Phosphamétallocènes, rappel bibliographique
En raison de sa polarisabilité et de ses caractéristiques facilement modulables, le phosphore sp3 est un élément privilégié des ligands pour les métaux de transition. Il est relativement évident que si l’état d’hybridation du phosphore est modifié, les propriétés du ligand devraient être significativement différentes. Alors que l’état d’hybridation sp² est très répandu pour les ligands azotés, il l’est nettement moins pour le phosphore. La raison principale est que les espèces incorporant une liaison P=C ne sont en général isolables que lorsqu’une stabilisation cinétique ou thermodynamique est apportée ; cette stabilisation peut être réalisée par encombrement stérique autour du phosphore ou en incorporant le phosphore sp² dans un système délocalisé.
Grâce à sa délocalisation, le squelette phosphamétallocène permet de stabiliser le phosphore formellement sp² sans avoir recours à l’encombrement stérique important, ce qui peut être assez recherché pour un ligand. De plus si le cycle phospholyle est substitué de manière dissymétrique, l’introduction du fragment M(L)n réalise une discrimination des deux faces du cycle ce qui génère un environnement chiral autour du phosphore (Figure I-5). La discrimination spatiale qui est assez marquée en raison de la proximité du phosphore et du métal central est modulable en fonction de la taille du fragment métallique (Fe contre Ru par exemple), des ligands du métal ((CO)3, Cp, Cp*, Cp’) et de l’encombrement des substituants latéraux. Le degré de richesse électronique du centre phosphoré peut être contrôlé par le métal (différence entre Co+ et Fe par exemple) ou par les substituants (alkyls, aryles, ester etc)[26].
Le ligand phosphamétallocène (modulable du point de vue stérique et électronique), présente donc le même type d’avantages décisifs qu’un ligand tel que Josiphos. L’association de propriétés électroniques (sp²) et structurales (chiralité planaire) particulières devrait permettre de préparer des ligands ayant des réactivités et des sélectivités différentes de ligands plus répandus basés sur le phosphore sp3 ou sur l’azote.
Synthèse et propriétés des phosphamétallocènes
Par construction les phosphamétallocènes sont basés sur les anions phospholures. Avant d’envisager la préparation du squelette final il est donc nécessaire de rappeler la préparation et les propriétés des ces anions. D’autre part ces derniers sont généralement synthétisés à partir de phospholes. Nous commencerons donc par présenter un aperçu des méthodes de préparation des phospholes, puis des anions phospholures et enfin des phosphamétallocènes.
Préparation des phospholes
Les trois grandes méthodes les plus couramment rencontrées parmi les nombreuses méthodes passées en revue dans la littérature[28-31] sont ici présentées.
A partir d’un diène : synthèse de McCormack
Cette approche « one pot » en deux étapes est la méthode de choix si le schéma de substitution du phosphole formé convient. A titre d’exemple la synthèse du 1-phényl-3,4-diméthyl-phosphole I-13 est décrite. Le diméthylbutadiène réagit avec une dihalogénophosphine pour donner l’adduit cyclisé I-10 et ce produit est doublement déhalogéné par la 2-méthylpyridine pour conduire au phosphole I-13 avec un rendement optimisé global de 86 %. Sa synthèse se fait facilement à l’échelle de 100g au laboratoire et 30 kg dans l’industrie ce qui fait de ce produit un précurseur important.
Le mécanisme de la double déhydrohalogénation n’a pas été étudié directement mais une proposition est présentée Figure I-7[29, 32]. En plus du phosphole I-13, cette synthèse a été utilisée pour préparer de multiples phospholes (plus de 25 exemples avec des rendements de 15 à 86 %)[33]. De nombreux rendements pourraient probablement être améliorés[31] en utilisant le protocole optimisé décrit par Savignac[34]. Les limites de cette synthèse sont imposées par des contraintes stériques : les substituants sur les carbones terminaux ou sur le phosphore ne doivent pas être trop encombrants[35]. Le rendement de cette préparation est amélioré par l’utilisation de PhPBrxCl2-x, (x≥1). Avec PhPCl2 le coproduit qui se forme est le sel de 2-chlorophospholénium I-14 qui est impropre à la synthèse du phosphole[36].
Addition d’une phosphine sur un diyne
Par analogie avec une synthèse de pyrroles, un accès aux phospholes décrit par Märkl en 1967 fait intervenir la double addition de Michael d’une phosphine primaire sur un 1,3-diyne. La réaction peut être catalysée par BuLi, PhLi, CuCl, KOH ou AIBN[37]. Cette méthode est bien adaptée pour la synthèse de phospholes symétriques (R=R’=Me, Ph, 2-Np, p-tol, 2-BrC6H4) [37] en raison de la facilité de préparation à très grande échelle de diynes symétriques (par exemple par couplage de Hay[38] ou d’Eglinton[39]). Une version conduisant à un phosphole énantiopur (R=R’=(-)-menthyl) a été développée à partir du (-)-menthylacétylène[40]. Les rendements des phospholes obtenus par cette méthode sont souvent modérés (35% dans le cas du 2,2,7,7-tétraméthylocta-3,5-diyne par exemple) en raison de la formation de coproduits tels que I-17. Cet inconvénienta est en partie compensé par l’accès aisé à grande échelle du diyne précurseur[42].
Si l’on souhaite préparer des phospholes précurseurs d’anions phospholures prochiraux par cette méthode, des diynes dissymétriques doivent être préparés[43, 44]. En général, leur synthèse est plus longue que pour les diynes symétriques[45] (par exemple une séquence donnant de bons rendements fait intervenir un 1-bromo 2-trialkylsilylacétylène[46]). Ce recours à une chimie assez élaborée pour une première étape, sachant que la seconde (addition de la phénylphosphine) se fait avec des rendements en général modérés pourrait expliquer pourquoi assez peu de phospholes dissymétriques ont été synthétisés selon cette méthode. Parmi eux, on peut citer les exemples où R=Me, R’=Ph, CH2Ph[47].
A partir de métallacycles et leurs dérivés
Un des moyens les plus simples pour préparer des métallacycles est le couplage réducteur d’alcynes par « ZrCp2 » [48]. La réaction du zirconacycle I-19 issu de cette réduction avec un halogénure de phosphine conduit directement au phosphole dans la plupart des cas[49]. Cette méthode permet de nombreux schémas de substitutions différents et des schémas dissymétriques sont possibles[50, 51]. Lorsque les groupements R sont encombrants, une variante introduit une première étape d’iodonolyse du métallacycle, une seconde étape d’échange halogène-métal, puis la réaction avec un électrophile donne le phosphole attendu[52]. Lorsque R= t-Bu, et R’=Me, la réaction directe de PhPCl2 avec le zirconacycle échoue et l’étape d’iodonolyse devient alors indispensable[53]. Pour préparer le dérivé diiodé I-23, l’utilisation de Ti(Oi-Pr)4 (liquide et moins cher que le Cp2ZrCl2) selon le protocole décrit par Sato[54], permet d’éviter l’emploi du zirconium, limite le volume de solvants et permet d’augmenter l’échelle. Contrairement à la méthodologie utilisant le zirconium, cette technique avec le titane est compatible avec les alcynes I-18 où R’=H.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : PHOSPHAMETALLOCENES, RAPPEL BIBLIOGRAPHIQUE
1. SYNTHESE ET PROPRIETES DES PHOSPHAMETALLOCENES
1.1.Préparation des phospholes
1.1.1. A partir d’un diène : synthèse de McCormack
1.1.2. Addition d’une phosphine sur un diyne
1.1.3. A partir de métallacycles et leurs dérivés
1.2. Anions phospholures
1.2.1. Synthèse
1.2.2. Propriétés des anions phospholures
1.3. Complexes η5-phospholyles
1.3.1. Synthèse des complexes η5-phospholyles[30]
1.3.2. Propriétés électroniques des complexes η5-phospholyle. Analyse théorique
1.3.3. Réactivité des complexes η5-phospholyles
1.3.4. Synthèse de complexes η5-phospholyl énantiopurs
2. APPLICATIONS CATALYTIQUES DU PHOSPHORE SP²
2.1. Phosphaalcènes
2.2 Phosphinines
2.3. Complexes η5-phospholyles
3) PRESENTATION DU SUJET
4) BIBLIOGRAPHIE DE L’INTRODUCTION
CHAPITRE II : SYNTHESE ET PROPRIETES DES PHOSPHARUTHENOCENES ESTER DE MENTHYLE ET DES COMPOSES APPARENTES
1. RAPPEL BIBLIOGRAPHIQUE
1.1. Accès synthétique aux phosphamétallocènes centrés sur un métal de transition « tardif » différent du fer
1.2. Groupement encombrant et fonctionnalisable
1.3. Protection stérique réversible
1.4. Conclusion
2. RESULTATS
2.1. Introduction
2.2. 2-[carboxy-(–)-menthyl)]phospholures de potassium
2.2.1. Synthèse
2.2.2. Etude structurale d’un [carboxy-(–)-menthyl)]phospholure. Comparaison avec un phospholure simple.
a) Structure de l’anion 2-phényl-3,4-diméthylphospholure de potassium non coordiné et non solvaté
b) Influence de l’ester sur les paramètres structuraux
2.2.3. Etude théorique[7]
a) Introduction
b) Résultats
2.2.4. Propriétés chimiques des 2-[carboxy-(–)-menthyl)] phospholures de potassium. Effet du groupement ester.
2.3. Synthèse et structures de 2-ester-phospharuthénocènes
a) Etudes préliminaires de la synthèse de 2-ester-phospharuthénocènes
b) Optimisation de la synthèse du phospharuthénocène ester II-24
c) Séparation des diastéréomères II-24a et II-24b
2.4. Généralisation
a) 5-H-phospharuthénocène II-43
b) Phosphaferrocènes[29]
c) Phosphacymantrènes II-47
d) Analyse RMN
2.5. Stabilité des phosphamétallocènes
3. PERSPECTIVE : AMELIORATION DE LA DIASTEREOSELECTIVITE
4. CONCLUSION
5. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE III : ELABORATION DES PHOSPHARUTHENOCENES ESTER DE MENTHYLE
1. REDUCTION DE LA FONCTION ESTER DE MENTHYLE
1.1 Phospharuthénocène méthanol
1.2 Cation phospharuthénocène méthylium.
1.2.1 Dérivés des phosphaferrocènes et métallocènes méthylium
a) Cations métallocènes méthylium
b) Phosphaferrocènes
1.2.2 Synthèse et propriétés d’un cation phospharuthénocène méthylium
a) Synthèse du cation
b) Chimie redox du cation phospharuthénocène méthylium
1.3. Réduction complète du carbocation phospharuthénocène méthylium
2. HYDROLYSE DES PHOSPHAMETALLOCENES ESTER
3. SUBSTITUTIONS ELECTROPHILES AROMATIQUES SUR LES METALLOCENES ET PHOSPHAMETALLOCENES.
3.1. Rappel bibliographique
3.1.1. Benzoylation des métallocènes
3.1.2. Substitutions électrophiles aromatiques sur les phosphamétallocènes
3.2 Acylation de Friedel et Crafts des phospharuthénocènes
3.3. Formylation de Vilsmeier des phospharuthénocènes
3.4. Préparation d’un aldéhyde énantiopur
3.4.1. Un phospharuthénocène aldéhyde énantiopur
3.4.2 Résolution de l’aldéhyde racémique
4. CONCLUSION
5. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CONCLUSION
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