Physiopathologie des intoxications au paracétamol

Généralités

Le paracétamol est l’un des médicaments les plus vendus au monde, à la fois pour son effet antalgique mais aussi pour son effet antipyrétique. En France, il appartient à la famille de médicaments les plus prescrits (492 millions de boites vendues en 2012, soit 50% du marché pharmaceutique en ville). Devant la banalisation de l’usage des antalgiques, leur prescription a été multipliée par 1,5 en 10 ans .

En France, les intoxications médicamenteuses restent un problème de santé publique. Le paracétamol représente 2 à 7 % des intoxications médicamenteuses (2). Leurs fréquences sont d’autant plus élevées que le paracétamol est accessible rapidement et disponible sans ordonnance. La banalisation de son usage, le fait apparaître comme une molécule anodine et inoffensive. Le problème est, qu’en cas de surdosage ou de prise volontaire abusive, il peut entraîner des lésions hépatiques sévères. Ces intoxications au paracétamol présentent une gravité potentiellement mortelle. Elles peuvent évoluer vers une hépatite fulminante car il existe souvent une absence de symptômes cliniques et biologiques pendant les 10 à 12 premières heures. L’évolution peut se faire vers la guérison, la transplantation hépatique ou la mort.

Il n’est pas anodin d’être transplanté, cela entraîne un risque opératoire, la prise d’un traitement immunosuppresseur à vie ainsi que des problèmes médicaux divers liés à cette immunosuppression.

Cas clinique 

Une jeune femme de 21 ans, sans antécédents particuliers, a pris 9 grammes de paracétamol dans un but suicidaire pour des raisons personnelles le 10 août 2013. Le 11 août, elle présentait des nausées, douleurs de l’hypochondre droit et de l’hypogastre. Le lendemain, elle consultait son médecin traitant qui l’adressa aux urgences. Le bilan initial montrait un TP effondré à 23 %, une cytolyse hépatique à 18 fois la normale et une paracétamolémie négative. Elle ne présentait ni défaillance d’organe, ni signe d’encéphalopathie hépatique. Un protocole N acétylcystéine fut débuté. La jeune femme a été transférée par l’équipe du SMUR de Rouen dans la nuit du 12 au 13 août en réanimation à l’hôpital de Beaujon pour rapprochement d’un centre de transplantation hépatique devant une hépatite fulminante aiguë et des lactates à 3,03 mmol/L après remplissage. Pendant le transport, à la question « Pourquoi avez vous pris du paracétamol ? », elle a répondu qu’elle n’avait pas vraiment envie de mourir et qu’elle avait pris du paracétamol car elle pensait que c’était un médicament inoffensif étant donné qu’il est utilisé couramment et en vente libre.

Finalement, l’état clinico-biologique de la patiente s’est rapidement amélioré ce qui a permis de sursoir à la transplantation hépatique.

Physiopathologie des intoxications au paracétamol 

Seuil de Toxicité

La toxicité hépatique lors d’un surdosage en paracétamol survient pour une dose absorbée supérieure à 150 mg/kg chez l’adulte et 200 mg/kg chez l’enfant. En cas de facteurs de risques associés, le paracétamol est toxique pour une dose absorbée supérieure à 75 mg/kg, soit 5250 mg pour un adulte de 70 kg . Les facteurs de risques sont : un alcoolisme chronique, une hépatopathie chronique, un traitement inducteur enzymatique tel que phénobarbital, carbamazépine, phénytoïne, primidone ou rifampicine (5), une présentation tardive et un état de carence protidique  .

Mécanisme d’action 

Le paracétamol n’est pas toxique par lui-même mais son niveau de toxicité hépatique est dose-dépendant et résulte notamment de l’action du cytochrome P450. Mitchell et al. ont été les premiers en 1973 à décrire la physiopathologie de ce type d’intoxication. Le paracétamol est éliminé par 3 grandes voies:
❖ Conjugaison avec un sulfate = sulfoconjugaison
❖ Conjugaison avec un glucuronide = glucuronoconjugaison
❖ Métabolisation à 5% par le cytochrome P450 2E1.

C’est justement cette 3ème voie qui est mise en cause dans l’intoxication. En effet, le cytochrome P450 2E1 produit un métabolite, le N-acétyl-p-benzoquinone-imine (NAPQI) qui est un toxique direct pour le foie. Il est détoxifié par le glutathion puis éliminé dans les urines. Si le paracétamol est pris en excès, les systèmes de sulfoconjugaison et glucuronoconjugaison sont saturés. La métabolisation du paracétamol excédentaire se fait par la voie du cytochrome P450, ce qui aboutit à la formation de NAPQI. Ce composé toxique, produit dans des quantités trop importantes, va utiliser tous les stocks de glutathion de l’organisme. Le procédé de détoxification une fois dépassé, le NAQPI va s’accumuler dans l’organisme, et sa toxicité se fera sous la forme d’une cytolyse hépatique, principalement par atteinte mitochondriale (7). Lorsque la réserve intracellulaire en glutathion diminue de plus de 70 %, la quantité de NAPQI va réagir avec les cellules hépatocytaires. Cette réaction va être à l’origine de la formation d’un complexe à liaison covalente irréversible avec les protéines hépatocytaires. Cette liaison irréversible va entrainer la mort de la cellule hépatique par stress oxydatif. Cette nécrose intéresse surtout les zones centro-lobulaires riches en cytochromes P450 .

L’élimination va être bloquée par la prolifération de la nécrose hépatique augmentant ainsi la demi-vie du paracétamol. Une demi-vie supérieure à 12 heures est un signe d’insuffisance hépatocellulaire.

Les manifestations clinico-biologiques

Les manifestations cliniques initiales des surdosages sont souvent aspécifiques et ne peuvent prédire de l’hépatotoxicité .

Stade 1 : les 24 premières heures
Les signes cliniques sont limités à des troubles digestifs tels que les nausées, les vomissements, les douleurs abdominales et parfois une pâleur, une anorexie, une léthargie, un malaise qui vont céder en 24 heures. La plupart des patients restent asymptomatique pendant cette phase. Une cytolyse hépatique dans les 12 à 16 premières heures est le signe d’une intoxication sévère et est souvent accompagnée d’épigastralgies et de douleurs de l’hypochondre droit.

Stade 2 : De la 24ème à la 72ème heure
Il peut être mis en évidence une hépatotoxicité voire une néphrotoxicité. Généralement, les symptômes du stade 1 se résolvent pour laisser place à une hépatite cytolytique dose-dépendante. Une latence clinique s’installe, seules des douleurs voir une défense de l’hypochondre droit apparaîssent. En cas d’insuffisance hépatique aiguë, l’élévation des transaminases apparaît dans les 24 premières heures et perdure durant 36 heures. Lorsque le stade 2 progresse, on peut parfois observer une baisse du TP (temps de prothrombine), une augmentation de la bilirubine (8), une oligurie avec des anomalies de la fonction rénale, une pancréatite aiguë, une péricardite ou une myocardite. L’importance de l’élévation des enzymes hépatiques n’est pas un facteur pronostique des lésions hépatiques.

Stade 3 : De la 72ème à la 96ème heure
Réapparaissent des symptômes du stade 1 auxquels s’associent : un ictère, une hépatomégalie, une confusion : signe d’encéphalopathie hépatique, une hyperammoniémie ainsi qu’une élévation des transaminases. La nécrose hépatique aiguë apparaît mais en cas de réversibilité, ne laissera pas de séquelles. Cette insuffisance hépatique est parfois mortelle en l’absence de transplantation hépatique.

En cas de régénération complète, il n’existe pas de dysfonction hépatique. Les symptômes et la biologie se normalisent en quelques semaines.

Les signes d’insuffisance hépatique aiguë grave sont :
➤ Un TP inferieur à 50 %.
➤ L’apparition de troubles de la conscience évocateurs d’une encéphalopathie hépatique.

Certains éléments peuvent être prédictifs de la gravité :
➤ Une hyperlactatémie.
➤ Une dysphosphorémie .
➤ Une hypoglycémie.

Cette insuffisance hépatocellulaire est potentiellement mortelle entre le 3ème et le 10ème jour. Le décès est inévitable entre le 2ème et le 7ème jour si la nécrose centro-lobulaire atteint plus de 60 %.

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Table des matières

INTRODUCTION
1 Généralités
2 Cas clinique
3 Physiopathologie des intoxications au paracétamol
3.1 Seuil de Toxicité
3.2 Mécanisme d’action
3.3 Les manifestations clinico-biologiques
4 Prise en charge des intoxications au paracétamol
4.1 Prise en charge initiale
4.2 Les antidotes
5 Complications des intoxications au paracétamol
5.1 L’hépatite aigue fulminante
5.2 La transplantation hépatique
6 La banalisation du paracétamol : automédication
6.1 Le contexte
6.2 Réglementation et disponibilité du paracétamol
6.3 L’automédication
6.4 Les dangers de la banalisation
7 Toxicovigilance
7.1 En Angleterre
7.2 Aux Etats-Unis
7.3 En France
7.4 Région Nord
8 Objectif de l’étude
MATERIEL ET METHODE
1 Choix de la méthode qualitative
2 Typologie de l’étude
2.1 La population de l’étude
2.2 Déroulement de l’étude
2.3 Retranscription de l’entretien
2.4 Analyse et interprétation
3 Aspect éthique de l’étude
RESULTATS
1 Description de l’échantillon
2 Les connaissances des patients
2.1 Le paracétamol
2.2 Les médicaments contenant du paracétamol
2.3 Les indications
2.4 La posologie
2.5 Les effets indésirables
2.6 Les contre-indications
2.7 La toxicité du paracétamol
2.8 Facteurs influençant la connaissance des patients
2.9 Facteurs influençant la méconnaissance des patients
3 Le parcours de santé
3.1 L’automédication
3.2 La consultation médicale
3.3 La relation avec le médecin généraliste
3.4 Le paracétamol en vente libre
3.5 Le paracétamol en vente en grande surface
4 Usage du paracétamol dans la population générale
4.1 Chez l’adulte
4.2 Chez l’enfant
4.3 Facteurs favorisants l’usage du paracétamol
4.4 Le mésusage du paracétamol
4.5 Facteurs favorisant le mésusage du paracétamol
5 Représentations du paracétamol dans la population générale
5.1 Qualification du paracétamol
5.2 Représentations erronées
5.3 Dangerosité du paracétamol
5.4 Risque de décès
DISCUSSION
1 Critique de la méthode
1.1 Forces de l’étude
1.2 Limites de l’étude
2 Discussion des résultats
2.1 Les connaissances des patients
2.2 Le parcours de santé
2.3 Usage du paracétamol dans la population générale
2.4 Représentations du paracétamol dans la population générale
2.5 Les médicaments et l’industrie pharmaceutique
CONCLUSION
LISTE DES ABRÉVIATIONS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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