Physiologie de l’utérus gravide
L’utérus se contracte d’un bout à l’autre de la grossesse. Au début les contractions utérines sont espacées, peu intenses et indolores. En fin de grossesse ou au cours du travail elles se rapprochent, deviennent plus violentes et douloureuses. Les contractions utérines résultent d’un raccourcissement des chaines de protéines contractiles ou actomyosines, grâce à l’énergie libérée par l’adénosine triphosphate en présence d’ions. Les contractions utérines peuvent naitre de n’importe quel point du muscle utérin. L’activité utérine a un double but : la dilation du col et l’accommodation foetopelvienne [33].
Physiopathologie des ruptures utérines
A ce jour, deux théories sont admises par la plupart des auteurs [33].
La théorie de BANDL
Cette théorie explique surtout les ruptures utérines par dystocie osseuse. Pour BANDL, la rupture utérine est le résultat d’une distension exagérée du segment inférieur sous l’effet des contractions utérines. C’est la fin du combat ayant opposé le corps et le col. L’utérus chasse le fœtus qui, sans progresser, se loge en le distendant, dans le segment inférieur. Le corps utérin se ramasse sur lui-même, augmente sa puissance et se mole sur le fœtus dont il épouse la forme. Le segment inférieur s’amincit d’avantage et fini par se rompre. L’anneau de BANDL s’explique par la rétraction exacerbée de l’utérus avec un étirement du segment inférieur. L’utérus prend alors une forme caractéristique : celle du sablier. Cette situation aboutit à une mort fœtale in utero, puis a la rupture utérine proprement dite [33].
La théorie de l’usure perforante
Ici, la rupture s’expliquerait par une compression prolongée et de plus en plus accrue de la paroi utérine sur un relief du détroit supérieur. Le muscle utérin est toujours pris dans un étau dont l’un des bords est constitué par le pôle fœtal et l’autre par la paroi pelvienne.
Au fur et à mesure que le travail progresse l’étau se resserre puis, lorsque que la pression devient trop forte, apparait la rupture. Cette théorie, déjà évoquée par Mme Lachapelle, est ensuite essentiellement défendue par Brens et par Ivanoff et Simpson. Mme Lachapelle avait émis une idée selon laquelle le segment inférieur, était tiraillé puis comprimé par le bassin et la présentation. Il subissait alors une sorte d’issue perforante si bien que fissuré, il finissait par le rompre. Donnier attribue, dans cette théorie de l’usure perforante, une place importante à l’ischémie. Celle-ci est consécutive à la compression elle-même. Ce mécanisme intervient incontestablement dans certaines ruptures telles que les ruptures tardives par chute d’escarre avec lésions viscérales associées. La théorie de Bandl et celle de Brens ne s’opposent pas. Suivant la nature étiologique, ces deux mécanismes aboutissent à la rupture utérine, soit chacun pour son propre compte, soit en additionnant leur effet. En résumé, une dystocie osseuse ou des parties molles, une macrosomie ou la présentation dystocique du fœtus, responsable du gène à la descente du mobile dans la filière maternelle, déclenche, une lutte de l’utérus contre l’obstacle et son évacuation. La persistance de la cause première, la prolongation de la lutte, la moindre résistance d’un utérus cicatriciel, le traumatisme intempestif manuel ou autre sera à l’origine de la rupture utérine. La distension et la compression s’intriquent mais l’ischémie des tissus a un rôle très déterminant.
Anatomie pathologie des ruptures utérines pendant la grossesse
L’étude anatomopathologique permet de dégager les caractères essentiels des ruptures utérines ; la description des lésions qui est capitale et doit figurer dans le protocole opératoire car la conduite à tenir est dictée par la nature de ces lésions.
Siège
Deux grands groupes se distinguent : les ruptures utérines segmentaires et les ruptures utérines corporéales.
Ruptures utérines segmentaires
Elles sont de loin les plus fréquentes. Elles peuvent être complètes ou non, traumatiques ou spontanées, iatrogènes ou non, elles peuvent siéger en tout point du segment inférieur.
Il peut s’agir d’une rupture utérine segmentaire antérieure ou postérieure pouvant atteindre les deux faces. Ces considérations rendent indispensable l’attention particulière que méritent les grossesses sur un utérus cicatriciel.
Ruptures utérines corporéales
Elles sont plus rares ; le plus souvent complètes, les ruptures utérines intéressent les trois tuniques muqueuse, musculaire, séreuse. Elles sont très souvent le fait d’une cicatrice antérieure : une hystérotomie, un curetage trop appuyé après avortement, une myomectomie.
Ruptures segmento-corporéales ou cervico-corporéales
C’est la prolongation de la déchirure du segment inférieur sur le corps ou sur le col ou l’inverse.
Direction
Elle peut être :
– longitudinale ;
– oblique ;
– transversale ;
– en « T » ou en « L ».
La direction de la rupture utérine menace le plus souvent les pédicules vasculaires dont l’atteinte entraine une hémorragie plus ou moins abondante.
Aspect des Berges
Ils sont variables. Les bords sont souvent effilochés, contuse. L’artère utérine est parfois intéressée. Les lésions peuvent avoir les bords frais, c’est le cas des désunions le plus souvent ou des ruptures assez récentes.
Facteurs de risque de la rupture utérine
Facteurs de risque liés à la patiente et à ses antécédents
Age
La rupture utérine peut survenir à tout âge chez la femme enceinte. L’influence de l’âge maternel sur les ruptures utérines est controversée. Shipp et al ont montré que les risques de rupture utérine étaient plus élevés chez les femmes âgées de plus de 30 ans [34]. Au contraire Guyot et al ne retrouvaient aucune association significative entre l’âge maternel et le risque de rupture utérine [18].
Indice de Masse Corporelle (IMC)
Une cohorte prospective américaine, comparant les patientes avec un IMC inférieur à 40 et supérieur à 40 ne retrouvait pas significativement plus de rupture utérine complète en cas d’obésité morbide (p = 0.12) [20].
Antécédents médicaux
Le CNGOF ne considère pas le diabète, antérieur à la grossesse ou gestationnel comme un facteur de risque de rupture (NP3) [8]. L’HTA n’est pas étudiée dans les RPC de 2012 du CNGOF.
Malformations utérines
En cas de malformations utérines, le risque de rupture utérine semble possible [32].
Gestité et parité
Selon le CNGOF, la grande multiparité semble associée à une diminution des ruptures utérines (NP3) [8].
Facteurs de risque liés aux antécédents obstétricaux
Antécédent de cicatrice utérine
De nombreuses études concordent et retrouvent l’antécédent de césarienne comme le principal facteur de risque de la rupture utérine. En effet, le risque de rupture utérine est multiplié par 40 en cas d’antécédent de césarienne, selon l’étude suédoise de cohorte menée auprès de 300 200 femmes par Kaczmarczyk [21].
Intervalle intergénésique
Un délai court entre la césarienne antérieure et une nouvelle grossesse pourrait entrainer une altération de la cicatrisation des tissus. Esposito et al ont retrouvé qu’un intervalle inférieur à 6 mois entre la césarienne antérieure et le début d’une nouvelle grossesse, donc un intervalle inférieur ou égal à 15 mois entre les deux naissances augmentait significativement le risque de rupture utérine (OR 3.92 ; IC 95% 1.09-14.3 ; p = 0.05) [13].
Nombre de césariennes
Caughey évoquait un risque de rupture multiplié par 5 lorsqu’une patiente avait déjà eu deux césariennes en comparaison aux patientes ayant eu une seule césarienne antérieure dans son étude menée à Boston pendant 12 ans (OR 4.8 ; IC 95% 1.8-13.2) [5].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. GENERALITES
1. Définition
2. Anatomie
3. Physiologie de l’utérus gravide
4. Physiopathologie des ruptures utérines
5. Anatomie pathologie des ruptures utérines pendant la grossesse
5.1. Siège
5.2. Direction
5.3. Aspect des Berges
6. Facteurs de risque de la rupture utérine
6.1. Facteurs de risque liés à la patiente et à ses antécédents
6.1.1. Age
6.1.2. Indice de Masse Corporelle
6.1.3. Antécédents médicaux
6.1.4. Malformations utérines
6.1.5. Gestité et parité
6.2. Facteurs de risque liés aux antécédents obstétricaux
6.2.1. Antécédent de cicatrice utérine
6.2.2. Intervalle intergénésique
6.2.3. Nombre de césariennes
6.2.4. Type d’incision de la césarienne antérieure
6.2.5. Suites opératoires de la césarienne antérieure
6.3. Facteurs de risque liés à la grossesse actuelle
6.4. Facteurs de risques liés au travail et à l’accouchement ainsi qu’aux pratiques professionnelles
6.4.1. Dystocie
6.4.2. Déclenchement
6.4.3. Poids de naissance (PN) du nouveau-né
7. Etude clinique
7.1. Tableau Clinique
7.1.1. Rupture d’un utérus sain au cours d’un travail dystocique
7.1.2. Rupture d’une cicatrice de césarienne
7.2. Pronostic materno-fœtal
8. Prise en charge
8.1. Mesures de réanimation
8.2. Traitement chirurgical
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. Objectifs
2. Cadre d’étude
2.1. Région de Kolda
2.2. Centre Hospitalier régional de Kolda
2.2.1. Service de Gynécologie-Obstétrique
2.2.2. Bloc opératoire
2.2.3. Personnel de la Maternité
2.2.4. Activités
3. Patientes et méthode
3.1. Type d’étude
3.2. Critères d’inclusion
3.3. Critères de non inclusion
3.4. Paramètres étudiés
3.5. Définition des concepts
3.6. Recueil de données
3.7. Analyse des données
4. RESULTATS
4.1. Effectifs
4.2. Age
4.3. Parité
4.4. Suivi des grossesses
4.5. Provenance d’évacuation des patientes
4.6. Antécédents chirurgicaux
4.7. Diagnostic
4.8. Type de Rupture
4.9. Prise en charge
4.10. Pronostic materno fœtal
5. Discussion
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES