Physico-chimie du phénomène de Réaction Sulfatique Interne

Physico-chimie du phénomène de Réaction Sulfatique Interne

Généralités concernant l’ettringite

Composition chimique 

L’ettringite est le produit d’une réaction naturelle se produisant au sein des matériaux cimentaires, soit au cours de l’hydratation, soit de manière différée (Baron et al., 1992). La formule chimique de l’ettringite, ou « trisulfoaluminate de calcium hydraté », est exprimée par l’expression (1-1).

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La littérature fait état de trois types d’ettringite : ettringite primaire, ettringite secondaire et ettringite différée (Arliguie & Hornain, 2007). Elles ne se différencient ni par leur composition chimique ni par leur minéralogie mais par la date et les conditions de cristallisation. La formation d’ettringite primaire se produit lors de la période initiale d’hydratation du ciment, suite à la solubilisation du gypse et des aluminates tricalciques (C3A en notation cimentière). Cette combinaison de réactions chimiques permet de réguler la prise du ciment en évitant l’hydratation directe, très exothermique, de l’aluminate tricalcique. La cristallisation se produisant avant le durcissement de la pâte, la formation d’ettringite au cours de l’hydratation du ciment ne conduit à aucun phénomène d’expansion dommageable pour le matériau.

Stabilité de l’ettringite dans les matériaux cimentaires

Au sein des matériaux cimentaires, l’ettringite est généralement stable à température ambiante. Sa constante de solubilité avoisine 10⁻⁴⁵ à 25°C (Damidot et al., 1992; Lothenbach & Winnefeld, 2006; Perkins & Palmer, 1999; Warren & Reardon, 1994). En effet, outre les ions calcium présents en excès dans de nombreux matériaux cimentaires, les ions sulfate relargués par la dissolution du gypse, des hémi-hydrates et/ou de l’anhydrite et les ions aluminate issus de la solubilisation des aluminates tricalciques sont souvent présents en quantité suffisante pour permettre la stabilité de l’ettringite à 20°C comme illustré par (Damidot & Glasser, 1992, 1993). Ces mêmes auteurs ont étudié la stabilité de l’ettringite à 50 et 85°C et ont constaté une diminution de son domaine de stabilité au profit d’espèces telles que les monosulfoaluminates de calcium hydraté, la Portlandite et les hydrogrenats. La teneur en ions sulfate minimale pour stabiliser l’ettringite à 85°C est ainsi environ 50 fois plus élevée qu’à 25°C à teneurs en ions calcium et aluminate constantes. Une relation entre la solubilité de l’ettringite et l’inverse de la température a été proposée par (Perkins & Palmer, 1999) sur la base de résultats expérimentaux obtenus entre 5 et 75°C . La solubilité augmente avec l’augmentation de la température.

D’autres paramètres impactent la stabilité de l’ettringite et donc sa solubilité. Ainsi, les alcalins, naturellement présents dans le béton sous forme de sulfate de sodium et de potassium, sont très solubles et contribuent à élever le pH de la pâte. De fait, (Damidot & Glasser, 1993) ont montré que l’augmentation de la teneur en alcalins contribuait à élever la solubilité de l’ettringite dans le béton en jouant sur les phénomènes d’absorption des ions sulfate par les C-S-H.

Mécanismes réactionnels

Phénomènes de dissolution-précipitation

Si la formation d’ettringite différée est, au moins en partie, induite par une conversion des monosulfoaluminates préexistants, le mécanisme mis en jeu a été l’objet de débats. La formation d’ettringite différée a ainsi longtemps été attribuée à un mécanisme topochimique de type solidesolide à partir des monosulfoaluminates préexistants, par absorption d’eau et d’ions sulfate. Outre le fait que la présence de monosulfoaluminates à l’issue de l’échauffement ne soit pas systématiquement observée, les remarques formulées par (Mehta, 1983) concernant les différences significatives existant entre leur structure cristalline et celle de l’ettringite ont remis en cause cette théorie. Un consensus concernant la manière dont s’effectue cette conversion des monosulfoaluminates en ettringite a plus tard été adopté autour d’un mécanisme de dissolutionprécipitation, suite aux observations expérimentales de (Barbarulo, 2002; Famy, 1999; Scrivener & Taylor, 1993) notamment. La généralisation de ces conclusions à l’ensemble des phénomènes conduisant à la formation d’ettringite différée a été rendue possible par la définition précise des domaines de stabilité des principales espèces impliquées en fonction de leur environnement . Un mécanisme général de développement de la RSI est proposé par (Famy et al., 2001; Scrivener et al., 1999; Scrivener & Taylor, 1993; Taylor et al., 2001) prenant effectivement en compte le rôle joué par la dissolution des monosulfoaluminates dans la disponibilité des ions réactifs. La notion d’équilibre thermodynamique y est fondamentale. En effet, ce sont les perturbations de cet équilibre qui entraineraient tour à tour la dissolution et la précipitation des espèces.

Disponibilités des ions réactifs pour la formation d’ettringite différée 

Enrichissement de la solution interstitielle en ions sulfate

D’après les constatations expérimentales de (Hanehara et al., 2008; Shimada & Young, 2004), la solution interstitielle constituerait un réservoir très important d’ions sulfate issus de la dissolution des phases primaires. La concentration en ions sulfate en solution peut constituer un indicateur de réactivité du matériau selon Hanehara et al. Ces auteurs supposent que la lenteur des cinétiques de diffusion des espèces dans le matériau expliquerait la formation tardive d’ettringite, sans prendre en compte l’effet des alcalins sur ces cinétiques. Pourtant, la notion de concentration en ions sulfate dans la solution interstitielle apparait indissociable de la concentration en alcalins, comme démontré par (Famy et al., 2001). En effet, plus la teneur en alcalins est faible, plus la désorption des ions sulfate hors des C S-H est facilitée . Le lessivage des alcalins a donc probablement un rôle majeur sur la cinétique de formation de l’ettringite différée.

Par ailleurs, les teneurs en ions sulfate de la solution interstitielle extraite d’un matériau soumis ou non à un traitement thermique ont été mesurées à différentes échéances par (Wieker et al., 1992). Environ 24 heures après application du traitement thermique, un excès d’ions sulfate a été détecté dans le matériau chauffé par rapport à celui conservé à température ambiante. Pourtant, cette teneur en ions sulfate avait diminué et retrouvé une valeur normale quelques jours plus tard, bien avant que les premiers signes d’expansion aient été observés. Les travaux menés par (Divet, 2001) sur l’absorption des ions sulfate sur des C-S-H synthétisés en suspension ont mis en évidence le caractère quasi-instantané de ce phénomène dans ces conditions opératoires. Ceci tend donc à démontrer que la solution interstitielle ne s’enrichit en ions réactifs que très temporairement, avant que ceux-ci précipitent sous forme de monosulfoaluminates ou soient absorbés dans les hydrates préexistants. Les calculs prenant en compte les équilibres thermodynamiques des différents hydrates ainsi que les capacités de sorption des C-S-H montrent que la fraction d’ions restant en solution est très inférieure à la quantité absorbée dans les C-S-H (Salgues, 2013). Le rôle prépondérant des phénomènes de fixation et de formation de monosulfoaluminates sur la disponibilité des ions réactifs pour la formation d’ettringite différée est ainsi admis par une grande majorité d’auteurs, l’enrichissement de la solution interstitielle apparaissant comme un phénomène transitoire.

Rôle des C-S-H

L’influence des C-S-H dans le stockage puis le relargage des ions sulfate et aluminate a été mis en évidence par (Barbarulo et al., 2007; Divet & Randriambololona, 1998; Escalante-Garcia & Sharp, 1999; Famy, 1999; Fu et al., 1994; Lewis et al., 1995; Scrivener & Taylor, 1993; Taylor et al., 2001; Yang et al., 1999a). Une part importante des ions sulfate et aluminate libérés par la dissolution des phases primaires suite à l’élévation de la température est absorbée dans les C-S-H en raison de la sursaturation de la solution interstitielle. La capacité d’absorption des C-S-H est d’autant plus importante que la température et le pH sont élevés au sein du matériau (Divet & Randriambololona, 1998; Divet, 2001). Les ions sulfate sont faiblement liés au niveau des interfeuillets des C-S-H, ce qui permet leur relargage lorsque les conditions thermodynamiques le permettent. (Lawrence, 1999) suppose que la cinétique de diffusion pilotant la libération des ions sulfate serait toutefois beaucoup plus lente que la cinétique d’absorption, contribuant à l’effet différé de la formation de l’ettringite. Ce phénomène pourrait toutefois être lié aux effets du lessivage des alcalins. Une fraction des ions aluminate absorbés pourrait également avoir été piégée dans les interfeuillets des C-S-H (Lognot et al., 1998). Cela-dit, la majorité seraient plutôt fixés dans la structure cristalline des C-S-H en se substituant à la silice (Pardal et al., 2009; Richardson, 1999) et ne pourraient pas être relargués en solution du fait de la force des liaisons chimiques créées.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Chapitre 1 : ETAT DE L’ART
1. Introduction du chapitre
2. Physico-chimie du phénomène de Réaction Sulfatique Interne
2.1. Généralités concernant l’ettringite
2.1.1. Composition chimique
2.1.2. Stabilité de l’ettringite dans les matériaux cimentaires
2.2. Mécanismes réactionnels
2.2.1. Phénomènes de dissolution-précipitation
2.2.2. Disponibilités des ions réactifs pour la formation d’ettringite différée
2.3. Mécanismes d’expansion
2.3.1. Absorption d’eau par l’ettringite colloïdale
2.3.2. Phénomène de double couche électrique
2.3.3. Pression de cristallisation
2.4. Paramètres influençant la cinétique et le volume d’ettringite différée créé
2.4.1. Composition chimique et formulation du béton
2.4.2. Conditions thermiques au jeune âge
2.4.3. Environnement
2.4.4. Altérations antérieures
2.5. Modèles physico-chimiques de RSI
2.5.1. Modèles thermodynamiques
2.5.2. Modèles statistiques
2.5.3. Modèles cinétiques
3. Comportement mécanique des bétons atteints de RSI
3.1. Etudes expérimentales sur éprouvettes de laboratoire
3.1.1. Gonflement libre
3.1.2. Effets d’un confinement sur le gonflement
3.2. Etudes expérimentales sur structures de laboratoire
3.3. Modèles mécaniques de RSI
3.3.1. Modèles mésoscopiques pour la prédiction des gonflements à l’échelle du matériau
3.3.2. Modèles à déformations imposées pour la prédiction du comportement résiduel des structures
3.3.3. Modèles poromécaniques pour la prédiction du comportement résiduel de structures
4. Conclusion du chapitre
Chapitre 2 : PROGRAMME EXPERIMENTAL – DEFINITION, MATERIAUX ET PROCEDURES
1. Introduction du chapitre
2. Objectifs de l’étude
2.1. Pertinence du programme expérimental vis-à-vis des ouvrages atteints
2.2. Effets des contraintes sur le béton atteint de RSI
2.3. Caractérisation de l’ancrage acier-béton en contexte RSI
3. Mise en œuvre et caractérisation
3.1. Echantillonnage et nomenclature des corps d’épreuve
3.2. Matériaux
3.2.1. Béton
3.2.2. Armatures
3.3. Conditions de cure et de conservation des corps d’épreuve
3.4. Dispositions constructives
3.4.1. Ferraillage des corps d’épreuve et plats de confinement
3.4.2. Application de la précontrainte
3.4.3. Corrosion des pièces métalliques émergées et immergées
4. Méthodes de suivi des corps d’épreuve
4.1. Qualification du suivi massique
4.2. Qualification du suivi dimensionnel
4.2.1. Déformations du béton
4.2.2. Déformations des armatures
4.3. Caractérisation mécanique du béton
4.3.1. Modules d’Young, résistances à la compression et à la traction par fendage
4.3.2. Caractérisation de l’adhérence acier-béton
4.4. Observation des corps d’épreuve
4.4.1. Cartographie des fissures à l’œil nu
4.4.2. Cartographie des fissures et analyse d’images
4.4.3. Observations au MEB
4.5. Qualification du suivi chimique
4.5.1. Cinétique de lessivage des alcalins
4.5.2. Localisation et disponibilité des alcalins vis-à-vis de la RSI
5. Conclusion du chapitre
Chapitre 3 : EFFET DES CONTRAINTES SUR UN BETON ATTEINT DE RSI
1. Introduction du chapitre
2. Expansions des corps d’épreuve
2.1. Comportement des corps d’épreuve cylindriques
2.1.1. Suivi dimensionnel et massique des corps d’épreuve cylindriques
2.1.2. Analyse mécanique des corps d’épreuve cylindriques
2.2. Comportement des corps d’épreuve prismatiques
2.2.1. Suivi dimensionnel des corps d’épreuve prismatiques
2.2.2. Analyse mécanique des corps d’épreuve prismatiques
2.3. Confrontation à des modèles empiriques de gonflement gêné
2.3.1. Modèle de Charlwood et al
2.3.2. Modèle de Karthik et al
3. Fissuration des corps d’épreuve
3.1. Apparition des premières fissures
3.2. Généralisation de la fissuration
3.3. Stabilisation de la fissuration
3.4. Cartographie de fissuration et analyse d’images
4. Observations au MEB-EDS
4.1. Observations sur surface polie après gonflement libre
4.2. Observations sur surface polie après gonflement gêné triaxialement
4.3. Observations de l’empreinte laissée par les armatures dans le béton
5. Evolution des caractéristiques mécaniques du béton
5.1. Effets des conditions de cure et de la RSI sur les résistances et module
5.1.1. Effet de la teneur en alcalins sur les résistances et module du béton
5.1.2. Effet du traitement thermique sur les résistances et module du béton
5.1.3. Effet de l’immersion sur les résistances et module du béton
5.1.4. Effet de la RSI sur les résistances et module du béton
5.1.5. Conclusion concernant l’évolution des caractéristiques mécaniques du béton avant et après immersion
5.1.6. Mesures de déformations instantanées à charge et décharge des éprouvettes L14,5-TØ
5.2. Comportement du béton armé atteint de RSI
5.2.1. Essais de tirants sur éprouvettes armées
5.2.2. Essais de pull-out
6. Lessivage des alcalins du béton
CONCLUSION GENERALE

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