Physiopathologie des infections vaginales
Description de l’écosystème vaginal
Composition de l’écosystème vaginal
La constitution de l’écosystème vaginal n’est pas figée, elle subit des modifications depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte suivants différents facteurs :
➤ Modifications en fonction de l’âge
A la naissance, le vagin du bébé est stérile, il est ensuite colonisé progressivement par les microorganismes provenant des matières fécales du bébé ainsi que de son entourage. Au cours des six premiers mois, la muqueuse vaginale est comparable à celle d’un adulte (présence de lactobacilles) car imprégnée par les œstrogènes maternels. Cette imprégnation oestrogénique est insignifiante ou nulle pendant l’enfance ce qui entraîne une neutralité du pH vaginal donc absence des lactobacilles. La flore vaginale à cette étape est constituée uniquement de bactéries cutanées et fécales (les entérobactéries, les entérocoques, Staphylococcus epidermidis, les corynébactéries, etc.). L’absence d’œstrogène dans l’écosystème vaginal explique la rareté des candidoses à cet âge. Cette flore va ainsi subir des modifications lors de la puberté en présentant l’aspect d’une flore adulte c’est-à-dire la prédominance de lactobacilles [8, 11]. En période d’activité sexuelle, la flore vaginale est soumise à l’action des œstrogènes ovariens en transformant le glycogène contenu dans les cellules épithéliales du vagin en acide lactique et permet ainsi de maintenir le pH vaginal autour de 4. D’autres germes anaérobies peuvent également être retrouvés en faible quantité à ce stade. Lors de la ménopause, la muqueuse vaginale est atrophique et se défend mal à cause de la diminution de l’imprégnation oestrogénique accompagnée d’une réduction de la quantité de glycogène entraînant un retour à la neutralité du pH empêchant ainsi la flore normale de se maintenir d’où sa vulnérabilité aux différentes infections [31].
➤ Modifications en fonction du cycle menstruel
La flore vaginale subit des changements au cours du cycle (surtout dans la première partie) à cause des variations hormonales. Une diminution de la concentration lactobacillaire est alors observée dès les premiers jours des règles et une augmentation du pH due à la présence du sang menstruel et de son effet tampon. Après les règles, la muqueuse vaginale perd sa couche intermédiaire ce qui permet la reconstitution de la muqueuse et la sécrétion du glycogène qui va abaisser le pH à 4,5 et permettre la recolonisation par les lactobacilles [6, 8, 20].
D’autres germes comme Gardnerella vaginalis, des anaérobies stricts, des mycoplasmes, des staphylocoques, des streptocoques, des entérobactéries peuvent également être rencontrés dans la flore normale du vagin [31].
Mécanismes de contrôle de la flore vaginale
Le contrôle de la flore vaginale dépend des lactobacilles par différents phénomènes :
➤ Production d’acide lactique
Le glycogène est une source carbonée importante dans la flore vaginale et est obtenu par activation hormonale des œstrogènes. Le glycogène va être fermenté en acide lactique par les lactobacilles ou d’autres microorganismes. L’acide lactique obtenu va permettre de maintenir le pH vaginal à un niveau inférieur à 5 (bactériostasie physiologique). Les lactobacilles étant acido-tolérants, ils vont continuer leur croissance dans la flore vaginale alors que cette acidité est toxique pour les autres pathogènes vaginaux excepté Candida albicans [4, 6]. Les lactobacilles sont incapables de métaboliser le glucose mais le polymère de glucose peut être dégradé par l’alpha-amylase et le glycogène (produit final) est alors une excellente source nutritive pour les lactobacilles. Sachant que les femmes atteintes de VB ont un taux réduit d’alpha-amylase, cela peut limiter le développement des lactobacilles [25]. Des études récentes ont souligné le rôle de l’acide lactique comme étant un composant actif des mécanismes de défense antimicrobiens innés. En effet, à des concentrations typiquement présentes dans le vagin de femmes possédant un microbiote dominé par lactobacillus, l’acide lactique a montré qu’il favorisait l’activation du T helper de type 17 qui est un sous-groupe de lymphocyte T. Ce sous ensemble de cellules T auxiliaires est actif dans la défense contre les microorganismes extracellulaires. L’acide lactique potentialise aussi la capacité des cellules épithéliales vaginales à libérer certaines interleukines telles que l’Il-1B et l’Il 8 en réponse à la présence d’une initiation synthétique d’un ARN viral [25].
➤ Production de péroxyde d’hydrogène (H₂ O₂ ): formé par l’association de l’oxygène et de l’hydrogène, il a une action oxydative directe et il est délétère sur les microorganismes exogènes car leur étant toxique. Il faut noter que tous les lactobacilles n’ont pas la même capacité de production de peroxyde d’hydrogène (Cf. tableau I) [4, 10, 15, 37].
➤ Adhésion aux membranes : les lactobacilles peuvent se fixer sur les récepteurs des cellules épithéliales vaginales aboutissant à la formation d’un biofilm, véritable barrière protectrice de la muqueuse vaginale rendant les sites indisponibles à d’autres microorganismes et donc limitant leur pouvoir d’adhésion [4, 31].
Deux types de mécanismes peuvent être impliqués :
– L’adhésion spécifique impliquant les structures externes des bactéries (les adhésines) et de l’épithélium (les sites récepteurs)
– L’adhésion non spécifique basée sur différentes interactions physico-chimiques.
➤ Production de bio surfactants : certains lactobacilles pourraient produire des telles substances aux propriétés antibiotiques, antifongiques etc. [4]. Les bio surfactants sont des composés amphiphiles (détergents) produits par les micro-organismes. La production de bio-surfactants par les lactobacilles, en particulier la surlactine aurait un effet inhibiteur sur l’adhésion de la plupart des bactéries responsables d’infections urogénitales [6].
➤ Co-agrégation : certains lactobacilles auraient la possibilité de se co-agréger à des pathogènes tels que Candida albicans, E. coli et Gardnerella vaginalis pour limiter leur multiplication [4, 6].
➤ Production de bactériocines : ce sont des substances biologiques actives présentes sous forme de peptides ou de protéines de faible poids moléculaire inhibant la croissance de certaines bactéries. Elles se fixent sur un récepteur spécifique de la cellule cible et déstabilisent la membrane cytoplasmique par la formation de pores [6].
➤ Production d’arginine désaminase : les lactobacilles produisent cet enzyme pour la métabolisation de l’arginine en citruline et en ammoniaque, privant donc les bactéries pathogènes de cet acide aminé nécessaire à leur croissance [6]. Tous les lactobacilles présents dans la cavité vaginale ne sont pas dotés de toutes ces propriétés, ce qui explique en partie la disparité des réactions vis-à-vis des agressions microbiennes d’une femme à une autre. Ainsi, certaines femmes atteintes d’un déséquilibre de l’écosystème vaginal peuvent héberger une flore lactobacillaire quantitativement normale mais qualitativement inefficace [4].
Perturbations de la flore vaginale
L’équilibre de l’écosystème vaginal par les lactobacilles est un facteur important dans la défense contre les infections car ces derniers entrent en compétition avec les autres germes consommateurs de glycogène comme les Candida en limitant leur prolifération. Par ailleurs, grâce à leur propriété d’adhésion, les lactobacilles forment un biofilm qui s’oppose par un phénomène de compétition à l’entrée et à la multiplication d’un éventuel agent infectieux exogène. Ces agents exogènes vont trouver un pH acide qui leur est hostile et se heurtent à différentes substances inhibitrices produites par les lactobacilles principalement. Il apparaît donc que les perturbations de l’écosystème vaginal sont dues à la disparition des lactobacilles au profit d’autres microorganismes surtout anaérobies. De nombreux facteurs peuvent être à l’origine d’une modification de la flore vaginale et conduire à une infection [22, 31].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: REVUE DE LA LITTERATURE
I. Physiopathologie des infections vaginales
I.1. Description de l’écosystème vaginal
I.1.1. Composition de l’écosystème vaginal
I.1.2. Mécanismes de contrôle de la flore vaginale
I.1.3. Perturbations de la flore vaginale
I.2. Les différentes infections vaginales
I.2.1. Les vaginites à Trichomonas vaginalis
I.2.2. Les candidoses vaginales
I.2.3. Les vaginoses bactériennes
I.2.3.1. Epidémiologie
II. Bactéries responsables des vaginoses bactériennes
II.1. Gardnerella vaginalis
II.1.1. Morphologie
II.1.2. Caractères culturaux
II.1.3. Caractères biochimiques
II.1.4. Production d’enzymes
II.2. Mobiluncus spp
II.2.1. Morphologie
II.2.2. Caractères culturaux
II.2.3. Caractères biochimiques
II.3 Diagnostic des vaginoses bactériennes au laboratoire
II.3.1. Prélèvement
II.3.2. Examen à l’état frais
II.3.3. Examen après coloration de Gram
II.3.4. Autres tests
II.4. Traitement de la vaginose bactérienne
II.4.1. Le métronidazole
II.4.2. La clindamycine
III. Evaluation des performances d’un test
III.1. Performances intrinsèques : sensibilité et spécificité
III.2. Performances extrinsèques : valeurs prédictives positives et négatives
III.3. Le coefficient Kappa
DEUXIEME PARTIE: TRAVAIL EXPERIMENTAL
I. Objectifs de l’étude
II Cadre de l’étude
III. Matériels et méthodes
III.1. Matériels
III.2. Méthodologie
III.2.1. Population d’étude
III.2.2. Recueil du prélèvement exocol
III.2.3. Typage de la flore par détermination du score de Nugent
III.2.4. Détection de la sialidase avec le kit BV Pro
III.3. Analyse des données
IV. Résultats
V. Discussion
Conclusion
Références bibliographiques