Physiologie de l’axe corticotrope
L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien est responsable de la production des glucocorticoïdes, hormones stéroïdes impliquées dans de nombreux processus physiologiques. L’HHS se compose de trois parties : l’hypothalamus, l’hypophyse et les corticosurrénales . Il permet par le biais de ses différents médiateurs hormonaux et mécanismes de rétrocontrôle de réguler finement la concentration du cortisol, principal glucocorticoïde, dans la circulation sanguine .
Au niveau supérieur de l’axe HHS, l’hypothalamus sécrète la Cortisol Releasing Hormone (CRH), au niveau du système porte hypothalamo-hypophysaire, elle stimule la production d’adrénocorticotrophine (ACTH) par l’antéhypophyse (2). Il existe deux récepteurs différents à la CRH (CRH-R1 et CRH-R2). La CRH entraîne des effets corticotropes (endocrines, immuns, réponse au stress etc.) exclusivement par l’action sur CRH-R1 tandis que le CRH-R2 est localisé principalement au niveau cérébral et serait impliqué dans la régulation de la réponse au stress .
L’ACTH circule de manière systémique pour se fixer sur ses récepteurs MC2R (MelaCortin Receptor 2) situés sur les cellules du cortex surrénalien et stimule la production de cortisol par la partie corticale de la glande surrénale (4). Le cortisol sécrété entraîne un rétrocontrôle négatif sur les sécrétions de CRH et d’ACTH, respectivement par l’hypothalamus et l’antéhypophyse. Cette imbrication mutuelle conduit à une stabilité de l’ensemble de l’axe hormonal. La concentration de cortisol dans la circulation sanguine varie selon un cycle nycthéméral (ou cycle circadien) et l’activité physique. Chez le sujet sain, le minimum de concentration plasmatique de cortisol est observé vers minuit et le maximum est généralement observé vers 8 heures le matin. L’ACTH suit le même rythme de sécrétion avec un léger décalage temporel, qui découle de sa capacité de rétrocontrôle. La sécrétion de l’ACTH dépend de la sécrétion de la CRH. Par ailleurs, le cycle circadien est initialement calibré sur 25 heures par les composants moléculaires, récepteurs et facteurs de transcription au niveau hypothalamique mais est réajusté par l’exposition ophtalmique au cycle diurne. Ce rythme peut être modifié pour les personnes possédant un mode de vie désynchronisé des cycles solaires ou même aboli en conditions pathologiques.
D’autres médiateurs peuvent moduler la régulation de l’axe HHS. Des neurotransmetteurs possèdent notamment une capacité à stimuler ou à freiner l’axe HHS. L’acétylcholine, la 5- hydroxy-tryptamine et la noradrénaline présentent une action stimulante sur l’hypothalamus et augmentent la sécrétion de la CRH tandis que le GABA réfreine l’axe HHS (5). Les cytokines IL-1, IL-6 et le TNF présentent également la capacité de stimuler directement l’axe HHS et établissent un lien entre le système neuroendocrine et le système immunitaire (6). En conséquence, certaines conditions pathologiques immunitaires, psychiatriques ou inflammatoires sont susceptibles d’entraîner des désordres corticotropes.
Physiologie de la glande surrénale
Les glandes surrénales sont situées à l’extrémité supérieure des deux reins. Elles sont de forme pyramidale et mesurent environ 2 à 3 cm de large (Figure 2A). Chez l’individu sain leur poids est d’environ 4 grammes, sans variation liée à l’âge (même chez le nouveau-né), au sexe ou au poids. Chaque glande est composée de deux parties : au centre, la médullosurrénale qui assure la production de catécholamines et autour le cortex qui constitue la corticosurrénale.
Les corticosurrénales assurent la production des hormones stéroïdes. Chacune d’elle se décompose en 3 couches concentriques, dans la partie la plus externe, la zona glomerulosa, constitue 15% du cortex puis la zona fasciculata pour 75% et enfin la zona reticularis au niveau le plus profond. Chaque couche est responsable de la synthèse plus ou moins spécifique d’un type d’hormone stéroïde : minéralocorticoïdes dans la zona glomerulosa, glucocorticoïdes dans la zona fasciculata et androgènes dans la zona reticularis .
Glucocorticoïdes
On appelle glucocorticoïdes les stéroïdes synthétiques ou naturels avec un effet comparable au cortisol (7). Le cortisol est une hormone jouant un rôle physiologique majeur en affectant de nombreux tissus dans l’organisme. L’action des glucocorticoïdes a lieu grâce à la liaison au Glucorticoid Receptor (GR) présent dans de nombreux tissus (8). Sur le métabolisme, ils jouent un rôle majeur en stimulant la synthèse des enzymes néoglucogéniques au niveau hépatique (glucose-6-phosphatase et phosphoénol pyruvate carboxykinase), en augmentant le contenu en glycogène hépatique et en inhibant la glycogène phosphorylase à la fois dans le muscle et le tissu adipeux, ce qui contribue à augmenter les niveaux de glucose circulant. Ils stimulent la protéolyse dans le muscle et les tissus conjonctifs, et augmentent la libération de glycérol et d’acides gras dans le tissu adipeux. Il fournit par cet effet les substrats nécessaires à la néoglucogenèse hépatique. Sous l’action des glucocorticoïdes, le catabolisme protéique entraîne un amincissement de la peau et une fragilité des tissus conjonctifs, ainsi qu’une dégradation du collagène osseux associée à une ostéoporose. De manière générale, ils entraînent donc un catabolisme cellulaire. Une surexposition aux glucocorticoïdes provoque la redistribution du tissu adipeux vers le tronc, le cou et le visage. A noter qu’ils augmentent aussi l’appétit, et par conséquent entraînent une prise de poids. Les glucocorticoïdes participent au maintien du tonus vasculaire et de la fonction cardiaque, bloquent la libération d’histamine et stabilisent les membranes lysosomales (9). Sur l’humeur, en cas de surexposition ils sont susceptibles d’entraîner des modifications psychologiques de type accès maniaque pouvant aller jusqu’à la psychose. Les glucocorticoïdes sont également de puissants agents anti inflammatoires par l’inhibition nucléaire de la voie NF-κB (10). L’effet anti-inflammatoire passe aussi par la répression des gènes de la cyclo-oxygénase 2 (COX-2), de la NO synthase inductible (NOS), des interleukines IL1 -2 -6, TNF alpha, interféron gamma et E-selectin. Cet effet anti inflammatoire s’accompagne d’une composante immunosuppressive par diminution du recrutement des cellules immunitaires associé à une diminution d’expression de cytokines pro-inflammatoires. Enfin, la plupart des glucocorticoïdes possèdent de manière concomitante des effets minéralocorticoïdes, mais amoindris in situ pour le cortisol, par l’existence de 11β HSD2 (Hydroxysteroid 11-betadehydrogenase 2) qui inactive le cortisol en cortisone.
La production endogène normale de cortisol varie de 6 à 14 mg/m² par 24 heures ce qui correspond chez l’adulte à environ 10 à 20 mg/ jour en moyenne. De 80 à 90 % du cortisol est transporté par la Cortisol Binding Globulin (CBG), 7% est faiblement lié à l’albumine et donc 2 à 3% circule sous forme libre. Lorsque la sécrétion de cortisol augmente la fraction de cortisol libre est plus importante et est éliminée dans les urines (11). Les niveaux de CBG augmentent en réponse aux œstrogènes : au cours de la grossesse les concentrations de CBG augmentent régulièrement d’un facteur 2-3. De façon similaire, certains patients atteints de syndromes inflammatoires et/ou infectieux chroniques tels qu’une hépatite chronique peuvent présenter une augmentation de CBG. Au contraire dans les syndromes néphrotiques, les cirrhoses et les hyperthyroïdies, les niveaux de CBG sont généralement diminués. Le rôle physiologique de l’axe HHS est d’amortir ces variations en maintenant des concentrations de cortisol libre relativement constantes.
Syndrome de Cushing
Présentation
Le syndrome de Cushing décrit l’ensemble des signes clinico-biologiques et des symptômes résultant d’un excès prolongé d’exposition aux glucocorticoïdes. La présence d’un adénome hypophysaire sécrétant de l’ACTH est appelée maladie de Cushing. D’un point de vue épidémiologique, l’incidence du syndrome de Cushing est estimée entre 0,7 et 2,4 cas/million/an pour une prévalence de 1/26000 en Europe (12). Le syndrome de Cushing est par conséquent une maladie relativement rare. Les symptômes et les signes cliniques du syndrome de Cushing sont rencontrés fréquemment dans la population générale alors que les hypercorticismes avérés sont rares .
La présentation clinique du syndrome est dictée par les effets biologiques d’une sécrétion inappropriée de glucocorticoïdes : sur chaque cible l’excès hormonal est à l’origine d’une manifestation particulière . Par ailleurs, des symptômes de la maladie de Cushing peuvent être observés chez des patients présentant une fonction surrénalienne normale .
L’incidence des différentes manifestations cliniques au cours du syndrome de Cushing sont :
• Obésité 90%
• Hypertension 85%
• Hyperglycémie et intolérance au glucose (diabète secondaire) 80%
• Dysfonctionnement gonadique 76%
• Hirsutisme, Acné 72%
• Vergetures et peau atrophiée 67%
• Faiblesse musculaire 65%
• Ostéoporose 55%
• Ecchymoses faciles 55%
• Désordres psychiatriques 50% .
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Table des matières
1. Introduction
2. Hypercorticismes
2.1 Rappels de physiologie
2.1.1 Physiologie de l’axe corticotrope
2.1.2 Physiologie de la glande surrénale
2.2 Glucocorticoïdes
2.3 Syndrome de Cushing
2.3.1 Présentation
2.3.3 Traitement
2.3.4 Test de freination
2.3.4.1 Dexaméthasone
3. Travaux personnels
3.1 Objectifs de l’étude
3.2 Matériel et méthodes
3.2.1 Population étudiée
3.3. Dosages
3.3.1. Prélèvement et phase pré-analytique
3.3.2. Dosage du cortisol
3.3.3. Dosage de l’ACTH
3.3.4. Méthode de dosage de la dexaméthasone
3.3.5. Analyse statistique
3.3.6. Intervalle ou valeurs de référence
4. Résultats
4.1. Validation analytique de la méthode de dosage HPLC-MS/MS de la dexaméthasone plasmatique
4.2. Application sur une série de patients
4.2.1 Caractéristiques de la population
4.2.2. Cortisol post test de freination dans les groupes de patients avec ou sans freination efficace
4.2.3. Cortisol libre urinaire dans les groupes de patients avec ou sans freination efficace
4.2.4. Cortisol salivaire dans les groupes de patients avec ou sans freination efficace
4.2.5. Concentrations plasmatiques de Dexaméthasone dans les groupes de patients avec ou sans freination efficace
4.2.6. Cycles journaliers d’ACTH dans les groupes de patients avec ou sans freination efficace
4.2.7. Corrélation entre les concentrations sériques de cortisol et plasmatiques de dexaméthasone
4.2.8. Estimation de l’intervalle de référence des concentrations plasmatiques résiduelles de dexaméthasone
4.2.9. Corrélation entre concentrations plasmatiques résiduelles de dexaméthasone et résultat du test de freination
5. Discussion
6. Conclusion
7. References