La soufflerie: les différentes modalités du souffle phonatoire
La soufflerie, composée des organes du souffle -dont une description détaillée se trouve en annexe 1- est indispensable à la construction de la voix car c’est elle qui fournit l’énergie nécessaire à la fabrication du son au niveau du vibrateur. Permettre la phonation est la fonction secondaire de la respiration, après l’hématose, qui correspond au phénomène de transformation du sang veineux en sang artériel, propre à la respiration vitale. L’émission du souffle phonatoire est précédée d’un élan respiratoire (inspiration) durant lequel l’air pénètre dans les poumons par la trachée, puis les bronches, les bronches secondaires, les bronchioles et les alvéoles pulmonaires. Pendant la phonation, l’air parcourt le chemin inverse pour aborder le larynx avec une pression et une vitesse réglées en fonction de la voix à produire. Il existe trois modalités du souffle phonatoire, qui sont le mode thoracique supérieur, appelé aussi respiration haute, le mode abdominal, également connu sous le nom de respiration basse et le mode mixte.
• Mode thoracique supérieur :Ce type de souffle phonatoire est dû à l’abaissement costal « en poignée de pompe », sous l’action du muscle intercostal interne. Cet abaissement se traduit par un affaissement thoracique. L’exécution d’un souffle thoracique supérieur suppose une inspiration ou un élan respiratoire thoracique supérieur. Ce mode respiratoire correspond à la parole ou à la voix non directive. (Cf. F. LE HUCHE Visuellement, seul le thorax se soulève au moment de la prise inspiratoire. L’expiration (ou souffle phonatoire) se traduit, quant à elle, par une bascule du sternum vers l’intérieur, ce qui induit une absence totale de contrôle de la pression expiratoire.
• Mode abdominal :Dans ce souffle, l’action des muscles Oblique et Transverse produit conjointement: une rétraction de la paroi abdominale qui provoque un refoulement du diaphragme vers le haut. un abaissement costal «en anse de seau» amenant le resserrement latéral de la cage thoracique. Lors du souffle abdominal, le thorax ne s’affaisse pas au moment de l’émission. Au contraire, le manubrium sternal semble légèrement projeté en haut et en avant. L’exécution du souffle abdominal suppose un élan respiratoire costoabdominal. Le souffle abdominal correspond à la projection vocale. (Cf. F. LE HUCHE). Contrairement au mode thoracique supérieur, la contraction des muscles abdominaux permet ici le contrôle de la pression expiratoire.
• Mode mixte :Très nettement distincts en général, les souffles thoraciques et abdominaux peuvent s’associer dans certains cas, notamment lors de situations d’exigence expressive. De plus, la flexion vertébrale peut venir compliquer la mécanique respiratoire. Le sujet obtient une pression sous glottique plus importante avec, à court terme, une émission de voix plus intense. Cependant, ce mécanisme doit rester exceptionnel car il pourrait rapidement mener à la pathologie. L’énergie fournie par la soufflerie permet, dans un deuxième temps, la fabrication du son par le larynx qui tient le rôle de vibrateur.
Timbre extra-vocalique ou personnalisation vocale
C’est d’après le timbre extra-vocalique qu’on peut identifier une personne à l’écoute de sa voix. Les caractéristiques anatomiques individuelles des cavités de résonance entraînent certaines particularités reconnaissables du timbre vocal d’un individu donné. En somme, on reconnaît à l’oreille telle personne, essentiellement grâce aux caractéristiques particulières de ses cavités de résonance, de même qu’on la reconnaît, à la vue, aux traits particuliers de son visage. Aussi, il n’est pas rare de voir, chez les chanteurs professionnels, des visages larges et des grands cous, laissant imaginer de grandes cavités de résonance, propices à l’épanouissement du son. Le timbre de la voix dépend non seulement des caractéristiques anatomiques des cavités de résonance et de leur arrangement, mais également des modalités d’accolement des cordes vocales. L’accolement peut être plus ou moins ferme. Un accolement ferme enrichit le timbre, on dit alors que la voix acquiert du mordant. Sur le plan physique, les ouvertures glottiques sont plus brusques et plus brèves. Ceci se traduit sur le plan acoustique par un enrichissement en harmoniques aigus. Lorsqu’au contraire, l’accolement des cordes vocales est relâché ou incomplet, le timbre, par voie de conséquence, est dit « pauvre », car il manque d’harmoniques aigus. Parfois, ce timbre vocal s’accompagne d’un bruit de souffle: on dit alors que le timbre est voilé. Enfin, l’épaisseur des cordes vocales lors de leur accolement joue un rôle dans le timbre vocal, puisqu’elle détermine les registres vocaux. (Cf 1ère partie, II, A, 2, p. 22) Comme nous venons de le voir, le fonctionnement de la voix parlée est complexe et implique tout le corps. Celui de la voix chantée l’est encore d’avantage et suppose une action spécifique des trois étages de l’appareil vocal. Par ailleurs,contrairement à la voix parlée, la voix chantée nécessite un contrôle permanent du geste vocal, telle musicien avec son instrument.
La respiration, moteur de la voix chantée
La respiration est l’élément de base d’une voix chantée physiologique. Les variations de pression expiratoire jouent un rôle important sur l’intensité vocale. L’intensité de la voix de conversation varie entre 55 et 65 dB. La voix chantée, quant à elle, peut atteindre jusqu’à 120 à 130 dB, pour les voix les plus puissantes.
a. Son mode respiratoire :La VOIX chantée utilise un mode respiratoire costo-abdominal, avec un soulèvement très léger des côtes flottantes à la fin du temps inspiratoire. Cette position d’ouverture des côtes ainsi obtenue doit être maintenue pendant toute la durée de l’expiration phonique, en parallèle au relèvement régulier du diaphragme sous l’action de la musculature abdominale. Corrélativement, la cage thoracique se doit d’être inerte afin de permettre les mouvements diaphragmatiques. Cette utilisation du souffle dans la voix chantée s’appelle le chant sur l’appui, (de l’italien « appogio » ). Il permet de s’adapter aux exigences: du texte chanté, notamment les longues phrases dont le découpage aurait des répercussions sur le sens ; du texte musical, avec la nécessité de s’adapter aux volontés des compositeurs concernant les tempi lents et les phrasés dont les liaisons interdisent les césures.
b. Contrôle du souffle :La capacité pulmonaire (homme: entre 3,50 L et 5,30 L, femme: entre 1,80 Let 3,70 L) n’est pas la raison principale de l’efficacité de la respiration. En revanche, un souffle maîtrisé, discipliné, savamment dosé est nécessaire au bon fonctionnement de la voix chantée. C’est également cette idée que défend Claire Dinville, quand elle affirme que les mouvements respiratoires doivent être « conscients et disciplinés pour devenir actifs et efficaces» Le travail de la sangle abdominale (donc de l’appui), par le biais d’exercices de souffle, revêt une importance primordiale dans l’éducation de la voix chantée. Il faut toutefois faire attention de ne pas aller jusqu’aux tensions -comme le blocage du diaphragme par excès d’efforts- qui pourraient avoir des répercussions néfastes sur le larynx. L’énergie fournie par la soufflerie donne naissance au son chanté. L’action de la soufflerie et du vibrateur se combinent: il s’agit de la coordination pneumophonique, nécessaire à un bon geste vocal.
Les attaques vocaliques
Les attaques vocaliques correspondent à la façon dont les cordes vocales se mettent en position phonatoire sur des attaques de voyelles. On distingue les attaques douces et les attaques dures. Les attaques douces sont caractérisées par une phonation débutant glotte ouverte. Les deux aryténoïdes sont presque en adduction et les cordes vocales ont une forme de fuseau qui laisse passer l’air. Ce type d’attaque est idéal en voix chantée comme en voix parlée. Cette mise en position phonatoire progressive permet d’éviter un mauvais traitement du larynx. L’attaque soufflée est l’exagération de l’attaque douce. Dans ce cas de figure, il se passe trop de temps entre l’arrivée de l’air au niveau des cordes vocales et leur mise en vibration. Le bruit aérien parasite est nettement audible.Les attaques dures se caractérisent par une phonation débutant glotte fermée. Les cordes vocales commencent par se mettre en position d’adduction avant que l’air pulmonaire n’arrive jusqu’à elles. Ensuite, la pression de l’air augmente progressivement dans la trachée jusqu’à forcer le barrage glottique et déclancher le premier cycle vibratoire. Le coup de glotte est une attaque dure. Il correspond à un pic pressionnel trop important dans la phase immédiatement pré-phonatoire, confmant parfois au comportement sphinctérien qui se caractérise par un blocage extrême des cordes vocales. Lorsque l’émission débute en coup de glotte, elle présente un caractère explosif et manque de précision tonale. Il est clair que la surpression et les tensions présentes lors des attaques dures sont susceptibles d’avoir des répercussions néfastes sur le larynx si celles-ci sont répétées.
Mobilité et détente laryngée
Dans le chant comme dans la parole, le larynx doit être libre d’exécuter des mouvements d’abaissement et d’élévation autour de sa position de repos. Ces mouvements vont de pair avec ceux de la langue, de la mandibule et les modifications de volume des cavités de résonance. Dans la voix chantée, le larynx ne doit surtout pas être trop élevé. Une élévation excessive risque d’entraîner des tensions, notamment au niveau du cou (muscles scalènes et muscles suspenseurs du larynx). De plus, un larynx placé trop haut a pour conséquence le raccourcissement du résonateur pharyngé, donc la réduction du nombre d’harmoniques. A l’oreille, la voix est serrée. Le larynx ne doit pas non plus être trop bas, la voix serait sombrée, manquerait de brillant. Enfin, le son laryngé se fait timbre par le biais des résonateurs: la voix chantée se personnalise alors.
Le vibrato
Le vibrato correspond à des variations de hauteur, d’intensité et de timbre. Mesurables, ces variations se reproduisent cinq à sept fois par seconde, oscillent de Y4 à Y2 tons et ont trois décibels d’amplitude. Le vibrato s’entend comme une qualité de la voix. Il permet à l’oreille une meilleure audition car à tour de rôle, les cellules ciliées -situées dans l’oreille interne- sont stimulées puis mises en repos, pour à nouveau être sensibles à une nouvelle stimulation. La sensation est facilitante pour le chanteur et relaxante pour l’auditeur.Un vibrato trop ample devient un trémolo. Un vibrato trop lent fait dire que la voix bouge. En son absence, on chante « droit ». Enfin, en cas de fatigue musculaire et que le chanteur force sa voix, s’installe une exagération de vibrato. Citons enfin l’exemple de l’esthétique baroque qui exige une absence de vibrato lors de l’attaque des sons tenus. Le son se prolonge ainsi avant de libérer le vibrato à la fm de sa tenue. L’absence de vibrato est ici dépendante de la volonté du chanteur. Il est d’ailleurs nécessaire d’être un chanteur éduqué pour contrôler et maîtriser son vibrato de la sorte..
|
Table des matières
Introduction
lère partie : Physiologie et pathologie de la voix chantée
Ch.l De la phonation à la voix chantée: description et fonctionnement
I Les trois étages de l’appareil vocal
A- La soufflerie: les différentes modalités du souffle phonatoire
B- Le vibrateur: la fonction phonatoire
c- Les résonateurs à l’origine des timbres
II La voix chantée ou quand la voix devient instrument
A- Spécificités de la voix chantée selon les trois étages de l’appareil vocal
1) La respiration, moteur de la voix chantée
2) Le vibrateur, créateur du son chanté
3) Les résonateurs et l’éveil du timbre
B- La voix chantée, instrument complexe à contrôler
1) Le schéma corporel vocal
2) Le classement vocal
Ch. 2 – La voix chantée et sa pathologie: origine et manifestations
I Causes des dysfonctionnements
A- Causes d’ordre général
B- Causes fonctionnelles
1) Altération du geste respiratoire
2) Malposition laryngée et moules vocaux inappropriés
C- Causes psychologiques
D- Causes hormonales
II Manifestations des dysfonctionnements
A- Sur le plan organique
B- Sur le plan acoustique
C- Sur le plan des sensations des chanteurs
2ème partie : Démarche expérimentale
I Hypothèses et objectifs de la recherche
II Expérimentation
A- Présentation de l’échantillon
B- Présentation des questionnaires et des grilles d’observation
1) Le questionnaire des professeurs de chant
2) Le questionnaire des élèves de cours de chant
3) Le questionnaire des chanteurs professionnels
4) La grille d’observation des cours de chant
5) La grille d’observation des chanteurs professionnels en concert
C- Dépouillement
III Définition par l’historique
A- Esthétique lyrique
B- Esthétique de variété
3ème partie :Analyse des résultats
I Esthétiques vocales lyrique et de variété: techniques différentes?
A- Points communs
1) Les objectifs pédagogiques des professeurs de chant
2) Détente corporelle et posture
3) Le travail du souffle
B- Différences
1) La formation des professeurs de chant
2) Les objectifs pédagogiques des professeurs de chant
3) Travail de l’étendue de la voix et de la tessiture
4) Travail sur le timbre ou recherche d’un moule vocal
5) Travail de l’articulation
6) Travail de la musicalité et du style
C- Synthèse
II Compatibilité des deux techniques avec la physiologie vocale
A- Chant lyrique
1) Les élèves
2) Les professionnels
B- Chant variété
1) Les élèves
2) Les professionnels
C- Synthèse
III Résultats
A- Validation des hypothèses
B- Limites de l’étude
VI Remédiations
A- Hygiène vocale
B- Préparation physique et vocale conseillée aux chanteurs
1) Détente corporelle et posture
2) Souffle
3) Préparation vocale
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Télécharger le rapport complet