Définition de la religion
La religion est un système de croyances et de pratiques qui, dans le respect et la vénération, relie des hommes entre eux et avec Dieu , et donne sens à l’existence . Autrement dit, la religion exprime un lien qui unit l’homme à Dieu, un être auquel il voue un sentiment d’adoration et de crainte. Quant à la religion islamique, ( l’islam signifie soumission à Dieu ), cette religion est née en Arabie, l’actuelle Arabie saoudite au VIIe siècle. Initiée par le Prophète Mohammed, la religion islamique se répand très vite dans les contrées voisines de la péninsule arabique et ensuite dans le reste du monde. Elle crée ainsi une communauté dynamique et unie, par-delà les différences culturelles par la foi en un Dieu unique, auquel tout doit se soumettre et se conformer à la volonté de ce dernier. Par ailleurs, Mohammed, le Prophète de l’islam termine la lignée des Prophète. En effet, les Prophètes sont les envoyés de Dieu, chargés de transmettre aux hommes les recommandations divines. Ils sont tous envoyés pour guider et avertir leur peuple. Ce pendant, l’islam est d’abord et avant tout un message religieux qui dit aux hommes ce qu’il faut croire et ce qu’il faut faire et ne pas faire pour être un bon croyant. Donc le musulman doit croire à un Dieu unique, aux Anges, aux Prophètes et aux livres révélés, au jugement dernier. Mais le dogme de l’unicité de Dieu ( Tawhid ) est le dogme essentiel de l’islam et tous les autres peuvent s’y réduire. En effet, l’ islam est une religion monothéiste qui combat toute forme de polythéisme aussi bien celui des païens de l’Arabie avant l’islam que celui de la doctrine chrétienne de la trinité. D’où la formule « Sache qu’il n’y a d’autre divinité que Dieu ». Quant à la Loi islamique ou chari’a, « voie à suivre », elle consiste en une série de commandements ou d’interdictions, mais aussi de recommandations et de mises en garde. On peut dire ainsi qu’ elle regroupe toutes les règles relatives à l’agir humain. Ainsi, un bon musulman est celui qui se soumet entièrement à la parole divine, donc celui qui observe strictement la Loi divine . Et le droit musulman ( fiqh ) est la science qui a pour objet l’interprétation de la Loi islamique. En d’autres termes, il définit les applications pratiques des valeurs de l’islam. C’est en quelque sorte la jurisprudence par rapport à la Loi. Ses sources sont au nombre de quatre : le Coran, la Sunna, le Consensus ( l’ijma ) ou accord unanime des docteurs de la Loi, et le raisonnement par analogie ( qiyas ). Le coran est une révélation, car Mohammad apprenait de la bouche de l’ange Gabriel les versets coraniques et il les récitait ensuite sans y apporter le moindre changement. Le Coran a donc une origine divine d’où l’impossibilité de l’imiter. On peut citer à juste titre une sourate explicite à ce sujet : « Dis : si les hommes et les djinns s’unissaient pour produire quelque chose de semblable au Coran, ils ne sauraient produire rien de semblable à ce Coran, même s’il se soutenaient les uns les autres. » Mais sous la forme que nous le connaissons, le Coran est un livre, c’est donc la parole de Dieu devenue livre. Le Coran est composé de cent quatorze sourates, divisées en versets. L’ordre du livre est fondé sur la longueur des sourates, les plus longues étant au début et les plus courtes, à la fin. Ce pendant, il y a une exception concernant la première sourate Fatiha, qui ne compte que sept versets. Il semble que les sourates les plus longues sont celles révélées lorsque le Prophète était à Médine, entre 622 et 632, d’où leur nom de sourates médinoises. Et les sourates les plus courtes sont celles révélées à la Mecque, entre 612 et 622. On les qualifie de sourates mecquoises. Le Coran est ainsi la source suprême de la religion musulmane. La Sunna est un simple récit de la vie du prophète au quotidien, c’est-à-dire, ses paroles, ses gestes, ses façons de manger et de boire, de se vêtir, d’accomplir les devoirs religieux, de traiter avec autrui. Autrement dit, la Sunna désigne toutes les paroles que Mohammed a dites, tous les actes qu’il a accomplis et tous les dires d’autrui qu’il a acceptés ou approuvés. La Sunna est considérée par les musulmans comme sacrée. Car ils voient dans le comportement du Prophète la manifestation de la volonté divine. Par conséquent, c’est une source infaillible et les musulmans doivent s’y soumettre pour trouver une solution à un événement ou une situation sur laquelle le coran ne s’est pas prononcé. Le consensus, ( Ijma ), c’est l’accord des jurisconsultes musulmans d’une même époque sur un article de droit non traité dans le Coran et les Hadiths. C’est l’une des sources du droit musulman après le Coran et la Sunna. Le consensus peut être explicite ou implicite : il est explicite s’il est du ressort de toutes les personnes compétents en la matière ; implicite si une personne émet une fatwa à propos d’un problème nouveau que ni le Coran, ni les Hadiths ne traitent spécifiquement et que la fatwa ne soit pas contester par les autres personnes compétents en la matière, la fatwa devient l’objet de consensus. Car leur silence est considéré comme une approbation. Ce pendant, le consensus n’est valable que quand il est soutenu par des arguments fondés sur le Coran et la Sunna. En plus, la légitimité du consensus est fondée sur un dit prophétique assurant que les croyants musulmans ne tomberont jamais d’accord sur le faux : « Ma communauté ne s’accorde pas sur le faux ». Quand il n’y a pas de solution concrète à un problème dans les trois premières sources, on fait appel au raisonnement par analogie. Mais qu’est-ce-que le raisonnement par analogie ? Pour répondre à cette question rapportons-nous à Khadim Mbacké qui le définit ainsi : « Le raisonnement par analogie consiste à assimiler une affaire qui n’a pas de statut dans le Coran et la Sunna et le consensus à une autre qui y a un statut précis parce que la cause pour laquelle ce statut est attribué à l’objet de l’assimilation lui est commun avec l’affaire assimilée. » Suite à ces propos, on peut dire que le raisonnement par analogie ( qiyas ) désigne la procédure consistant à juger un cas juridique non mentionné par les Textes ( Coran et Sunna ), et qui ne fait pas l’objet de consensus en le comparant à un autre cas semblable pour lequel une prescription existe dans ces textes. En d’autres termes, en cas de divergence à propos d’une affaire non traitée spécifiquement dans le Coran et la Sunna, de l’assimiler aux cas semblables traités dans ces textes. Par exemple : la consommation de vin est interdite aux musulmans parce qu’elle produit l’ivresse ou l’ébriété. Alors, cette cause permet par analogie de condamner également la consommation de toute boisson fermentée produisant l’ébriété. Donc, la jurisprudence musulmane part des cas concrets prévus dans les textes ( Coran et Sunna ) pour ensuite opérer des généralisations à l’aide d’analogies sur des cas spécifiques. Cette quatrième source du droit est le résultat de la rationalité humaine, car c’est un type de raisonnement utilisé par les juristes musulmans pour déterminer la solution d’un problème de droit non prévu par les textes du Coran et de la Sunna. Ce pendant, l’importance de cette méthode varie selon les écoles de droit musulmans qui sont au nombres de quatre : l’école d’Abou Hanifah, l’école de l’imam Malik, l’école de l’imam Chafii, et l’école de l’imam Ahmad ibn Hanbal. Les hanafites sont ceux qui l’utilisent le plus et les hanbalites sont ceux qui l’utilisent le moins. Toutefois, tirer des lois à partir des deux sources du Droit se fait grâce à un effort de recherche ou de réflexion mené par le juriste. Cet effort se nomme l’Idjtihad. L’Idjtihad, signifie l’effort intellectuel fourni par spécialiste du droit musulman, afin de trouver des solutions juridiques à des problèmes nouveaux. En d’autres termes, c’est un effort de réflexion que les juristes musulmans entreprennent pour interpréter les textes fondateurs de l’islam et en déduire le droit musulman ou pour informer le musulman de la nature d’une action ( licite, illicite, réprouvée ). Selon Mohammed Iqbal, l’Ijtihad signifie : « s’efforcer en vue de formuler un jugement indépendant sur une question légale .» Quant à notre auteur, Ibn Rushd, il considère les termes de religion, de révélation, et de shari’a comme des synonymes. Ainsi, pour lui, la religion est une shari’a, c’est-à-dire une législation, un ensemble de règles, d’obligations morales et pratiques, et d’interdits. Comme le dit Ali Benmakhlouf : « Le mot de « religion » ( Din, Milla ) est rare sous la plume d’Averroès. On trouve plus fréquemment les mots cha’r et de wahyy, respectivement « législation », « révélation ». Ainsi, s’il met en rapport philosophie et religion, c’est seulement pour savoir si la religion l’interdit ou l’autorise. Car l’exercice de la philosophie dans la société islamique a toujours été contesté du fait qu’elle vient d’un monde étranger et païen, et vue comme dangereuse pour la foi. C’est pourquoi, il dit dans l’article 1 du Discours décisif que « le propos de ce discours est de chercher, dans la perspective de l’examen juridique, si l’étude de la philosophie et des sciences de la logiques est permise par la Loi révélée, ou bien condamnée par elle, ou bien encore prescrite, soit en tant que recommandation, soit en tant qu’obligation ». De ce fait, Averroès cherche parmi les cinq « qualification » des actes humains selon le fiqh ou droit musulman où ranger l’activité philosophique. En effet, il y a les actes permis ; les actes prescrits, subdivisés en recommandés et obligatoires ; et les actes condamnés, subdivisés en blâmables et interdits. Pour les actes permis, leur accomplissement n’entraine pas de récompense, et leur non-accomplissement n’entraine non plus de châtiment. Pour les actes recommandés, leur accomplissement entraine récompense , et leur non-accomplissement n’entraine pas de châtiment. Pour les actes obligatoires, leur accomplissement entraine récompense, et leur non- accomplissement entraine châtiment. Pour les actes blâmables, leur accomplissement peut entrainer un châtiment, et leur non-accomplissement n’entraine pas de récompense. Enfin, pour les actes interdits, leur accomplissement entraine nécessairement châtiment, et leur nonaccomplissement n’entraine pas de récompense. En effet, Averroès va chercher à établir dans le Discours décisif le statut légal de la philosophie. Et selon lui la philosophie fait parti des actes obligatoires. Donc, son accomplissement entraine récompense et son non accomplissement entraine châtiment. Toutefois, il précise que l’activité philosophique n’est pas obligatoire pour tout musulman, mais elle l’est seulement pour ceux qui sont aptes à la réflexion rationnelle, c’est-à-dire, les savants ou les sages.
Philosopher: une obligation religieuse
La Loi divine ( charia ) est pour Averroès une loi qui justifie la pratique philosophique et non une loi qui interdit le travail du philosophe. Car, selon lui : « Si l’acte de philosopher ne consiste en rien d’autre que dans l’examen rationnel des étants, et dans le fait de réfléchir sur eux en tant qu’ils constituent la preuve de l’existence de l’Artisan, c’est-à-dire en tant qu’ils sont [ analogues à ] des artefacts – car de fait, c’est dans la seule mesure ou l’on en connait la fabrique que les étants constituent une preuve de l’existence de l’Artisan ; et la connaissance de l’Artisan est d’autant plus parfaite qu’est parfaite la connaissance des étants dans leur fabrique ; et si la Révélation recommande bien aux hommes de réfléchir sur les étants et les y encourage, alors il est évident que l’activité désignée sous ce nom [ de philosophie] est, en vertu de la Loi révélée, soit obligatoire, soit recommandée.» En partant de ces propos, on peut dire que la philosophie est selon Averroès, une réflexion sur la nature de l’univers ou une étude rationnelle des étants du monde qui mène à une connaissance certaine de l’existence de Dieu. Autrement dit, la philosophie, en tant qu’examen ou étude par la raison des étants est recommandée par la Loi divine parce qu’elle permet de connaitre l’Auteur ou l’Artisan de ces étants et de prouver son existence. En effet, l’étude rationnelle des étants nous fait voir que ces derniers ressemblent à des artifices (artefacts ), et du coup on sait alors qu’ils n’ont pas pu exister tout seul, c’est-à-dire qu’ils ont été créés. Ainsi, mieux nous connaissons la substance ou la nature de ces étants par la raison, mieux nous connaissons aussi la nature de leur Auteur. Autrement dit, la connaissance de l’existence de Dieu passe par la connaissance de ses œuvres, c’està-dire, des choses qu’Il a créées et plus la connaissance que nous avons de ces choses est parfaite plus notre connaissance de Dieu devient parfaite. De plus, en procédant à l’examen rationnel des étants, on s’aperçoit combien l’existence de ces étants convienne à celle de l’homme. Par exemple, les animaux, les végétaux, le soleil, la lune, la mer, les fleuves, l’eau, le feu, l’air, le jour, la nuit, les quatre saisons, etc. Toutes ces choses sont utiles et nécessaires à la vie de l’homme. Ainsi, rationnellement, on peut en déduire que cette convenance n’est pas l’œuvre du hasard. Mais, qu’elle est l’œuvre d’un Etre qui a voulu que ça soit ainsi. Donc, cette utilité des étants pour la vie de l’homme ne peut être que l’œuvre de Dieu. De ce fait, les choses de la nature peuvent être considérées comme autant de signes, de témoignages de la Puissance et de la Bonté divine. Car, elles ont été créées par Dieu pour l’homme et mises à son service. Donc, l’homme doit méditer sur la sagesse qui préside à l’agencement de l’univers pour connaitre son Créateur En somme on peut dire que la connaissance de la création conduit à la connaissance de l’Artisan, du Créateur. Et c’est la raison pour laquelle, d’après Averroès, la philosophie est voie royale d’accès à la connaissance de Dieu et le philosophe est celui qui connait vraiment Dieu. Ceci dit, d’après le philosophe Cordouan, ni la voie des mystiques qui excluent la raison, ni celle des théologiens qui font un mauvais usage de la raison ne mènent à la connaissance vraie de Dieu.
La défense de l’utilisation du syllogisme démonstratif contre l’accusation d’innovation blâmable
Le recours au syllogisme rationnel, ou démonstratif comme méthode philosophique pour la connaissance de Dieu et des étants a fait l’objet de controverses dans le monde arabo-musulman. Certains l’on même qualifié d’ « innovation blâmable ». En d’autres termes, l’utilisation de la logique aristotélicienne dans la recherche de la vérité religieuse n’a pas été bien vue par l’orthodoxie musulmane. Mais voyons ce qu’est le syllogisme d’abord. Selon Aristote, le syllogisme désigne « un discours dans lequel, certaines choses étant posées, quelque chose d’autre que ces données en résulte nécessairement par le seul fait de ces données. » En effet, l’étude de la syllogistique remonte à Aristote, il est le fondateur de la logique, c’est-à-dire, la science du discours bien fait. La logique peut être défini comme une discipline qui étudie la forme du raisonnement valide indépendamment de son contenu en mettant en place les normes auxquelles tout discours soucieux de distinguer le vrai et le faux doit se conformer. Autrement dit, elle étudie les règles de toute pensée formellement correcte. C’est l’instrument de la science et de la pensée , l’outil nécessaire à toute recherche scientifique. Selon Aristote, c’est grâce à elle seule que les êtres humains peuvent se prémunir de l’erreur, car cette dernière a pour objet la démonstration. Ainsi, la philosophie utilise la démonstration comme instrument de recherche. En fait, démontrer, c’est montrer la nécessité interne qui gouverne les choses, c’est en même temps établir une vérité par un syllogisme fondé sur des prémisses assurées. Et c’est dans ce sens que vont les propos suivants : « Pour le stagirite une démonstration est « syllogisme » qui part de prémisses vraies et premières ou encore de prémisses telles que la connaissance que nous en n’avons prend elle-même son origine des prémisses premières et vraies. » Ainsi, on peut dire que le syllogisme est un instrument de démonstration qui établit la nécessité d’une conclusion à partir de deux prémisses. Donc , le syllogisme est un raisonnement logique aboutissant à une conclusion qui dérive nécessairement de deux prémisses, une majeure et une mineure. Par exemple :
Tous les hommes sont mortels, ( prémisse majeure ),
Socrate est un homme ( prémisse mineure ),
Donc Socrate est mortel ( conclusion ).
Autrement dit, un syllogisme consiste à démontrer une conclusion à partir des prémisses. Un syllogisme ne se sert alors que de ses deux prémisses pour sa démonstration, la conclusion n’annonce rien de plus qui n’est déjà implicite dans les deux prémisses. Ainsi, un syllogisme comporte un point de départ ( les prémisses ) et une conclusion qui résulte nécessairement des deux prémisses. Ce pendant, il n’y a de démonstration que lorsque le point de départ du raisonnement est vrai. Ainsi, si les prémisses sont vraies alors la conclusion est nécessairement vraie. Les prémisses du syllogisme démonstratif sont nécessaires et vraies et par conséquent elle arrivent à une conclusion nécessaire et vraie.
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Table des matières
Introduction Générale
PREMIERE PARTIE : Philosophie et Religion chez Ibn Rushd
Chapitre I : Approche définitionnelle
1. Définition de la religion
2. Définition de la philosophie
Chapitre II La justification juridique de la pratique philosophique
1. Philosopher: une obligation religieuse
2. La défense de l’utilisation du syllogisme démonstratif contre l’accusation d’innovation blâmable
DEUXIEME PARTIE : L’accord entre la philosophie et la religion
Chapitre I : Concordance entre la vérité rationnelle et la vérité révélée
1. L’interprétation
2. Le consensus
Chapitre II. Le « débat » entre al Ghazali et Averroès
1- les attaques d’Al Ghazali ( 1058 – 1111 ) contre les philosophes péripatéticiens
2 : la défense de l’aristotélisme contre les attaques d’Al Ghazali
Conclusion Générale
BIBLIOGRAPHIE
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