Physiopathologie de la douleur post-opératoire
L’énoncé du problème :
La douleur post-opératoire en chirurgie orthopédique est constante et délétère. Les niveaux douloureux de la chirurgie du rachis, de l’épaule, de la cheville sont comparables à celui de la chirurgie sus ombilicale. Le score algique de la hanche et du bassin est superposable à celui de la chirurgie sous ombilicale. Les actes distaux sont plus algogènes que les proximaux en raison de la richesse d’innervation des pieds et des mains. De cette agression chirurgicale des tissus opérés, résulte une réaction inflammatoire très complexe faisant intervenir de multiples substances et organes. De ce fait, plusieurs techniques d’analgésie ont été développées afin de cibler les différentes composantes. Le paracétamol par voie orale pourrait avoir une place intéressante dans le traitement de la douleur post-opératoire en chirurgie traumato-orthopédique, mais surrement les AINS et les morphiniques sont incontournables. C’est dans cette optique que s’orientera notre étude. Ce thème a fait l’objet, en France et dans le monde, d’un énorme débat au cours des dix dernières années en raison de la prise de conscience de l’insuffisance de la qualité de l’analgésie après chirurgie. Pour les patients hospitalisés, il est associé (systématiquement ou souvent) aux AINS dans 72% des cas et à un morphinique dans des proportions similaires. Il est également l’agent central dans les trithérapies analgésiques qui deviennent très utilisées. Ces pratiques sont presque identiques dans plusieurs pays d’Europe (Belgique, Espagne) mais s’opposent très nettement à celle rencontrées au Royaume Uni par exemple, ou la morphine est la plus utilisée.
INCIDENCE GLOBALE ET INTENSITE DE LA DPO :
On ne connaît pas précisément l’incidence, l’intensité et la durée de la DPO. Il existe d’importantes variations entre les auteurs. BRASSEUR rapporte qu’en moyenne, un tiers des malades ne souffre pas ou se plaint de douleurs très modérées, un tiers signale des algies modérées et un tiers souffre de douleurs importantes ou extrêmement violentes. L’incidence élevée de la DPO est notamment due à une insuffisance de sa prise en charge. D’après une enquête réalisée en Grande Bretagne dans le cadre de l’évaluation de l’incidence de la DPO dans les hôpitaux qui disposaient d’un service spécialisé pour le contrôle de la DPO, il y a seulement 50% des patients présentant une douleur modérée ou intense, contre 82% dans les hôpitaux qui ne disposaient pas d’un service qualifié.
2- Intensité : D’après de nombreux auteurs l’intensité de la DPO est maximale pendant les 24 premières heures, avec un pic aux alentours de 10 à 18 heures du post-opératoire. La DPO varie en intensité en fonction de nombreux facteurs : le nycthémère, les jours et avec l’activité du malade.
b- Les facteurs liés à l’intervention :
Technique anesthésique : La technique anesthésique a un rôle dans l’intensité et l’évolution dans le temps de la DPO. Ainsi, certaines techniques d’anesthésie locorégionale (ALR) seraient bénéfiques non seulement sur la douleur de fond, mais aussi sur les paroxysmes, ce qui pourrait prévenir certaines complications. De nombreux auteurs ont bien démontré que pour une chirurgie donnée, l’anesthésie locorégionale (ALR) procure une meilleure analgésie que l’anesthésie générale (AG). Parmi ces auteurs, SHIR a prouvé chez les patients, ayant subi une prostatectomie, l’efficacité de l’anesthésie péridurale dans la diminution de la DPO.
Type de chirurgie : Le type de chirurgie est le principal facteur conditionnant la DPO . Les types de chirurgies les plus douloureux sont par ordre d’intensité décroissante : la chirurgie thoracique, la chirurgie abdominale hauts et certains types de chirurgie orthopédique. L’importance du geste et sa durée, ainsi que le degré de délabrement crée, la nécessité d’utiliser des drains et la survenue d’une complication sont également associés à des douleurs plus importantes.
Acte opératoire : La cholécystectomie réalisée par voie coelioscopique entraînerait des niveaux de douleur plus faibles au niveau du site opératoire que la laparotomie. Par ailleurs, une incision sous-costale est associée à une douleur post-opératoire moindre qu’une incision médiane.
LES VOIES NERVEUSES IMPLIQUEES DANS LA NOCICEPTION :
Bien qu’étant impalpable et subjective, la douleur correspond à un mécanisme neurologique bien identifié : suite à une simulation nociceptives (douloureuse) ; il y aura création des messages en périphérie, puis transfert de l’information vers la moelle et le cerveau, ensuite modulation du message à tous les étages. La perception douloureuse résulte du cheminement d’un influx nerveux nociceptif vers une aire spécialisée du cerveau. Les messages nociceptifs sont générés à partir des terminaisons libres des fibres nerveuses Aδ et C qui forment des arborisations dans les tissus cutanés, musculaires, ou articulaires. Ces fibres périphériques se groupent au sein des nerfs qui pénètrent dans la moelle par la racine postérieure. Les messages sont alors dirigés dans deux directions :
Le cerveau, via les faisceaux ascendants situés pour la plupart dans le quadrant antérolatéral du coté opposé au stimulus : il identifie le message comme nociceptif (sensation douloureuse), analyse son intensité sa durée et sa localisation (somatotopie), déclenche les mécanismes de contrôle et les réactions de défense (réalisations végétatives, activation motrice, cri…), mémorise le phénomène.
Les motoneurones de la corne antérieur, pour déclancher des mouvements réflexes visant à se soustraire du stimulus nociceptif. Le système apparaît chez l’homme comme « une boite noire » dont on connaît l’entrée (stimulation nociceptives) et deux sorties : les réflexes et la sensation douloureuse (figure .12)
a- Echelles visuelles analogiques : (Figure.16,17) Les EVA sont les échelles les plus utilisées pour l’évaluation de la DPO. Elles se présentent sous la forme d’une réglette comportant une face « patient » et une face « évaluateur ». Sur la face patient, il existe une ligne de 10cm de long graduée, orientée de gauche à droite et présentant le qualificatif » absence de douleur » à l’extrémité gauche et la » la pire douleur imaginable » à l’extrémité droite. Le patient doit indiquer l’intensité de sa douleur en mobilisant un curseur entre les deux bornes. Du coté évaluateur, la ligne est graduée, ce qui permit à l’évaluateur de quantifier de 0 à 100mm l’intensité douloureuse. Ces échelles sont d’une grande sensibilité dans l’évaluation de l’efficacité thérapeutique. Il existe toutefois des limites à l’utilisation de cette méthode. Ces limites ont été confirmées récemment par certains travaux réalisés dans la période post-opératoire immédiate. Dans une des deux études, les infirmières ont été interrogées sur l’outil utilisé pour l’évaluation de la douleur chez 600 patients. Seule la moitié des patients était évaluée par l’EVA. Le choix se portait vers une autre méthode d’évaluation notamment du fait de troubles de communication, de compréhension ou de l’existence d’une douleur trop sévère ne permettant pas au patient de répondre à l’évaluation de sa douleur avec l’EVA.
Mode d’action du paracétamol : Le paracétamol traverse la barrière hémato-encéphalique et y exerce l’action centrale de ce produit. En effet, longtemps considéré comme un analgésique périphérique, le paracétamol semble exercer en réalité une action centrale prédominante, où le rôle de la sérotonine semble important. Expérimentalement, l’injection du paracétamol augmente le taux de sérotonine dans le tronc cérébral et l’action analgésique du paracétamol serait augmentée par le blocage des récepteurs 5-HT1A/B. Le paracétamol stimule indirectement les récepteurs 5-HT3. Cette action ne peut être considérée que comme indirect puisque l’action du paracétamol est inhibée par l’administration d’un antagoniste des récepteurs 5-HT3 (le tropisétron), le paracétamol ne se fixe pas sur les récepteurs 5HT3 médullaires. Une étude expérimente récente va peut être encore modifier notre compréhension de l’action du paracétamol. Alors que des travaux anciens avaient suggéré qu’une partie de l’action centrale du produit était médiée par une activation des prostaglandines (et donc des cyclo-oxygénases), l’ensemble des travaux des 20 dernières années montre une grande indépendance de l’action du paracétamol par rapport aux COX et donc un mode d’action bien différent de celui des AINS. Récemment, avec l’intérêt porté aux iso formes des COX et avec la démonstration encore plus récente de l’existence d’une COX3, le débat est relancé. En effet, le paracétamol inhibe de façon sélective la COX3 sans action sur les autres COX.
Données pharmacocinétiques : Le paracétamol est métabolisé dans le foie, et ses principaux métabolites, sulfo et glucuroconjugués, sont inactifs. Seule une faible fraction du paracétamol est convertie en N-acétylbenzoquinine- imine ou NAPQI. Dans des conditions normales, ce métabolite est fixé par le glutathion et excrété dans les urines sous forme d’acide mercaptopurique et cystéique. En cas de surdosage, le glutathion peut être rapidement saturé, le métabolite actif en excédent se fixe alors, par liaisons covalentes, aux macromolécules du tissu hépatique et entraîne une nécrose hépatique sévère et irréversible, le traitement de cette complication repose habituellement sur l’administration intraveineuse précoce de N-acétl-cystéine, si possible avant la dixième heure. L’administration de ZINC été proposé plus récemment, en raison d’un effet synergique avec la N-Acétl- Cystéine, susceptible de limiter l’importance des altérations hépatocellulaires. En tout cas, les doses de paracétamol doivent être réduites lors d’insuffisance rénales sévères (clairance de la créatinine <10ml/min) et lors des déficits intracellulaires sévères.
VII / données comparatives entre le paracétamol, le diclofénac et le kétoprofène dans l’analgésie post-opératoire en chirurgie traumatoorthopédique : La douleur post-opératoire est très variable en intensité et en durée, selon le type de chirurgie. C’est la raison pour laquelle la transposition de protocoles analgésiques d’une chirurgie à l’autre peut conduire à un échec. Les actes donnant lieux aux douleurs post-opératoires les plus fortes sont les interventions thoraciques et rachidiennes, viennent ensuite la chirurgie digestive, rénale et orthopédique. La durée des douleurs de forte intensité dépasse rarement 72 heures. Les interventions thoraciques, abdominales et orthopédiques donnent lieu à une recrudescence des douleurs lors des mouvements ou de la rééducation. La douleur des procédures chirurgicales mineurs réalisées en ambulatoire, est souvent assez importante et ne doit pas être sous estimée. Il est très difficile de mettre en évidence les répercussions post-opératoires de la douleur.
En effet, toutes les techniques analgésiques ont des effets propres sur la morbidité post-opératoire induisant de nombreux facteurs indépendants de l’efficacité analgésique. L’évaluation de la prise en charge de la douleur post opératoire constitue l’un des grands axes de la recherche médicale, pour assurer et garantir une meilleure pratique quotidienne dans le domaine de l’analgésie. Comme le montre plusieurs enquêtes sur ce sujet (5, 6, 7,12) dans plusieurs pays du monde, on note une amélioration des protocoles de traitements antalgiques post-opératoires et de la connaissance des médecins et des soignants vis-à-vis de ces protocoles et des effets indésirables, avec la progression de l’information des patients sur l’analgésie post-opératoire.
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Table des matières
INTRODUCTION
OBJECTIFS DE L’ETUDE
I. l’énoncé du problème
II. les objectifs de l’étude
1-l’objectif général
2-les objectifs spécifiques
MATERIELS ET METHODES
A / type de l’étude
B / critères d’inclusion
C / critères d’exclusion
D / méthodes
E / le critère de jugement principal
ANALYSE DES RESULTATS
A / présentation et interprétation des résultats des fiches
d’exploitation
1 – le sexe
2 – age
3 – antécédents
4 – pathologie opérée
5 – techniques anesthésiques
6 – traitement antalgique reçu en postopératoire
EVALUATION DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POST-OPERATOIRE EN CHIRURGIE TRAUMATO-ORTHOPEDIQUE
B / le critère de jugement principal : (EN)
1 – score EN au réveil
2 – score EN à 4H post-opératoire
3 – score EN à 8H post-opératoire
4 – score EN à 12H post-opératoire
5 – score EN à 16H post-opératoire
DISCUSSION
I / épidémiologie de la douleur post-opératoire
A / incidence globale et intensité de la douleur post-opératoire
1 – incidence
2 – intensité
B / facteurs conditionnant la douleur post-opératoire
1 – les facteurs intrinsèques de la douleur post-opératoire
a – les facteurs liés au patient
b – les facteurs liés à l’intervention
2 – les facteurs extrinsèques de la douleur post-opératoire
a – le rôle des soignants
b – la réponse d’autres patients à la douleur
EVALUATION DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POST-OPERATOIRE EN CHIRURGIE TRAUMATO-ORTHOPEDIQUE
II / physiopathologie de la douleur post-opératoire
A / définition
B / les voies nerveuses impliquées dans la nociception
1 – niveau périphérique
2 – niveau spinal de la sensation douloureuse
3 – niveau supra spinal
C / mécanisme de la douleur post-opératoire
1 – mécanisme des douleurs par excès de nociception
a – phénomène de sensibilisation périphérique
b – phénomène de sensibilisation central
2 – mécanisme des douleurs neurogènes
3 – mécanisme de control de la nociception
EVALUATION DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POST-OPERATOIRE EN CHIRURGIE TRAUMATO-ORTHOPEDIQUE
D / conséquences physiopathologiques de la douleur post-opératoire
1 – conséquences cardio-vasculaires
2 – conséquences respiratoires
3 – conséquences digestives
4 – conséquences hormonales
5 – conséquences thromboemboliques
6 – conséquences psychologiques
7 – algies chroniques
8 – douleur post-opératoire et fatigue post-opératoire
III / méthodes d’évaluation de la douleur post-opératoire chez l’adulte
A / méthodes d’auto-évaluation
1 – les échelles unidimensionnelles
a – échelles visuelles analogiques (EVA)
b – échelles numériques (EN
c – échelles verbales simples (EVS
d – comparaison des méthodes d’autoévaluation
2 – les échelles multidimensionnelles
EVALUATION DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR POST-OPERATOIRE EN CHIRURGIE TRAUMATO-ORTHOPEDIQUE
B / méthodes d’hétéro évaluation
1 – évaluation physiologique
2 – évaluation comportementaliste
IV / évaluation de la douleur post-opératoire chez l’enfant
A / Echelle de ( CHEOPS Children’s Hospital of Eastern Ontario Postoperative Scale )
B / l’OPS ( Objective Pain Scale )
C / score d’Amiel-tison
V / stratégie d’analgésie post-opératoire
A / antalgiques non opioïdes
1 – paracétamol
2 – AINS
3 – néfopam
4 – kétamine
5 – la clonidine
B / antalgiques opioïdes : morphiniques
C / techniques d’analgésies locorégionales
D / méthodes de prise en charge
VI / analyse des principaux résultats de notre étude
A / le sexe
B / age
C / antécédents des patients
D / le type d’intervention
E / anesthésie
F / le traitement antalgique reçu en post-opératoire
G / évaluation de la douleur
VII / données comparatives entre le paracétamol,le diclofénac et le
kétoprofene dans l’analgésie post-opératoire en chirurgie
orthopédique
RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
ANNEXES
RESUMES
BIBLIOGRAPHIE
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