Phylogénie et domestication des cotons

Le coton (Gossypium sp.), en raison de son grand intérêt pour les populations humaines, fait l’objet de nombreuses recherches en économie, génétique, biologie, agronomie. De nombreux traités de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle mentionnent les qualités de ses fibres (Deschamps 1885 ; Lagière 1966 ; Lecomte 1900). Le coton est en effet aujourd’hui utilisé à la fois pour ses fibres textiles, représentant une production mondiale en 2014 de plus de 25 millions de tonnes par an (FAO), mais aussi pour ses graines oléagineuses (production mondiale en 2014 : 46 millions de tonnes par an, FAO) dont on extrait l’huile et des tourteaux (résidu après pression) pour l’alimentation animale, humaine et l’industrie cosmétique (Lecomte 1900 ; Reis et al. 2006). Plante économique d’importance majeure de la famille des Malvacées, robuste, le coton est de nos jours cultivé sous forme annuelle ou vivace , certains cotonniers pouvant atteindre jusqu’à 7 mètres de hauteur (Deschamps 1885 ; Lagière 1966).

Le coton : présentation générale

Phylogénie et domestication des cotons

Actuellement une cinquantaine d’espèces sauvages du genre Gossypium poussent sous des latitudes tropicales et sub-tropicales de l’Afrique, de l’Asie, de l’Australie et de l’Amérique centrale et du Sud (Deschamps 1885 ; Lagière 1966 ; Tengberg et Moulhérat 2008 ; Wendel et Cronn 2003). L’aire naturelle de dispersion du genre est donc très étendue.

Environ 45 espèces sont diploïdes et sont elles-mêmes divisées en huit clades, chacun désigné par une lettre (de A à G et K, (Wendel et al. 2012)). Les deux espèces domestiquées dans l’Ancien Monde, G. arboreum dans le sous-continent Indien, G. herbaceum en Afrique, appartiennent au clade A (n=13) et sont donc diploïdes. Une hybridation ancienne entre les clades diploïdes A (G. herbaceum) et D (G. raimondii) a donné naissance à une nouvelle lignée allopolyploïde (AD, n=26) sur le continent américain, il y a environ 1 à 2 millions d’années (Wendel 1989), comprenant les deux espèces américaines, G. hirsutum et G. barbadense, ce qui en fait des espèces tétraploïdes .

La phylogénie des cotons domestiqués diploïdes, représentant un intérêt économique moindre, a fait l’objet de moins de recherches. L’ancêtre sauvage de G. arboreum n’est pas connu tandis que G. herbaceum var. africanum serait l’espèce sauvage ancêtre de l’espèce G. herbaceum. La plante contient plusieurs caractéristiques de génome A de coton sauvage, mais aussi son statut écologique, ses petits fruits et graines . Un des principaux problèmes pour accepter que G. herbaceum var africanum soit l’ancêtre sauvage est que la plante pousse en Afrique du Sud, loin des premières mises en évidence de l’utilisation de coton africain (Nubie) (Paterson 2009). On peut néanmoins supposer que la distribution de G. herbaceum var. africanum était plus grande auparavant ou peut-être que la domestication a eu lieu hors de la zone géographique de répartition naturelle, suite à un transfert de l’ancêtre sauvage vers le nord le long d’anciennes routes de commerces (Wendel 1989). Des graines auraient été prélevées dans l’aire de répartition naturelle puis transplantées et acclimatées ailleurs. Dans ce dernier cas, la confrontation des données génétiques et archéologiques montre que la domestication du coton africain a pu avoir lieu quelque part entre Soudan et Ethiopie (Bouchaud et al. sous presse).

Quelques données agronomiques

Le genre Gossypium sp. pousse dans les pays chaud dont les températures ne descendent pas en-dessous de la limite de 5°C. C’est à partir de ce seuil que le coton pousse difficilement. Sa culture nécessite en effet une température supérieure à 15°C afin de se développer de manière optimale. Le cycle de développement des cultivars modernes de coton s’étale sur une période allant de 160 à 210 jours entre la plantation et la récolte. Les variations de la durée de maturation sont notamment dues au climat et aux conditions de cultures. Sa demande en eau varie selon le cycle de développement des plants, de conséquent en début de saison puis sec lors des deux derniers mois de maturation (Reis et al. 2006). Pour l’hémisphère nord, cette maturation a donc lieu pendant l’été, période sèche. Les deux espèces originaires d’Afrique et d’Asie, de leurs noms latin Gossypium herbaceum et G. arboreum, sont des plantes robustes et résistantes à la sécheresse ainsi qu’aux nuisibles comme les sauterelles et les pucerons (Brubaker et al. 1999). Malgré leur nom latin qui peut prêter à confusion quant à leur statut (herbacée et arborée), ces deux espèces ont une morphologie très semblable et se composent de variétés pérennes arbustive ou arborée cultivées dans les régions tropicales et subtropicales. Une relecture récente des textes antiques grecs et latins laisse supposer que les cotons antiques étaient des plantes pérennes, arbustives ou arborées (Bouchaud et al. sous presse). En outre, des variétés annuelles ont été développées, probablement au cours des deux derniers millénaires (Brite et Marston 2013 ; Palmer et al.2012) dans certaines zones septentrionales méditerranéennes et eurasiennes continentales, où le coton, ne supportant pas le gel, doit être planté tous les ans et être irrigué (Brite et Marston 2013 ; Brubaker et al. 1999).

Description générale des fibres et des graines

La forme générale, la longueur des fibres et leur qualité varient en fonction de l’espèce de coton et de son origine. Selon les espèces, la longueur et la qualité des grandes fibres, appelées soie ou bourre (lint en anglais) sont très variables. Les espèces diploïdes présentent des soies moins longues et donc moins rentables que les graines tétraploïdes. C’est une des raisons pour lesquelles, en plus de la qualité de leurs fibres, les espèces tétraploïdes sont maintenant celles qui sont largement majoritaires dans le paysage économique et agricole du coton. De même, certaines espèces « vêtue » portent des poils plus courts appelé linter (ou fuzz en anglais) alors que d’autres sont dites « nues ». Seule G. barbadense ne présente pas de linter parmi les espèces domestiquées (Hutchinson et al. 1947; Lagière 1966). Les graines, dont le nombre par fruits varient, ont des formes se déclinant d’ovoïdes à piriforme se terminant en pointe au niveau du hile, des tailles variant entre 4 et 12 mm et des masses variant de 7 à 17 g pour 100 graines (Lagière, 1966). La graine de coton (Figure 4) présente une portion du funicule (élément reliant la graine au péricarpe) fusionnée avec le tégument, formant une arête longitudinale, ou raphé, juste au-dessus du hile. Le raphé relie le hile (point de jonction reliant le funicule à travers la testa, ou tégument extérieur) à la chalaze (point de jonction du funicule à travers la membrane interne).

L’amande présente un embryon muni de deux cotylédons repliés sur eux-mêmes. Ces cotylédons contiennent de nombreuses ressources protéiniques et oléagineuses. Un autre point important d’identification et de caractéristique économique du coton est la présence ou non de glandes à gossypol. Le gossypol désigne au sens large les composants terpénoïdes présents dans l’amande des graines et plus généralement dans la plante (Dao 2002), rendant la plante toxique pour beaucoup de prédateurs. Les ruminants ont une meilleure capacité que les nonruminants à assimiler le gossypol et donc à consommer ces graines (Cornu et al. 1977). Il existe des variétés ne possédant pas de glandes à gossypol à l’état sauvage et naturel, mais la plupart des variétés sans gossypol présents dans l’environnement moderne semblent être le résultat de mutations génétiques modernes (Paterson 2009). L’intérêt de ces variétés nouvellement créées est d’une part la diminution des coûts d’extraction et de raffinement de l’huile de coton mais également la consommation directe des tourteaux ou farine de cotonayant une forte teneur en protéine et servant à la fois dans l’alimentation animale et humaine (Cornu et al. 1977 ; Lagière 1966). Dans notre étude, tous les exemples choisis portent ces glandes à gossypol, visibles à l’œil nu car elles forment des glandes noires dans le cotylédon de la graine excepté l’échantillon 0013_Hirs du CIRAD .

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1. Introduction et présentation du sujet
2. Le coton : présentation générale
2.1. Phylogénie et domestication des cotons
2.2. Quelques données agronomiques
2.3. Description générale des fibres et des graines
3. Présentation des sites archéologiques de l’étude
3.1. Le choix des sites archéologiques de l’étude
3.2. MADÂ’IN SÂLIH
3.2.1. Présentation générale du site archéologique
3.2.2. Description de l’organisation du site archéologique
3.2.3. Paysages, systèmes de cultures et d’élevage et activités textiles antiques à Madâ’in Sâlih
3.3. MOUWEIS
3.3.1. Présentation générale du site archéologique
3.3.2. Description de l’organisation du site archéologique
3.3.3. Paysages, systèmes de cultures et d’élevage et activités textiles antiques à Mouweis
4. Matériel et méthodes
4.1. Description du matériel d’étude
4.1.1. Les graines de coton moderne issues de récoltes récentes
4.2. Les graines de l’Herbier
4.2.1. Description et géolocalisation des spécimens de l’Herbier
4.2.2. Vérification des identifications des spécimens de l’Herbier par l’observation des caractères discrets
4.2.3. Sélection des spécimens de l’Herbier
4.3. Carbonisations expérimentales (coton moderne)
4.4. Matériel archéologique
4.4.1. Localisation des échantillons et leur contexte
4.4.1.1. Les échantillons de Madâ’in Sâlih (Arabie Saoudite)
4.4.1.2. Les échantillons de Mouweis (Soudan)
4.4.1.3. Sélection des échantillons archéologiques
4.5. Résumé du corpus et système de représentation des données
4.6. Etude morphométrique
4.6.1. Traitement des graines pour l’étude morphométrique
4.6.2. Photographies
4.6.2.1. Positionnement des graines
4.6.2.2. Prises de vues photographiques
4.6.3. Morphométrie traditionnelle
4.6.4. Morphométrie géométrique
4.6.5. Analyses statistiques
4.6.5.1. La reproductibilité des mesures réalisées
4.6.5.1.1. Test de biais de logiciels
4.6.5.1.2. Test de biais inter-opérateur
4.6.5.1.3. Test de biais intra-opérateur
4.6.5.2. Analyse des différences de variation (ANOVA) des tailles centroïdes et représentations
4.6.5.3. Analyse des patrons de variation de la forme des graines (mesures traditionnelles et géométriques)
5. Résultats
5.1. Etude morphométrique du corpus moderne
5.1.1. Morphométrie traditionnelle
5.1.2. Morphométrie géométrique
5.1.2.1. Etude de la conformation
5.1.2.2. Etude des tailles centroïdes
5.1.2.3. Etude de la forme
5.1.3. Cas d’étude sur les spécimens de l’Herbier
5.1.4. Cas d’étude sur le spécimen de récolte MS_Flora_14 (Arabie Saoudite)
5.2. Les expérimentations de carbonisation
5.2.1. Morphométrie traditionnelle
5.2.2. Morphométrie géométrique
5.2.2.1. Etude de la conformation
5.2.2.2. Etude des tailles centroïdes
5.2.2.3. Etude de la forme
5.2.3. Comparaison du matériel moderne frais et carbonisé
5.3. Étude morphométrique des spécimens archéologiques
5.3.1. Morphométrie traditionnelle
5.3.2. Morphométrie géométrique
5.3.2.1. Etude de la conformation
5.3.2.2. Etude des tailles centroïdes
5.3.2.3. Etude de la forme
6. Discussion
6.1. Comparaisons des différentes méthodes utilisées par l’étude morphométrique sur le corpus moderne
6.1.1. La forme en morphométrie géométrique, outil morphométrique d’optimisation des distinctions
6.1.2. Les limites de la projection des données actuelles, hybridations et diversité moderne des morphotypes
6.1.3. Les identifications et classifications des spécimens de l’Herbier, apport des méthodes morphométriques
6.2. Carbonisation expérimentale, les résultats obtenus et implications méthodologiques
6.3. Application de la morphométrie à du matériel archéologique
6.3.1. Les limites d’une comparaison basée sur des cultivars modernes carbonisés, la divergence des phénotypes actuels et passés
6.3.2. La diversité des morphotypes archéologiques
6.3.3. Relations entre les espèces diploïdes, indienne et africaine, et les spécimens archéologiques
7. Conclusions

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *