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Apports de la phylogénie
Les deux hypothèses ont été testées par des analyses phylogénétiques sur des données moléculaires et/ou morphologiques. L’hypothèse des cormogonides est soutenue par les analyses morphologiques de Zrzavý et al. (1998) ou d’Edgecombe et al. (2000) et les analyses génétiques de Giribet et al. (2001). Mais l’ajout des données génétiques chez Edgecombe et al. (2000) favorise au contraire l’hypothèse des euchélicérates, alors que l’exclusion des taxons fossiles (et de leur importante proportion de données manquantes) permet à Giribet et al. (2002) de retrouver les pycnogonides parmi les chélicérates. La plupart des études moléculaires favorisent l’hypothèse des euchélicérates (e.g. Arango & Wheeler 2007 ; Arabi et al. 2010 ; Regier et al. 2010 ; Rehm et al. 2011).
Homologie entre chélifores et chélicères
Le système nerveux central des arthropodes est composé de trois paires de ganglions : le protocérébron, le deutérocérébron, et le tritocérébron (du plus antérieur au plus postérieur). Les chélicères des chélicérates, comme les antennes des mandibulates, sont innervées par le deutérocérébron, tandis que le protocérébron n’innerve aucun appendice chez les arthropodes actuels. En revanche, certains estiment qu’il innervait chez certains arthropodes du Paléozoïque des appendices frontaux (Budd 2002) qui auraient été perdus chez les groupes actuels.
Or, Maxmen et al. (2005) observent une innervation protocérébrale des chélifores chez la larve d’Anoplodactylus eroticus, rejetant ainsi l’hypothèse d’homologie entre chélifores et les premiers appendices (chélicères et antennes), et soutenant une hypothèse originale d’homologie avec les appendices frontaux. Selon cette hypothèse, les pycnogonides auraient divergé des autres arthropodes avant la perte des appendices frontaux, renforçant la théorie des cormogonides (voir aussi Budd & Telford 2005). Ces conclusions ont cependant été mises en doute par le pattern d’expression des gènes Hox de la larve d’Endeis spinosa (Jager et al. 2006 ; Manuel et al. 2006) qui montre une position deutérocérébrale des chélifores. L’étude neuro-anatomique de Brenneis et al. (2008) sur les larves de plusieurs espèces montre par ailleurs que les ganglions chéliforaux migrent antérieurement au cours du développement, jusqu’à une position postéro-latérale au protocérébron, ce qui explique l’erreur de Maxmen et al. (2005). L’homologie entre appendices frontaux et chélifores est donc rejetée. Pour autant, ces résultats démontrent uniquement l’homologie entre chélifores et appendices innervés par le deutérocérébron, i.e. chélicères et antennes. Ils ne permettent donc pas de conclure à une homologie entre chélifores et chélicères par rapport aux antennes.
Anatomie et traits de vie
Les échanges gazeux chez les pycnogonides sont tégumentaires, au travers d’une cuticule non calcifiée (Arnaud & Bamber 1987). Si les pycnogonides n’ont pas d’organes respiratoires spécialisés au même titre que les branchies, les feuillets respiratoires ou les trachées des autres arthropodes, les pattes semblent toutefois jouer un rôle particulier (Woods et al. 2017) : ce sont d’excellentes surfaces d’échanges gazeux grâce à leur silhouette souvent longue et fine qui leur confère un rapport surface/volume élevé. Woods et al. (2017) ont par ailleurs montré que la concentration en dioxygène dans l’hémolymphe formait un gradient décroissant du tronc vers l’extrémité des pattes. Ce gradient est formé et maintenu par le péristaltisme des diverticules digestifs dans les pattes, qui génèrent un courant unidirectionnel des pattes vers le tronc.
Nutrition
Les pycnogonides sont souvent considérés comme des ectoparasites ou commensaux d’animaux sessiles ou lents (coraux, anémones, hydrozoaires, porifères, bryozoaires, mollusques, échinodermes, etc.) (Dietz et al. 2018). Quelques cas d’endoparasitisme de mollusques ont été observés (e.g. Arnaud 1978 ; Miyazaki et al. 2010). Cependant, les pycnogonides peuvent aussi être des prédateurs, notamment d’annélides ou de petits crustacés. Certaines espèces semblent également se nourrir d’algues, de biofilms microbiens ou de détritus. Les pycnogonides se servent de leur proboscis pour percer le tégument de leur proie et en aspirer les tissus, ou pour gober la proie entière (notamment les petites proies comme les polypes). Les aliments sont alors fragmentés et filtrés à la base du proboscis, dans le « panier à huître », dont les parois sont tapissées de longues soies (Arnaud & Bamber 1987 ; Wagner et al. 2017). Les chélifores, s’ils sont présents, participent à la prise de nourriture, en permettant de maintenir la proie en place, voire de la déchiqueter (dans le cas des chélifores positionnés horizontalement). Les palpes, les papilles, les microtriches et/ou les soies du proboscis ont probablement un rôle dans la reconnaissance des proies.
Reproduction et développement
Les pycnogonides sont des animaux gonochoriques (= sexes séparés). Le mâle féconde les œufs quand ceux-ci sortent des pores sexuels de la femelle (fécondation externe) en utilisant ses ovigères pour déposer le sperme sur les gonopores (e.g. Callipallenidae) ou bien par contact direct des pores sexuels (e.g. Pycnogonidae) (Bain & Godevich 2004). Le mâle récupère ensuite les œufs sur les ovigères, en les portant soit en une seule et unique grappe pour tous les œufs (e.g. Pycnogonidae), soit en grappes séparées portées chacune par un ovigère (e.g. Ammotheidae, Callipallenidae, Endeidae, Nymphonidae), soit en plusieurs grappes portées par les deux ovigères à la fois (certains Ascorhynchidae) ; différentes grappes d’œufs peuvent provenir de différentes femelles (Brenneis et al. 2017).
La taille des œufs varie selon la quantité de vitellus (Brenneis et al. 2017). Celle-ci est très variable selon les espèces, d’œufs très pauvres et en grande quantité (> 1000 par ponte ; Endeidae, Phoxichilidiidae, Pycnogonidae), aux œufs très riches mais peu nombreux (~ 100 ; Callipallenidae, certains Ammotheidae, Nymphonnidae et Pallenopsidae), représentant respectivement les stratégies r et K (Brenneis et al. 2017).
A l’éclosion de l’œuf sort généralement une larve protonymphon (fig. 3a). Cette larve a un tronc non segmenté portant une paire d’yeux dorsaux non pigmentés et les trois paires d’appendices céphaliques. Les chélifores portent des chelae et une glande sécrétant un filament adhésif (Arnaud & Bamber 1987 ; Brenneis et al. 2017). Les palpes et les ovigères sont uniramés et portent une griffe. Le développement de la larve jusqu’à l’adulte est hémi-anamorphe, c’est-à-dire que la larve connaît une période où de nouveaux segments et appendices sont ajoutés lors des mues successives (anamorphose), suivie d’une période où la croissance par mue se fait sans ajout de segments ou d’appendices (épimorphose). On distingue quatre phases dans le développement (Brenneis et al. 2017) : larve (protonymphon typique), post-larve (protonymphon avec bourgeonnement des pattes, i.e. anamorphose), juvénile (toutes les pattes présentes, mais le spécimen continue de se développer par épimorphose) et adulte (sexuellement mature). Brenneis et al. (2017) reconnaît cinq types de développement (fig. 3b) :
Type 1 : la larve s’attache à l’adulte grâce à ses filaments adhésifs. Possédant peu de vitellus, elle se nourrit activement après une courte phase lécithotrophe et après avoir quitté le père au bout de quelques mues (au plus tard au début du stade post-larvaire). Ce sont souvent des parasites de cnidaires.
Type 3 : la larve ne possède pas de filaments adhésifs, et ne reste donc pas attachée à l’adulte. Possédant peu de vitellus, elle se nourrit activement, en parasitant le manteau des bivalves, le tube des polychètes sédentaires ou les nudibranches.
Type 4 : la larve ne possède pas de filaments adhésifs, et le proboscis est proéminent. L’article terminal des palpes et des ovigères est allongé et filamenteux, peut-être pour faciliter leur déplacement. Quand la larve rencontre un hôte (généralement un polype d’hydrozoaire), elle pénètre la cavité gastrovasculaire, où elle se nourrit de son hôte, parfois en s’enkystant dans les tissus.
Type 5 : l’éclosion donne directement une post-larve. Elle reste attachée à l’adulte au moins jusqu’au milieu de la phase post-larve. Elle possède une grande quantité de vitellus.
Diversité(s) des pycnogonides
Contrairement à une idée courante, les pycnogonides ne sont pas un groupe homogène ou monotone, mais présentent une diversité de modes de vie et de morphologies qui est remarquable au sein des arthropodes. Cette diversité est encore plus flagrante lorsque l’on considère le registre fossile.
Diversité actuelle
Les pycnogonides actuels regroupent 1 403 espèces dans 11 familles et 90 genres (Bamber et al. 2018 et données additionnelles). Toutes ces espèces appartiennent à un ordre unique, les pantopodes (Pantopoda Gersträcker, 1863) (Hedgpeth 1955 ; Waloszek & Dunlop 2002 ; Bamber 2007b). Le groupe présente une grande variabilité morphologique, notamment au niveau des appendices céphaliques (tableau 1) : les chélifores, les palpes et les ovigères peuvent être présents ou absents d’une famille à l’autre, et être plus ou moins développés (e.g. Bamber 2007b). De plus, neuf espèces appartenant à trois familles (Colossendeidae, Nymphonidae, Pycnogonidae) sont dites « polymères » (e.g. Arnaud & Bamber 1987), c’est-à-dire qu’elles possèdent cinq ou six paires de pattes au lieu des quatre généralement observées. Chez les arthropodes, une telle variation dans le nombre d’appendices ne se retrouve au niveau ordinal que chez les Chilopodes et Diplopodes. La liste suivante décrit brièvement les différentes familles reconnues par Bamber (2007b), Bamber et al. (2018) et Sabroux et al. (2017), et l’Annexe 1 donne la liste de toutes les espèces :
Ammotheidae (fig. 4a-c)
C’est la famille la plus riche en espèces et en genres parmi les pycnogonides, avec 22 genres et 299 espèces. Sa répartition est mondiale et eurybathique, mais seuls quelques genres sont couramment collectés: les Achelia et Tanystylum sont de petits pycnogonides au corps discoïdal dont la répartition est mondiale ; les Ammothella sont courants en mers tempérées ou sous les tropiques ; les Ammothea sont plutôt restreints à l’hémisphère sud (sauf quelques localités dans le Pacifique et une espèce introduite dans la Manche et la lagune de Venise (Bamber 2012)), et sont particulièrement diversifiés en Antarctique ; les Nymphopsis sont surtout courants sur les littoraux tropicaux. Certains genres sont le plus fréquemment trouvés à de grandes profondeurs (e.g. Cilunculus, Sericosura).
Description : possèdent le plus souvent des chélifores (scape mono- ou bi-segmenté), chelae le plus souvent réduites à un manchon au stade adulte. Palpes présents, 4 à 9 articles. Ovigères à 10 articles, strigilis avec quatre articles inégaux. Spinulation du strigilis absente ou à organisation lâche, jamais en rangée. Griffe terminale généralement absente. Proboscis piriforme, généralement mobile. Pores sexuels ventraux, sur paires de coxae 2, des pattes 3 et 4 ou 1 à 4 chez les mâles, toujours 1 à 4 chez les femelles.
Régime alimentaire très diversifié (Dietz et al. 2018) ; types larvaires le plus souvent de type 1 ou 2, parfois 3 ou 4 (fig. 3b ; Brenneis et al. 2017).
Ascorhynchidae (fig. 4d-e)
Les Ascorhynchidae sont répartis dans huit genres et regroupent quelques 115 espèces. Ils sont majoritairement représentés par les Ascorhynchus, qui ont une distribution mondiale et eurybathique ; et les Eurycyde, que l’on trouve sous les tropiques ou dans les mers du nord de l’Europe. Les autres genres sont rarement capturés, et ne sont représentés que par quelques espèces à la répartition limitée.
Description : possèdent des chélifores (scape mono- ou bi-segmenté), chelae le plus souvent réduites à un manchon au stade adulte ; palpes présents (7 à 9 articles), ovigères à 10 articles. Strigilis possédant quatre articles subégaux avec deux rangées d’épines composées, griffe terminale généralement présente. Le proboscis est piriforme et très mobile, voir au bout d’un pédoncule (Eurycyde). Pores sexuels ventraux, sur les coxae 2 des pattes 1 à 4 chez les deux sexes.
Les Ascorhynchidae sont notamment de grands prédateurs de mollusques (Dietz et al. 2018) ; le développement larvaire n’est connu que chez Nymphonella tapetis. Cette espèce présente des larves de type 3 (fig. 3) qui parasitent la cavité palléale de certains bivalves (Dietz et al. 2018). Austrodecidae (fig. 4f)
Les Austrodecidae regroupent 58 espèces dans deux genres, Austrodecus et Pantopipetta. La plupart des espèces sont restreintes à l’hémisphère sud, mais une espèce est enregistrée dans l’Atlantique Nord (Stock 1991a). Cette famille est souvent considérée comme divergente du fait de sa morphologie très particulière, notamment au niveau de son proboscis (e.g. Arango & Wheeler 2007). Les genres Austrodecus et Pantopipetta diffèrent avant tout par la structure de leurs ovigères, ainsi que par leur bathymétrie (respectivement au-dessus et en dessous de 2000 m de profondeur, le plus souvent) (Child 1994b).
Description : chélifores absents, palpes de 5 à 9 articles. Ovigères présents chez les deux sexes, réduits de 1 à 6 articles (Austrodecus) et développés avec strigilis à quatre articles subégaux et une rangée d’épines composées (Pantopipetta). Proboscis pipettiforme, souvent annelé, à section bilatérale. Pores sexuels sur les coxae 2 (nombre de 1 à 4 chez les deux sexes).
On a observé Austrodecus utiliser ce proboscis particulier pour s’introduire dans les hydrothèques et gonothèques des hydroïdes, ou dans les pores des bryozoaires (Dietz et al. 2018). On ne connaît pas leur cycle de vie, et aucun œuf n’a jamais été retrouvé sur un spécimen adulte.
Callipallenidae (fig. 4g, h)
Les Callipallenidae regroupent 152 espèces dans 18 genres. Ils ont une répartition mondiale, et sont eurybathiques. Le genre Callipallene est le plus répandu, les autres genres ayant généralement une répartition plus restreinte : par exemple, les Austropallene sont principalement trouvés dans l’océan Austral ; les Pallenoides ont une répartition tropicale ; et les Meridionale ne se trouvent que dans l’hémisphère sud. La diversité du groupe repose principalement sur la présence ou non d’une griffe terminale aux ovigères, sur la présence et le nombre d’articles des palpes et sur les différentes formes que peuvent prendre les épines du strigilis. Certaines espèces (e.g. Austropallene cornigera) possèdent des chélifores parmi les plus imposants du groupe.
Description : possèdent des chélifores (scape mono-segmenté), chelae développées, parfois massives. Palpes toujours absents chez les femelles, présents chez les mâles de certains genres (1 à 4 articles). Ovigères présents chez les deux sexes, à 10 articles, strigilis à quatre articles sub-égaux avec une rangée d’épines composées, voire spatulées. Griffe terminale présente ou non. Proboscis piriforme et immobile. Pores sexuels ventraux sur les coxae 2 des pattes 3 et 4 ou 1 à 4 chez les mâles, 1 à 4 chez les femelles).
Des Callipallenidae ont été observés en train de se nourrir sur des hydrozoaires, des bryozoaires et des annélides (Dietz et al. 2018) ; les larves sont toutes de type 5 (fig. 3b ; Brenneis et al. 2017).
Colossendeidae (fig. 4i)
Les Colossendeidae regroupent 106 espèces dans sept genres. Ils incluent la plupart des espèces géantes (e.g. Colossendeis colossea). Le genre Colossendeis est le plus diversifié (72 espèces). Il est principalement trouvé à de grandes profondeurs (> 300 m) et en Antarctique. Les Rhopalorhynchus, plus petits, sont courants en milieu tropical A moindre profondeur (entre 0 et 300 m).
Description : chélifores absents, à l’exception des Decolopoda et Dodecolopoda (le dactyle des chelae est alors dorsal). Palpes de 8 à 9 articles, ovigères à 10 articles. Strigilis formé de quatre articles sub-égaux, portant des champs d’épines simples et composées. Griffe terminale présente. Proboscis cylindrique ou piriforme, mobile chez certaines espèces. Pores sexuels ventraux sur les coxae 2 des pattes 1 à 4 chez les deux sexes.
Les Colossendeidae se nourrissent d’une grande diversité de cnidaires, mais ont aussi été observés en train de se nourrir sur des mollusques, des annélides ou sur le film microbien. Aucun œuf ni aucune larve n’ont jamais été observés ; le cycle de vie est donc inconnu, malgré l’abondance des collectes.
Endeidae (fig. 4j)
Les Endeidae sont une famille monotypique regroupant 20 espèces distribuées sur l’ensemble du globe, à toutes les profondeurs.
Description : Chélifores et palpes absents. Ovigères à sept articles, strigilis mal défini avec des articles inégaux. Spinulation faible, épines simples. Pas de griffe terminale. Proboscis cylindrique, peu mobile. Pores sexuels ventraux sur les coxae 2 des pattes 1 à 4 chez les deux sexes.
Des soies à l’extrémité du proboscis permettent de détecter les sources de nourriture (Dietz et al. 2018) ; les Endeidae sont essentiellement détritivores, mais certaines espèces ont aussi été observées en train de se nourrir sur des cnidaires. Larves de type 1 (fig. 3b ; Brenneis et al. 2017).
Nymphonidae (fig. 4k)
Les Nymphonidae regroupent 282 espèces dans six genres. Avec ses 266 espèces, le genre Nymphon est très largement prédominant, les autres genres n’étant représentés que par une à neuf espèces. Les Nymphon ont une distribution mondiale et à toutes les profondeurs.
Description : Chélifores présents, scape mono-segmenté, chelae développées, souvent hérissées de dents. Palpes présents, à cinq articles. Ovigères à 10 articles chez les deux sexes, strigilis à quatre articles sub-égaux portant une rangée d’épines composées. Griffe terminale présente. Proboscis piriforme, peu mobile. Pores sexuels ventraux sur les coxae 2 des pattes 3 et 4 ou 1 à 4 chez les mâles, 1 à 4 chez les femelles.
Les Nymphonidae ont une large diversité de proies (cnidaires, bryozoaires, annélides, mollusques, crustacés…) (Dietz et al. 2018). Les larves sont variables, de type 1, 2 ou 5 (fig. 3b ; Brenneis et al. 2017).
Séquençage et assemblage des génomes mitochondriaux (voir fig. 18)
Sélection des échantillons et multiplexage
L’extraction ADN des spécimens candidats, et le séquençage de l’extrémité 5’ du gène de la première sous-unité de la cytochrome c oxydase (CO1) ont été réalisés selon la méthode de Sabroux et al. (2017) (voir chapitre II). Les extraits produits pour les études de chapitres II et IV sont d’ailleurs intégrés aux extraits candidats. La concentration en ADN des échantillons candidats au séquençage a été mesurée par quantification Qbit (Life Technologies, Grand Island, USA) sur un échantillonnage représentatif de la diversité génétique des spécimens (plus de 750 échantillons testés). Parmi ces extraits candidats, 224 sont intégrés à des banques (32 au total), généralement 10 à 12 spécimens par banque (multiplexage). En se reposant sur une estimation du pourcentage de génome mitochondrial sur l’ADN total de 0,1 à 0,5% (estimations pessimistes à partir de Crampton-Platt et al. 2015), nous espérons une couverture par génome mitochondrial entre 20 et 200X. le volume de chaque échantillon mis dans les banques est défini de façon à obtenir une quantité minimale de 150 ng d’ADN par banque (lorsque c’est possible, cette quantité était doublée voire triplée). Les échantillons sont multiplexés de manière à respecter une p-distance minimale de 10% entre les séquences CO1 des spécimens, et à ce que les concentrations soient équimolaires afin d’obtenir la même couverture pour tous les extraits après séquençage. Dans la mesure du possible, les échantillons d’une même banque viennent d’extraits de même ordre de grandeur de concentration, pour limiter les écarts liés aux imprécisions du dosage Qbit. Pour certains extraits à concentration faible, un mélange de deux extraits issus de spécimens possédant le même haplotype pour le CO1 a été réalisé (= pools). L’échantillonnage a également été réalisé de manière à optimiser la diversité de taxons. Si besoin, les banques sont complétées avec des extraits d’autres taxons distants (autres chélicérates, crustacés et mammifères).
Séquençage des banques
Le séquençage des 32 banques a été réalisé par séquençage NextSeq500 (Illumina, San Diego, USA) à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Les reads produits sont des fragments de 151 nucléotides (nt), au nombre de 11 à 30 millions par banque.
Assemblage des génomes mitochondriaux
Les reads ne contiennent pas seulement des séquences du génome mitochondrial, mais aussi des séquences du génome nucléaire. De plus, les différents extraits sont mélangés. Il est donc nécessaire d’extraire les reads correspondant aux génomes mitochondriaux, et de les assembler séparément. En l’absence d’un génome mitochondrial de référence proche pour la plupart des échantillons, l’assemblage a été effectué selon deux stratégies complémentaires utilisant des références éloignées et les séquences CO1 déjà produites. L’assemblage a été réalisé sur Geneious10.2.3 (Kearse et al. 2012) :
– Stratégie 1. Le génome mitochondrial d’Ammothea carolinensis (identifiant GenBank GU065293) est utilisé comme référence pour « mapper » les reads de chaque banque individuellement (i.e. assembler les reads à la référence, avec un mismatch maximum élevé, ~ 40-50%). Les reads mappés sur le génome de référence sont ensuite assemblés de novo (entre reads chevauchants) avec un faible mismatch (~1-2%). Les contigs formés de plus grande taille (>500 nt) et disposant d’une couverture suffisante (minimum 10X) sont ensuite utilisés pour un « baiting » des autres reads (i.e. assemblage des autres reads sur ces contigs, avec un faible mismatch maximum, ~1-2%). Cela permet par chevauchement d’étendre les contigs après chaque itération. Finalement, les contigs sont assemblés les uns aux autres de façon à obtenir un génome mitochondrial complet ou partiel (mismatch faible, 0-2%). Les génomes complets ont pu être circularisés. Les génomes sont identifiés ensuite grâce aux séquences CO1 produites en amont, ou par l’intégration des contigs produits par la stratégie 2.
– Stratégie 2. Les séquences CO1 produites sont utilisées comme références pour un baiting des reads. Les contigs produits (déjà identifiés, puisqu’assemblés au CO1) sont étendus progressivement jusqu’à ce que le génome mitochondrial soit complet.
Alternativement, le génome mitochondrial est complété par assemblage avec les contigs produits par la stratégie 1.
– Approche supplémentaire. Dans certains cas où il n’est pas possible d’assembler l’ensemble du génome mitochondrial, que le génome revêt un intérêt particulier et qu’une référence proche est disponible, la référence est utilisée pour un baiting, les contigs formés sont ensuite assemblés au génome mitochondrial partiel.
Parmi ces génomes, 103 sont sélectionnés pour être intégrés dans les analyses suivantes (données supplémentaires 1 en Annexe 3).
Annotation du génome mitochondrial
L’échantillonnage est enrichi des sept génomes mitochondriaux déjà séquencés par de précédents auteurs (Podsiadlowski & Bradand 2006 ; Park et al. 2007 ; Masta et al. 2010 ; Dietz et al. 2011 ; Carapelli et al. 2013), ainsi que de 17 génomes mitochondriaux représentant différents groupes externes (onychophores, arachnides, xiphosures, pancrustacés et myriapodes) qui permettent de couvrir l’ensemble des hypothèses de position des pycnogonides au sein des arthropodes (données supplémentaires 1 en Annexe 3). Ainsi, un total de 137 génomes mitochondriaux sont étudiés. Les groupes externes sont sélectionnés de manière à ce que l’ordre des gènes codant pour les protéines et les ARNr ne soit pas différent d’Ammothea carolinensis (GU065293), qui correspond à l’ordre des gènes de la plupart des génomes mitochondriaux de pycnogonides séquencés, et de manière à ce que le biais de composition en bases pour le CO1 soit positif (à l’exception des Onychophores, pour lesquels aucun des génomes mitochondriaux séquencés ne respecte les deux critères).
Les nouveaux génomes mitochondriaux sont annotés dans un premier temps en utilisant Geneious 10.2.3 et sa fonction d’annotation automatique à partir des références (les sept références sont utilisées conjointement). Ces annotations sont vérifiées/complétées par alignement manuel des gènes avec les génomes mitochondriaux de référence. L’identification des ARNt est également confirmée par reconnaissance de l’anticodon et de la structure tige-boucle qui le porte (Salinas-Giégé et al. 2015).
Biais de composition en base
Le biais de composition est analysé pour toutes les séquences de l’alignement suivant la même procédure qu’Arabi et al. (2010) en sélectionnant uniquement les 3e positions de codons des gènes protéiques : nous calculons le biais pour chaque couple de nucléotides complémentaires : biaisAT = (A-T)/(A+T) et biais CG=(C-G)/(C+G). Ce biais est ensuite testé statistiquement en évaluant si l’hypothèse nulle (i.e. %A = %T, et %C = %G) peut être rejetée dans un intervalle de confiance de 95%. Si tel est le cas, le biais est considéré comme signigicatif.
Analyses phylogénétiques
Nous intégrons à l’analyse uniquement les gènes codant pour des protéines à l’exclusion du gène de l’ATPase 8 (12 gènes), et en excluant les régions ambiguës de l’alignement. Les alignements des 12 gènes protéiques pour les 137 génomes mitochondriaux sont analysés individuellement par Inférence Bayésienne en utilisant MrBayes (Ronquist & Huelsenbeck 2003), en partitionnant par position de codons. L’analyse est lancée pour 4 chaînes, sur 107 générations, avec un échantillonnage d’1/1000 et un burn-in de 25%. Ces 12 jeux de données sont analysés deux fois, avec et sans recodage des 3e positions de codons en purines/pyrimidines (RY), de manière à étudier l’impact de la saturation des 3e positions de codons sur les topologies (Delsuc et al. 2003). Les modèles de substitution (voir tableau 5) sont choisis en utilisant MEGA7 (Kumar et al. 2016) suivant le critère AIC (Akaike 1973) sur le jeu de données sans les groupes externes.
Ces séquences sont ensuite concaténées pour deux analyses par inférence bayésienne, avec une partition par gène et par codon, avec et sans recodage des 3e positions de codon, avec les mêmes paramètres que pour les analyses précédentes. Ces données sont également analysées par une approche de maximum de vraisemblance en utilisant le logiciel PhyML (Guindon et al. 2005) sans partition. Un bootstrap (100 réplicas) est réalisé sur ces données. Une analyse SuperTRI (Ropiquet et al. 2009) est réalisée pour les deux jeux de données (avec ou sans recodage) en utilisant les topologies obtenues avec les analyses sur les données concaténées comme « arbre source », i.e. l’arbre sur lequel seront indiqués le nombre de fois que le nœud est répété (Rep) et la moyenne des probabilités postérieures des bipartitions (MPP) dans les analyses séparées.
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Table des matières
Introduction
I. Les pycnogonides
A. Présentation générale
1. Caractéristiques morphologiques
2. Position phylogénétique au sein des arthropodes
Chélicérates ou groupe frère des cormogonides ?
Apports de la phylogénie
Homologie entre chélifores et chélicères
Apports de la paléontologie
3. Anatomie et traits de vie
Respiration
Nutrition
Reproduction et développement
B. Diversité(s) des pycnogonides
1. Diversité actuelle
Ammotheidae
Ascorhynchidae
Austrodecidae
Callipallenidae
Colossendeidae
Endeidae
Nymphonidae
Pallenopsidae
Phoxichilidiidae
Pycnogonidae
Rhynchothoracidae
2. Diversité fossile
Fossiles d’Örsten (Suède), Cambrien supérieur, 500 MA
Fossiles du lac William (Manitoba, Canada), Ordovicien supérieur, 450 MA
Fossiles d‘Herefordshire (Angleterre), Silurien inférieur, 425 MA
Fossiles d‘Hunsrück (Rhénanie, Allemagne), Dévonien inférieur, 400 MA
Fossiles de La Voulte-sur-Rhône (Ardèche, France), Jurassique moyen, 160 MA
Interprétations du registre fossile
3. Relations phylogénétiques
Monophylie des pycnogonides et des pantopodes
Monophylie des familles
Relations interfamiliales
II. Enjeux
A. Pourquoi étudier les pycnogonides ?
B. Objectifs
1. Faune fossile du Jurassique supérieur
2. Relations phylogénétiques entre et au sein des familles
3. Une biodiversité actuelle méconnue
Chapitre I. Fossiles de Solnhofen (Bavière, Allemagne)
Contexte du projet
Solnhofen
Enjeux et implications
Article 1 Perspectives
Chapitre II. Diversité et histoire évolutive des Ammotheidae
Contexte du projet
Diversité et complexité des Ammotheidae
Enjeux
Article 2 Perspectives
Chapitre III. Phylogénie des pycnogonides et génome mitochondrial
Introduction
Matériel et Méthode
Séquençage et assemblage des génomes mitochondriaux
Annotation du génome mitochondrial
Biais de composition en base
Analyses phylogénétiques
Résultats
Génomes mitochondriaux
Phylogénie
Discussion
Conflits entre les topologies obtenues avec et sans recodage des 3e positions de codons
Enracinement et attraction de longues branches
Relations phylogénétiques soutenues
Relations phylogénétiques peu soutenues
Conclusions et Perspectives
Chapitre IV. Biodiversité des pycnogonides de Martinique (Petites Antilles Françaises)
Contexte du projet
Pourquoi la Martinique ?
Enjeux et implications
Article 3 Perspectives
Conclusion
I. Résumé des principaux résultats
II. Discussion et perspectives générales
A. Origine des pantopodes et diversification
B. Description de la diversité et phylogénie
III. Regard optimiste sur l’avenir de l’étude des pycnogonides
Références bibliographiques
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