La polyarthrite rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est un rhumatisme inflammatoire chronique décrit par un médecin écossais William Cullen (1710-1790), sous le nom d’ «arthrodynie» (1). La PR est une maladie auto-immune, caractérisée par l’inflammation de la membrane synoviale des moyennes et petites articulations. En l’absence de diagnostic et de prise en charge précoces, la PR peut engendrer, par destruction articulaire, un handicap, une altération de la qualité de vie et avoir un coût socio économique (2). Depuis le début du XXIe siècle, nous disposons d’une meilleure connaissance de sa physiopathologie, de nouveaux critères de classification aidant au diagnostic précoce, de tests immunologiques spécifiques, d’outils d’imagerie, ainsi que de thérapeutiques innovantes et efficaces sur les formes les plus sévères (2,3). On distingue 2 phénotypes de PR : celui avec des auto-anticorps détectés dans le sang (PR dite séropositive) et celui sans auto-anticorps (PR dite séronégative). Ces auto-anticorps sont les facteurs rhumatoïdes (FR, anticorps anti-gammaglobuline IgM) et les anticorps antipeptides cycliques citrullinés (anti CCP ou ACPA). Les FR sont rencontrés dans 80% des PR mais sont peu spécifiques. Les ACPA sont quant à eux très spécifiques (environ 95%) et ont une valeur pronostique. En effet un taux élevé d’ACPA est associé au risque de lésions structurales précoces. Sa présence et son taux sont donc pris en compte dans la stratégie thérapeutique.
Les recommandations des sociétés savantes encouragent le diagnostic précoce, et proposent des stratégies thérapeutiques basées sur la réponse attendue aux traitements (4,5). Les traitements de fond de la PR visent à éviter les poussées et les lésions articulaires irréversibles. Il s’agit :
– des traitements de fond conventionnels synthétiques ou csDMARDs (conventional synthetic disease-modifying antirheumatic drugs) : méthotrexate, léflunomide, sulfasalazine, azathioprine, hydroxychloroquine, sels d’or
– des biothérapies ou bDMARDs (biologic disease-modifying antirhumatic drugs) : antiTNFα (etanercept, adalimumab, certolizumab, golimumab, et infliximab), antiinterleukine 6 (tocilizumab, sarilumab), anti-CTLA-4 (abatacept), ou anti-CD20 (rituximab)
– et plus récemment des traitements de fonds ciblés synthétiques ou tsDMARDs (targeted synthetic DMARDs) : inhibiteurs de Janus kinases (tofacitinib, filgotinib, baricitinib, upadacitinib).
Les bDMARDs et tsDMARDS sont réservés aux formes les plus sévères.
Epidémiologie de la polyarthrite rhumatoïde
La PR est une pathologie hétérogène dans ses répartitions géographique et temporelle, et sa distribution par classes d’âge et selon le sexe. Elle est présente dans le monde entier. Son incidence et sa prévalence varient selon les pays, les latitudes, la méthodologie employée, ainsi que la définition utilisée de la PR. En Europe du Nord et en Amérique du Nord, la prévalence est de l’ordre de 0,5 à 1,1% et l’incidence de 20 à 50 cas /100 000 habitants (6–10). Des chiffres plus bas ont été mis en évidence dans les pays du sud (prévalence de 0,3 à 0,7%) et en Asie (0,2 à 0,3%) mais comparables à ceux des pays européens et d’Amérique du Nord dans une étude plus récente au Japon (prévalence de 0,6 à 1%) (7–9,11,12). Sa prévalence est particulièrement élevée dans certaines populations où le taux de consanguinité est important comme les Indiens Chipewa (6,8 %) et Pima (5,3 %) (9). Il existe donc un gradient Nord-Sud pour les prévalences et les incidences de la PR dans le monde.
La latitude influencerait également l’âge de début de la PR : il est d’au moins 8 ans plus jeune chez les sujets vivant aux alentours du topique du cancer, comparativement au sujets vivant dans des latitudes plus au Nord. A titre d’exemple l’âge moyen du début de la PR au Mexique est de 39 (±12) ans et de 48 (±15,5) ans au Canada (13,14). De plus, ces chiffres varieraient dans le temps avec une diminution de l’incidence de la PR au cours des dernières décennies pour certaines études et une stabilité ou une augmentation pour d’autres (8). Ces differences sont en partie expliquer par des différences méthodologiques et la définition utilisée afin d’identifier les cas de PR.
En utilisant les données de la caisse primaire d’assurance maladie, l’incidence en France dans les années 1990 était de 20/100 000 habitants (15). Une étude française datant de 2001 situe la prévalence de la PR à 0,31% (intervalle de confiance à 95% 0,2-0,4%). Chez les femmes la prévalence est de 0,51% et de 0,09% chez l’homme, soit un ratio de 3 à 4 femmes pour 1 homme ce qui est retrouvé dans d’autres populations. La prévalence varie selon les classes d’âge : la classe de 65-74 ans a la prévalence la plus élevée (0,8% [0,36-1,39]) (16). On estime qu’il y aurait en France environ 300 000 patients de PR .
Les variabilités géographique et temporelle, ainsi que les distributions selon l’âge et le sexe ne peuvent être expliquées uniquement par les facteurs génétiques. Ces observations confortent l’impact des expositions environnementales et des interactions gèneenvironnement.
Physiopathologie de la polyarthrite Rhumatoïde
La physiopathologie de la PR est complexe faisant intervenir une prédisposition génétique et des facteurs environnementaux, indispensables au déclenchement du conflit immunologique responsable de la maladie clinique (17). Il existe en effet une « phase préclinique» qui peut durer plusieurs années avant l’apparition des premiers symptômes articulaires. Elle est caractérisée par le développement de l’autoimmunité, comme en témoignent la présence d’ACPA et/ou de FR sériques dans la phénotype séropositif de la PR .
Génétique et polyarthrite rhumatoïde
Les facteurs génétiques jouent un rôle indiscutable dans le développement d’une PR et sa sévérité. Deux à 12% des sujets atteints de PR ont un apparenté du 1er degré également atteint (20). Le facteur génétique à risque de PR le mieux identifié se situe au sein de la région du complexe majeur d’histocompatibilité de classe II. Il s’agit de certains allèles de susceptibilité appelés HLA-DRB1 (HLA pour antigènes des leucocytes humains) codant pour une séquence d’acides aminés appelée épitope partagé (EP) participant à la reconnaissance antigénique et à la présentation de certains antigènes (en particulier les protéines citrullinées) aux lymphocytes T (21,22). Plus de 80% des sujets atteints de PR ont un de ces allèles à risque (23). La contribution des allèles HLA-DRB1 serait environ de 40% pour les PR séropositives et de 2% pour les PR séronégatives (24). Il a été également démontré un « effet dose » du nombre d’allèles de l’EP sur le risque de développer une PR. Ainsi, les sujets porteurs d’un seul allèle de l’EP ont un risque 3,5 fois supérieur de développer une PR séropositive comparativement aux sujets non porteurs de l’EP. Ce risque est multiplié par 6 chez les sujets homozygotes pour les allèles à risque .
Dans une moindre mesure (contribuant pour 5% de la part génétique), d’autres gènes de susceptibilité et variants (single-nucleotide polymorphisms, SNP) ont été identifiés et sont localisés à proximité des gènes intervenant dans le fonctionnement du système immunitaire. A titre d’exemple, nous citerons certains polymorphismes de PTPN22 (protein tyrosine phosphatase non-receptor 22), CTLA-4, STAT4… restreints aux PR séropositives, d’autres aux PR séronégatives tels que HLADRB103, IRF5, PADI4… (17,25–28). A ce jour, plus de centaines de SNP ont été décrits comme associés au risque de développer une PR .
|
Table des matières
CHAPITRE I INTRODUCTION
1. La polyarthrite rhumatoïde
1.1. Epidémiologie de la polyarthrite rhumatoïde
1.2. Physiopathologie de la polyarthrite Rhumatoïde
2. Les hormones sexuelles féminines et la polyarthrite rhumatoïde
2.1. Les hormones sexuelles féminines
2.2. Expositions hormonales et risque de PR chez la femme : données de la littérature
3. Le tissu adipeux et la polyarthrite rhumatoïde
3.1. Le tissu adipeux
3.2. L’obésité
3.3. Tissu adipeux et inflammation chronique
3.4. Excès de tissu adipeux et risque de PR
4. Justifications et objectifs de la thèse
CHAPITRE II MATERIELS ET METHODES
1. La cohorte E3N
1.1. Présentation de la cohorte E3N
1.2. Données recueillies et modalités de recueil
2. Identification et validation des cas de polyarthrite rhumatoïde dans la cohorte E3N
2.1. Identification des cas de rhumatisme inflammatoire chronique potentiels
2.2. Elaboration d’un questionnaire de validation spécifique des RIC dans la cohorte E3N
2.3. Développement des algorithmes de validation à partir du questionnaire de validation et de la base de remboursement des médicaments MGEN
2.4. Validité des cas de PR auto-déclarés et ceux issus des algorithmes
2.5. Validation des cas de PR dans la cohorte E3N
3. Analyses statistiques
3.1. Analyses descriptives
3.2. Analyses de risque : modèles de Cox
CHAPITRE III EXPOSITIONS HORMONALES FEMININES ET RISQUE DE PR
1. INTRODUCTION
1.1. Contexte et hypothèse
1.2. Objectifs
2. MATERIELS ET METHODES
2.1. Populations d’analyse
2.2. Données analysées
2.3. Analyses statistiques
3. RESULTATS
3.1. Caractéristiques des populations d’analyse
3.2. Expositions hormonales endogènes, exogènes et risque de PR
3.3. Expositions hormonales cumulées et risque de PR
4. DISCUSSION
CHAPITRE IV MESURES ANTHROPOMETRIQUES ET RISQUE DE PR
1. INTRODUCTION
1.1. Contexte
1.2. Objectifs
2. MATERIELS ET METHODES
2.1. Populations d’analyse
2.2. Données analysées
2.3. Analyses statistiques
3. RESULTATS
3.1. Caractéristiques des populations d’analyse
3.2. Analyses principales
3.3. Analyses de sensibilité
4. DISCUSSION
CHAPITRE V EXPOSITIONS HORMONALES, TABAGISME PASSIF, TROUBLES DU TRANSIT, DONNEES ANTHROPOMETRIQUES, ALIMENTAIRES ET RISQUE DE PR
1. INTRODUCTION
1.1. Autres travaux dans la cohorte E3N
1.2. Objectifs
2. MATERIELS ET METHODES
2.1. Population d’analyse
2.2. Données analysées
2.3. Analyses statistiques
3. RESULTATS
3.1. Caractéristiques de la population d’analyse
3.2. Résultats des analyses
4. DISCUSSION
CHAPITRE VI DISCUSSION GENERALE
1. Résumé des principaux résultats
2. Limites et forces de ce travail
3. Impacts de nos résultats
4. Perspectives
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES