et est responsable de l’activité biologique de l’Ig : fixation du complément, cytophilie, catabolisme… (Fc).
• Classes et sous-classes des Ig
Classe des IgG
Principale classe d’Ig, elle représente environ 75% des Ig totales et sa concentration est de 8 à 13 g/l chez l’adulte. Sa masse moléculaire est de 150 kDa et a une demi-vie de 21 jours. Elle comprend quatre sous-classes : IgG1, IgG2, IgG3 et IgG4.
Les IgG ont pour rôle de protéger l’organisme contre les bactéries, les virus et les toxines. Elles sont de plus une immunité passive chez le fœtus.
Classe des IgA
Second groupe d’Ig le plus important, 15 à 20 % des Ig totales, soit 1 à 4 g/l. Leur demi-vie est plus courte : 6 jours. Il existe deux sous classes : IgA1 et IgA2. Dans le plasma, elles sont sous forme de monomère H2L2 de masse moléculaire égale à 160 kDa (IgA sérique).
Au niveau des sécrétions, elles sont sous forme de dimère (H2L2)2 JS, de masse moléculaire égale à 400 kDa (IgA exocrine). Leur rôle est la défense des épithéliums contre les agents pathogènes.
Classe des IgM
Elles représentent 5 à 10 % des Ig totales, soit une concentration de 0,5 à 2 g/l et ont une demi-vie de 5 jours. Elles sont sous forme de pentamère (H2L2)5 J de 950 kDa. Ceux sont les premières immunoglobulines sécrétées lors du premier contact avec l’antigène.
Classe des IgD
Elles représentent moins de 1% des Ig totales, soit 0,05 à 0,4 g/l, avec une demi-vie de 4 jours et une masse moléculaire de 185 kDa. Elles se présentent sous la forme d’un monomère H2L2 et elles agissent comme récepteurs cellulaires.
Classe des IgE
Elles sont à l’état de traces (0,1 à 1 mg/l). Leur demi-vie est de 2 à 3 jours. Sous forme de monomère H2L2, elles jouent un rôle dans les réactions allergiques d’hypersensibilité immédiate. Leur masse moléculaire est de 190 kDa.
• Méthodes d’étude des Ig
Le dosage pondéral
Le dosage pondéral par immunonéphélémétrie ou immunoturbidimétrie permet de quantifier la diminution des Ig polyclonales dîtes « normales ». En revanche, en raison de l’imprécision de cette méthode, il est recommandé de contrôler l’évolution du taux de l’Ig monoclonale par la mesure du taux des gammaglobulines totales sur l’électrophorèse des protéines sériques.
L’électrophorèse des protéines sériques
L’électrophorèse des protéines sériques (EPS) permet l’appréciation quantitative mais également qualitative (sur l’aspect du tracé) des principaux composants protéiniques du plasma. Les protéines sont analysées par migration dans un champ électrique et dépôt en fonction de leur poids moléculaire. Les Ig ont une zone diffuse de migration dans les gammaglobulines, débordant parfois en bêta.
Dans le profil normal, la zone des gammaglobulines diffuse en forme de courbe gaussienne de hauteur proportionnelle à leur concentration.
Dans le profil pathologique, on retrouve un pic au niveau des gammaglobulines, correspondant au pic monoclonal.
L’immunofixation des protéines sériques
L’immunofixation est un test immunologique réalisé sur les protéines sériques, qui permet de poser le diagnostic de dysglobulinémie monoclonale. Elle confirme la clonalité du pic visualisé à l’EPS, en déterminant l’isotype de la chaîne lourde (G, A, M, D) et/ou de la chaîne légère kappa () ou lambda ().
Le but est de trouver quelles sont les protéines qui augmentent et sont responsables du pic pathologique.
L’électrophorèse et l’immunofixation des protéines urinaires L’exploration urinaire est utilisée pour typer une atteinte rénale et rechercher puis caractériser une chaîne légère libre d’Ig, que l’on retrouve généralement dans les urines au cours du MM [69].
L’électrophorèse des protéines urinaires permet de déterminer le caractère sélectif ou non de la protéinurie. L’immunofixation quant à elle, sert à définir la nature exacte de cette protéine.
Phénotype tumoral, nature de la cellule souche tumorale
La cellule reconnue cytologiquement comme tumorale dans le myélome est le plasmocyte dystrophique. Ces cellules sont plus ou moins différenciées. Les cellules tumorales du myélome ont un phénotype de plasmoblastes [72]. Une forte expression de CD38, CD28, l’absence d’antigènes B, la présence irrégulière d’antigènes myélomonocytaires (CD13, CD33), mégacaryocytaires, érythroïdes, du CD10 et l’expression de différents antigènes d’adhésion caractérisent ces cellules. La cellule à l’origine du MM présente une (ou plusieurs) anomalie(s) dans son génome, mais reste apte à migrer dans la moelle osseuse et à se différencier en plasmocyte secrétant une Ig. Il existe, chez un même patient, des populations de cellules myélomateuses de différents degrés de maturité. Il est probable que la fraction plus immature de ces cellules, qui est la fraction proliférante, soit capable d’auto-renouvellement et soit ainsi responsable de l’expansion du clone malin [9].
Oncogenèse
La cause de la prolifération plasmocytaire maligne n’est pas connue, mais une instabilité génétique est vraisemblablement impliquée. Elle peut conduire à des réarrangements chromosomiques dont la résultante est une activité cellulaire anormale traduisant la malignité.
En définitive, les étapes d’apparition du myélome pourraient être la stimulation antigénique, la sélection d’un clone anormal, l’expansion de ce clone et la progression vers la malignité à la suite d’événements génétiques comme l’activation d’oncogènes [34].
• Oncogènes
Ces événements oncogéniques portent sur les gènes MYC et BCL-2, RAS et celui de la protéine p53. [25, 44]
Les protéines MYC et BCL-2 sont fréquemment hyper-exprimées dans les plasmocytes tumoraux [9]. Il est rare que ce phénomène puisse s’expliquer par des réarrangements des gènes, par une amplification génique ou par la présence de mutations ponctuelles.
La présence de mutations ponctuelles sur certains allèles de l’oncogène RAS est maintenant bien établie dans le MM. Ces mutations s’observent chez 10 à 25% des malades en phase chronique, 30 à 50% de ceux en phase accélérée et dans 75% des cas en phase aiguë. Seuls les allèles N-ras (77% des cas) et K-ras sont mutés [9]. Les mutations K-ras constituent un facteur péjoratif de survie, tandis que les mutations N-ras, sans effet significatif sur la survie, sont associées plus fréquemment à un profil génétique favorable [36].
Comme pour le gène RAS, la présence de mutations ponctuelles sur le gène de la p53 est bien établie dans le MM. Les mutations sur le gène de la p53 sont retrouvées chez 2 à 20% des patients, et sont associées à la phase terminale de la maladie [38].
• Anomalies cytogénétiques
Le MM se caractérise par l’existence d’anomalies cytogénétiques nombreuses et complexes, numériques et/ou structurales (20 à 60% des patients). Le caryotype peut ainsi présenter jusqu’à quinze à vingt anomalies chromosomiques, différentes d’un patient à l’autre [102]. Mais jusqu’à présent, la biologie moléculaire n’a pas retrouvé une anomalie récurrente, spécifique du MM. A noter aussi, la progression de la fréquence des anomalies cytogénétiques en fonction du stade et de l’évolution de la pathologie [102].
• Les anomalies de nombre :
La ploïdie apparaît comme un paramètre important. Le MM est caractérisé par la fréquence d’occurrence d’aneuploïdie. Les études en cytométrie de flux montrent une hypodiploïdie chez 20 à 30% des patients, une hyperdiploïdie chez 55 à 60%, et une pseudodiploïdie chez 10 à 20% des patients [38, 44, 95]. L’hypoploïdie s’associe généralement à une résistance à la chimiothérapie et à un mauvais pronostic [9, 67].
Les gains portent sur les chromosomes 9, 3, 19, 15, 11, 5, 7 et les pertes essentiellement sur les chromosomes 13, 8, 14 et 10. La délétion du chromosome 13 est très fréquente dans le MM, retrouvée chez à peu près la moitié des patients [5, 64]. Il peut s’agir d’une délétion partielle (del13q-), mais dans la plupart des cas c’est une délétion totale du chromosome, ou monosomie 13 (del13). La délétion du chromosome 13 n’est pas simplement un marqueur d’hypodiploïdie du MM. Elle confère des caractéristiques biologiques particulières aux cellules, supportant leur expansion clonale [45].
• Les anomalies structurales :
Les études cytogénétiques classiques puis en FISH, confirment l’existence d’anomalies structurales. Ces anomalies portent sur le chromosome 1, le 11 et le 14. Il s’agit majoritairement de translocations t (11 ; 14) (q13 ; q32) (15% des patients, avec dysrégulation de la cycline D1) et t (4 ; 14) (p16 ; q32) (10% des patients, avec surexpression du récepteur 3 pour le fibroblast growth factor (FGFR3 et de MMSET)
[38]. Rarement, il existe aussi des translocations t (14 ; 16) (q32 ; q23) impliquant le locus c-maf et t (6 ; 14) (p21 ; q32) avec surexpression de la cycline D3 [5].
La translocation du gène c-myc retrouvée chez 15% des patients au diagnostic et la délétion du bras court du chromosome 17 Del17p où est localisé le gène suppresseur de tumeur p53 (10% des patients) sont des événements secondaires. Ils sont liés à un stade tardif de la maladie. Le pourcentage de translocation du gène c-myc augmente avec la progression du MM.
Ces anomalies ne sont pas spécifiques du myélome, mais la découverte d’une anomalie cytogénétique constitue un élément pronostique [72, 91].
Le clone tumoral et ses rapports avec l’environnement
• Progression tumorale – Facteurs de croissance
Deux facteurs ont été identifiés comme ayant un rôle majeur dans la physiopathologie de la maladie : l’IL-6 et l’IGF-1 (insulin growth factor-1) [29]. D’autres cytokines agissent soit en augmentant la sensibilité des cellules myélomateuses à l’interleukine 6, soit en induisant une sécrétion autocrine d’interleukine 6 dans ces cellules [1, 25, 60].
• L’interleukine 6
L’interleukine 6 est le facteur de croissance essentiel du MM, elle est un stimulant majeur de la prolifération des cellules myélomateuses et joue un rôle déterminant dans leur survie [23]. Plusieurs travaux récents ont ainsi montré le rôle biologique central de l’IL6 dans la biologie du MM comme facteur de prolifération tumorale in vitro et in vivo.
L’IL6 est produite essentiellement par l’atmosphère médullaire périplasmocytaire et par une production plasmocytaire autocrine [23, 60]. L’action proliférative de l’IL6 fait intervenir un ensemble complexe de réactions enzymatiques incluant notamment le système Ras/Raf/MAP [72]. Il est possible d’établir de façon reproductible des lignées de cellules myélomateuses dont la croissance in vitro est totalement dépendante de l’IL6 [9]. De même in vivo, un traitement par anticorps monoclonaux anti-interleukine 6 effectué au stade terminal de la maladie permet d’obtenir des régressions tumorales significatives [96]. Les malades atteints de MM produisent de l’IL6 en excès. Cette production explique des taux sériques d’IL6 élevés et l’augmentation significative de la protéine C réactive (CRP) sanguine, dont la production hépatique est sous la dépendance de l’IL6. Ces deux derniers paramètres (taux sériques d’IL6 et de CRP) ont une grande valeur pronostique dans le MM [23].
Mais il est important de préciser que si l’interleukine 6 est un facteur essentiel pour la prolifération plasmocytaire, elle n’est pas suffisante et d’autres stimuli doivent être impliqués in vivo dans la croissance à long terme des cellules tumorales [6].
• L’insulin growth factor 1 (IGF-1) constitue un autre facteur majeur de prolifération des cellules myélomateuses. Il contribue à cette prolifération grâce à ses propriétés anti-apoptotiques [38].
De nombreux autres couples récepteur/ligand (chemokine ou cytokine) sont impliqués dans les interactions entre les cellules myélomateuses et le stroma médullaire :
• Cytokines hématopoïétiques : GM-CSF, interleukine 3, interleukine 5, G-CSF Ces cytokines sont de puissants stimulants de la prolifération plasmocytaire. Elles augmentent la réponse des cellules myélomateuses à l’interleukine 6. Toutefois, elles n’ont pas d’effet sur la production d’interleukine 6 par l’environnement tumoral [1, 59, 60].
• TNF, interleukine 1 et VEGF (vascular endothelial growth factor)
Ils induisent une sécrétion d’interleukine 6 par les cellules de l’environnement tumoral, ainsi qu’une production autocrine par les cellules myélomateuses, mais n’agissent pas directement sur la prolifération plasmocytaire.
• Relation avec l’environnement stromal et hématopoïétique
Les relations avec l’environnement stromal (fibroblastes, ostéoblastes) et hématopoïétique (macrophages, ostéoclastes) et immunologique (lymphocytes T, NK) sont essentielles dans la progression du MM. Cet environnement apporte en effet les facteurs nécessaires à la croissance du clone tumoral. Beaucoup d’études in vitro viennent à l’appui de ce concept [9].
Le contact avec cet environnement péritumoral est sous la dépendance de nombreuses molécules d’adhésion. De nombreux travaux ont été consacrés à l’expression de ces molécules d’adhésion, les plus étudiées sont le CD44, le CD54, le CD56, le CD58, le VLA-5 et le LFA-1. L’expression de certaines de ces molécules est variable au cours des différentes phases évolutives de la maladie.
Physiopathologie des principales manifestations cliniques et biologiques
La malignité du MM s’exprime essentiellement par une destruction osseuse, une insuffisance médullaire, une hypogammaglobulinémie avec des infections intercurrentes surtout bactériennes et une insuffisance rénale. Cette malignité est liée aux facteurs locaux et généraux et principalement à l’Ig monoclonale elle-même.
L’atteinte osseuse :
L’envahissement et la destruction de l’os sont des événements caractéristiques du MM. L’ostéolyse est la conséquence d’une augmentation de l’activité de résorption ostéoclastique, dans la proximité des plasmocytes tumoraux. Cette hyperactivité est médiée par un ou plusieurs facteurs, appelés de façon générale «ostéoclast activating factor» (O.A.F.), capables in vitro non seulement d’activer les ostéoclastes mais également d’inhiber les ostéoblastes et la synthèse de collagène [9, 49]. Il s’agit essentiellement de l’IL1, l’IL6, les TNF et, de chémokines comme MIP-1 [91].
La découverte du système ostéoprotégérine (OPG)/RANK/RANKL a permis de mieux comprendre le mécanisme de l’ostéopathie dans le MM [4]. Au laboratoire, l’implication du système OPG/RANKL dans l’ostéolyse a été démontrée. La molécule RANKL, exprimée par les cellules préostéoblastiques, se lie à son récepteur RANK présent sur les ostéoclastes, et cette liaison augmente fortement l’activité ostéoclastique [9, 49]. L’équipe de Little Rock, a également montré que les lésions ostéolytiques étaient associées à une production locale d’une protéine appelée DDK1. [55]
L’«hepatocyte growth factor» (H.G.F.) est un facteur de croissance produit par les cellules myélomateuses et trouvé en fortes concentrations dans la moelle osseuse des patients atteints de MM en corrélation avec le taux de phosphatases alcalines [49]. Des données récentes indiquent que l’HGF inhibe in vitro l’ostéoblastogenèse. Et en outre, cette hormone induit une sécrétion d’interleukine 1 qui favorise la formation ostéoclastique et inhibe l’activité ostéoblastique [47]. Elle pourrait ainsi jouer un rôle dans la pathogénie des lésions osseuses du myélome multiple.
Le M-CSF (macrophage colony stimulating factor) participe également au phénomène d’hyperostéoclastose. Lorsqu’il se fixe sur son récepteur, il favorise la formation et la croissance des précurseurs ostéoclastiques. La survie de ces précurseurs est assurée par différentes molécules parmi lesquelles le VEGF, le M-CSF lui-même et l’interleukine 1 [18].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS SUR LE MYELOME MULTIPLE
1. Définition
2. Historique
2.1. Dans le monde
2.2. En Afrique
3. Epidémiologie
3.1. Epidémiologie descriptive
3.1.1. Incidence
3.1.2. Age de survenue
3.1.3. Sex-ratio
3.1.4. Mortalité
3.2. Epidémiologie Analytique
3.2.1. Les facteurs de risques
3.2.2. Les états prénéoplasiques
4. Pathogénie et physiopathologie
4.1. Pathogénie
4.1.1. Les immunoglobulines monoclonales (Ig)
4.1.2. Phénotype tumoral, nature de la cellule souche tumorale
4.1.3. Oncogenèse
4.1.4. Le clone tumoral et ses rapports avec l’environnement
4.2. Physiopathologie des principales manifestations cliniques et biologiques
4.2.1. L’atteinte osseuse
4.2.2. L’anémie
4.2.3. Les infections
4.2.4. L’atteinte neurologique
4.2.5. L’insuffisance rénale
4.2.6. Les hémorragies
4.2.7. Modifications biochimiques
5. Etude clinique
5.1. Type de description : Le myélome multiple des os symptomatique du sujet âgé
5.1.1. Circonstances de découverte
5.1.2. Signes cliniques
5.1.3. Signes paracliniques
5.1.3.1. La biologie
5.1.3.2. L’immunologie
5.1.3.3. La cytologie : le myélogramme (médullogramme)
5.1.3.4 L’histologie : la biopsie ostéo-médullaire
5.1.3.5 L’imagerie
5.1.3.6. Autres analyses et explorations
5.2. Les formes cliniques
5.2.1. Formes immunochimiques
5.2.1.1. Les myélomes multiples à chaîne légère
5.2.1.2. Les myélomes à immunoglobuline D
5.2.1.3. Les myélomes non excrétants/sécrétants
5.2.2. Formes anatomo-cliniques
5.2.2.1. Le plasmocytome solitaire
5.2.2.2. La leucémie à plasmocytes
5.2.2.3. Le POEMS syndrome
5.2.2.4. Le myélome indolent/ smoldering myeloma
5.3. L’évolution
5.3.1. Phases évolutives
5.3.2. Complications
5.3.2.1. L’insuffisance rénale
5.3.2.2. Le syndrome d’hyperviscosité
5.3.2.3. L’hypercalcémie
5.3.2.4. Les infections
5.3.2.5. Les complications neurologiques
5.3.2.6. L’amylose
5.4. Diagnostic
5.4.1. Diagnostic positif
5.4.2. Diagnostic différentiel
5.4.2.1. Des lésions osseuses
5.4.2.2. De la gammapathie monoclonale
5.4.3. Diagnostic étiologique
5.5.1. Facteurs liés à la masse tumorale
5.5.1.1. La 2-microglobuline
5.5.1.2. Le taux sérique de CD138 soluble
5.5.1.3. Le degré d’insuffisance médullaire
5.5.2. Facteurs liés à la résorption osseuse
5.5.3. Facteurs intrinsèques à la cellule tumorale
5.5.3.1. Le degré de prolifération
5.5.3.2. La morphologie plasmocytaire
5.5.3.3. Le taux sérique de CRP et l’albumine
5.5.4. Facteurs génétiques
5.5.5. Autres facteurs pronostiques
5.5.6. Réponse à la chimiothérapie
5.6. Traitement
5.6.1. Buts
5.6.2. Moyens
5.6.2.1. Traitements spécifiques
5.6.2.2. Traitements symptomatiques
5.6.3. Indications thérapeutiques
5.6.3.1. Conduite du traitement initial
5.6.3.2. Evaluation de la réponse, définition de la rémission et de la rechute
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. OBJECTIFS
1.1. Objectif général
1.2. Objectifs spécifiques
2. METHODOLOGIE
2.1. Cadre d’étude
2.2. Type et période d’étude
2.3. Populations
2.3.1. Critères d’inclusion
2.3.2. Critères de non inclusion
2.3.3. Recueil des données
2.4. Description de la fiche d’exploitation
2.5. Analyse statistique des données
3. RESULTATS
3.1. Les aspects épidémiologiques
3.1.1. La prévalence
3.1.2. L’âge
3.1.3. Le sexe
3.1.4. L’activité socio-professionnelle
3.1.5. Le lieu de résidence
3.2. Les aspects cliniques
3.2.1. Les circonstances de découverte
3.2.2. Les signes cliniques
3.2.2.1. Les manifestations générales
3.2.2.2. Les manifestations ostéo-articulaires
3.2.2.3. Les manifestations hématologiques
3.2.2.4. Les manifestations neurologiques
3.2.2.5. Les manifestations infectieuses
3.2.2.6. Autres manifestations cliniques
3.3. Les aspects biologiques
3.3.1. La vitesse de sédimentation
3.3.2. La numération formule sanguine
3.3.2.1. Le taux d’hémoglobine
3.3.2.2. Le taux de leucocytes
3.3.2.3. Le taux de plaquettes
3.3.3. La calcémie
3.3.4. La fonction rénale
3.3.5. L’acide urique
3.3.6. La protidémie
3.3.7. L’albuminémie
3.3.8. La protéinurie
3.3.9. L’électrophorèse des protéines sériques
3.3.10. L’immunofixation des protéines sériques
3.3.11. L’immunofixation des protéines urinaires
3.3.13. La bêta 2 microglobuline
3.3.14. La lactico déshydrogénase
3.4. Les aspects anatomo-pathologiques
3.4.1. Le médullogramme
3.4.2. Biopsie des tuméfactions osseuses
3.5. Les aspects radiologiques
3.5.1. La radiographie standard du squelette
3.5.2. La radiographie pulmonaire
3.5.3. La tomodensitométrie
3.5.4. La résonance magnétique
3.6. La classification pronostique
3.6.1. La classification de Salmon et Durie
3.6.2. La classification de l’ISS
3.7. Complications
3.8. Le traitement et le suivi
3.8.1. Le traitement
3.8.2. Le suivi
4. RESULTATS ANALYTIQUES
4.1. Distribution en fonction du sexe et des groupes d’âge
4.2. Les facteurs pronostiques
DISCUSSION
1. Limites
2. Aspects épidémiologiques
2.1. Prévalence hospitalière
2.2. Age
2.3. Sex-ratio
2.4. Facteurs de risque
3. Les aspects cliniques et paracliniques
3.1. Circonstances de découverte
3.2. Les signes généraux
3.3. Les manifestations ostéo-articulaires
3.4. Les manifestations hématologiques
3.4.2. Le syndrome hémorragique
3.4.3. Autres manifestations hématologiques
3.5. Les complications
3.5.1. Les complications neurologiques
3.5.2. Les complications rénales
3.5.3. Les complications infectieuses
3.5.4. Autres complications
3.6. Autres paramètres paracliniques du diagnostic de myélome
3.6.1. La vitesse de sédimentation
3.6.2. Le bilan protidique
3.6.3. Le myélogramme
4. Pronostic
4.1. Facteurs pronostiques reflétant la masse tumorale
4.1.1. L’insuffisance médullaire
4.1.2. Les facteurs liés à la résorption osseuse
4.1.3. La bêta2microglobuline
4.1.4. La lactico déshydrogénase
4.1.5. L’insuffisance rénale
4.1.6. La plasmocytose médullaire
4.2. Facteurs pronostiques liés à la malignité intrinsèque du clone
4.2.1. La nature du composant monoclonal
4.2.2. La CRP
4.2.3. L’albumine
4.2.4. Autres facteurs pronostiques intrinsèques à la cellule tumorale
4.3. Facteurs liés à l’hôte
4.4. Classification
4.4.1. La classification de Durie et Salmon
4.4.2. La classification de l’ISS
5. Traitement, suivi et survie
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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