Physiologie du développement de l’incisive centrale maxillaire

Physiologie du développement de l’incisive centrale maxillaire

L’incisive centrale permanente fait son éruption entre 6 et 8 ans, au stade 8 de son développement, selon la classification du développement des dents permanentes établie par Carmen M. Nolla. A ce stade, la racine est bien loin d’être achevée, les parois sont encore divergentes et l’apex est en tromblon. Elle sera considérée comme mature au stade 10 . La maturation dentaire est plus rapide chez les filles que chez les garçons : l’incisive centrale maxillaire atteint le stade 10 à 10 ans chez une fille alors que chez un garçon, ce stade ne sera pas encore tout à fait réalisé à 11 ans .

La tranche d’âge la plus exposée au traumatisme dentaire sur les incisives est celle de 6 à 10 ans (3). Cette tranche d’âge concorde avec la période comprise entre les stades 8 et 10 de Nolla pour l’incisive centrale maxillaire. A ce stade, la racine est toujours en cours d’édification et n’a pas encore une bonne implantation osseuse.

Causes possibles de la perte précoce de l’incisive centrale 

Cause directe : Traumatologie en denture immature, la luxation totale 

Les traumatismes dentaires chez l’enfant et l’adolescent sont une urgence commune au cabinet dentaire. Selon une étude internationale rétrospective sur 12 ans, 25% du total des enfants scolarisés aurait eu l’expérience d’un traumatisme dentaire et 33% des adultes en aurait eu l’expérience, majoritairement avant l’âge de 9 ans (4). Les traumatismes sont souvent à l’origine d’une perte partielle ou totale des tissus dentaires, affectant alors les fonctions masticatoires, sensitives, communicatives et psycho-esthétiques. Ce sont les garçons qui sont le plus touchés par les traumatismes dentaires, majoritairement sur les dents maxillaires et en particulier sur les incisives centrales maxillaires .

Par leur position, les incisives centrales peuvent être considérées comme un véritable pare choc du massif facial, ce qui les rend vulnérables. En conséquence, toute particularité les exposant de façon accentuée va augmenter leur risque d’atteinte lors d’un traumatisme. C’est le cas pour les patients avec une classe 2 division 1 d’angle. En effet, selon une étude scandinave, la répartition des traumatismes sur l’incisive centrale sur un échantillon de 1445 patients de 7 à 16 ans est de 14.23% pour un patient sans overjet (0-3mm), de 28.5% pour un patient avec un overjet augmenté (3.1-6mm) et de 38.6% pour un overjet extrême (plus de 6mm)(7). Un overjet d’environ 3.1 à 6 mm augmente donc de deux fois les risques de survenue des traumatismes dentaires. Plus l’overjet est important, plus le risque augmente (7,8). Les traitements orthodontiques précoces ont donc un rôle très important en terme de prévention .

La notion d’« âge » dentaire est essentielle (dent mature/immature) et influence notre thérapeutique. Les luxations et les expulsions sont les traumatismes les plus fréquemment retrouvés pour les dents permanentes immatures du fait de la faible longueur radiculaire, de la souplesse de l’os alvéolaire environnant, de l’immaturité du ligament alvéolo-dentaire (LAD) et enfin de la nature des traumatismes (chutes et traumatismes faciaux). Les fractures, d’autre part, sont majoritaires pour les dents permanentes matures. Selon les études, les luxations dentaires représentent un pourcentage non négligeable allant de 16 à 30% du total des traumatismes dentaires recensés . L’expulsion ou la luxation totale :

L’expulsion est le traumatisme dentaire le plus sévère qui intéresse le plus fréquemment les incisives maxillaires. Il se définit comme un déplacement ad integrum de la dent hors de son alvéole, entraînant une rupture complète du paquet vasculo-nerveux et des fibres desmodontales .

L’expulsion touche le plus souvent des enfants âgés de 6 à 10 ans. Ce traumatisme peut être associé à une fracture alvéolaire ou à une fracture comminutive de la table osseuse vestibulaire.

Il est admis que la réimplantation de la dent dans sa position d’origine est la meilleure thérapeutique. Elle présente de nombreux avantages (esthétique, masticatoire, occlusal) et permet la préservation de la crête alvéolaire. Elle constitue la meilleure phase de temporisation avant d’envisager d’autres options thérapeutiques à moyen et long terme, remplissant un rôle esthétique et fonctionnel (11). La réimplantation permet également de ne pas perturber la croissance maxillo faciale et de maintenir le volume osseux. Cependant, elle n’est pas toujours possible pour diverses raisons :
– d’ordre général : patient à haut risque d’endocardite infectieuse, handicap lourd.
– d’ordre local : état parodontal défavorable, fracture alvéolaire sévère, absence de motivation et d’hygiène, organe dentaire non retrouvé, consultation trop tardive avec alvéole cicatrisée (11,12). La perte de l’incisive centrale est, dans ces situations, directe.

Causes indirectes 

Complication post‐traitement de l’incisive centrale immature : résorption inflammatoire, ankylose (post‐traumatique en denture permanente, absence traitement nécrose)

Même en cas de réimplantation, la dent peut être perdue indirectement. Les conditions de réimplantation sont strictes et ne laissent que peu de marge de manœuvre. Les chances de cicatrisation du LAD dépendent de multiples facteurs, notamment de la nature du traumatisme, du milieu de conservation utilisé pour la dent avulsée, de la rapidité de réimplantation et des traitements cliniques post traumatiques (4,14–16). Les chances de cicatrisation du LDA de la dent traumatisée, en fonction du temps extra-alvéolaire et en milieu de conservation adéquat, serait de 52% de 0 à 4 minutes, de 24% de 5 à 20 minutes et de 13% au-delà de 21 minutes (14). Dans ces mêmes conditions, le temps de survie du LAD est fixé à moins de 60 minutes (4). Le temps extra-oral optimal pour la réimplantation est donc de moins de 5 minutes. Passé ce délai, le LDA de l’incisive subit des lésions irréversibles pouvant aboutir à des complications, telles que des résorptions de remplacement (17), se traduisant par une ankylose et une infraclusion, pouvant nécessiter l’extraction de la dent . 19% des réimplantations seraient un échec à 6 ans post-traumatique, et 30% des dents réimplantées seraient perdues à 23 ans post-traumatique .

Tout autre type de traumatisme (fracture, luxation partielle verticale ou latérale, intrusion) peut aussi conduire à une perte indirecte de la dent à la suite de résorptions radiculaires inflammatoires consécutives à : une nécrose pulpaire, à la perte ou l’altération des couches protectrices pré-cément et pré-dentine et à une situation inflammatoire au niveau des surfaces non protégées de la racine .

Atteinte du germe de l’incisive centrale maxillaire

Une impaction des incisives centrales maxillaires temporaires peut aboutir à une évolution dystopique de l’incisive centrale maxillaire permanente par atteinte du germe. Cette évolution et ses répercussions cliniques peuvent nécessiter l’avulsion de la dent (20). C’est le cas du patient de 8 ans présenté par Charpentier (20), qui a subi un traumatisme facial au niveau de ses incisives temporaires. Cela a provoqué l’impaction de la 51 et, par la suite, une évolution dystopique et un trouble de la rhizagénèse de la 11 .

Enjeux de la perte de l’incisive centrale et objectifs thérapeutiques 

Enjeux fonctionnels et occlusaux

L’incisive centrale maxillaire fait partie du groupe incisivo-canin appelé aussi groupe des dents antérieures. Il est constitué des incisives et des canines maxillaires. Par cette appartenance et sa position, l’incisive centrale maxillaire possède plusieurs rôles qui ne pourront plus être assumés suite à sa perte (21) :
– Fonction d’incision section-préhension de la nourriture pour l’amener à l’écrasement molaire
– Rôle dans l’élaboration de nombreux sons, en particulier dans les langues latines, anglo-saxonnes et allemandes. En effet, un enfant, avant l’éruption des incisives maxillaires, aura des difficultés à produire les sons V, F ou TH.
– Rôle majeur en délimitant les mouvements fonctionnels (mastication, phonation) : c’est le guide antérieur
– Rôle esthétique en étant visible au cours de la mastication, de la phonation, de l’expression faciale et surtout du sourire .

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Table des matières

Introduction
I/ Généralités
1. Physiologie du développement de l’incisive centrale maxillaire
II/ Causes possibles de la perte précoce de l’incisive centrale
1. Cause directe : Traumatologie en denture immature, la luxation totale
2. Causes indirectes
2.1 Complication post-traitement de l’incisive centrale immature : résorption inflammatoire, ankylose (post-traumatique en denture permanente, absence traitement nécrose)
2.2 Atteinte du germe de l’incisive centrale maxillaire
III/ Enjeux de la perte de l’incisive centrale et objectifs thérapeutiques
1. Enjeux fonctionnels et occlusaux
2. Enjeux liés à la perte du volume osseux
2.1 Processus de cicatrisation et remodelage
2.2 Etapes de cicatrisation alvéolaire
2.3 Remodelage externe post cicatrisation
3. Enjeux liés à la croissance de l’enfant
3.1 La croissance staturale chez l’Homme
3.2 La croissance du maxillaire
3.3 Détermination de l’âge osseux
4. Enjeux psychologiques et comportementaux
5. Enjeux esthétiques : Critères esthétiques du sourire
6. Objectifs thérapeutiques
IV/ Gestion à court terme
1. Identification de l’urgence et anamnèse
2. Gestion psychosomatique de l’urgence
2.1 Accueil du patient
2.2 L’évaluation de l’anxiété
2.2.1 Auto-évaluation de l’anxiété
2.2.2 Hétéro-évaluation de l’anxiété
2.3 L’évaluation de la douleur
2.3.1 Auto-évaluation de la douleur
2.3.2 Hétéro-évaluation de la douleur
3. Examen clinique
3.1 Examen exo-buccal
3.2 Examen endo-buccal
4. Examen radiographique et relevé photographique
4.1 Examen radiographique
4.2 Relevé photographique
5. Les facteurs en faveur de la non-réimplantation de l’incisive centrale expulsée
6. Actes prodigués en consultation d’urgence
7. Prescriptions et recommandations
7.1 Prescriptions
7.1.1 Gestion du risque infectieux
7.1.2 Gestion antalgique
7.1.3 Matériel d’hygiène bucco-dentaire
7.2 Recommandations
8. Certificat médical initial (CMI)
9. Consultation à distance du traumatisme
V/ Gestion à moyen terme
1. Solution de temporisation en cours de croissance
1.1 Prothèse partielle amovible
1.2 Bagues ou coiffes pédodontiques préformées, associées à un arc
2. Solutions de traitement à visée durable en cours de croissance
2.1 Ouverture ou fermeture de l’espace laissé par l’incisive centrale perdue
2.1.1 L’ouverture ou le maintien de l’espace
2.1.2 La fermeture orthodontique de l’espace
2.1.3 Tableau récapitulatif des avantages et inconvénients de l’ouverture ou de la fermeture orthodontique
2.1.4 Présentation de différents critères pouvant orienter vers une solution d’ouverture ou de fermeture des espaces
2.2 Auto transplantation d’une dent sur le site de l’incisive centrale
2.2.1 Critères de succès de l’autotransplantation
2.2.2 Protocole de l’autotransplantation
2.2.3 Tableau récapitulatif des avantages et inconvénients de l’autotransplantation
VI/ Gestion à long terme
1. Solutions de transition en fin de croissance
1.1 Prothèse partielle amovible transitoire
1.2 Bridgé collé transitoire
1.3 Gouttière de temporisation
2. Solution à visée durable en fin de croissance
2.1 Prothèse partielle amovible d’usage à châssis métallique
2.2 Bridge dento-porté
2.2.1 Bridge conventionnel
2.2.2 Bridge en extension ou bridge cantilever
2.2.3 Bridge collé
2.2.4 Le bridge collé cantilever (ou en extension)
2.2.5 Intégration esthétique et parodontale de l’intermédiaire de bridge remplaçant l’incisive perdue
2.2.6 Avantages et inconvénients des différentes solutions de bridges dento-portés
3. Solution implantaire
3.1 Enjeux actuel de l’implantologie
3.2 Analyse des pertes ostéo muco-gingivales au niveau de l’incisive centrale perdue
3.2.1 Evaluation de la perte de substance alvéolaire
3.2.2 Evaluation de la perte des tissus mous : La papille interdentaire
3.3 Chirurgies pré-implantaires
3.3.1 Gestion des tissus mous
3.3.2 Gestion de la perte osseuse
3.4 Le comportement implantaire
3.4.1 L’éruption continue
3.5 Tableau récapitulatif des avantages et inconvénients de la prothèse implantaire
VII/ Tableau comparatif des solutions thérapeutiques à moyen et long terme
Conclusion

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