Epidémiologie de la co-infection TB/VIH
Dans le Monde
La tuberculose est le premier facteur de mortalité chez les PVVIH. Les sujets coinfectés tuberculose-VIH ont 20 à 30 fois plus de risque de développer une tuberculose évolutive que les sujets VIH négatifs. L’OMS estime qu’en 2018, 10 millions de personnes dans le monde ont été infectées par le Mycobacterium tuberculosis. Cette même année, près de 1,5 million de personnes, dont un sixième co-infectées par le VIH, seraient décédées, principalement dans les pays en voie de développement. La répartition de ces nouveaux cas de tuberculose montre une très grande disparité selon les régions du monde, la plus grande partie venant d’Asie (44 %) et d’Afrique (24 %) et, pour une faible proportion, d’Europe (3 %) et d’Amérique (3%) .
En Afrique
Ces dernières années, l’incidence de la maladie a diminué dans toutes les régions du globe, y compris en Afrique, même si elle y reste encore très élevée en rapport avec l’épidémie de VIH, l’inégalité d’accès aux soins, les conditions d’hygiène et de vie précaires. Selon les estimations de l’OMS, 8,3% des 10 millions de nouveaux cas de tuberculose étaient séropositifs pour le VIH dont 75% vivaient en Afrique. Seuls 87% des patients souffrant de tuberculose avaient effectué un test de dépistage du VIH .
Au Sénégal
La tuberculose est une affection endémique au Sénégal. L’incidence est estimée à 136 cas/ 100 000 habitants [15]. Concernant l’infection à VIH, le Sénégal a une épidémie de faible prévalence (0,5%) de type concentré. La TB représente la première infection opportuniste chez les patients infectés par le VIH au Sénégal: les données hospitalières retrouvent une prévalence variant entre 40% et 44% [16,17]. En 2018, le programme national de lutte contre la tuberculose (PNT) a notifié 13 250 cas de tuberculose toutes formes confondues, 11 968 ont été testés au VIH, soit un taux de réalisation du test VIH de 90,0 %. Parmi les 641 (5,0%) patients co-infectés TB/VIH, 556 ont été mis sous TARV pour un taux de couverture de 87,0 % et 573 mis sous cotrimoxazole, soit un taux de couverture de 89,0 %. Concernant la prophylaxie à l’isoniazide (INH), seuls 1125 PVVIH en ont bénéficié soit 4,3 % de la file active globale.
Une convention a été signée entre le comité national de lutte contre la tuberculose (CNLS) et le PNT pour la mise en œuvre des activités de lutte contre la coinfection TB-VIH financées par le Fonds Mondial. Un atelier regroupant les acteurs de la lutte contre la TB et le VIH a permis de dresser une nouvelle feuille de route quinquennale de lutte contre la co-infection déclinant les activités prioritaires à mettre en œuvre de 2018 à 2022 .
Interactions Tuberculose et VIH/SIDA
L’infection par le VIH perturbe l’histoire naturelle de la tuberculose en raison du risque accru d’être infecté après contact avec un sujet tuberculeux contagieux, de l’évolution beaucoup plus rapide de la maladie liée à l’affaiblissement des défenses immunitaires, ainsi que de la fréquence plus élevée de réactivation d’une tuberculose ancienne. Dans ce dernier cas, le risque standard est évalué entre 0,1 et 0,2% par an pour une personne séronégative pour le VIH, alors qu’il varie de 5 à 8% par an pour un sujet séropositif. L’association dans un même organisme du VIH et du bacille tuberculeux est doublement délétère : le VIH favorise la progression de l’infection tuberculeuse, tandis que le Mycobacterium tuberculosis stimule la réplication du VIH et de ce fait augmente la charge virale. Il en résulte donc une progression accélérée des deux maladies .
Physiopathologie de la co-infection TB/VIH
Les deux agents infectieux sont intracellulaires. La première interaction entre les défenses immunitaires de l’hôte et Mycobactérium tuberculosis se produit au niveau des macrophages alvéolaires, qui après avoir phagocyté le bacille, vont présenter des antigènes mycobactériens spécifiques aux lymphocytes T CD4+. Ces derniers libèrent des cytokines dont l’interféron gamma qui active les macrophages afin de contenir au mieux l’infection. Les macrophages sécrètent à leur tour des cytokines pro-inflammatoires comme le tumor necrosis factor (TNF) ou l’interleukine 1 (IL-1) qui induisent une accélération de la production virale au sein des monocytes. Les bacilles agissent sur cette réplication en stimulant la réplication virale. Il en résulte donc une progression accélérée des deux productions de facteur nucléaire kappa-B, qui intervient comme promoteur de la réplication du VIH au niveau cellulaire .
Présentation clinique
La tuberculose peut survenir à n’importe quel stade de l’infection à VIH et la présentation clinique varie en fonction du degré du déficit immunitaire (figure 3). Lorsqu’elle survient précocement, il s’agit alors d’une tuberculose classique dont la forme pulmonaire est la plus commune, sans anergie cutanée et d’évolution favorable sous traitement. L’aspect est celui d’une tuberculose cavitaire et bacillifère. Lorsqu’elle survient tardivement, il s’agit de formes cliniques marquées par la fréquence des localisations extra-pulmonaires et disséminées, pauci symptomatiques sans caverne radiologique, plus rarement bacillifères à l’examen direct mais avec des cultures positives et donc de diagnostic plus difficile. L’anergie tuberculinique est fréquente .
Le diagnostic ici repose souvent sur l’utilisation de technique de diagnostic moléculaire de la tuberculose. La technique Genexpert ou Xpert MTB/RIF consiste à détecter puis amplifier une séquence nucléique spécifique des bactéries du complexe Mycobacterium tuberculosis en quelques heures. Elle permet également de détecter les mutations les plus fréquentes, avec une sensibilité de 95% sur les prélèvements respiratoires ayant un examen direct positif, et entre 65 et 77% si l’examen direct est négatif .
Au Sénégal, l’algorithme pour le dépistage de la TB chez les personnes vivant avec le VIH se base sur l’existence de signes cliniques et paracliniques. La recherche active de la TB doit être systématique à chaque consultation. Chez les patients fortement immunodéprimés, l’examen microscopique des crachats est le plus souvent négatif et les formes extra-pulmonaires sont plus fréquentes. Ceci justifie l’utilisation en pratique courante de technique de biologie moléculaire qu’est le Genexpert MTB/RIF .
Traitement
Modalités du traitement antituberculeux chez les patients infectés par le VIH
Le traitement de la tuberculose du patient infecté par le VIH n’est à priori pas différent du traitement d’une personne séronégative et repose sur un traitement combiné de deux mois d’une quadrithérapie « intensive » avec la rifampicine, isoniazide, éthambutol, pyrazinamide et quatre mois de bithérapie «de consolidation» avec rifampicine et isoniazide pour une durée totale de six mois. Pour les localisations ostéo-articulaires et neuro-méningées la durée du traitement sera prolongée à 12 mois.
Instauration du traitement antirétroviral chez un patient sous traitement antituberculeux
Lors du diagnostic d’une tuberculose, un dépistage systématique pour l’infection à VIH est proposé après un counseling. En cas de résultat positif à la sérologie VIH, le traitement antirétroviral doit être débuté au moins 14 jours après le début du traitement antirétroviral [26, 27]. Avant la révision des recommandations OMS de 2010, le délai de mise sous traitement antirétroviral restait un sujet controversé. Certains allant jusqu’à repousser leur introduction jusqu’à la complétude de la thérapie antituberculeuse[3]. Le rationnel était de favoriser l’adhérence thérapeutique et de limiter à la fois les interactions et les effets secondaires médicamenteux et la survenue du syndrome inflammatoire de reconstitution immunitaire. À l’inverse, l’introduction précoce de la trithérapie ferait baisser la mortalité en diminuant la morbidité et la mortalité liées au SIDA .
|
Table des matières
Introduction
1ere partie : Revue de la littérature sur la co-infection TuberculoseVIH
1-Epidémiologie de la co-infection tuberculose-VIH
1-1-Dans le Monde
1-2-En Afrique
1-3-Au Sénégal
2-Interactions Tuberculose et VIH/SIDA
3-Physiopathologie de la co-infection TB/VIH
4-Présentation clinique
5-Traitement
5-1-Modalités du traitement antituberculeux
5-2-Instauration du traitement antirétroviral chez un patient sous traitement antituberculeux
5-3-Choix des molécules antirétrovirales au cours du traitement antituberculeux
6-Impact du traitement ARV et la restauration immunitaire encas de coinfection TB/VIH
7-Facteurs associés à la mortalité des patients co-infectés TB/VIH
2ème partie : Travail personnel
1-Cadre de l’étude
2-Schéma d’étude
2-1-Organisation de la prise en charge des PVVIH au CRCF
2-2-Population d’étude
2-2-1-Critères d’inclusion
2-2-2-Critères de non-inclusion
2-3-Période de l’étude
2-4-Recueil des données
2-5-Variables d’intérêt de l’étude
2-5-1-Événement d’intérêt
2-5-2-Facteurs étudiés
2-5-2-1-Caractéristiques socio-démographiques
2-5-2-2-Caractéristiques cliniques
2-5-2-3-Caractéristiques biologiques et immunologiques
2-5-2-4-Caractéristiques thérapeutiques
2-6-Analyses statistiques
2-7-Considerations éthiques
3-Résultats
3-1-Caractéristiques socio-démographiques
3-2-Caractéristiques cliniques de la cohorte
3-3-Caractéristiques biologiques et immuno-virologiques de la cohorte
3-4-Description des patients en fonction du délai de mise sous traitement antirétroviral
3-5-Evolution des délais de mise sous ARV chez les patients co-infectés TB/VIH de 2008 à 2019
3-6-Analyse de survie
3-6-1-Survie globale
3-6-2- Survie et délai de mise sous traitement antirétroviral
3-7-Facteurs de risque associés à la mortalité des patients à un an
3-7-1-Analyse univariée
3-7-2-Analyse multivariée
4-Discussion
5-Limites de l’étude
Conclusion et recommandations
Références bibliographiques
Annexes