Physiopathologie des dépressions

La dépression est une maladie mentale dont la prévalence ne cesse de croître, associée à un taux élevé de morbidité et de mortalité, elle a de profondes répercussions sociales et économiques compte tenu de ses effets sur la capacité physique, la fréquence élevée d’idées suicidaires qui l’accompagne et de ses liens avec d’autres maladies chroniques [36]. Considérée comme le « mal du 21ème siècle », la dépression est un problème majeur de santé publique. L’OMS estime que ce trouble mental touche plus de 350 millions de personnes, constituant ainsi la première cause d’incapacité dans le monde et contribuant fortement à la charge mondiale de la maladie. Des chercheurs spécialistes de l’OMS considèrent qu’elle pourrait devenir en 2020 la première cause d’invalidité devant les maladies cardiovasculaires. Les femmes seraient deux fois plus atteintes que les hommes et cette maladie peut conduire dans le pire des cas au suicide. En effet, chaque année on compte plus d’un million de décès liés au suicide dans le monde [73]. Les données sur la prévalence de la dépression dans la région africaine sont très limitées, mais certaines études isolées indiquent que dans certaines parties de la région, la dépression touche environ 3 % de la population [58]. Au Maroc, la situation est alarmante, selon la première enquête nationale marocaine menée par le ministère de la santé du Maroc en 2006, un marocain sur 4 à déjà vécu un épisode de dépression. Selon le ministère marocain de la santé, cette situation est due à l’évolution rapide que connait la société, aux conditions difficiles de travail, la discrimination sur la base du sexe, l’exclusion sociale, ainsi qu’aux violations des droits de l’homme [53]. La charge de la dépression et des autres pathologies mentales est en augmentation dans le monde. Une résolution adoptée en mai 2012 par l’assemblée mondiale de la Santé préconisait une réponse globale coordonnée au niveau des pays pour faire face aux troubles mentaux.

Les troubles dépressifs correspondent aux pathologies psychiatriques les plus fréquentes et méritent une connaissance subtile de ces différentes expressions cliniques, ainsi qu’une connaissance approfondie des propriétés pharmacologique des antidépresseurs et des stratégies thérapeutiques de chaque type de dépression pour pouvoir aménager un traitement efficace de cet handicap social important. Le pharmacien d’officine se trouve donc très souvent confronté à un patient dépressif. Ainsi, en améliorant l’observance, en vérifiant les interactions médicamenteuses, en surveillant et gérant les effets indésirables, son intervention va entraîner une amélioration de la prise en charge de la dépression, une augmentation de la satisfaction du patient et contribuer ainsi à diminuer le nombre de consultations médicales ou paramédicales.

DONNEES GENERALES SUR LA DEPRESSION

PATHOLOGIE DEPRESSIVE

HISTORIQUE

Les descriptions de la dépression et des troubles apparentés remontent à l’Antiquité (certains documents sumériens et égyptiens remontent à 2 600 avant JC). C’est toutefois Hippocrate (460–370 avant JC) et ses disciples qui ont les premiers introduit le terme de mélancolie pour en résumer les symptômes et en donner une physiopathologie. De nombreux et éminents anciens tels que A. Galien et d’autres continuèrent à utiliser le terme mélancolie qui survécut pour caractériser l’humeur morbide jusqu’à J. Baillarger et J.P. Falret en France, puis E. Kraepelin pour l’Europe continentale. C’est ce dernier qui introduira à la fin du XIXe siècle le terme de maniacodépression pour permettre la séparation nosologique claire entre les troubles de l’humeur d’une part et la démence précoce d’autre part rebaptisée un peu plus tard schizophrénie par E. Bleuler. C’est à partir de la huitième édition de la classification internationale des maladies de l’OMS (CIM-8) que des efforts de systématisation ont été entrepris pour mettre en place un système international unifié de diagnostic et de classification. Mais c’est en fait la troisième édition du manuel diagnostic des troubles mentaux (DSM-III) (1980) qui marquera l’ère contemporaine en donnant une définition opérationnelle pour chaque diagnostic, strictement descriptive et neutre, ce qui permettra d’améliorer de façon importante la fiabilité des diagnostics. C’est à partir du DSM-IV que la compatibilité sera complète avec la 10éme révision CIM-X de la classification de l’OMS.

PHYSIOPATHOLOGIE DES DÉPRESSIONS

Bases biologiques des dépressions

Hypothèse monoaminergique

La première théorie étiologique est l’hypothèse monoaminergique : les états dépressifs seraient dus à un déficit en neurotransmetteurs monoaminergiques, en particulier la noradrénaline (NE) et la sérotonine (5HT).

La plupart des corps cellulaires des neurones noradrénergiques cérébraux sont localisés dans le tronc cérébral, dans le noyau appelé locus coeruleus. Ce centre commande la plupart des voies noradrénergiques impliquées dans le comportement, les fonctions cognitives, l’humeur, les émotions et la motricité. La limite de cette hypothèse réside sur le plan chronologique, l’effet des antidépresseurs sur les neurotransmetteurs (augmentation rapide de leur taux dans la fente synaptique) étant rapide alors que l’amélioration clinique est, elle, beaucoup plus longue.

Ce neurone monoaminergique libère précisément de la NE à un taux normal. L’ensemble des éléments régulateurs de ce neurone sont normaux en particulier le fonctionnement de l’enzyme monoamine oxydase (MAO) qui détruit la NE, celui de la pompe de recapture qui termine l’action de la NE et enfin celui du récepteur de la NE qui réagit à la libération de NE.

Hypothèse des récepteurs aux neurotransmetteurs « diminution des neurotransmetteurs »

Les conséquences de la réduction du taux de neurotransmetteurs, du stress ou de certaines anomalies du récepteur du neurotransmetteur transmises génétiquement seraient une hypersensibilité anormale des récepteurs postsynaptiques ou « up-régulation » (cercle rouge). On émet l’hypothèse que cette hypersensibilisation ou une autre anomalie au niveau des récepteurs, serait en lien avec les causes des dépressions.

Hypothèse monoaminergique de l’expression génique

Cette hypothèse considère que les dépressions reposeraient sur un pseudodéficits en monoamines, dû à un déficit du signal de transduction du neurotransmetteur monoaminergique vers le neurone post-synaptique malgré un taux normal en neurotransmetteur et récepteur. Un des mécanismes supposés d’un possible défaut en signal de transduction, concerne le gène cible pour le BrainDerived Neutrophic Factor (BDNF). Celui-ci maintient normalement la viabilité des neurones cérébraux, cependant sous l’effet du stress, ce gène est réprimé. L’absence de synthèse du BDNF entraîne l’atrophie voire l’apoptose des neurones de l’hippocampe.

Hypothèse neurokininergique du dysfonctionnement émotionnel 

La substance P et les neurokinines apparentées sont présentes dans des aires cérébrales comme l’amygdale, qui joue un rôle prépondérant dans la régulation des émotions. Les neurokinines sont également présentes dans les aires cérébrales riches en monoamines, ce qui suggère un rôle de régulation potentielle des neurokinines sur les neurotransmetteurs monoaminergiques. Ainsi, le blocage des récepteurs des neurokinines appropriés réduira la détresse émotionnelle.

Bases anatomiques des dépressions

Des hypothèses plus récentes se développent sur l’origine des troubles de l’humeur. Doué de plasticité, le cerveau connaît d’incessants remaniements structuraux et fonctionnels.

La dépression s’associe à une diminution de cette neuroplasticité. La première hypothèse est une diminution du volume de la substance grise au niveau de l’hippocampe, structure impliquée dans la mémorisation, l’acquisition des connaissances et la régulation de l’humeur. Cette diminution serait corrélée à la durée des épisodes dépressifs. La deuxième hypothèse est une diminution du volume du cortex préfrontal, impliqué dans la prise de décisions et l’initiative. Enfin, on suppose une hyperactivité au niveau de l’amygdale, ici déconnectée du système limbique, ayant donc un rôle dans l’anxiété.

Facteurs socio-environnementaux

En parallèle de la physiopathologie, il existe des facteurs socioenvironnementaux impliqués dans l’étiopathogénie des dépressions. Certains paraissent jouer un rôle prédisposant (facteur de vulnérabilité), tandis que d’autres interviendraient comme éléments précipitants ou déclenchants.

Les facteurs de vulnérabilité peuvent être précoces :
❖ Les expériences de perte parentale durant l’enfance (par deuil ou séparation) peuvent avoir un impact dépressogène, lié aux carences de soins susceptibles d’en découler, plus qu’à l’événement lui-même. La perte d’estime de soi consécutive à ces carences est un facteur majeur de vulnérabilité ;
❖ Les sévices précoces (notamment sexuels) ont également été impliqués, sans être spécifiques, comme facteur de la pathologie dépressive. D’autres facteurs de vulnérabilité sont contemporains de la période dépressive : c’est le cas des carences de support social. Ce concept recouvre l’ensemble des relations qui existent entre le sujet et son environnement social (individus, groupes, milieu professionnel …) ;
❖ Les évènements récents (et stressants) de la vie sont fortement impliqués dans le déclenchement des épisodes dépressifs.

SYNDROME DEPRESSIF TYPIQUE

Il correspond à l’épisode dépressif majeur des anglo-Saxons, c’est-à-dire caractérisé, comprenant les différents symptômes de la dépression, quelle que soit leur intensité.

Humeur dépressive

Elle constitue le trouble émotionnel le plus tangible d’un état dépressif et lui confère, par son intensité, son degré de sévérité. Elle s’exprime sous différents aspects. La tristesse pathologique est marquée par un pessimisme à l’encontre de soi et du monde. Elle donne d’emblée une tonalité à la dépression : le découragement, l’abattement et le désespoir. Le désintérêt participe à l’incapacité d’anticipation, à l’absence de projet en un présent et un avenir définitivement sombre. L’affectivité s’émousse, et le plaisir s’évanouit. L’humeur dépressive, la tristesse, le désintérêt, la perte de plaisir, peuvent être toutefois au second plan, masqués par une dysphorie avec une humeur irritable, qui peut être péjorée par des explosions de colère, sur un fond de lassitude et d’émoussement affectif. L’anxiété, associée à la tristesse pathologique, participe au pronostic immédiat. Elle peut s’organiser en des symptômes phobiques, obsessionnels en augmentant ainsi le risque suicidaire .

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : PATHOLOGIE DEPRESSIVE
I. HISTORIQUE
II. ELEMENTS DE DEFINITION
III. PHYSIOPATHOLOGIE DES DÉPRESSIONS
III.1 Bases biologiques des dépressions
III.1.1. Hypothèse monoaminergique
III.1.2. Hypothèse des récepteurs aux neurotransmetteurs « diminution des neurotransmetteurs
III.1.3. Hypothèse monoaminergique de l’expression génique
III.1.4. Hypothèse neurokininergique du dysfonctionnement émotionnel
III.2. Bases anatomiques des dépressions
III.3. Facteurs socio-environnementaux
IV. SYNDROME DEPRESSIF TYPIQUE
IV.1. Humeur dépressive
IV.2. Troubles cognitifs
IV.2.1. Représentations cognitives
IV.2.2 Distorsions cognitives
IV.3. Troubles conatifs
IV.4. Ralentissement psychomoteur
IV.4.1. Ralentissement moteur
IV.4.2. Ralentissement psychique
IV.4.3. Signes somatiques
V. CLASSIFICATIONS INTERNATIONALES DES TROUBLES DEPRESSIFS
V.1. Classification de l’Association américaine de psychiatrie
V.1.1. Troubles unipolaires
V. 1.2. Troubles bipolaires
V.1.3. Formes cliniques expérimentales
V.2. Classification internationale des maladies (CIM Xe édition)
VI. FORMES CLINIQUES
VI.1 Formes évolutives
VI.1.1 Dépressions récurrentes brèves
VI .1 .2. Dysthymie
VI.I.2.1. Dysthymie dépressive mineure ou dysthymie subaffective
VI.I.2.2. Dysthymie à spectre caractériel
VI.2. Formes selon l’intensité
VI.2.1. Formes légères
VI.2.2. Formes moyennes
VI.2.3. Formes sévères
VI.3. Formes symptomatiques
VI.3.1. Dépression anxieuse, agitée
VI.3.2. Mélancolie anxieuse
VI.3.3. Dépression hostile
VI.3.4. Dépression ralentie
VI.3.5. Mélancolie typique
VI.3.6. Mélancolie délirante
VI.3.6.1. Idées congruentes à l’humeur
VI.3.6.2. Idées délirantes non congruentes à l’humeur
VI.3.7. Mélancolie stuporeuse
VI.3.8. Dépression mixte
VI.3.9. Dépression confuse
VI.3.10. Dépression saisonnière
VI.3.11. Dépression atypique
VI.3.12. Formes trompeuses
VI.3.12.1. Dépression masquée
VI.3.12.2. Equivalents dépressifs
VI.3.12.3. Dépression pseudodémentielle
VI.3.12.4. Dépression pseudonévrotique
VI.3.12.5. Mélancolie souriante
CHAPITRE II : CRITERES DIAGNOSTIQUES DE LA DEPRESSION
I. Critères diagnostiques de l’épisode dépressif majeur
II. Critères diagnostiques du trouble dysthymique
III. Trouble dépressif non spécifié
CHAPITRE III : AMPLEUR DE LA DEPRESSION
I. DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
II. DEPRESSION ET COMORBIDITE
II. 1. Dépression et personnalité
II.1.1. Trouble unipolaire
II .1. 2. Trouble bipolaire
II.1.3. Particularités cliniques
II.2. Dépression et troubles anxieux
II.3. Dépression et stress
II.3.1. Humeur dépressive et troubles de l’adaptation
II.3.2. Dépression et état de stress post- traumatique
II.4. Dépression et schizophrénies
II.5. Dépression et troubles des conduites alimentaires
II.6. Dépression et maladie organique
II.6.1. Affections neurologiques
II.6.2. Affections endocriniennes
II.6.3. Affections cancéreuses
II.7. Médicaments dépressogènes
II.8. Dépression et alcoolisme
II.8.1. Dépression primaire
II.8.2. Dépression secondaire
II.8.3. Dépression de sevrage
III. LE COÛT DE LA DEPRESSION
CONCLUSION

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