Physiopathologie des métastases cérébrales

Étymologiquement, le terme métastase, du grec metastasis aurait pour sens « je change de place « , est apparu au XVIe siècle pour désigner les tumeurs secondaires à une tumeur primitive. Les métastases cérébrales désignent un cancer qui a pris naissance dans une autre partie du corps et qui s’est propagé à l’encéphale. [15] Les métastases cérébrales représentent la majorité des tumeurs intracrâniennes. Bien que tout cancer soit à même de développer des métastases cérébrales, chez l’adulte, dans deux tiers des cas celles-ci proviennent d’un cancer bronchique, d’un cancer du sein ou d’un mélanome. À lui seul, le cancer d’origine bronchique est le plus grand pourvoyeur de métastases cérébrales, à l’origine de 30 % à 50 % des cas. C’est aussi le cancer le plus fréquemment associé à des métastases cérébrales sans autre manifestation métastatique extracérébrale. Le cancer du sein et le mélanome sont chacun à l’origine de 10 à 20 % des cas de métastases cérébrales.De plus en plus fréquemment, on peut observer des métastases cérébrales de cancers du rein, de cancers d’origine digestive ou gynécologique. Malgré les progrès constants de l’imagerie médicale, le cancer primitif ne peut être mis en évidence dans 10 % des cas [83]. Les récentes avancées en oncologie, notamment l’apparition des thérapeutiques ciblées, ont améliorées la prise en charge des patients cancéreux. L’amélioration des traitements en oncologie a permis une amélioration de la survie et de la qualité de vie des patients cancéreux. Dans un contexte de rémission et de meilleur contrôle de la maladie systémique, les métastases cérébrales (MC) deviennent un nouvel enjeu en oncologie, en particulier pour la qualité de vie des patients.

Le processus métastatique est un ensemble d’étapes distinctes, assez bien caractérisées et qui mettent en jeu de nombreux effecteurs moléculaires. Plusieurs modèles expliquant leur genèse ont été proposés : modèles sélectifs (sélection clonale) et adaptatifs (oncogenèse initiale), rôle de cellules souches tumorales, transition épithélio-mésenchymateuse, etc. L’étude des cellules tumorales circulantes et disséminées, qui sont deux nouvelles fenêtres d’étude clinique et biologique du processus métastatique, devrait permettre de futures avancées [15] L’incidence des MC semble être en augmentation. Ce phénomène pourrait être expliqué par l’efficacité grandissante des thérapeutiques systémiques, mais également par l’amélioration de l’imagerie cérébrale. [81; 82] La stratégie thérapeutique en cas de découverte de métastases encéphaliques repose sur le diagnostic positif des lésions et sur leur description. L’imagerie joue un rôle crucial dans le diagnostic et la surveillance thérapeutique des lésions.

Physiopathologie des métastases cérébrales

Histoire naturelle des cancers

L’histoire naturelle d’un cancer peut être divisée schématiquement en plusieurs phases: phase précancéreuse (prédispositions, dysplasie), phase locale (microinvasion, extensions locorégionales), phase générale (métastatique). Cette progression tumorale est liée à l’instabilité génétique des cellules cancéreuses. Des modifications génétiques spontanées vont survenir progressivement, avec apparition de variants du clone initial, entrainant une hétérogénéité de la tumeur. Ces clones variants auront des comportements prolifératifs, invasifs, antigéniques, et métastatiques hétérogènes, ou encore une sensibilité inégale a la chimiothérapie.

❖ Phase précancéreuse et carcinome in situ
Le processus cancéreux débute par une lésion génétique d’une ou plusieurs cellules et une expansion clonale d’une cellule lésée. Les cellules cancéreuses ultérieures dérivent d’un même clone : elles sont monoclonales. La monoclonalité est un élément diagnostic en faveur de la nature cancéreuse d’une prolifération cellulaire. Elle peut être mise en évidence par immunohistochimie au niveau des cellules plasmocytaires : une tumeur à différenciation plasmocytaire exprimant une seule chaîne légère d’immunoglobuline (kappa ou lambda) est maligne. La monoclonalité peut également être mise en évidence par des techniques de biologie moléculaire utiles pour le diagnostic de certains lymphomes.

D’autres lésions génétiques surviennent. Puis apparaissent les premières lésions reconnaissables à l’examen microscopique. Elles forment un ensemble lésionnel complexe généralement appelé dysplasie associant :
● des anomalies de nombre des cellules : hyperplasie
● de la différenciation : dédifférenciation, différenciation anormale
● des anomalies cyto-nucléaires
● une activité mitotique souvent augmentée
● des figures d’apoptose
● et, dans les formes les plus avancées, désorganisation architecturale.

L’accumulation de lésions génétiques aboutit à la formation d’un cancer avec son potentiel d’invasion des tissus voisins et de métastases. Le moment de la transformation de la dysplasie (lésion précancéreuse) en cancer n’est pas défini avec précision. Au niveau des épithéliums séparés du tissu conjonctif par une membrane basale bien distincte, il est possible de décrire un stade de cancer in situ (carcinome in situ) avec des épithéliales cancéreuses qui ne franchit pas la membrane basale de l’épithélium, et donc n’envahit pas le tissu conjonctif. Le carcinome in situ est aussi dit non invasif. Généralement, le carcinome in situ ne se distingue pas des degrés les plus avancés de dysplasie (dysplasie sévère) car il comporte les mêmes anomalies (atypies cytonucléaires, mitoses anormales, désorganisation architecturale). Il est lui aussi limité à l’épithélium et ne franchit pas la membrane basale Un carcinome in situ a le risque de se transformer en carcinome invasif, mais ne donne pas lui-même de métastase.

❖ Phase locale du cancer: l’invasion
Les cellules tumorales envahissent le tissu conjonctif selon un processus actif et complexe, lie à l’acquisition de nouvelles propriétés biologiques par certaines cellules du clone tumoral. Le stroma du cancer (notamment l’angiogenese indispensable des que la masse tumorale dépasse 1 à 2 mm de diamètre) est nécessaire à la croissance de la tumeur et s’élabore lors de la phase d’invasion. La plupart des carcinomes débutent par une phase de prolifération intra-épithéliale, puis deviennent invasifs lors du franchissement de la membrane basale. Les cancers non épithéliaux sont d’emblée invasifs, à l’exception des mélanomes. L’invasion des structures normales d’un tissu est une caractéristique des cellules cancéreuses. Au niveau des épithéliums, la première étape est le franchissement de la membrane basale. Puis, les cellules cancéreuses envahissent les structures de proche en proche. Ceci définit l’extension par contiguïté. La tumeur s’étend progressivement dans l’organe ou elle est née et envahit ses différents constituants de proche en proche (ex : sous-muqueuse puis musculeuse colique, musculeuse vésicale, hypoderme…). Les tissus normaux sont ainsi progressivement remplacés par la formation tumorale. L’aspect macroscopique dépend du type de l’organe et de l’importance des phénomènes de destruction. L’extension locale conditionne en grande partie la possibilité de pratiquer une résection chirurgicale de la tumeur. La résécabilité est souvent un facteur pronostic majeur pour les cancers. Il peut être nécessaire de pratiquer des examens extemporanés pour savoir lors de l’intervention si l’exérèse est en zone saine. Au niveau de la pièce de résection, l’examen anatomopathologique précise le stade d’extension, le plus souvent en utilisant la classification TNM qui dépend de chaque organe.

❖ Phase générale du cancer: la métastase
La progression tumorale dépend du pouvoir prolifératif et du pouvoir métastasiant. Apres une phase locale, les métastases (du grec métastasis : déplacement) font toute la gravité de la maladie cancéreuse. Les métastases sont des foyers cancéreux secondaires, développes à distance de la tumeur primitive, et dont la croissance est autonome, indépendante de celle de la tumeur primitive. Le moment d’apparition des métastases dans l’histoire naturelle d’un cancer est variable :
– elles peuvent être révélatrices d’une tumeur primitive jusque-là asymptomatique et donc méconnue (ex : métastase cérébrale symptomatique d’un mélanome cutané non diagnostique) ;
– elles peuvent être contemporaines de la tumeur primitive et sont découvertes, soit lors du bilan d’extension, soit parce qu’elles entrainent des symptômes cliniques ;
– elles peuvent survenir au cours de l’évolution d’un cancer traite parfois très tardivement alors que la tumeur primitive est éradiquée par la thérapeutique.

Elles vont souvent de pair avec la résistance au traitement. Pour ce qui est de la dissémination métastatique, que ce soit par voie sanguine ou lymphatique, les cellules cancéreuses qui quittent le foyer tumoral initial doivent franchir des étapes successives : chaque étape représente un obstacle que seul un petit nombre de cellules cancéreuses ayant réussi à s’adapter à un nouvel environnement réussiront à franchir.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. DONNEES FONDAMENTALES
I.1 Physiopathologie des métastases cérébrales
I.1.1 Histoire naturelle des cancers
I.1.2. Mécanisme de formation des métastases cérébrales
I.1.3. Tropisme cérébral et la théorie du seed and soil
I.2 Anatomopathologie des métastases cérébrales
I.2.1. Localisation des lésions métastatiques
I .2.2 Nombre des métastases
I.2.3. Aspects macroscopiques
I.2.4 Aspects microscopiques
II EPIDEMIOLOGIE
II-1Epidémiologie globale des métastases cérébrales
II-2 Epidémiologie spécifique du cancer primitif
II.2.1 Métastases cérébrales par cancer broncho-pulmonaire
II.2.2 Métastases cérébrales par cancer du sein
II. 2.3. Métastases cérébrales par mélanome
II.2.4 Métastases cérébrales par cancer du colon
II.2.5. Métastases cérébrales par cancer du rein
II.2.6 Métastases cérébrales par primitif d’origine inconnu
III. DIAGNOSTICS
III.1.Diagnostic Positif
III.1 1.Circonstances de découvertes
III.1.2. Clinique
III.1.3. Examens complémentaires
III.2.Diagnostic différentiel
III.2.1 Diagnostic différentiel devant une lésion unique
III.2.2 Diagnostic différentiel devant des lésions multiples
III.3.Diagnostic étiologique
III.3.1 Bilan étiologique
III.3.2. Cancers primitifs responsables
IV TRAITEMENT
IV.1.Buts thérapeutiques
IV.2. Moyens thérapeutiques
IV.2.1. Traitements symptomatiques
IV.2.2. Traitements anti tumoraux
IV.3. Indications thérapeutiques
IV.3.1 . Traitement selon la maladie cérébrale
IV.3.2 Traitement selon l’état général du patient
IV.3.3. Traitement selon le pronostic du patient
V . Evolution – Pronostic
V.1. Facteurs pronostiques
V.1.1. Métastases cérébrales par cancer bronchopulmonaire
V.1.2. Métastases cérébrales par cancer du sein
V.1.3. Métastases cérébrales par mélanome
V.1.4. Métastases cérébrales par cancer du rein
V.1.5. Métastases cérébrales par cancers colorectaux
V.2. Scores pronostiques
V.2.1. Scores indépendants du primitif
V.2.2. Scores et facteurs pronostiques en fonction du primitif
CONCLUSION

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