Classification des langues du groupe jóola
Les langues jóola sont classifiées par Greenberg (1963) comme membres du groupe ‘Nord’ de la sous-famille ‘Ouest Atlantique’ des langues ‘Niger-Congo’. Plusieurs réorganisations du groupe jóola ont été depuis lors proposées. Sapir (1971) classe les langues jóola comme membres du groupe ‘bak’, de la subdivision de la Branche Nord de la sous-famille ‘Ouest Atlantique’. Barry (1987) reprend la classification de Sapir (1971) tout en proposant une réorganisation du groupe jóola en trois sous groupes ‘Central’, ‘Southern’ et ‘Western’. Hopkins (1995), s’appuyant sur la classification de Carlton et Rand (1993), et reprenant les subdivisions supérieures de Sapir (1971) propose une réorganisation du groupe jóola en distinguant au premier niveau deux sous-groupes : le ‘diola propre’ d’une part et le groupe bayot d’autre part. Il subdivise ensuite le ‘diola propre’ en trois sous-groupes : le ‘karon’ (karon et mulomp-nord), le ‘kuwaataay’ et le ‘diola central’. Il subdivise le ‘‘jóola central’ à son tours en quatre sous-groupes : ‘fogny’, ‘kasa’, ‘ejamat’ et ‘gusilay’. Sambou reprend substantiellement le classement d’Hopkins dans Sambou (2012) en apportant les changements suivants. Il suggère d’abord de rattacher l’édammé ou érammé (qui ne figure pas explicitement dans les classements antérieurs) au bayot, parler avec lequel il est génétiquement plus proche, pour en constituer le sous-groupe bayot-édammé. Il propose ensuite de regrouper les sous-groupes ‘karon’ et ‘kuwaataay’du classement d’Hopkins en un seul sous-groupe qu’il désigne ‘‘karonkuwaataay’’ dans lequel il classe le jóola karon, le jóola mulomp/nord ou kunoofaay et le kuwaataay. D’après lui ce regroupement se justifie par le fait que ces parlers sont génétiquement très proches. Il a enfin proposé (dans Sambou (2012) de changer l’appellation Bliss qu’Hopkins donne à une des entités constituant le sous-groupe kasa, car dans son enquête de terrain cette zone a révélé comme appellation ‘petit kasa’. Le Bliss correspond plutôt à une sous-entité des îles karon correspondant aux villages de Boune, Kaïlo, Saloulou, Boko et Bakasouk. Il souligner également que la réorganisation du sousgroupe ‘‘jóola central’’ de la classification d’Hopkins reprise dans Sambou (2012) mérite d’être améliorée en raison du fait que certains regroupements dudit classement sont loin d’être homogènes, du point de vue linguistique. Par exemple le terme buluf désigne plus une entité géographique qu’une zone linguistiquement homogène. Certains des parlers de cette zone se rattachent au fogny (les parlers des localités telles que Diégoune, Tendimane, Balingore et Kagnobon). Certains appartiennent au sous-groupe gusilay (les parlers d’Afigname, de Boutame et de Thionk Essyl). D’autres appartiennent au sous-groupe ‘karon-kuwaataay’ (le mulomp-nord). D’une localité à l’autre, et même entre certaines localités voisines, l’intercompréhension s’avère limitée voire même quasi impossible. C’est le cas notamment entre les localités de Thionk Essyl (du sous-groupe gusilay) et de Mulomp-nord (rattaché au sous-groupe ‘karon-kuwaataay’ dans le classement de Sambou (2012). Le buluf demeure donc une aire géographique regroupant des langues des principaux sous groupes jóola. Les spécialistes classifient les langues jóola comme appartenant au groupe ‘bak’, qui regroupe par ailleurs les langues que sont : le manjaku, le mancagne, le pepel et le balante. L’affiliation génétique des langues jóola peut être schématisée comme suit: jóola bak atlantique Niger-Congo. Nous reprenons ci-dessous la réorganisation du groupe jóola telle que proposée par Sambou (2012)
Le sous-sous-groupe buluf
Nous nous appuierons sur le classement de Sambou (2014) pour illustrer du soussous-groupe buluf. Ce dernier, est une aire géographique regroupant plus d’une vingtaine de villages que sont :
-Diégoune [dɪɛgʊn],
-Kagnobo [kaɲɔbɔ],
-Béssir [bɛsɪʀ],
-Dianky [dɪankɪ],
-Kartiack [kaʀcak],
-Affiniam [afiɲɪam],
-Boutame [butɐm],
-Thiobon [cɪɔbɔn],
-Moulomp [mʊlɔmp],
-Thionck éssyl [cɪɔnk ɛsɪl],
-Djigauth [ɉigoc],
-Tendouck [tandʊk],
-Boutegol [bʊtɛgɔl],
-Mandegane [mɐndegɐn],
-Elana [ɛlana],
-Balingor [bɐlingor],
-Bagaya [bagaja],
-Mangagoulack [mɐngɐgulɐk],
-Tendimane [tɐdimɐn],
-Diatock [ɉɪatɔk] et
-Djimande [ɉimɐnd].
Dans cette zone chaque parler à sa spécificité qui lui distingue de l’autre. D’une localité à une autre, l’intercompréhension s’avère limitée. Et plusieurs parlers de cette zone ont bénéficié d’une description scientifique comme nous l’avons cité ci-dessus. Mais il existe encore d’autres parlers en l’occurrence comme celui du village de Djimande [ɟímɐnd] qui jusqu’ici n’a pas encore fait l’objet d’une description scientifique.
Revue de la littérature
Nous signalons qu’un bon nombre de travaux scientifiques sur le jóola existe déjà. Parmi ces travaux existants on peut citer par exemple celui de : (i) BASSENE, A. C., (2006), description du Jόola Banjal, Thèse pour l’obtention du grade de docteur en science du langage, Université Lumière de Lyon2, 400 pages ; dans cette thèse il a fait une description générale. En phonologie il a eu à dénombrer 20 phonèmes consonantiques et 10 phonèmes vocaliques. Au niveau de la morphophonologie il a étudié l’harmonie vocalique. Sur le plan morphologique 15 classes nominales ont été dénombrées. En syntaxe, plusieurs thèmes ont été abordés. (ii) BASSENE, A. C., (2007), sur le banjal, morphosyntaxe du jóola banjal, Thèse de Doctorat Université Lumière de Lyon2, 380 pages; dans sa thèse, le joola est un groupe de langues atlantiques parlées en Casamance (Sénégal). En dépit de la proximité géographique des langues joola et de l’homogénéité culturelle des communautés qui les parlent, leur degré de différenciation ne permet pas de les traiter comme une langue unique diversifiée en plusieurs dialectes. (iii) SAMBOU, P., (2014), relations entre les rôles syntaxiques et les rôles sémantiques dans les langues Jóola, études africaines, thèse de doctorat d’Etat université Cheikh Anta Diop de Dakar, 595 pages; dans sa thèse il a abord le système des voix en jόola, les voix qui augmentent la valence, remodelage des rôles syntaxiques, diminution de la valence verbale, suffixes de voix et autres valeurs, marqueurs de voix et lexicalisation et hypothèses sur l’organisation interne du groupe jόola. (iv) WEISS, H. (1940), Grammaire et lexique diola du Fogny, Casamance, Dakar : Bulletin de l’IFAN (Institut Français d’Afrique Noire) 1-2/3, pp.412-578 ; Dans son article il avait démontré que certaines regions, le p devient f, le f devient h, le r devient l, le d et r sont souvent interchangeables. (v) THOMAS, L. V et SAPIR, J. D., (1967), le Diola et le temps, recherche anthropologiques sur la notion de durée en Basse Casamance №1-2, Bulletin de l’IFAN ; dans cet article ils ont presenté en premier un petit lexique des termes se rapportant au temps-duree puis, en deuxiemement, ils ont examiné Ie systeme des aspects tel qu’il apparait dans la conjugaison verbale et dans plusieurs constructions syntaxiques. (vi) Celui de fogny on a SAPIR, J. D., (1965), a grammar of diola fogny, West African languages monographs, combridge university press. (vii) Pour ce qui concerne le kasa nous citons SAMBOU, P. M., (1977), phonologie du nom en diola kasa esuulaalu, les langues nationales au Sénégal, № 68, Centre Linguistique Appliquée de Dakar. Malheureusement nous ne l’avons pas trouvé. (viii) HOPKINS. B. L, (1990), la phrase complexe en Diola-Fogny, ouest atlantique : propositions relatives, société internationale de linguistique, Sénégal, 18 pages. (viii) Payne, S., (1992), Une grammaire pratique avec phonologie et dictionnaire de kwatay, parler du village de Diémbéring, basse Casamance, pour la SIL (Société Internationale de Linguistique) dans Cahiers de recherche linguistique, n°1 publie un ouvrage de 134 pages. Edame, nous citons DABO, M., (2005), étude phonologique de l’edame, langue diola du nord-ouest de la guinée Bissau, mémoire de maitrise flsh, Département de Linguistique Général et Langue négro-africaine.
Le comportement des consonnes prénasales
Ces séquences sont-elles à considérer du point de vue phonologique comme des phonèmes uniques ou bien comme des successions de phonèmes ? Observons la distribution des prénasales et de leurs occlusives orale et nasale correspondantes. En effet, elles n’apparaissent qu’après voyelle brève et jamais après voyelle longue. Alors que les occlusives orales et nasales correspondantes apparaissent aussi bien après voyelle brève qu’après voyelle longue. En effet, à comportement identique, structure identique. Si les prénasales étaient des réalités phonologiques simples au même titre que les occlusives orale et nasale correspondantes, elles n’auraient pas été systématiquement absentes après voyelle longue. Cette constatation nous autorise à interpréter les prénasales comme des réalisations de deux réalités phonologiques en séquence dont la première est une consonne nasale et la seconde une consonne occlusive orale de même lieu d’articulation que la nasale. Ainsi, [mp], par exemple, réalise une séquence de deux phonèmes dont l’un est nasal /m/ et l’autre oral /p/. C’est aussi valable pour les constrictives prénasales. [ns], réalise une séquence de deux phonèmes dont l’un est une occlusive nasal /n/ et l’autre une constrictive sans battement /s/.
CONCLUSION
En somme, l’ensemble des données sur lesquelles repose notre étude est fourni par des locuteurs natifs de la langue. L’objectif ce travail est de faire une description du parler de Djimande. Sur la phonologie synchronique. En phonétique nous avons observé 31 sons consonantiques et 20 sons vocaliques répartis en deux : les sons vocaliques lâches (-ATR) et les sons vocaliques tendues (+ATR). Sur les réalités phonologiques nous avons identifié des phonèmes sous le rapport de la position (initiale, interne et finale), et sous le rapport du contexte phonique devant voyelle du premier degré / voyelle du deuxième degré, après voyelle du premier degré / voyelle du deuxième degré, devant voyelle brève / voyelle longue, après voyelle brève / voyelle longue, devant voyelle tendue / voyelle lâche, après voyelle tendue / voyelle lâche, devant consonne différente, après consonne différente et devant consonne identique. Sur l’interprétation des réalités phonologiques et présentation des résultats nous avons défini 19 phonèmes consonantiques et 10 phonèmes vocaliques. Les phonèmes vocaliques se divisent en deux groupes : les +ATR et les –ATR. Et dans la phonologie syntagmatique nous avons distingué 8 types de syllabes qui sont V, VC, CV, CVC, CVC1C2, CCV, CV1V1 et CV1V1C. Pour finir nous dirons que le Jóola de Djimande est une langue en danger, parlée uniquement dans le village de Djimande. Cette étude de la description que nous avons entamée, nous souhaitons l’approfondir dans un avenir proche, sur certains points. Surtout sur la morphologie verbale.
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Table des matières
INTRODUCTION
1.1 Généralités
1.1.1 Classification des langues du groupe jóola
1.1.2. Le sous-sous-groupe buluf
1.1.3. Le peuple de Djimande
1.1.4. Carte géographique de la zone
1.1.5. Le parler de Djimande
1.1.6. Justification du choix du sujet
1.1.7. Questions de la recherche
1.1.8. Revue de la lecture
1.1.9. Problématique
1.1.10. Corpus et enquête
1.1.11. Théorie et méthodologie
CHAPITRE 2 : LES DONNEES PHONETIQUES
2.1. Inventaire provisoire des sons consonantiques
2.1.1. Tableau1: Tableau phonétique des consonnes
2.1.2. Illustration des sons
2.2.1. Tableau phonétique des voyelles
2.2.2. Illustration des sons vocaliques
CHAPITRE 3 : LES REALITES PHONOLOGIQUES
3.1. Identification des phonèmes consonantiques
3.1.1. Réalités phonologiques manifestées par les consonnes indubitablement simples
3.1.2. Réalités phonologiques manifestées par les consonnes non indubitablement simples
3.1.2.1. Les prénasales
3.1.2.2. La consonne longue [l:]
3.2. Identification des phonèmes vocaliques
3.2.1. Réalités phonologiques manifestées par les voyelles indubitablement simples
3.2.2- Réalités phonologiques manifestées par les voyelles longues
3.3. Inventaire provisoire des réalités phonologiques manifestées par les sons
3.3.1. Les consonnes
3.3.2-Les voyelles
CHAPITRE 4 : INTERPRETATION DES REALITES PHONOLOGIQUES ET PRESENTATION DES RESULTATS
4.1.- Structure des réalités phonologiques consonantiques
4.1.2.- Le comportement des consonnes prénasales
4.1.3.- Le comportement de la consonne longue
4.4.- Structure des réalités phonologiques vocaliques
4.4.1.- Le comportement des voyelles longues
4.4.2. Présentation des résultats : listes définitives des phonèmes
4.2.1. Les phonèmes consonantiques
4.4.2.2. Les phonèmes vocaliques
4.5- Tableaux phonologiques
4.5.1-Tableau des phonèmes consonantiques
4.5.2- Tableau des phonèmes vocaliques
4.6- Tableaux des réalisations des phonèmes
4.6.1- Tableau 20 : Tableau des réalisations des phonèmes consonantiques
4.6.2 Illustration des consonnes et leurs positions de réalisations
En position initiale
En position interne
En position finale
4.6.2.1. Le phonème /p/
4.6.2.2. Le phonème /b/
4.6.2.3. Le phonème /m/
4.6. 2.4. Le phonème /f/
4.6. 2.5. Le phonème /t/
4.6. 2.6. Le phonème /d/
4.6. 2.7. Le phonème /n/
4.6. 2.8. Le phonème /s/
4.6. 2.9. Le phonème /r/
4.6. 2.10. Le phonème /l/
4.6. 2.11. Le phonème /c/
4.6. 2.12. Le phonème /j/
4.6. 2.13. Le phonème /ñ/
4.6. 2.14. Le phonème /y/
4.6.2.15. Le phonème /k/
4.6.2.16. Le phonème/g/
4.6.2.17. Le phonème /ŋ/
4.6.2.18. Le phonème /w/
4.6.2.19. Le phonème /h/
4.7- Réalisation des phonèmes vocaliques et illustrations
4.7.1. Tableau des réalisations des phonèmes vocaliques
4.7.2. Illustration des voyelles et leurs positions de réalisations
En position initiale
En position interne
En position finale
4.7.2.1. Le phonème /í/
4.7.2.2. Le phonème /i/
4.7.2.3. Le phonème /ú/
4.7.2.4. Le phonème /u/
4.7.2.5. Le phonème /é/
4.7.2.6. Le phonème /e/
4.7.2.7. Le phonème /ó/
4.7.2.8. Le phonème /o/
4.7.2.9. Le phonème /á/
4.7.2.10. Le phonème /a/
CHAPITRE 5 : La phonologie syntagmatique
5.1. La structure syllabique
5.2. Illustrations des syllabes
5.3. La combinaison des syllabes
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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