Au cours de ces dernières décennies, nous avons assisté au développement de pathologies d’évolution chronique. La dyslipidémie, le diabète, l’obésité, l’hypertension artérielle, l’insuffisance rénale, entre autres se propagent inexorablement dans la population mondiale. Elles sont regroupées dans une entité appelée les maladies chroniques non transmissibles (MCNT). Parmi ces MCNT, les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité et de handicap dans les pays développés, et de plus en plus dans les pays en voie de développement. Elles représentent une cause importante de mortalité prématurée, de morbidité et de dépenses de santé. Elles ont un impact important en termes de santé publique. Ainsi les dépenses de santé affectées aux maladies cardio-vasculaires étaient estimées en 1998 à 11,8 milliards d’euros, soit 11 % du montant total de la consommation de soins et de biens médicaux [71]. La prescription médicamenteuse consacrée aux maladies cardiovasculaires était égale à 18 % du total des dépenses médicamenteuses et 12 % du total des dépenses de soins hospitaliers. Malgré une diminution régulière observée depuis 30 ans, la mortalité cardio-vasculaire reste, en 2003, dans les pays industrialisés, et en particulier en France, une des premières causes de mortalité. Les données rapportées en 2003 par le Groupe Technique National de Définition des Objectifs (GTNDO) montraient que 32 % des décès enregistrés en France étaient liés à une pathologie cardio vasculaire : 27 % par cardiopathie ischémique, 25 % par accident vasculaire cérébral (AVC), 23 % par insuffisance cardiaque et 25 % par les autres pathologies vasculaires [28]. Les maladies cardiovasculaires sont multifactorielles, mais l’athérosclérose est responsable d’une grande partie des ces affections. Elle est une des affections les plus fréquentes de l’homme adulte. Les complications de l’athérosclérose ont pour expression clinique la maladie coronaire, l’accident vasculaire cérébral ischémique et l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs, les néphropathies vasculaires, les rétinopathies vasculaires. Ce sont des pathologies qui posent de graves problèmes de santé, en particulier, les complications coronaires. En France, 500 000 personnes meurent chaque année et 170 000 à cause d’une affection cardiovasculaire dont 50 000 d’origine coronaire et 60 000 d’origine vasculaire cérébrale [69]. Les pays à revenu faible ou intermédiaire sont touchés de manière disproportionnée, on y recense plus de 80% des décès dus aux MCV [65]. Elle est aggravée par des facteurs de risque non modifiables (âge, sexe masculin et hérédité cardiovasculaire) et modifiables (tabagisme, hypertension artérielle, dyslipidémie, diabète, sédentarité et obésité). L’obésité est un des facteurs de risque majeurs de maladies cardiovasculaires. Autrefois considérés comme un problème propre aux pays à revenu élevé, l’obésité augmente désormais de façon spectaculaire dans les pays à faible ou moyen revenu, surtout en milieu urbain. Aujourd’hui, de nombreux progrès ont été réalisés dans le domaine de la prise en charge de l’athérosclérose et de ses complications. Sur le plan fondamental, la pathogénie de l’athérosclérose et de ses complications cliniques est mieux connue : la responsabilité de l’excès de LDLc circulant, dans l’initiation et la pérennisation de l’inflammation au niveau des parois artérielles par réaction à l’agression, ainsi que le processus de formation et d’instabilité de la plaque athéromateuse sont bien démontrés. Sur le plan clinique, les résultats des nombreuses études épidémiologiques et des grands essais d’intervention, menés depuis de nombreuses années, ont montré qu’il est possible de diminuer l’incidence des maladies cardiovasculaires, grâce à un traitement hypolipémiant, diététique ou médicamenteux [55-56].
Au Sénégal, l’obésité et la dyslipidémie restent des affections mal connues. Ces pathologies émergentes, par rapport aux autres MNCT, ne suscitent pas encore un véritable intérêt ni chez la population, ni chez les autorités sanitaires et gouvernementales. Les moyens mis en œuvre pour la prévention sont encore rudimentaires. Il n’existe pas encore de véritable étude sur l’impact de ces affections sur la population, ni de campagne de prévention et de prise en charge adéquate. C’est dans ce contexte que nous nous sommes intéressés à l’étude des principaux déterminants de ces affections afin de faire un état des lieux et de proposer des recommandations pour une prévention et une meilleure prise en charge de ces affections.
DEFINITIONS
Les dyslipidémies ou dyslipoprotéinémies correspondent à une modification permanente, quantitative et qualitative d’un ou plusieurs paramètres des lipides sériques. Elles correspondent à une ou plusieurs anomalies suivantes : hypercholestérolémie, hypertriglycéridémie, diminution des HDLc, augmentation des LDLc. Elles peuvent être primitives (génétique) ou acquises (secondaires, iatrogènes). L’obésité se définit comme une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui représente un risque pour la santé. L’indice de masse corporelle (IMC) est un moyen simple de mesurer l’obésité dans la population. L’IMC correspond au poids de la personne (en kilogrammes) divisé par le carré de sa taille (en mètres). Une personne est généralement considérée comme obèse si sont IMC est supérieur ou égal à 30 kg/m² ou plus ou le rapport tour de taille sur tour de hanche supérieur à 0,9 chez l’homme et supérieur à 0,85 chez la femme [66].
CLASSIFICATION ET EPIDEMIOLOGIE
Dyslipidémies
La classification des dyslipidémies familiale la plus utilisée est la classification internationale de Frederickson (tableau I) dont le principe repose sur les données de l’électrophorèse des lipides sériques. Il existe six types de dyslipidémies (I, IIa, IIb, III, IV et V) repartit en 3 groupes : l’hypercholestérolémie pure, les hypertriglycéridémies et les dyslipidémies mixtes [30].
➤ L’hypercholestérolémie pure (Type IIa) :
La forme familiale hétérozygote est la plus fréquente des maladies génétiques chez l’homme. Elle a une fréquence de 1 cas sur 500 naissances. La forme familiale homozygote est exceptionnelle, elle est de 1 cas sur 1000000 naissances. L’hypercholestérolémie familiale, par déficit en Apo B100, a une fréquence un peu plus faible que celle de la forme familiale hétérozygote, elle est d’environ 1 cas sur 700 naissances. La forme non familiale, polygénique est la plus fréquente et se développe au cours de la seconde moitié de la vie, elle est trois fois plus fréquente que les formes génétiques.
➤ Les hypertriglycéridémies : exogène (Type I), endogène (IV) et mixte (V).
Les hyperchylomicronémies (Type I et V) font partie des hyperlipidémies exceptionnelles avec une fréquence de 1 cas sur 100000 naissances. L’hypertriglycéridémie endogène est d’étiologie multifactorielle, ce qui explique les différentes fréquences retrouvées. Sa fréquence va de 0,5 à 0,8 % de la population générale adulte. Dans certaines études anglo-saxons, elle va jusqu’à 10%.
➤ Les dyslipidémies mixtes: hyperlipidémie familiale combinée (Type IIb) et la dysbêtalipoprotéinémie familiale (Type III) Les hyperlipidémies mixtes sont aussi fréquentes que les hypercholestérolémies. La fréquence est de 0.5 à 0.8 % de la population. Le type IIb est la plus fréquente des dyslipidémies. Sa fréquence est de 1 à 2 % de la population adulte. Le type III est beaucoup plus rare avec une fréquence à 0.02 %.
L’obésité est surtout présente dans les pays développés. Les trois pays les plus touchés par l’obésité sont les îles Samoa Américaines avec 74.60 % de la population, les îles Tokelau avec 63.40 % de la population et Tonga avec 56 % de la population. A noter que ces trois pays sont situés en Océanie. Le premier pays constitué d’une population importante et touché par l’obésité est l’Arabie Saoudite avec 35.6 % suivie des Etats-Unis avec 33.9 % (Figure 1). Cette liste est non exhaustive car certains pays ne publient pas de données sur l’évolution de l’obésité, surtout les pays africains comme le Sénégal ou les données représentatives de la population générale sont quasi-inexistantes.
PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE
Physiologie et physiopathologie des dyslipidémies
Les altérations du métabolisme des lipides sont essentiellement une modification de la concentration de lipoprotéine dans le sérum et du transport des lipides dans le sang.
Structure des lipoprotéines
Les lipides sont transportés dans le sang sous forme de complexes moléculaires sphériques appelés les lipoprotéines (LP) qui sont des particules faites de couronne et de noyau .
Leur couronne se compose de lipides amphiphiles (phospholipides, cholestérol et apolipoprotéine). Leur noyau hydrophobe est composé de triglycérides et esters de cholestérol (la forme de transport et de stockage du cholestérol).
Les LP se distinguent les unes des autres par leur taille, leur densité (d’où dérive leur nom), leur teneur en lipides, leur site de formation ainsi que leurs apoliprotéines. Ces dernières servent d’élément de structure pour les LP, de ligands pour les récepteurs des LP dans la membrane de leurs cellules cibles ou encore comme effecteurs des lipoprotéines lipases [20-73]. Les lipoprotéines peuvent être divisées en 6 fractions selon leur taille, densité, leur composition en lipides et en protéines et leur fonction .
− Les chylomicrons
− Les LP de très faible densité : VLDL
− Les LP de densité intermédiaire : IDL
− Les LP de faible densité : LDL
− Les LP de haute densité : HDL
− La lipoprotéine (a) : LP(a).
➤ Les chylomicrons
Les chylomicrons transportent, par l’intermédiaire de la lymphe intestinale, les lipides de l’intestin vers la périphérie (muscles squelettiques et tissu adipeux). Leur diamètre varie entre 800 à 5000 Å, leur densité est de 0.93g/ml. Ils sont composés d’environ 86% de TG, 7% de phospholipides, 3% de Cholestérol estérifié, 2% de cholestérol libre et 2% de protéines. Il contient aussi des apolipoprotéines tels que les Apo A-I, A-II, A-IV, B-48, C-I, C-II, C-III, et E. Ils passent dans le sang 1 à 6 heures de temps suivant les repas. A jeun, ils disparaissent du plasma. Leur dégradation est assurée par des enzymes lipolytiques dont le plus important est la lipoprotéine lipase (LPL) qui est activée par l’Apo CII. De cette dégradation, naissent les « remnants ».
➤ Les lipoprotéines de très faible densité (VLDL)
Les VLDL proviennent en grande partie du foie et l’autre partie de l’intestin. Leur diamètre varie entre 300 et 700 Å et Leur densité va de 0.95 à 1.010g /ml. Elles sont constituées de TG à 55%, de phospholipides à 18%, de cholestérol estérifié à 12%, de cholestérol libre à 7% et de protéines à 8%. Elles contiennent aussi des apoliprotéines tels que les Apo B-100, C-I, C-II, C-III et E. La demi-vie des VLDL est d’environ 5 heures. Elles subissent une lipolyse et donne des résidus (IDL).
➤ Les lipoprotéines de densité intermédiaire (IDL)
Les IDL sont issues de l’hydrolyse des VLDL par les lipases. Leur taille varie de 270 à 300 Å et leur densité de 1.008 à 1.019 g/ml. Elles sont constituées de 23% de TG, 29% de Cholestérol estérifié, de 9% de cholestérol libre, 19 % de phospholipides et 19% de protéines. Les apolipoprotéines présentent sont les Apo B-100 et E. Elles subissent une lipolyse et donnent les LDL.
➤ Les lipoprotéines de faible densité (LDL)
Les LDL proviennent des IDL après hydrolyse par la LPL. La taille des IDL varie entre 220 et 272 Å et leur densité varie entre 1.019 et 1.060 g.ml. Elles sont constituées de 6% de TG, de 42% de Cholestérol estérifié, 8% de Cholestérol libre, de 22% de phopholipides et de 22% de protéines. L’Apo B-100 est la seule apolipoprotéine présente. Elles ont une demi-vie de 3.6 jours dans le plasma. Apres oxydation, elles sont dégradées par les macrophages.
➤ Les lipoprotéines de haute densité (HDL)
Les HDL peuvent être subdivisées en 3 catégories selon leur densité : les HDL1 ou naissantes, les HDL 2 et les HDL3.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. Définitions
II. Classifications et épidémiologie
III. Physiologie et physiopathologie
III.1. Physiologie et physiopathologie des dyslipidémies
III.1.1. Structure des lipoprotéines
III.1.2. Métabolisme des lipoprotéines
III.1.3. Physiopathologie des dyslipidémies
III.2. Physiologie et physiopathologie de l’obésité
III.2.1. Physiologie de la régulation pondérale
III.2.2. Physiopathologie de l’obésité
IV. Présentation clinique
IV.1. Dyslipidémies
IV.1.1. Manifestations cliniques des dyslipidémies
IV.1.2. Manifestations biologiques des dyslipidémies
IV.1.3. Complications des dyslipidémies
IV.1.4. Étiologies des dyslipidémies
IV.2. Obésité
IV.2.1. Manifestations cliniques de l’obésité
IV.1.2. Complications de l’obésité
IV.1.4. Étiologies de l’obésité
V. Prise en charge thérapeutique
V.1. Prise en charge des dyslipidémies
V.1.1. Schéma général de prise en charge des dyslipidémies en prévention primaire
V.1.2. Traitement du patient dyslipidémique
V.1.3. Adaptations nécessaires aux populations spécifiques
V.1.4. Principes du traitement et de sa surveillance
V.1.5. Résumé
V.2. Prise en charge de l’obésité
V.2.1. Evaluation du sujet obèse
V.2.2. Attitude thérapeutique et suivi du patient
DEUXIEME PARTIE : CADRE ET TYPE D’ETUDE
I. Objectifs de l’étude
1.1. Objectif général
I.1. Objectifs spécifiques
II. Cadre et type d’étude
II.1. Données géographiques
II.1.1. Situation
II.1.2. Relief, climat, végétation, pluviométrie
II.2. Données démographiques et religieuses
II.3. Données économiques
II.4. Données épidémiologiques
II.5. Données sanitaires
METHODOLOGIE
I. Méthodologie
I.1. Type d’étude
I.2. Echantillonnage
I.3. Critères d’inclusion et d’exclusion
I.4. Collecte des données
I.4.1. Instrument de collecte des données
I.4.2. Déroulement de la collecte
I.4.3. Définitions opérationnelles des variables
I.5. Définitions des variables socio démographiques
I.5.1. Définitions des variables cliniques
I.5.2. Définitions des variables biologiques
I.6. Analyse statistique
RESULTATS
I. Résultats des données
I.1. Etude descriptive
I.1.1. Caractéristiques sociodémographiques générales de la population
I.1.2. Caractéristiques cliniques
I.1.3. Caractéristiques biologiques
I.2. Étude analytique
I.2.1. IMC en fonction des caractéristiques de la population d’étude
I.2.2. Relation entre le cholestérol total et facteurs de risque cardiovasculaire
DISCUSSION
I.1. Caractéristiques sociodémographiques de la population d’étude
I.2. Caractéristiques de l’obésité
I.3. Caractéristiques des dyslipidémies
I.4. Relation entre les dyslipidémies et les obésités
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
ANNEXES