L’évolution des moyens technologiques a contribué à l’amélioration de la qualité de vie et à l’augmentation de l’espérance de vie. Cette condition a par extension, changé l’environnement global des personnes, notamment de la personne âgée, confronté à de nouveaux types de problèmes sanitaires et sociaux. Dans cette optique, la maladie mentale ne demeure pas en reste car elle occupe le deuxième rang derrière les maladies cardiovasculaires en termes d’incapacité, de mort prématurée et de coût socio-économique [20]. La maladie mentale peut amener diverses incapacités affectant la vie sociale de l’individu. Cette condition crée un état qui va précipiter la déchéance globale de la santé du senior. Les troubles psychiques de la personne âgée sont d’expressions diverses. Les principales pathologies retrouvées sont : les troubles de l’humeur, les troubles démentiels, les troubles névrotiques, les troubles délirants aigu et chronique, les troubles confusionnels, les troubles caractériels,[9]. La prévalence des troubles psychiatriques est importante chez les séniors puisque la moitié des sujets de plus de 65 ans en souffrirait [41]. Dans cette population, le trouble psychiatrique est souvent associé à une ou plusieurs affections somatiques qu’il aggrave. Chez la personne âgée, il est très habituel que l’expression des troubles psychiques se fasse plus dans le registre somatique.
PHYSIOLOGIE DU VIEILLISSEMENT NORMAL
Pratiquement tous les médecins sont amenés à soigner des personnes âgées que ce soient des généralistes ou des spécialistes, au cabinet ou à l’hôpital. Certains auteurs ont défini le vieillissement comme « l’action du temps sur les êtres vivants» [26]. Selon l’Organisation mondiale de la santé une personne entre dans la vieillesse à partir de 65 ans. Sur le plan social, la vieillesse correspond souvent à l’âge de cessation d’activité professionnelle (entre 55 et 65 ans). Dans les services et institutions destinés aux personnes âgées, l’âge est en moyenne de 85 ans [33]. Sur un plan plus biomédical, le vieillissement pourrait se définir comme «l’ensemble des processus moléculaires, cellulaires, histologiques, physiologiques et psychologiques qui accompagnent l’avancée en âge » et qui résulte des interactions (à des degrés divers) entre des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux, rendant ainsi compte de sa grande hétérogénéité[26].Une bonne connaissance du vieillissement normal est indispensable afin de distinguer les effets du vieillissement de ceux des maladies dont ils peuvent être victimes. En effet, attribuer à tort certains symptômes aux effets du vieillissement, conduit à méconnaître des problèmes de santé et à négliger leur prise en charge et leur traitement. Différentes études ont montré qu’en l’absence de pathologie, les effets du vieillissement sont modestes, si on élimine les maladies et les facteurs environnementaux. En effet, le vieillissement s’accompagne de modifications physiologiques de l’organisme variables d’un sujet à l’autre et dépendantes de facteurs génétiques. Les facteurs biologiques intervenant dans le processus de vieillissement sont complexes et multifactoriels. Les progrès de la recherche ont permis de reconnaître le rôle important des facteurs génétiques, des altérations du fonctionnement cellulaire ou de systèmes de protection contre l’oxydation, ou encore le rôle des modifications du métabolisme telle la glycation non enzymatique des protéines. Le vieillissement physiologique ne semble pas s’accompagner de modifications majeures de la personnalité. L’apparition de comportements régressifs ou d’une perte de souplesse des traits de caractère ne peut être considérée comme une modification inéluctable au grand âge mais doit faire rechercher une affection sous-jacente en particulier une démence. La plainte d’une diminution des capacités mnésiques augmente de fréquence avec l’âge [16]. Sur le plan intellectuel, le vieillissement s’accompagne d’une diminution modeste des performances et de l’adaptabilité. Certaines activités nécessitant une réaction rapide ou un haut degré de précision peuvent être altérées, en revanche, la capacité à comprendre une situation ou à apprendre à partir de nouvelles expériences, l’imagination et la créativité sont maintenues. À l’heure actuelle, les troubles intellectuels et de mémoire sont de moins en moins méconnus, En revanche leur association à des symptômes dépressifs ou anxieux est sous-estimée [18]. Par ailleurs, en ce qui concerne le sommeil de la personne âgée, il semble ne pas exister de corrélation étroite entre les altérations objectives constatées sur des enregistrements électroencéphalographiques et les plaintes alléguées par le sujet. En particulier, chez le sujet âgé en bonne santé, des études récentes montrent que les plaintes de mauvais sommeil sont moins importantes que ne le laisseraient prévoir les données objectives de sommeil. Tout se passe comme si le sujet âgé en bonne santé s’adaptait aux modifications physiologiques de son sommeil [41]. Enfin, bien qu’une réduction de l’intérêt et des capacités sexuelles soit habituellement observée dans le grand âge, l’activité sexuelle reste possible dans les deux sexes. Cependant, les modifications sexuelles décrites pour l’ensemble du groupe âgé doivent être différenciées de celles de l’individu. En effet, l’activité sexuelle dépend du statut du patient (solitude ou vie conjugale), de son lieu de vie, de l’existence d’un handicap comme une démence. Les troubles de la fonction sexuelle sont difficilement évoqués du fait de l’embarras, voire de la honte de la personne âgée liés à l’image dévalorisée du corps vieilli dans la société. Par ailleurs, la méconnaissance de ce domaine par le soignant et la réticence habituelle de l’entourage à accepter la sexualité de la personne âgée ne favorise pas l’écoute de celle-ci. Ainsi, une plainte concernant un organe ou une fonction ne doit pas être considérée comme normale sous prétexte que le sujet est âgé et doit faire l’objet d’investigations cliniques en particulier quand le trouble est d’apparition récente.
En ce qui concerne les aspects psycho-dynamiques, le vieillissement est une crise existentielle qui fragilise l’individu en créant chez lui un état d’équilibre psychologique instable. La vieillesse est indéniablement le temps des pertes [1] :
➤ perte de ses amis et de ses proches, par veuvage, départ des enfants, etc ;
➤ perte de son travail et de ses relations sociales ;
➤ perte de beaucoup de ses capacités physiques et mentales, et par conséquent de son autonomie ;
➤ perte de sa beauté, de sa puissance, de ses capacités de séduction, de la fécondité (surtout pour la femme).
Conscient de ces pertes et du peu de temps qui lui reste à vivre, le sujet âgé va adopter un nouveau rôle dans la famille et un nouveau style de vie socioéconomique, et sa personnalité sera caractérisée par :
➤ un sentiment de vulnérabilité, avec diminution du contrôle émotionnel. Cela se traduit par une irritabilité, une impatience et une sensiblerie, et peut conduire à des attitudes de repli et d’isolement ;
➤ un égocentrisme : le sujet âgé va se concentrer sur lui-même, réduisant son intérêt pour le monde extérieur ;
➤ un désinvestissement du futur avec concentration sur le présent ou le passé, qu’il enjolive, pour agrémenter le présent ;
➤ une passivité et une dépendance des autres ; d’où l’importance du rôle que peuvent jouer ces derniers, dans l’équilibre psychologique des personnes âgées. En effet, pour bien vieillir, le rôle de l’entourage est capital ;
➤ une régression psychologique qui peut se traduire par :
• des plaintes hypocondriaques, fréquemment rencontrées chez les vieillards, pouvant traduire soit la recherche sécurisante, d’une relation affective ou d’un attachement, auprès de l’entourage ou des équipes soignantes ; soit la fuite d’un conflit dans les plaintes somatiques.
• une hypersensibilité aux flatteries, avec recherche insatiable d’attention et d’affectivité.
• un intérêt accru pour l’argent, avec goût à la possession et difficulté de partager.
• des régressions massives, qui font penser à des moyens archaïques de lutter contre l’angoisse de mort.
• Une sous-estimation de soi, pouvant conduire à la dépression (très fréquente à cet âge) et même au suicide (qui est le plus réussi à cette étape de la vie).
Par ailleurs, le sujet âgé doit accepter l’idée de sa mort prochaine qui s’impose à lui de façon de plus en plus forte, au fur et à mesure qu’il avance en âge. Enfin, un certain nombre d’événements éprouvants ou de difficultés d’existence: deuil, déménagement, mise en retraite, éloignement des enfants, conflit familial, isolement social, affections somatiques, altérations sensorielles, diminution des ressources sont particulièrement fréquents lors du grand âge. Ces situations sont à l’origine d’un sentiment de perte de pouvoir, de perte d’efficacité ou d’atteinte de l’identité sociale, ainsi que d’un avivement de l’idée de mort. Face à ces pertes, la capacité du sujet vieillissant à élaborer une série d’ajustements et de réorganisations psychologiques dépend de sa personnalité antérieure. L’efficacité des mécanismes de défense du sujet âgé se manifeste par exemple par la capacité d’acquérir des pôles d’intérêts différents de ceux des précédentes étapes de sa vie. Au contraire, lorsque ces mécanismes de défense sont débordés, il en résulte une altération de l’estime de soi et une régression narcissique qui favorisent l’éclosion de troubles psychiatriques.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERARTURE
I. PHYSIOLOGIE DU VIEILLISSEMENT NORMAL
II. HISTORIQUE DES SUJETS AGES EN PSYCHIATRIE
III. DESCRIPTION DES TROUBLES PSYCHIQUES DU SUJET AGE
III.1. La Dépression
III.2. La manie
III.3.Troubles névrotiques et anxieux
III.4. Les Troubles délirants
III.4.1. Troubles délirants aigus
III.4.2. Troubles délirants chroniques
III.4.3. États confusionnels
III.4.4. Les états démentiels
III.4.5. Les autres troubles
III.4.5.1. L’Alcoolisme
III.4.5.2. Les troubles du sommeil
III.4.5.3. Les troubles de la sexualité
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. OBJECTIFS
II. METHODOLOGIE
II.1. Présentation du cadre d’étude :Centre de santé mentale
II.1.1. Statut du centre
II.1.2. Le fonctionnement du centre
II.1.3. Les personnels du centre
II.2. Type d’étude
II.3. Populations d’étude
II.4. Recueil des données
II.4.1. Outils
II.4.2. Méthode de recueil
II.5. Traitement des données
III. RESULTATS
III.1. Données générales et caractéristiques sociodémographiques
III.1.1. Age
III.1.2. Sexe
III.1.3. Sexe et âge
III.1.4. Situation matrimoniale
III.1.5. Niveau d’étude
III.1.6. Lieu de résidence
III.1.7. Religion
III.1.8. Ethnie
III.2. Caractéristiques Cliniques
III.2.1. Origine de la demande
III.2.2. Antécédents psychiatriques personnels
III.2.3. Diagnostics
III.2.4. Comorbidités somatiques
III.2.5. Type de Comorbidités somatiques
COMMENTAIRE
I. Caractéristiques sociodémographiques
I.1. Age
I.2. Sexe
I.3. Situation matrimoniale et niveau d’étude
I.4. Lieu de résidence, religion et ethnie
II. Caractéristiques Cliniques
II.1. Origine de la demande et antécédents psychiatriques personnels
II.2. Etude des diagnostics retenus
II.3. Etude des comorbidités somatiques
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES